Le festin voyageur (coll. d’hiver n° 9)
Après un an et demi d’existence de Si ça vous chante, on commence à retrouver des artistes dont on a déjà parlé ici. C’est le cas aujourd’hui des Ogres de Barback : sans doute, mine de rien, le groupe français entre tous qui, dans la plus totale indépendance, a fait preuve ces quinze dernières années « d’autant d’inventivité, d’audace, de constance dans la qualité, de détermination, de sens du partage, d’absence de compromis et d’un ancrage viscéral à l’idée même de liberté ». Ils viennent de sortir leur septième album studio, Comment je suis devenu voyageur…
« On connaît Les Ogres de Barback, écrivais-je ici le 10 décembre 2009 (voir Chanson d’automne où l’on trouvait aussi Éric Frasiak, Guilam, Allain Leprest, Sanseverino et autre Ziskakan…), cette famille chantante (Alice, Fred, Mathilde et Sam Burguière) qui s’est prise entièrement en mains et assume tout avec succès : création, production, distribution, paroles, musiques et images. Dans leur parcours atypique (onze albums depuis 1997), qui passe aussi bien par l’Olympia et le Zénith que par le chapiteau ambulant qui leur permet d’aller au-devant des gens là où personne d’autre ne va, il y eut en 2003 un premier album “jeune public” racontant l’histoire de Pitt Ocha, “ce petit garçon qui sait faire des choses incroyables avec ses mains et ses oreilles, qui jongle avec les bruits et fait sonner tout ce qu’il touche”… » Le second volet des aventures de Pitt Ocha, Au Pays des Mille Collines, faisait l’objet de cet article et valait aux Ogres un « Don Quichotte » de Si ça vous chante.
• COMMENT JE SUIS DEVENU VOYAGEUR. Comment je suis devenu voyageur – Nos vies en couleurs – Entre tes saints – Marcelle de Sarcelles – Graine de brigand – Je n’suis pas courageux – Elle fait du zèle (pauvre France) – Ma tête en mendiant – Petite fleur – J’m’élance – Donc je fuis – Cœur arrangé – Palestine confession – Le Daron – L’Ennui et le Jour – Non remontant. (57’15 ; production et distribution : Irfan [le label] ; site du groupe ; site du label ; écoute partielle des chansons de l’album)
Cette fois, c’est un album « tous publics » qu’ils proposent, le septième depuis Rue du temps paru en 1997 (ont suivi Irfan [le héros] en 99, Fausses notes – Repris de justesse en 2000, Croc’ Noces en 2001, Terrain vague en 2004 et Du simple au néant en 2007), mais le douzième opus au total avec les deux albums jeune public, deux live (Concert en 2005 et Avril et vous en 2006) outre un disque collectif avec Les Hurlements d’Léo (Un air, deux familles en 2002). Une discographie aussi pléthorique que diversifiée dans l’expression, sans redondance, à laquelle il faut ajouter trois DVD : Un air, deux familles en 2003 et surtout 10 ans d’Ogres et de Barback en 2005 et Fin de chantier… à l’Olympia en 2009.
Ces précisions simplement pour signifier que si vous n’avez encore jamais entendu Les Ogres de Barback, il est temps de combler cette lacune, car je ne vois pas quel autre groupe – avec les Têtes Raides, bien sûr – est aujourd’hui aussi intéressant, captivant, jouissif et intelligent aux plans des textes et des musiques, que solidairement engagé au plan citoyen. « Uniques dans le paysage de la chanson en France, notait Daniel Pantchenko en chapeau de leur Rencontre de Chorus n° 67, non seulement parce qu’ils sont frères et sœurs et celles-ci jumelles, mais surtout parce qu’ils ont d’emblée appliqué une stratégie économique leur procurant une autonomie professionnelle et une liberté créatrice totales ». Dix-sept ans d’existence, un label indépendant, Irfan (le label) : 550 000 albums et DVD vendus, une structure de tournée indépendante, l’Association Les Ogres : plus de 1500 concerts dont plusieurs Zénith à Paris et en province, cinq passages à l’Olympia… et deux autres à venir en fin d’année (les 5 et 6 décembre).
Dernière chose (car les trois vidéos proposées ici sont suffisamment éloquentes sur le contenu et la réalisation de leur nouvel album, doublé d’un nouveau spectacle créé le 12 mars dernier), mais non la moindre : chacune de leur création est une réussite magnifique dans la forme : toujours de superbes illustrations dans le livret des textes autant que sur l’emballage lui-même (en l’occurrence un digipack trois volets). Bref, Les Ogres sont affamés de qualité dans le fond comme dans la forme, et ça « paye » : le respect absolu qu’ils montrent envers leur public est totalement réciproque, chacun de leurs concerts (affichant souvent complet) étant un moment de bonheur partagé. Ne les manquez pas si vous ne les avez jamais vus (et sinon, retournez-y : quelque 75 dates sont déjà arrêtées jusqu’à l’automne !) : le banquet auquel nous convient Les Ogres, le festin des Ogres, est toujours un régal.