Si tu me payes un verre…
« C’est une chanson qui nous ressemble »… et nous rassemble : les obsèques de Jean-Louis Foulquier l’ont montré une nouvelle fois. Nous étions plusieurs centaines, mille peut-être, à l’accompagner ce samedi 14 décembre en fin de matinée au cimetière de Montmartre, où dans les années 60 il avait écumé les cabarets et les bars aux côtés des Caussimon, Mouloudji ou Bernard Dimey… Selon ses dernières volontés et celles de la famille, ni fleurs ni couronnes, mais vin… à volonté ! « Si tu me payes un verre, que j’ai très soif ou pas / Je te regarderai comme on regarde un frère… » Tous et toutes avons donc levé en son hommage le verre de l’amitié… et de la fraternité.
Avec ceux qui n’avaient pu venir, « Nous étions vingt et cent, nous étions des milliers » à trinquer à sa « santé »… Poignant. Puis, avant de le quitter définitivement et de se disperser chacun et chacune de son côté, à lui adresser une salve spontanée d’applaudissements. Je le notais à la fin de mon sujet précédent, et c’est sûr : il y a définitivement des maillons plus brillants et/ou indispensables que d’autres dans la grande chaîne de la chanson, qu’on soit dans l’ombre ou en pleine lumière… et Jean-Louis Foulquier avait cette singularité de se situer et d’être à l’aise des deux côtés à la fois.
Artistes, professionnels et anonymes, anciens auditeurs de ses émissions de 1974 à 2008, sans parler bien sûr de la plupart de ses collaborateurs de France Inter au long du temps (ou anciens collègues comme Gérard Klein qui avait débuté, avec Jean-Louis, par le standard de la radio) et des Francofolies. Entre autres artistes (et pardon pour ceux que j’oublie ou n’ai pas aperçus) : Aram, Arthur H, Jean-Louis Aubert, Lucid Beausonge, Stomy Bugsy, Calogero, Louis Chedid, Yvan Dautin, Romain Didier, Dominique Dimey, Alice Dona, Nilda Fernandez, Thomas Fersen, Gilbert Laffaille, Francis Lalanne, Catherine Lara, La Rue Kétanou, Bernard Lavilliers, Abd al Malik, Maurane, Vanina Michel, Nathalie Miravette, Sanseverino, Sapho, Bruno Solo, Alain Souchon et ses fils Pierre et Charles, Hubert-Félix Thiéfaine, Tryo, Eric Vincent, Laurent Voulzy, Jacques Yvart…
À un moment, soit dit en passant, nous retrouvant côte à côte parmi la foule, Alain Souchon, Gilbert Laffaille, Mauricette et moi avons évoqué l’excellent souvenir de notre dernière rencontre commune… en compagnie, justement, de Jean-Louis ! Et puis, et en vrac : Yamina Benguigui, ministre déléguée à la Francophonie, Jacques Toubon, ancien ministre de la Culture (du temps où Foulquier avait lancé les Semaines de la chanson française), Jean-Michel Boris, ancien directeur de l’Olympia, Françoise Dost, secrétaire générale des Radios Publiques Francophones, Serge Hureau, directeur du Hall de la Chanson, Claude Lemesle, auteur et ancien président de la Sacem, François Chesnais, directeur du FCM, Philippe Albaret, directeur du Studio des Variétés, etc. ; des acteurs de terrain moins connus mais non moins reconnaissants comme l’éditeur Didier Pascalis (qui nous offrira bientôt un petit bonheur posthume : un entretien filmé d’Allain Leprest par Jean-Louis Foulquier…), ou Frédérique Gagnol et Marc David (À Tout Bout d’Chant) qui arrivaient directement de Lyon. Des anciens aussi de Paroles et Musique et Chorus comme Marc Legras et Francis Vernhet. Discrets mais émus à l’instar de tous ces « anonymes » dont certains, se présentant spontanément à nous comme d’anciens lecteurs, sont venus nous confier combien Jean-Louis avait compté pour eux, dans leur découverte de la chanson vivante.
Que dire d’autre, qui ne soit pas indiscret ? Que la famille de Jean-Louis était enveloppée de tendresse par les artistes, qu’il faisait beau ce samedi... Citer enfin un moment particulièrement émouvant quand la voix nue et superbe de Patrizia Poli, interprétant un chant corse, s’est élancée vers les cieux, alors que le cercueil était déposé dans sa sépulture. Une cérémonie empreinte de respect et de dignité, de l’accueil à l’entrée du cimetière jusqu’à la salve d’applaudissements finale. Standing ovation pour l’homme de la chanson francophone… Adieu l’artiste, nous mesurons bien la chance que nous avons eue de te connaître et de te côtoyer, toujours aussi fidèle, aussi longtemps, dans les moments de joie… ou de moins bien.
Allez, à la prochaine, Captain. En attendant, on videra encore quelques verres avec les copains en pensant à toi, là-haut, avec Léo et les autres. « On ira jusqu’au bout / Nous referons le monde, oscillants mais debout » et puis « Nous viderons nos verres et je repartirai / Avec un peu de toi pour meubler mon silence. » Tu vois, Jean-Louis, « je n'ai pas oublié / La chanson que tu me chantais… »