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  • : SI ÇA VOUS CHANTE (le blog de Fred Hidalgo)
  • : Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…
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  • Fred Hidalgo
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.

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19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 15:13
La fête à la chanchon
     
Le bougre est coutumier du fait. Un coup, il nous propose Garyun CD-livre, un autre c’est un livre-CD. Sa dernière parution, qui date de la fin du premier semestre 2012, relève plutôt de la seconde catégorie. Si un CD y est discrètement glissé sous le rabat de la quatrième de couverture, c’est bien un livre, en effet, qu’on tient entre ses mains et qu’on a d’autant plus plaisir à feuilleter qu’il faut préalablement en découper les feuilles, à l’ancienne... Le tout, précise son auteur, forme « un genre d’essai, une sorte de petite anthologie sauvage de la chanson ». Dans mon café littéraire, j’appelle aujourd’hui Ponchon et Cie
 
Son premier album, un 33 tours 30 cm autoproduit, remonte à 1983, il y a exactement trente ans ! Ne cherchez pas, il fait désormais partie des Archives introuvables de la chanson française ; d’ailleurs il ne s’agissait pas encore de Rémo Gary, mais de Rémi Garraud, chanteur frais émoulu de la campagne franc-comtoise, tout comme les deux albums suivants, une cassette en 1989 et un premier CD en 1991. Rémo Gary, disciple de Jean Richepin, proche parent spirituel d’un Jacques Bertin ou d’une Michèle Bernard, ami des poètes, naît en 1996. Coïncidence, les fonts baptismaux sont avancés par un journaliste de Chorus, Noël Balen, qui a fondé son propre label de production, Moby Dick. C’est L’Appel du petit large
 
 
Et comme l’intéressé a « de la fuite dans les idées », cet appel se concrétisera par un nouvel album tous les deux ou trois ans, jusqu’à un mémorable livre-disque en 2010, La Lune entre les dents, remarqué ici comme il convenait. Après une jolie « récréation » à l’attention plus spéciale du jeune public, Jeter l’encre (2011), sous forme de CD-livre (épais et intelligent comme un titre de la collection originale « Poésie et Chansons » de chez Seghers), voici donc que notre trentenaire de la chanson nous convie à un festin de mots, en 190 pages, chez Ponchon et Cie. « Voilà que je suis arrivé au bout d’une aventure qui me tenait à cœur, m’écrivait l’intéressé à sa parution. C’est un livre-disque à ouvrir au couteau de cuisine, page après page. J’ai rassemblé des écritures que j’aime et des gens qui m’ont transformé peu à peu en chanteur (il en manque forcément beaucoup). » Des gens trop nombreux pour être tous cités ici… « Avec des textes écrits par des camarades, des amis, des collègues, des voisins, des parents, qui ont planché sur la question suivante : “Est-ce que cet objet artistique nommé chanson peut servir aujourd’hui à un peu d’émancipation ? Et comment ?” »
 
De qui, ces textes sur la chanson aux titres éloquents (« Engagée à perpétuité », « Chassée de la culture », « L’Engagement en chanson », « C’est tout ce que tu sais faire ! », « Quand la voie est dégagée, la chanson peut s’engager »…) ? Pour ne citer que des collègues siens, ils sont l’œuvre de Jacques Bertin, Michel Bühler, Pierre Delorme, Dominique Grange, Nicolas Jules, Hélène Martin, Sarcloret, Francesca Solleville… Et chacun, précise Rémo, « a répondu comme il l’entendait. Tant mieux ! Il ne faut pas trop répondre à ce qu’on nous demande ! » C’est donc aussi « un genre d’essai » sur la chanson, mais sans fil conducteur, comme une balade improvisée sur des sentiers de traverse, où l’on n’est pas à l’abri de coups de pied au cœur…
   
 
En fait, pour qui s’attache au de près au parcours de l’artiste, cet ouvrage était déjà annoncé par La Lune entre les dents, à l’identique présentation (format 200 x 134 mm, papier bouffant, feuilles à découper incluses), dont le dernier texte, signé Rémo Gary (sur lequel Jeanne Garraud allait déposer une musique), s’intitulait tout simplement Chez Ponchon !
 
On choisit pas son camp, moitié Jacques Lapointe
Moitié Boby Lacan. Je y va sur les pointes
Moi à califourchon, chez Ponchon

Pourquoi chercher ailleurs, dans quelle œuvre concave
Aucun autre gouailleur ne se tint mieux en cave
En poussant la chanchon, que Ponchon

Devant vous je prends acte, en levant haut mon verre
Qu’à mon futur compact, qu’à mon prochain bréviaire
Je ferai mon mâchon, de Ponchon…
… Sauf si les p’tits cochons…
 
Rémo Gary – Chez Ponchon
   
Eh bien, non, ceux-ci n’ont pas fait ripaille de notre rimailleur. Et c’est une chance pour nous, car, cochon qui s’en dédie, chez Ponchon, c’est fête à la chanson : aux contributions textuelles des auteurs cités plus haut s’ajoutent en effet dix-neuf chansons reprises et interprétées par Rémo Gary sur le CD joint. « J’ai revêtu l’habit de l’interprète, une fois n’est pas “costume” ! Un peu de tout et pas du tout de rien… Sans chronologie, sans ordre, sans hiérarchie, sans préférences, sans préséance. Comme ça, au plaisir des choses. » De qui ces « choses », paroles et/ou musiques ? De Ponchon, bien sûr… et compagnie ; autrement dit, excusez du peu, de Louis Aragon, Michèle Bernard, Jacques Bertin, Eugène Bizeau, Frédéric Bobin, Gaston Couté, Yvan Dautin, Théodore de Banville, Richard Desjardins, Robert Desnos, Jacques Douai, Jeanne Garraud, Jean Genet, Victor Hugo, Paco Ibañez et Gabriel Celaya (en espagnol dans le texte : La poesia es un arma cargada de futuro…), Jules Jouy, Lino Léonardi, Allain Leprest, Hélène Martin, Paul Meslet, Gérard Pierron, Francis Poulenc, Jean Richepin…        
      scene.jpg
Pourquoi Ponchon et Cie, au fait ? « Pour célébrer la poésie. Grâce à Raoul Ponchon. C’est le plus beau prétexte, explique notre homme, que j’ai trouvé pour me lancer dans cette affaire. Magnifique poète, grand copain de mon “arrière-grand-père de chevet”, Jean Richepin qui disait : “Nous sommes copains comme Ponchon.” Il fut un grand chansonnier et ne voulut pas être publié de son vivant. Il y a donc aussi un peu de Ponchon dans ce livre-disque. » De la musique (poétique) avant toute chose, avec de l’humour, de la tendresse… et puis de la révolte, comme ici avec Aragon et Léonardi.
 
Rémo Gary – Je proteste
 
Avec un peu de Leprest aussi, via le titre placé à la coda du CD (enregistré, composé et arrangé par Clélia Bressat-Blum, Joël Clément, Nathalie Fortin, Jeanne Garraud, Frédéric Bobin, Jean-François Bidet, Alain Pilon et Mikael Cointepas) : Le Sculpteur et le Cerisier, sur une musique de Gérard Pierron. Allain Leprest, l’Albatros aux deux ailes, qui sera de nouveau à l’affiche de son prochain album (l’enregistrement doit avoir lieu en avril), mais cette fois sous forme d’hommage. Une exception chez Rémo Gary qui  m’avoue : « Je me méfie des hommages… Mais j’ai tenu à faire celui-là, à ma façon », et qui en offre aujourd’hui la primeur du texte (la musique sera de Clélia Bressat-Blum) aux lecteurs et lectrices de Si ça vous chante – merci Rémo !
     
COMME UN LUNDI
Ça s’est passé un dimanche
Il pleut, il pleut sur ma manche
Je suis plus vieux d’un copain
Qu’avait plus le goût du pain
Plus de goût pour le malheur
Plus beaucoup de ventre au cœur
Qu’avait plus de corps, ou presque
Je fais du Allain Lepresque

Quelque part après minuit
Il a bien plu sur mes nuits
Je l’ai appris au matin
Il avait bu son bulletin
De naissance, comme on dit
J’ai pissé tout mon lundi
Du chagrin crocodilesque
Je fais du Allain Lepresque

Écoutez frères humains
La pluie me tombe des mains
Je suis plus vieux d’un Villon
Qui abreuvait mon sillon
Et ses chansons à la mer
Sont belles, comme Outremer
Sont les révoltes arabesques
Je fais du Allain Lepresque

Dis-le pas, c’est défendu
Je suis plus vieux d’un pendu
La pluie quand ça pleut beaucoup
Ça vous rentre dans le cou
Arthur aurait pu le dire
Le temps, pour les dépendire
Est abracadabrantesque
Je fais du Allain Lepresque

Ça s’est passé un dimanche
Il m’a tant plu sur la manche
D’un chanteur je suis plus vieux
Ça m’occupe encore les yeux
Ça sert à rien mais depuis
Je chante comme un lundi
Et je me demande est-ce que
Je fais du Allain Lepresque

On n’a pas le choix des larmes
Changeons le chagrin en armes
Chantons, va ça séchera
Mouchons-nous dans des grands draps
Nous qu’on n’est pas déjà mort
Pour nos amours, nos amor
J’inverse, c’est pas malin
Faisons du Lepresque Allain

(Rémo Gary, 2013)
 
Pour mémoire, voici ce que j’écrivais sur Rémo Gary dans mon compte rendu du festival de Tadoussac en juin 2009. Je me permets de m’autociter pour de bonnes raisons : d’abord parce que c’était la première apparition du chanteur au Québec ; ensuite parce que cet article aurait dû paraître dans le n° 69 (automne 2009), à jamais mort-né, de Chorus ; enfin parce que son tour de chant, donné devant des spectateurs qui, ce jour-là, le découvraient pour la plupart, s’acheva par une standing ovation, comme on dit en français de France…
 

« … Rémo Gary dont c’était la première venue au Québec. Accompagnée de sa pianiste Clélia Bressat-Blum, sans autre artifice de scène qu’un répertoire exceptionnel qu’il investit et incarne intensément, il a charrié un torrent de haute poésie qui, après un moment de surprise et d’adaptation nécessaire, a déchaîné l’enthousiasme du public. Ovation debout saluant la performance de l’interprète de chansons au long cours (notamment la version intégrale des Oiseaux de passage de Richepin, sur la musique de Brassens), l’inspiration de l’auteur (Les Pieds de singe, extraordinaire inventaire de plus de dix minutes du rôle des doigts et des mains !) autant que la richesse globale du répertoire, d’émotion, d’érotisme et d’humanité à fleur de peau. Dans l’assistance, un couple d’abonnés de Chorus venus spécialement de Montréal pour assister à cette prestation du Franc-Comtois… Rebelotte le lendemain à 20 heures, puis quelques jours plus tard à Québec grâce à Pierre Jobin et… Aux oiseaux de passage, son réseau d’amoureux de la chanson ; enfin à Montréal où, comme le dit la chanson, Rémo Gary reviendra tôt ou tard armé de sa poésie chargée de futur. »
 
Un futur, notez-le déjà dans vos tablettes (ou mieux, réservez sans tarder), qui passera, c’est sûr, par le Théâtre de Bourg-en-Bresse, dans l’Ain (« le zéro-un ! », me dit Rémo), le dimanche 13 octobre 2013. L’artiste y sera le maître d’œuvre d’une grande fête de la chanson et de la parole. Rien qu’à l’idée, j’en jubile déjà. D’ailleurs, cela s’appellera La Jubilation
__________
• Contacts (livres, disques et spectacles) : Rémo Gary, 278 route de Salles, 01250 Tossiat (site de l’artiste) ; Jean-Pierre Huguet Editeur, Le Pré Battoir, 42220 Saint-Julien-Molin-Molette (site de l’éditeur).
 
 
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commentaires

F
Juste un mot, à l'attention des premiers lecteurs de ce sujet consacré à Rémo Gary : pour de mystérieuses raisons techniques, seule la moitié de sa chanson (inédite) consacrée à Allain Leprest<br /> ("Comme un lundi") était visible à la mise en ligne du sujet. Elle y figure désormais en intégralité, soit six strophes de huit vers chacune.<br /> Merci encore à son auteur pour l'avoir offerte ainsi, spontanément, en primeur, à tous les "abonnés" et "visiteurs" de SI ÇA VOUS CHANTE.
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M
Superbe livre ! L'an dernier à Barjac il me l'avait apporté après une demande par internet. Il y a bien longtemps que je n'avais plus découpé les pages d'un livre ! Et il y a tant de belles choses<br /> justement au fil de ces pages ... on lit, on quitte, on reprend ... et on se régale ; merci à Remo Gary pour ces bons moments. Et merci à vous, Fred, pour en parler ici.
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