Collection d’hiver – 6
Au départ, rappelait Marc Legras dans son Portrait de Chorus (n° 62) « la voix, la présence, le charisme de Fabiola, sa passion de tous les instants, lui valent de passer au Québec comme l’interprète idéale d’Édith Piaf ». C’était dire combien la native de Trois-Rivières est douée : « Un bijou d’artiste » pour Lynda Lemay qui en fera sans hésiter l’héroïne de son opéra-folk Un éternel hiver. Puis Fabiola se lance en solo, avec son propre répertoire de chansons poétiques, et ne cesse dès lors de tourner de part et d’autre de l’Atlantique. Quand l’amour bascule, récemment paru dans la Belle Province, est ce que l’on appelle « l’album de la maturité ».
• QUAND L’AMOUR BASCULE. Le cœur à marée haute – Neige – Plus de haine – Tout ce qu’il fallait – Attends-moi – On s’est pris un appart – Petite braise – Libertia – Parfois – Y a pas d’amour qui m’aime – Mon requiem – Le Vent. (37’35 ; coproduction Fabiola Toupin & À l’infini Communications ; distr. Québec : Sélect, France : seulement à la Librairie du Québec à Paris ; disponible par correspondance via le label ou la page spéciale de l’artiste ; site de la chanteuse ; page spécifique pour l’écoute de l’album.)
Naissance à Trois-Rivières (Québec) en 1975, premier spectacle, Brel valse avec Piaf, à 19 ans ; interprète le rôle de Fantine dans Les Misérables puis le rôle-titre d’Un éternel hiver (2005-2006) de et avec Lynda Lemay ; premier album en 2007, Je reviens d’ici, dont Manu Trudel, son complice de toujours, compose la musique de la plupart des chansons. Aujourd’hui, Quand l’amour bascule, tout en se voulant une sorte d’ouvrage thématique, élargit son inspiration, en même temps que son panel d’auteurs (dont elle-même pour Le Cœur à marée haute et Tout ce qu’il fallait). L’amour dans tous ses états, déclinés par Lili Cros (Neige), Catherine et Claude Lemesle (Plus de haine), Lynda Lemay (Parfois)… et le groupe Blou (superbe Mon requiem, en écoute ici) qui signe la réalisation du disque avec Réjean Bouchard.
Fabiola Toupin – Mon requiem
Mais c’est surtout dans l’interprétation que Fabiola atteint des sommets. Dotée d’une voix qui semble capable de tout, elle échappe aux canons habituels de « la gueularde québécoise », comme dirait William Sheller pour qualifier des performances sans âme, apportant à ses chansons des nuances que seule permet une sensibilité hors pair. Bref, un disque idéal pour la semaine de la Saint-Valentin, pour les amoureux de la « bonne chanson » (notion chère à la Belle Province d’antan) et plus généralement pour qui espère qu’un jour les soldats seront troubadours…
Pour le plaisir, je vous propose notamment une vidéo de Fabiola (interprétant Brel) dans une émission de Bernard Pivot qui célébrait en public, en 2004, les « Trophées de la langue française » : un concours de haut vol, à l’échelle francophone, qui a duré plusieurs années (et dont le final était retransmis sur France 3 et TV5 Monde). Pour la catégorie « Chanson-poésie », le jury, assez restreint, était notamment composé de Jean-Michel Boris (L’Olympia), Françoise Dost (Radios Francophones Publiques), Claude Lemesle (auteur)… et votre serviteur au titre d’une certaine « revue de référence de la chanson francophone ». Parmi les lauréats et révélations de ce Trophée : Lynda Lemay, Thomas Fersen, JP Nataf, Jeanne Cherhal, Alexis HK, Aldebert, Loïc Lantoine, Amadou et Mariam, Ridan… et Fabiola Toupin.
Écoutez-la, Fabiola : elle tire de son chant des sentiments aussi divers qu’inattendus, ce qui n’est ni courant ni aisé quand on chante essentiellement l’amour. Musicalement, batterie et percus, piano et accordéon, guitares et basse sonnent comme un orchestre symphonique. Comme celui de Trois-Rivières, comme l’Orchestre national des Pays de la Loire qui ont déjà eu le bonheur de poser leurs notes sur sa voix. En attendant de la retrouver ici ou là en pareille compagnie, contentez-vous de poser son disque sur votre platine. Vous verrez : c’est un diamant à l’état brut.