« N’en jetez plus !* »
Nous, quand on ressent de la peine, disait Frédéric Dard (en évoquant les écrivains, les poètes, les artistes en général), on ne peut s’empêcher de lui chercher un titre… Elle revient au triple galop, la gueuse, en ce « pont » de l’Ascension où nous avions l’habitude de retrouver nos amis les plus fidèles (Allain Leprest, Nilda Fernandez, Léo Ferré...) au festival de Montauban, « Alors… Chante ! ».
Jamais en peine, elle, la Camarde ne cesse de nous remettre à notre juste place, celle de « morts en sursis », comme disait Jacques Brel. Heureusement, il y a la mémoire qui chante qui, même lorsqu’elle est triste (un an déjà que le tendre, délicat et tellement talentueux Nilda a discrètement tiré sa révérence...), cherche à nous rappeler le meilleur de nos souvenirs... Lequel, pour moi (et tant d’autres sans doute) tourne souvent autour de San-Antonio... qui connaissait (vraiment) la chanson et adorait les artistes. Et réciproquement !
La preuve avec cette photo du grand comédien (et citoyen solidaire) Michel Piccoli (parti lui aussi dans la plus grande discrétion), se disputant avec Pierre Richard un de ses ouvrages inénarrables de fantaisie débridée comme de lucidité désespérée (en l’occurrence La Vie privée de Walter Klozett, 1975) ; la preuve aussi avec celle, ci-dessus, de Nilda Fernandez, invité en 1991 à Genève, en compagnie de Renaud, par Frédéric Dard qui l’estimait beaucoup et avait été particulièrement ému en découvrant Madrid, Madrid (voir Renifle, c’est de la vraie, paru en 1988, où il le clamait aux quatre vents – un passage dont je parlerai moi-même de l’origine, un jour, ailleurs, puisque je peux dire que « j’y étais », Frédéric m'ayant sollicité en amont à ce sujet, persuadé à juste titre que je devais bien connaître Nilda…).
Si j’avais su que je l’aimais autant, je l’aurais aimé davantage, disait encore Frédéric Dard, toujours lui. « On est aussi con aujourd’hui / Qu’on sera mort dans dix mille ans », assurait pour sa part Leny Escudero qui vouait un culte à San-Antonio (et que nous étions allés saluer une dernière fois, Nilda et moi...). « Il ne faut pas aimer bien ou un peu / et à tout prendre / mieux vaut ne pas aimer du tout / Il faut aimer de tout son cœur / et sans attendre / dire "je t’aime" à ceux qu’on aime / avant qu’ils ne soient loin de nous »... tant que nous sommes, nous-mêmes, « des morts encore vivants » (Brel…). Oh ! que oui, cher Jean-Roger Caussimon... Combien je voudrais pouvoir redire « je t’aime » à Frédéric, à Leny, à Nilda (avec « sa petite frime de fouine triste »,) à Léo, Allain, Claude, « Jo », Guy... et les autres. Des êtres qui sont « d’une autre race et ne le savent pas », chantait Ferré. Ils sont « d’un autre clan et se mêlent à vous, ils nous tendent leurs bras et nous donnent la main »...
Amis, soyez toujours (Vasca) !
*75e San-Antonio, 1971.
**Pour rappel sur (et avec) Nilda, si ça vous chante, sur ma page personnelle d’ « échanson de la chanson » :
• « 37 ans de fraternité » (avec une émission, ensemble, sur France Inter).
• 7 avril 2018, Nilda chantait Garcia Lorca à Paris.
• « Ah ! que ça me fait de la peine… »
• « Nilda, Vasca : “La porte qui bat / Sur quel au-delà”… »
• « L’Ascension de la chanson (Allain, Nilda et les autres) ».
• « Nilda, San-Antonio et le temps qui reste ».