L’aventure continue… en édition de poche
On le sait, ça n’est pas un livre « de plus » sur le chanteur Jacques Brel, c’est le récit d’une aventure et le portrait d’un homme hors du commun, d’un « libertaire pacifiste » et altruiste qui a donné le meilleur de lui-même à l’écart des médias et des feux de la rampe. Ce qu’on ignore peut-être, c’est qu’il ne s’agit pas non plus d’un livre entre deux, d’une enquête comme une autre, mais le fruit d’une quête personnelle : commencée à l’aurore d’une vie essentiellement vouée à la défense et à l’illustration de la chanson, elle se poursuit aujourd’hui avec la sortie d’une édition en format poche, revue et complétée pour l’occasion. Explications de l’auteur, mots de lecteurs… et brouillon du chanteur – enregistré par lui-même à Atuona ! – d’une chanson majeure : attention, document exceptionnel d’un chef-d’œuvre en devenir !
« Merci pour votre ouvrage sur Jacques Brel aux Marquises. C’est intéressant, émouvant, passionnant, bouleversant. Nous avons beaucoup appris, ma fille et moi (c’est elle qui me l’a prêté) et nous en parlons avec émotion. Après sa lecture, que j’ai conseillée aux autres membres de ma famille, nous avons ressorti les disques et nous comprenons mieux le sens des paroles. Votre ouvrage est très bien écrit et se lit aisément. Quant à Atuona, on a l’impression d’y être… »
Depuis la parution de ce livre sur le voyage au bout de la vie de Jacques Brel, en septembre 2013, résultante d’un reportage en Polynésie effectué deux ans plus tôt, j’ai eu la chance d’obtenir nombre d’informations et documents complémentaires inédits. Au bonheur d’offrir pour la première fois cette histoire-là en partage, puis à celui de constater que ce qui nous a touchés si fort « là-bas », où sa voix « chante encore » (cf. la Lettre à Jacques Brel de Barbara), touche et continue de toucher pareillement les lecteurs (cf. le récent courriel ci-dessus signé Hélène T.), s’est ajoutée en effet la joie de poursuivre désormais le chemin avec les anciens amis du Grand Jacques ; ceux qui l’ont fréquenté durant ses trois dernières années, à Tahiti comme aux Marquises, à Hiva Oa, où la réalité a rejoint la chanson.
Après coup, cet ouvrage a permis que les proches de Brel aux antipodes et moi-même devenions également très proches. Nous n’arrêtons plus de converser, d’échanger des idées et des souvenirs, de vérifier des informations, de les recouper et même d’échafauder des hypothèses sur ce qui aurait pu être le quotidien de « Jacbrel » (sobriquet phonétique sous lequel le connaissaient les Marquisiens, comme si c’était un patronyme en soi), une fois installé dans sa propre maison sur les hauteurs d’Atuona. Pourquoi ? Parce que chacun d’entre eux s’est déclaré heureux, ému même de retrouver, à sa lecture, l’homme extraordinaire qu’ils ont connu, qu’ils ont été très peu à connaître d’aussi près, dans la vérité des choses et non dans l’artifice du spectacle (bien qu’une même sincérité, dans son cas, l’ait toujours accompagné à la ville comme à la scène).
Tout au long de ce périple sur les traces du Grand Jacques, pendant que je le vivais ou le retranscrivais, je me suis senti interpellé par de curieuses coïncidences : retrouvailles inattendues, passerelles improbables… Cerise sur le gâteau, voilà que l’un des principaux personnages de la saga brélienne aux Marquises se révèle être, par ricochets normands, un membre de ma famille d’alliance ! Il a fallu que notre séjour accouche d’un livre imprévu, non planifié – même pas envisagé – puis que celui-ci fasse naître un dialogue nourri, malgré douze heures de décalage horaire, pour que ce lointain cousinage nous saute aux yeux ! « Ce que nous appelons le hasard, disait Voltaire, n’est et ne peut être que la cause ignorée d’un effet connu… »
C’est une chance insigne d’avoir intégré ainsi le cercle restreint des amis du poète disparu ; voire d’être considéré comme un confident privilégié, s’agissant de Jacky le Polynésien : sur son (modeste) train de vie, ses paris (fous) d’aviateur, ses projets (altruistes) pour les Marquises… Alors, aujourd’hui, sans aller jusqu’à l’édition augmentée à laquelle j’aspire (qui devra attendre quelques années pour voir, peut-être, le jour), la version en format poche de L’aventure commence à l’aurore qui vient de sortir en librairie constitue déjà une édition revue et (légèrement) complétée. J’ai saisi cette opportunité offerte par mon éditeur pour, d’une part, corriger des imprécisions et confirmer grâce à de nouvelles sources ce qui semblait encore incertain, et d’autre part ajouter des infos, disséminées dans le corps du récit : des anecdotes éloquentes, des extraits de correspondances inédites et quelques faits nouveaux.
« Jacques serait fier de te lire », m’a écrit un grand chanteur français que j’estime beaucoup, lui aussi très discret et avare de sa présence dans les médias. Peut-être. On n’en sait rien. Ce que je sais, en revanche, et en toute certitude, c’est que rien ne sera jamais aussi fort pour moi que d’avoir pu marcher sur ses pas – ceux d’un « voyageur lointain » (Barbara) redevenu anonyme après avoir été « l’être le plus important qui soit dans la chanson » (Brassens), un homme révolté, indigné, provocateur à ses heures, débordant d’empathie, toujours positif et néanmoins désespéré (mais avec élégance) –, là où lui-même avait marché sur les pas de Gauguin…
De « Six pieds sous terre »
à « Jojo »
Dans le chapitre 16 de L’aventure commence à l’aurore, intitulé « Avec l’ami Jojo » (pp. 225-238 de l’édition originale et 259-274 de la version poche), je souligne l’importance de la « transpiration » chez Jacques Brel dans son processus d’écriture, une fois survenue l’« inspiration ». Pour ce faire, je me fonde sur la découverte, durant mon séjour en Polynésie, de brouillons inconnus de deux chansons du futur album. La ville s’endormait et Jojo. Mais attention, pas de simples manuscrits, des brouillons chantés et enregistrés sur un magnétophone à cassettes par Brel lui-même dans sa petite case d’Atuona, s’accompagnant à l’orgue…
Des moutures de chansons à naître, terriblement émouvantes, qui nous permettent de vérifier qu’il y a souvent loin de la coupe aux lèvres. On savait bien que tel était le cas avec Jacques Brel. Lui-même n’a jamais cherché à nier, au contraire, le rôle et l’importance du travail dans le développement d’une œuvre. On était pourtant à cent lieues de se douter à quel point. Il aura fallu partir sur ses traces au bout du monde pour s’en rendre compte. Pour comprendre combien il avait besoin de remettre son ouvrage sur le métier. Des moutures mais surtout d’incroyables documents, pour ne pas dire davantage, enregistrés probablement dans les premières semaines de l’année 1977 (le disque serait mis en boîte à Paris en septembre-octobre suivants).
C’est le besoin de rendre hommage à son ami Georges Pasquier, alias Jojo, disparu le 1er septembre 1974, qui, deux ans plus tard, allait être le déclencheur de l’album. Mais aussi un frein, des mois durant, car Jacques tient absolument à terminer cette chanson avant de s’attaquer réellement à la suite. Entre septembre 76 et début 77, il va peiner, galérer, souffrir, sans parvenir à trouver le bon angle d’attaque. L’épreuve est extrêmement difficile à surmonter, à la hauteur du chagrin que lui a causé la mort de celui qui était sa conscience politique et son confident le plus proche.
Que dire de cette version enregistrée de façon artisanale, « brute de décoffrage », qui était alors, pour l’auteur-compositeur-interprète solitaire d’Atuona, un outil de travail indispensable ? À part le fait qu’il s’agit d’un document des plus extraordinaires, rescapé de cette époque (présenté ici sur des images d’archives où l’on découvre Jojo au fil des années, toujours aux côtés de Jacques, accompagné de Charley Marouani, Gérard Jouannest, François Rauber ou Jean-Michel Boris, mais aussi de Brel sillonnant le ciel des Marquises aux manettes de son… Jojo, puisque c’est ainsi qu’il baptisa son bimoteur), elle apparaît si éloignée de la merveille connue de tous qu’elle en devient un cas d’école brélien. Du chemin à tracer entre l’idée de départ et son point d’arrivée.
Anticipation de Jojo ; brouillon, esquisse, ébauche ou première mouture, Six pieds sous terre – c’est alors son titre provisoire – est tout cela et autre chose à la fois : presque une autre chanson. Même sa mélodie est embryonnaire. Si l’on s’efforce d’oublier celle qu’on a en mémoire pour se placer en auditeur du Grand Jacques pendant qu’il s’enregistre (vêtu d’un simple short et d’une chemisette entrouverte, il fait chaud et humide…), on se borne tout juste à la deviner, tant l’accompagnement semble monocorde et le tempo trop carré ; sans doute imposé par la boîte à rythmes de l’orgue qu’il a fait venir de Tahiti, par l’Aranui, la « goélette » qui mouille à Hiva Oa environ une fois par mois.
Qu’y a-t-il de commun en effet entre ce premier jet et la chanson qui sera enregistrée le 5 septembre 1977, trois ans quasiment jour pour jour après la mort de son grand ami ? Le refrain. Et encore, avec une variante de taille, car nulle part en ce début d’année 77, il n’est question nommément de Georges Pasquier dans ce texte : « Six pieds sous terre, il chante encore / Six pieds sous terre, il n’est pas mort… » La formidable trouvaille de l’auteur, encore lointaine, sera de s’adresser directement à Jojo et de le tutoyer d’un bout à l’autre de la chanson. Rien de tel lorsqu’il enregistre ce premier jet. Il se contente de l’évoquer à la troisième personne sans fournir d’indices probants sur l’identité de celle-ci.
On s’amusera à comparer les deux « versions », ou à lire dans le livre leur analyse comparative, mais d’ores et déjà ne cherchez pas dans Six pieds sous terre le sublime néologisme « Tu frères encore » en troisième reprise du refrain de Jojo. Jacques ne l’a pas encore inventé cinq mois après s’être attelé à ce premier titre. Ni d’ailleurs les fameux vers : « Nous savons tous les deux / Que le monde sommeille / Par manque d’imprudence. » La preuve de sa théorie sur l’accouchement d’une œuvre : 1% d’inspiration pour 99% de transpiration…
Autre constat, la qualité intacte de sa voix, qui vient battre en brèche les prétendues informations (ayant suivi la sortie de l’album en novembre 1977) selon lesquelles on l’aurait trafiquée en studio à Paris, en particulier pour l’éclaircir, pour supprimer son voile... « C’est des c…, tout ça », m’a confirmé tout récemment encore celui qui fut non seulement l’un de ses grands amis en Polynésie, Michel Gauthier, mais aussi l’un de ses deux pilotes instructeurs avec lesquels il allait revalider sa propre licence de vol : « Lui qui avait cru ne plus jamais pouvoir piloter à cause de son poumon en moins, ça ne l’empêchait pas non plus de chanter avec une puissance impressionnante ! » Pour la petite histoire, c’est à Michel Gauthier, le premier, que Jacques Brel fit écouter, un jour qu’il dînait chez lui à Atuona, toutes les chansons qu’il allait enregistrer à Paris. « Pas seulement celles de l’album, plein d’autres aussi, car il y avait de quoi faire deux disques… »
La photo qui le montre ici avec Brel au pied du Jojo, les deux amis rayonnant de joie, fut prise un jour de 1977 après un premier atterrissage, ensemble, à Ua Pou, l’une des îles du groupe nord de l’archipel où la compagnie d’aviation régulière ne voulait pas se poser, du fait de l’extrême dangerosité de sa piste. Jacques y retournera ensuite chaque semaine pour apporter le courrier, un exploit à chaque fois ! « Avec la montagne en bout de piste, se souvient aujourd’hui l’octogénaire mais toujours fringant et jeune d’esprit Michel Gauthier, une fois qu’on avait décidé de poser, il ne fallait pas se louper, car il n’y avait pas d’échappatoire. Ce jour-là – c’était Jacques qui pilotait – j’étais extrêmement fier de mon élève… »
Un mort encore vivant
Nous voilà en automne 2014. Trente-six ans déjà que le Grand Jacques a mis les voiles. Mais le temps ne fait rien à l’affaire. Si son œuvre continue d’être présente dans la mémoire collective, sa philosophie de vie (et de mort), sa grande faculté d’empathie et de compassion (« J’ai mal aux autres… »), sa quête permanente de l’inaccessible étoile accompagnent également beaucoup d’entre nous. On me le dit, on me le confie, on me l’écrit régulièrement depuis un an. Avec parfois de jolies surprises. Ainsi, le 8 juillet dernier, quelques jours après nos retrouvailles avec Michel Gauthier, j’ai reçu ce courriel d’une lectrice du Roussillon, Monique M. :
« J’ai eu l’occasion de me rendre trois fois à Hiva Oa, en 2001, 2010 et 2012. Le galet signé “Georges Brassens, de Sète”, dont vous parlez dans le livre (p. 332) et que vous avez pris dans la main, a été déposé par un ami et moi au pied de la tombe de Jacques Brel. Voici d’ailleurs une photo avec nos prénoms Monique et Noël sur la tranche… Merci pour tous ces souvenirs. Votre livre sur Brel aux Marquises est une merveille ! »
Je me revois, découvrant ce monticule de galets portant des petits mots, des signes d’amitié ou de reconnaissance à l’égard du Grand Jacques. Un message personnel, un simple « merci » voire un titre éloquent de chanson : Quand on n’a que l’amour, Vivre debout, On n’oublie rien… Des galets recueillis sur la grève d’Atuona par des « passants » venus de Tahiti ou de l’autre bout du monde qui ont voulu laisser une trace discrète. Parmi eux, le plus inattendu qui soit : « De Georges Brassens, Sète » ! Bien sûr, celui-ci ne s’est jamais rendu aux Marquises, mais Brel, qui avait décidé de bâtir une maison plus confortable dans le but d’y recevoir ses amis du Vieux Monde (tel Lino Ventura), n’avait sans doute pas abandonné l’idée de convaincre aussi Tonton Georges… Alors (merci Monique), vous imaginez mon émotion en découvrant sur place ce salut d’outre-tombe !
Là, à même le sol où repose Jacques Brel, à deux pas de l’endroit où dort Gauguin, écrivais-je en épilogue de mon récit, le galet de « Brassens » en main, l’instant est intense, unique. Et me revient en mémoire sa dernière bravade, comme un défi lancé à la Camarde (à moins que cela ne fût le chant ultime d’un poète qui voyait décidément plus loin que le commun des mortels ?) :
Je mords encore
À pleines dents
Je suis un mort
Encore vivant !
Un mort encore vivant. La formule était judicieuse, ainsi que me l’écrit Marc G. de Narbonne après l’une de mes conférences en pays catalan :
« Tout d’abord bravo et merci pour votre ouvrage sur Brel. C’est le chaînon manquant, la pièce qui termine le puzzle de la vie de cet artiste que nous sommes encore un très grand nombre à aimer. Le Grand Jacques est toujours vivant dans nos têtes et nos cœurs. Longtemps, longtemps, longtemps après, ses chansons courent toujours dans nos rues... J’ai vu, mais trop tard, que vous donniez une conférence dans les P.-O. non loin de chez moi. À quand une conférence à Narbonne ? Charles aimerait tant avoir des nouvelles de Jacques... Je passe plusieurs fois par semaine devant la maison de Trenet et j’ai toujours une petite pensée pour son ancien occupant mais également pour ses frères de chanson que sont Ferré, Brassens (qui dort non loin d’ici dans son cimetière marin) et bien sûr Jacques Brel. »
Des nouvelles de Jacques, cher Marc ? En voici, grâce à Joël C. qui m’écrivait ceci le 13 mai dernier :
« Je tiens, moi aussi, à vous remercier pour ce très beau livre, que j’ai acheté et lu dès sa sortie. Il est arrivé à pic : quelques semaines plus tôt, j’avais décidé de réserver un billet pour les Marquises. Voilà (très) longtemps que j’y pensais, mais ne savais pas comment m’y prendre. Maintenant, je sais : je pars le 4 juin et serai devant sa tombe le 12 juin au matin. Je rêverai alors à la cathédrale de Picardie ou de Flandre qui m’aura amené là. Votre livre m’accompagnera, je le relirai pendant le voyage. »
Trois mois plus tard, en juillet, Joël venait au rapport :
« C’est fait, je reviens des Marquises. Quelle émotion devant sa tombe et dans le musée qui lui est consacré à Hiva Oa ! J’avais votre livre et j’y ai fait sécher une fleur du frangipanier qui pousse au-dessus de sa tombe. Il est généreux avec Jacques, le frangipanier : en permanence des fleurs se détachent pour fleurir sa tombe. Les Marquises sont magnifiques et les Marquisiens adorables, je comprends son attachement pour cette population hier plus isolée qu’aujourd’hui. Nous connaissions ses multiples talents, grâce à vous nous connaissons aussi son immense générosité qui sur place n’a fait que commencer à se déployer (avion, cinéma...). Dans tout ce qu’il a fait, il était hors normes et la dernière partie de sa vie, plus discrète, était à l’image de ce qu’il avait fait avant. J’espère qu’un jour pourra sortir une édition augmentée de votre ouvrage, que j’ai prêté à bord du navire qui m’emmenait à Hiva Oa et qui a été très apprécié… »
Et puis, cet été encore, pendant le séjour de Michel Gauthier, est arrivé ce courriel de Claire Sc. :
« Il y a quelque temps, poussée par la curiosité, j’ai soulevé la couverture de votre livre. Je ne suis pourtant pas “fan” de Jacques Brel ; non que je ne lui reconnaisse pas de talent, mais voilà... Une question de voix, peut-être, et à cela on ne peut rien... Mystérieuse alchimie qui produit la rencontre entre deux sensibilités, entre celui qui chante, celui qui l’écoute. Et puis il y a cette image, figée dans mon esprit : image noir et blanc, sur le petit écran de la télévision familiale d’un homme grimaçant et suant, scandant Ne me quitte pas... Cette représentation reste pour moi associée à Jacques Brel, c’est bien pauvre, j’en conviens et bien sûr c’est trop résumer un homme, un artiste, surtout que ni un homme ni un artiste ne se résument. J’aurais pu en rester là, mais heureusement, muée par la curiosité, je vous ai suivi dans votre périple, à la rencontre de Brel.
» J’aime les histoires, et celle que vous me contez – dans un récit parfois suspendu, interrompu au rythme de vos pérégrinations, des rencontres, il y a tant de choses à dire... – m’a captivée. Moi-même j’ai interrompu ma lecture, écouté quelques titres, relu quelques textes, repris ma lecture. En vous lisant, j’ai découvert un artiste, mais surtout un homme, j’ai souri, je me suis étonnée et j’ai ri aussi, je me suis laissé porter, peu à peu j'ai lâché mes a priori. J’ai découvert un homme attendrissant, touchant, drôle, généreux, “multiple”, un homme dans la vie.
» Finalement, paradoxalement, lorsque s’achève le livre, j’ai le sentiment que... c’est un peu court ; je serais bien restée encore un peu, en la compagnie amicale de Jacques ! Qu’importe, j’ai envie maintenant de poursuivre le voyage, d’en savoir plus sur lui. Merci : il n’y a pas meilleure façon pour découvrir une personne que de saisir la main tendue de quelqu’un qui l’aime. »
J’ai imprimé ce message et l’ai montré à Michel Gauthier, dont certains moments vécus avec Jacques Brel font partie des plus intenses de toute sa vie (pourtant remplie d’aventures aériennes hors du commun, dignes de l’Aéropostale, qui l’ont mené de l’inextricable forêt d’Afrique équatoriale à l’horizon infini du Pacifique). Il a esquissé un sourire d’acquiescement et a dit : « C’est la plus belle justification de ton livre, le plus beau compliment que tu pouvais espérer : faire tomber les a priori et donner à aimer quelqu’un qui, au mieux, t’indifférait jusque-là... Ça “lui” aurait plu de lire ça. »
Coïncidence, je venais d’achever un ouvrage du génie de la relativité, Albert Einstein, qui ne craignait pas de se montrer absolu en écrivant ceci : « Quand nous aimons, nous existons dans le monde. C’est la seule chose qui donne un sens à notre vie. » CQFD ?
Plus haut, à son retour d’Hiva Oa, Joël C. évoquait le « musée Jacques-Brel ». Justement, Serge Lecordier, l’homme auquel on doit cet espace et surtout la rénovation du Jojo, qui l’abrite aujourd’hui, dont le premier contact avec Brel fut tout près d’être fracassant (leurs deux 4x4 faillirent se télescoper à proximité du terrain d’aviation), venait de m’adresser ce clin d’œil amical : « Sache, cher Fred, qu’un écrivain suisse (Blaise Hofmann) m’a offert un nouvel exemplaire de ton livre. L’ayant en double, j’en ai profité pour l’offrir à mon tour, hier soir, à un ami yachtman de passage à Hiva Oa. Tu vas donc naviguer dans le Pacifique... »
J’imagine le bateau levant l’ancre à l’aube claire, dans la baie de Tahauku, sous la pluie traversière, et le Grand Jacques, en pensée, quelque part à son bord… Lui qui, toutes voiles dehors, avait traversé le Pacifique pour retrouver ici l’anonymat le plus total. Là où il ne serait plus une idole, encore moins un dieu, mais mieux, tellement mieux qu’un dieu : un Homme. Là où il atteindrait sans le savoir son inaccessible étoile. Là ? Un archipel au large de tout que ses premiers habitants appelèrent « la Terre des Hommes »… Vous savez quoi ? L’aventure recommence à l’aurore !
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LE LIVRE : Jacques Brel, l’aventure commence à l’aurore, édition revue et complétée, Archipoche éditions, 456 pages (+ cahier photos de 8 pages). À noter que l’édition originale grand format (qui ne sera pas réimprimée) reste disponible jusqu’à épuisement des stocks en librairie (ou par correspondance auprès de l’auteur). Pour rappel, on peut écouter la bande-son des chansons citées dans le livre (plus d’une centaine) en cliquant ICI.
DES RENCONTRES-DÉBATS autour du livre (entrée libre) : samedi 18 octobre à la bibliothèque de Poisy (74), à 11 h, dans le cadre du festival « Attention les feuilles ! » ; jeudi 23 octobre à 18 h au Théâtre de la Madeleine, dans le cadre du festival « Nuits de Champagne » (dédié cette année au répertoire de Jacques Brel, chanté par Clarika, Jamait et Pierre Lapointe avec un Grand Choral de 850 membres). Pour mémoire, je propose aussi une conférence spécifique sur « la fabuleuse histoire du Grand Jacques aux Marquises ».