Si t’as été à Tahiti…
De retour de Paris (et de Bruxelles où il s’est rendu pour un rapide contrôle médical), c’est en juin 1976 à Tahiti, sur le tarmac de l’aéroport international de Faaa, que Jacques Brel fait la connaissance de Michel Gauthier, le pilote du vol d’Air Polynésie en partance pour les Marquises. L’appareil est un Twin Otter de dix-huit places – le même qui est utilisé aujourd’hui par Air Tahiti pour aller de Nuku Hiva à Hiva Oa ou dans les autres îles de l’archipel. Le Grand Jacques et sa compagne ont hâte de rejoindre Atuona où ils se sont installés depuis quelques mois (sans doute en février selon nos sources locales, et non au printemps comme on le croit généralement). Une rencontre et un vol déterminants puisque c’est au cours de celui-ci que Brel (à qui le copilote cédera momentanément la place) se décide à revalider sa licence et que Gauthier lui propose d’être son moniteur (en alternance, on l’a dit, pour des raisons de disponibilité, avec Jean-François Lejeune) : il deviendra dès lors l’un des membres du cercle intime de l’artiste, invité à dîner et à refaire le monde chez lui à chaque rotation hebdomadaire sur Hiva Oa (lieu d’escale nocturne des vols sur les Marquises).
À Tahiti, Brel fera une autre rencontre d’importance, celle du médecin Paul-Robert Thomas qui vit et travaille depuis 1976 dans la commune de Punaauia, à une quinzaine de kilomètres au sud de Papeete, dans un faré – en l’occurrence une villa en bois recouverte de feuilles de pandanus – situé au bord du lagon face à Mooréa. Situation sublime, surtout au coucher du soleil… Des retrouvailles, en réalité, puisque les deux hommes, par un curieux hasard, se sont croisés à Paris douze ans auparavant, en novembre 1964, lors d’une émission télévisée de Guy Lux, Le Jeu de la chance, auquel participaient Thomas, en tant qu’aspirant chanteur, et Brel en vedette… Sélectionné pour l’émission parmi deux cents candidats, Paul-Robert, qui écrivait des chansons tout en suivant ses études de médecine, a choisi justement d’interpréter une création de Brel.
Pendant les répétitions, en l’absence de ce dernier, Gérard Jouannest prévient qu’il faut vérifier le micro du chanteur. « Je peux essayer ? », demande Thomas. Le musicien acquiesce et voilà notre homme chantant Les Bonbons accompagné par les propres musiciens du Grand Jacques ! « Probablement très maladroit, écrira-t-il plus tard dans un livre de souvenirs (cf. Jacques Brel, j'attends la nuit, 2001, Le Cherche Midi éditeurl), j’ai vécu cependant un instant magnifique… J’étais sur un nuage. Qui donc a jamais chanté du Brel avec son orchestre ? » Surtout du vivant de l’artiste !
Après l’émission, Paul-Robert Thomas ose remettre ses textes de chansons à Jacques au moment où il s’engouffre dans la DS 19 qu’il utilise en tournée, un certain Jojo au volant… Entre 1976 et 1978, c’est chez lui, à Punaauia, que Jacques et Maddly logeront à chacune de leur venue à Tahiti, une semaine par mois en moyenne pour s’approvisionner en vivres ou autres, ou un mois d’affilée environ, en novembre-décembre 1976, le temps pour Brel de repasser sa qualification de vol. D’abord sur un bimoteur d’Air Polynésie (une filiale d’UTA) avec Michel Gauthier, puis avec un appareil du même type, un Beechcraft 50 Twin Bonanza, qu’il a demandé à Jean-François Lejeune (pilote et fils du fondateur de la toute nouvelle compagnie locale Air Tahiti) de lui trouver. Celui-ci aussi fera partie des intimes d’Atuona où il ne se posera jamais sans apporter des légumes et du vin, qui font grand défaut là-bas.
L’avion est acheté, d’occasion (sa construction à Wichita, au Kansas, date de 1956), le 30 novembre 1976 au nom de Maddly. Conçu pour transporter sept passagers, il possède une autonomie d’un peu plus de cinq heures à une vitesse de croisière de 300 km/heure. Cinq heures, c’est la durée approximative du vol entre Tahiti et Hiva Oa (distantes de quelque 1500 km), que Brel comme les différents pilotes de ligne n’effectueront jamais d’une traite, une escale de ravitaillement ayant lieu dans les Tuamotu, car trop grand est le risque de s’abîmer dans l’océan. Repartis entre-temps à Hiva Oa, Jacques et sa Doudou d’Antillaise reviendront en prendre possession début janvier 77, une fois achevées les améliorations techniques réglementaires indispensables pour voler jusqu’aux Marquises. Blanc, rouge et ocre, immatriculé F-ODBU, le bimoteur sera aussitôt baptisé et signé, de chaque côté du fuselage avant, du nom de Jojo.
Jojo, justement ! Le jour anniversaire de la mort de Georges Pasquier, le premier septembre précédent à Hiva Oa, Jacques s’est remis à l’écriture et, avec sa guitare, à la composition de nouvelles chansons. À commencer par le brouillon d’un hommage attendri à son grand ami : « Six pieds sous terre / Il n’est pas mort / Six pieds sous terre / Il m’aime encore… » Mais j’anticipe, on en reparlera bientôt. Pour l’heure, revenons à Punaauia, chez Paul-Robert Thomas, en 1976 : « Pendant mes séjours à Tahiti, j’aimerais bien vivre chez toi, lui déclare Jacques, à condition que je participe au loyer et à la vie de la maison. » Aussitôt dit, aussitôt fait.
Tahiti ? C’est d’abord un mythe, celui de la « Nouvelle Cythère » découverte le 2 avril 1768 par Bougainville. Le mythe du paradis et des vahinés que ne cesseront de reprendre et d’amplifier par la suite les grands écrivains aventuriers des mers du Sud : Herman Melville, Robert Louis Stevenson, Jack London, etc., qui feront rêver des millions de lecteurs et des dizaines de générations à travers le monde. Jusqu’à Pierre Loti, Victor Ségalen et les Américains James Norman Hall et Charles Nordhoff qui s’installèrent sur place pour écrire l’histoire vraie des mutinés de la Bounty. Une trilogie achevée en 1934. Aujourd’hui, Hall (dont la maison d’Arué, près de Papeete, est devenue un musée) est enterré en face de la baie de Matavai où le navire du capitaine Bligh avait jeté l’ancre ; sur sa tombe est posée une plaque avec ce poème de sa composition, au texte éloquent : « Regarde vers le nord, étranger / Juste au-dessus du flanc de la colline, là / As-tu jamais vu dans tes voyages / Une terre sembler plus belle ? »
Tahiti, ça peut être encore Murnau, le célèbre cinéaste allemand, qui tourna ici en 1931 son dernier chef-d’œuvre, Tabu ; ça peut être aussi Matisse qui, après Gauguin mais de façon plus fugace, vint peindre à Tahiti (voir ci-contre sa « Fenêtre sur Moorea ») et s’immerger à Fakarava, dans les Tuamotu. Et puis, beaucoup plus prosaïquement, dans la mémoire d’un petit garçon amoureux de la chanson, ça peut être une ritournelle à succès des années 50, portée par une chanteuse humoristique nommée Paola. Cette année-là, en 1958, on découvrait Brel, admiratif, avec Quand on n’a que l’amour, et on souriait avec Paola et Si t’as été à Tahiti. Paola qui, avant de nous quitter (en 2010), aura eu le petit bonheur de voir « sa » chanson remise au goût du jour, sans se prendre davantage au sérieux, et devenir un des tubes de l’été 2008, interprétée par Albert de Paname : « Si t’as été à Tahiti / T’as pas pu y aller en cerceau / Si t’as été à Tahiti / T’as pu y aller qu’en bateau / Mais non, pas en bateau / T’as pu y aller qu’en bateau / Mais non, pas en bateau / T’as pu y aller qu’en bateau ! / Mais non voyons / J’ai pris l’avion / Ah bon ! »
Lors de leurs premiers séjours à Tahiti, Jacques Brel et Maddly Bamy vaquent à leurs occupations, partant d’abord à la découverte de la « capitale ». Papeete : une ville portuaire étirée en longueur et adossée à la montagne, avec ses embouteillages, déjà, son commerce naissant de la perle noire, sa vie administrative, ses échoppes en tout genre, ses cinémas, son marché couvert qui abonde en produits alimentaires de toutes sortes – Jacques, comme on le verra, s’est d'ailleurs découvert une nouvelle passion pour la cuisine…
Papeete et ses musiciens et chanteurs de rues, omniprésents, qui s’accompagnent à la guitare locale, la tita, et surtout à l’ukulélé tahitien dont tout le monde semble savoir jouer, dès son plus jeune âge. Curiosité de celui-ci par rapport à son cousin hawaïen, il possède la particularité de présenter de face un manche et un corps pleins, sa bouche s’ouvrant à l’arrière de l’instrument ; ce qui laisse au luthier toute liberté pour le décorer comme il l’entend. Ses cordes, normalement au nombre de quatre, sont souvent doublées voire triplées à l’unisson ou à l’octave.
Partout à Tahiti mais plus généralement en Polynésie, qu’on soit homme ou femme, on chante et on joue (voir nos photos). Des airs légers, des chansons d’amour le plus souvent ou bien des himéné qui sont des chants traditionnels poétiques, mélange polyphonique de folklore polynésien et d’hymnes religieux hérités des premiers missionnaires protestants. Avec des variantes selon les archipels ; surtout aux Marquises, berceau de la culture polynésienne dans son ensemble : des vestiges archéologiques, lieux de culte (appelés pae pae dans ces îles septentrionales et marae ailleurs) où se dressent d’étonnantes sculptures de pierre (les tiki, effigies des anciens dieux du peuple maori), aux chants et danses typiques en passant par l’artisanat et le tatouage. D’où l’importance pour toute cette zone de l’Océanie du Festival des arts des Marquises qui se tient tous les deux ans depuis 1985 dans une île différente de l’archipel et a lieu justement cette année, en ce mois de décembre, à Nuku Hiva.
Aux premiers temps de la valse tahitienne, « Brel et la Doudou » (comme il signera souvent les cartes postales adressées aux amis) se procurent de quoi meubler ou décorer à leur goût la maison d’Atuona. Jacques achète aussi une chaîne hi-fi, un magnétophone à bandes, des disques vinyle qui s’ajouteront aux cassettes emportées sur l’Askoy. De la musique classique pour l’essentiel. Côté chanson, peu de choix, du Trenet, du Brassens bien sûr… et du Nougaro : « le meilleur chanteur de notre génération, assure-t-il à son copain Paul-Robert. Il a le rythme dans le sang, la voix dans le cœur, le texte fidèle et ingénieux, généreux. » Dans la nouvelle génération, en écoutant la radio, il a repéré un jeune du nom d’Alain Souchon… Il passe également commande d’un orgue électronique avec boîte à rythmes que lui livrera la « goélette » qui dessert une fois par mois les Marquises.
Il y aura ainsi la période de l’entraînement quotidien à l’aéroclub de Faaa, dans le second semestre 76, les venues régulières en 77, pour le ravitaillement... et puis un dernier séjour en 78, qui sonne comme un Tango funèbre. « Cette nuit-là, écrit Paul-Robert Thomas, Jacques sait qu’il doit bientôt partir. Pour Paris. […] Nous venons de finir ce qui sera notre dernier repas. Il tousse et manque d’air. Le retour lui fait peur. […] Le lendemain matin, il s’envole pour les Marquises, à bord de son Jojo. » Le compte à rebours a débuté pour le Grand Jacques. « Ce soir-là nous ne parlons pas. Il pense à haute voix. Aucune musique... »
Mais auparavant, à intervalles réguliers durant deux ans et demi, le soir après le dîner, dans le salon du faré où le piano voisine avec la chaîne et « des piles de disques vinyle classés par genre : chanson, jazz, classique », Paul-Robert dialogue avec Brel. Ou plutôt, après que Maddly a rejoint le bungalow attenant réservé au couple, le médecin écoute l’artiste se confier et refaire le monde jusqu’au milieu de la nuit, de la musique en sourdine. De ces conversations passionnantes, dont il prend soin de noter l’essentiel, naîtra un livre-document plein d’enseignements : Jacques Brel, j’attends la nuit (Le Cherche Midi éditeur, 2001).
Tout cela, on l’a dit, se passe non pas à Papeete mais à Punaauia, un site privilégié du lagon de Tahiti offrant une vue incomparable sur Moorea. À Punaauia où déjà, quatre-vingt ans plus tôt (fin 1895), avait vécu un certain Paul Gauguin. Sur la fin de son séjour à Tahiti (où le coquin n’apprécie pas que les vahinés, la musique aussi comme l’indique sa toile « La chanson tahitienne des bergers », ci-dessous), il crée un journal mensuel, Le Sourire, dont le premier numéro paraît le 21 août 1899.
« Seul journal illustré de Tahiti », son fondateur mêlant ses dessins à sa prose entièrement manuscrite et imprimée sur quatre pages, délibérément polémique, Le Sourire tourne surtout en dérision le gouverneur et l’administration locale. Il fait beaucoup parler de lui mais, à l’instar de sa carrière de peintre maudit, Gauguin-patron de presse n’a pas beaucoup d’acheteurs, alors que le besoin de renouer exclusivement avec son art le taraude de plus en plus. Il est temps de penser à filer vers « un pays plus simple avec moins de fonctionnaires ». À son ami Daniel de Monfreid (le père d’Henri, futur auteur des Secrets de la mer Rouge et vrai aventurier), auquel il dédie du reste l'autoportrait ci-contre, il écrit, plein d’illusion : « La Bretagne est devenue de l’eau de rose avec Tahiti. Et Tahiti deviendra de l’eau de rose avec les Marquises… »
Le 27 septembre 1901, Paul Gauguin achète à l’Évêché d’Hiva Oa un terrain pour y construire sa fameuse Maison du jouir… Il y recommence à peindre, multipliant les chefs-d’œuvre, tout en se battant sans relâche pour l’amélioration du sort des indigènes et se heurtant de même à des représentants butés ou sectaires de l’administration et du clergé. C’est là une autre histoire, bien qu’on pourrait recenser d’étonnantes similitudes entre Brel et Gauguin, dans leurs destinées, leur comportement – qui en font des Don Quichotte chacun à sa manière – et leurs caractères respectifs. Depuis Pont-Aven, déjà, Gauguin n’avait-il pas écrit qu’il avait besoin de s’éloigner « du monde civilisé » ? « Je vais aller à Tahiti et j’espère y finir mon existence. J’espère, là-bas, cultiver mon art pour moi-même à l’état primitif et sauvage. Il me faut pour cela le calme ; qu’importe la gloire… » La gloire que fuyait Brel, le calme auquel il aspirait… Sait-on, aussi, que le peintre aimait chanter en s’accompagnant à la guitare ou à la mandoline ? Des instruments qu’il ne manqua pas d’emporter dans ses bagages jusqu’aux Marquises...
C’est à Punaauia encore, en 1946, qu’un jeune photographe correspondant de guerre, séduit par son escale à Tahiti, alors qu’il regagne la France en provenance d’Indochine, choisit de se fixer. Son nom ? Adolphe Sylvain. Son histoire ? Un roman qui mériterait d’être écrit toutes affaires cessantes s’il n’existait déjà un beau livre de ses photos préfacé par son ami Jean Lacouture. Qu’on en juge par ces simples repères : ingénieur des travaux publics à l’origine, il participe comme conducteur de char, son Rolleiflex en bandoulière, à la Libération de Paris dans la deuxième DB du général Leclerc. Arrivé à Tahiti, il épouse une superbe vahiné, prénommée Jeanine Tehani, et devient correspondant des plus grands magazines internationaux tout en assurant la couverture des actualités polynésiennes pour Pathé-Journal. Il filme et photographie ainsi l’arrivée du fameux Kon-Tiki du Norvégien Thor Heyerdahl ou le retour des cendres d’Alain Gerbault à Bora-Bora.
En 1948, Sylvain s’installe un temps à Huahiné, dans l’archipel de la Société (où Gauguin s’est également rendu) pour y lancer un cinéma en plein air – comme Brel le fera à Hiva Oa. En 1949 il crée la première maison de disques polynésienne, Maréva, étant lui-même auteur-compositeur (et interprète, pour le plaisir). La même année, à la demande du gouverneur, il jette les bases de Radio Tahiti avec Emmanuel d’Astier de la Vigerie, l’ancêtre de l’actuelle RFO. Entre 1952 et 1968 il réalise de nombreux films documentaires dont Atoll à l’heure H, sur les expérimentations nucléaires françaises en Polynésie. De 1968 à 1970, il écrit, produit et réalise pour la seconde chaîne de TV un feuilleton de treize épisodes, Teva dans l’Opération Gauguin, que l’ORTF choisira pour promouvoir la diffusion de la télévision en couleur.
Après bien d’autres expériences (Sylvain est également écrivain, poète et inventeur) mais toujours et avant tout photographe – LE photographe de Polynésie (tant et si bien que ses photos serviront de modèles à l’émission de nombreux timbres et même de billets de banque locaux) –, il devient ami de Marlon Brando rencontré sur le tournage des Révoltés du Bounty (toutes les photos du film sont de lui). De passage à Tahiti, il n’est pas de star du show-business qui ne demande à faire sa connaissance. C’est ainsi que sa maison de Punaauia verra défiler le must des acteurs et chanteurs américains et français. En 1956, sachant que le général de Gaulle, annoncé à Tahiti, a prévenu qu’il refuserait qu’on lui passe autour du cou, en guise de bienvenue, le collier traditionnel de fleurs de tiaré, c’est à son épouse qu’il demande de l’accueillir : de Gaulle s’incline… et la photo fait le tour du monde !
En 1977, enfin, il commet la bévue professionnelle de sa vie : Jacques Brel le sollicite pour une séance de photos ! Un rendez-vous est arrêté… que Sylvain, parti faire du bateau en famille, oublie carrément ! Qui sait si le Grand Jacques ne comptait pas précisément sur ces photos-là pour illustrer son dernier album ? On ne le saura jamais comme jamais on ne saura à quelles photos, forcément de qualité, on a échappé… Mais sa femme Jeanine, qui lui a consacré un petit musée privé et dont la fille Maïma tient aujourd’hui à Punaauia une agence immobilière réputée, nous a confirmé que Jacques Brel avait attendu longtemps avant de s’en aller finalement, « l’air aussi dépité que furieux ». On l’imagine sans peine, quand on sait quel privilège c’était, pour un photographe (comme Jean-Pierre Leloir par exemple) d’être adoubé par lui. Ce soir-là, Adophe Sylvain – que tout le monde sur place avait rapidement pris l’habitude d’appeler seulement « Sylvain », comme s’il s’agissait de son prénom – devait être bien triste.
Dernière chose (pour cette fois) : j’ai promis dans le « Prologue » de reparler d’un certain Louis Bresson qui faisait partie de notre équipe à Libreville, le temps de transformer en quotidien national l’hebdomadaire L’Union que nous avions créé en 1974. Eh bien, c’est à Tahiti et plus précisément à Punaauia (décidément !) que nous l’avons retrouvé après nous être perdus de vue en 1980, alors que ma chère et tendre et moi lancions Paroles et Musique et que lui me succédait… à Djibouti (auparavant, à nous trois, nous avions également créé et animé un hebdomadaire local socioculturel du nom de Forum). Nos retrouvailles auront donc tardé plus de trente ans, période durant laquelle cet aventurier de la presse, amoureux de la mer, aura (notamment) assuré la rédaction en chef du principal quotidien de Polynésie française, Les Nouvelles de Tahiti, créé son propre quotidien (Tahiti Matin) et deux hebdos (La Tribune polynésienne et La Semaine de Tahiti), avant de diriger l’agence Tahiti Presse ! Et le voilà qui repart de zéro, plein de nouveaux projets. Beau parcours d’un homme libre qui renvoie à la fois à la définition du talent selon Brel – rien d’autre que l’envie (et le courage) d’entreprendre – et au constat que d’aucuns ne sont pas à vendre, comme tentait de le faire comprendre le chanteur lors de sa tournée d’adieux à la scène…
Mais surtout, surtout, pendant que l’on s’attelait à la préparation de Chorus, de son côté, Louis Bresson de Punaauia rencontrait Maïma, une charmante Tahitienne appelée à devenir « la femme de sa mort » (pour reprendre le joli mot d’amour que Nougaro m’avait confié pour définir son Hélène), fille d’un nommé Sylvain… Et c’est à Punaauia que les circonstances nous ont fait « atterrir » pour entamer ce reportage, dans ce même petit périmètre où se situaient le faré du grand photographe, celui que Gauguin s’était fait construire et celui de Paul-Robert Thomas qu’occupait le Grand Jacques. Qui donc a parlé de hasard ?
(À SUIVRE)