Soif d’idéal…
Il y a tout juste un an, dans un sujet dédié à Claude Nougaro sous le titre Ami chemin, je m’interrogeais sur la pertinence de « tourner la page » de ce blog, après cinquante articles publiés depuis le 18 novembre 2009 : « un tous les cinq jours en moyenne, de façon toute naturelle, sans jouer au mineur stakhanoviste, rien que pour le plaisir du partage de l’Art (mineur ?) de fond qu’est la chanson… » Sans le savoir, nous étions de fait à mi-chemin du trajet parcouru ensemble, puisque six mois plus tard, le 28 mars 2011, le centième « numéro » de Si ça vous chante, en hommage à Léo Ferré, ouvrait une large parenthèse de silence.
Pourtant, le « printemps des poètes » s’annonçait pour nous, qui souhaitions continuer à faire chorus, de la plus prometteuse des façons avec une belle exposition consacrée, justement, à Chorus. Inaugurée à la mi-mars à Clermont-Ferrand (en paroles et en musique avec un duo du cru fort talentueux, Gilles et Sylvie – l’écriture de l’un aussi remarquable que la voix de l’autre), conçue par Claude Mercier, fondateur des Rencontres nationales de la chanson française (qui ont révélé de nombreux talents) et actuel responsable de « Clermont-Carrefour de la chanson », elle a été présentée jusqu’au 17 avril, jour de la dix-neuvième édition de ce concours mettant chaque année dix jeunes artistes et groupes en lice (« Ce qui se fait de mieux, dixit Claude Mercier, dans la création de la chanson d’expression »).
Oui, le printemps s’annonçait sous de joyeux auspices ; et puis, un faisceau d’événements indépendants de notre volonté (comme disaient jadis les speakerines), d’ordre personnel autant que professionnel (j’essaierai de revenir notamment sur le projet de relance des « Cahiers de la chanson »), m’a soudainement contraint à interrompre notre dialogue. Enfin, dialogue, ça n’est pas tout à fait le mot tant j’ai eu l’impression, tout ce temps, de mener surtout un monologue – fût-il bien perçu et même extrêmement attendu et suivi (au point de classer Si ça vous chante dans le « Top des blogs » de l’espace francophone, tous thèmes confondus). Soif d’idéal…
C’est d’abord pour rassurer les uns et remercier les autres, fort nombreux – qui m’avez fait l’amitié de me contacter en direct pour vous inquiéter de mon silence – que je publie aujourd’hui ces lignes. Je suis toujours là, toujours attentif à l’évolution de la chanson ; laquelle a fort à faire, aujourd’hui, pour que ses mots arrivent à refléter ne serait-ce qu’un petit pan des maux qui assaillent ce monde en décomposition, où l’argent s’est définitivement substitué à l’humain, où la recherche du profit a totalement pris le pas sur la quête de l’inaccessible étoile. « Oh ! le mal qu’on peut nous faire… » Toujours là, debout, mais simplement un parmi d’autres, parmi ceux qu’on prend « pour des cons alors qu’on est / Des foules sentimentales / Avec soif d’idéal / Attirées par les étoiles, les voiles », qui fait ce constat, parfaitement résumé par la Chanson d’amour, si lucide, de Jean-Jacques Goldman : « Mais y a toujours un de ces sales matins / Où l'on se dit que l'amour, ça sert à rien ». Alors, oui, « Trève de discours, y a rien d'pire que l'amour… / Sauf de ne pas aimer ! / Autant le faire, c'est clair… / Et puis se taire. »
À suivre…
NB. La version de la Chanson d’amour de Jean-Jacques Goldman, proposée ici en duo avec Édith Lefel (grande chanteuse antillaise décédée à 39 ans le 20/01/2003), est extraite du bel album Marronnage, du groupe Malavoi, paru en 1998 à l’occasion du cent cinquantième anniversaire de l’abolition de l’esclavage.