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  • : SI ÇA VOUS CHANTE (le blog de Fred Hidalgo)
  • : Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…
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  • Fred Hidalgo
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.

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13 décembre 2013 5 13 /12 /décembre /2013 22:08

Une chanson qui nous rassemble

 

Stupéfaction et consternation, mardi 10 décembre 2013 en soirée, à l’annonce brutale de sa disparition. Émotion, chagrin... mais obligation de rendre sans délai à Jean-Louis Foulquier un peu de ce qu’il a apporté à la chanson. Devoir de mémoire. Car si celle-ci est aujourd’hui en deuil, l’homme de La Rochelle aura été, entre tous les professionnels de radio de France et de Navarre (et sans doute de l’espace francophone), celui qui a su le mieux la partager et la rendre vivante. Jusqu’au point de l’incarner. Tout simplement parce qu’il nourrissait pour elle une passion quasiment charnelle. Un amour à la vie à la mort. En deuil nous aussi, je me « limiterai » ici – qu’on m’excuse pour la longueur du sujet, tant il est difficile de faire un tri dans notre boîte à souvenirs – aux bornes essentielles de son histoire professionnelle… que recoupe forcément la nôtre, trente ans durant. L’histoire d’une chanson qui nous rassemble.

 

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Né le 24 juin 1943 (à La Rochelle), Jean-Louis était mon aîné de six ans, mais plus que cette différence d’âge, c’est son parcours radiophonique empruntant les sentiers buissonniers, sa liberté de ton, la chaleur de sa voix et de la personnalité qu’on devinait derrière, ses choix qualitatifs et sa volonté de brasser les générations, les styles et les genres musicaux, qui justifiaient l’immense respect que d’emblée je lui ai porté… sans le connaître encore. Et son rôle de « découvreur » aussi, et comment ! Ou plutôt de passeur (personne ne découvrant jamais personne), ayant souvent été le premier, en l’invitant à l’antenne, à contribuer à l’épanouissement d’un talent en herbe, à travers une écoute et un regard tout de bienveillance. Pour cela, il faut savoir sentir les choses et ressentir les êtres avec une faculté qui n’est pas donnée à tout le monde mais semblait être l’apanage de Jean-Louis Foulquier.  

La première fois que je l’ai vu… il m’a fait passer à l’antenne ! C’était en mai 1980. Un mois avant la parution du premier numéro de Paroles et Musique, « le mensuel de la chanson vivante ». Auparavant, dans les années 70 nous avions emprunté des chemins quelque peu parallèles. Lui dans la lumière tamisée d’un studio de radio, à confectionner ses émissions ; moi (avec ma chère et tendre) dans le brouhaha d’un « marbre » d’imprimerie à fabriquer des journaux. En 1974, il crée Studio de nuit à France Inter, d’abord de 3 h à 5 h du matin, puis, en raison de son succès grandissant, de minuit à 3 h. La même année, nous créons L’Union, d’abord hebdomadaire puis quotidien national du Gabon… où, à l’époque, on ne capte que très difficilement, en ondes courtes, les radios françaises. Mais à chacun de nos retours, nous écouterons avec autant de bonheur qu’assiduité les émissions de Foulquier. 

 

 

 

Et d’abord Studio de nuit, où les chanteurs ont porte ouverte : « Sans les micros on ne se serait pas cru à la radio, me racontera Jean-Louis en avril 1981, un soir qu’il m’a invité chez lui. Il n’y avait pas de néons, seulement des lampes de chevet, un piano dans un coin, et toujours un verre pour celui qui venait… » Bernard Dimey, Caussimon et Ferré se retrouvent ensemble autour du même micro, Moustaki, Angel Parra, Vissotsky… et Leonard Cohen qui, ravi, bavarde ou chante trois heures d’affilée « quand on n’espérait son passage qu’en coup de vent ».  Barbara viendra, silencieuse, accompagner Jean Musy, Brassens se déplacera trois fois ! Et Tachan, et Lama. Et Patrick Abrial, Balavoine, Yves Simon, Maurane, Renaud, Lavilliers, Souchon, Jonasz et tant d’autres comme les membres d’un petit groupe débutant qui s’appellera plus tard Téléphone : « Pour Inter, Studio de nuit était comme une pépinière de jeunes chanteurs qui n’avaient pas de place ailleurs sur les ondes. Je crois même qu’à part le Pop, aucune autre émission n’accueillait les jeunes… »

Le « Pop » ? Le Pop Club, bien sûr. L’émission phare de la station, animée quotidiennement en fin de soirée par l’un des plus grands noms de l’histoire de la radio. José Artur ! Un puits de culture doublé d’un hôte du meilleur aloi, sachant mettre ses invités à l’aise comme personne. Après être entré par la petite porte à France Inter, par le standard plus précisément, en 1965, Jean-Louis Foulquier allait d’ailleurs être affecté au service des droits d’auteur du Pop Club. Tâche peu motivante, qui consistait uniquement à relever les titres de tous les disques programmés dans l’émission, mais quelle école ! « C’était fascinant, à vingt-deux ans, de voir tout le monde défiler ! À l’époque, le Pop Club, c’était un autre ton radio, ça tranchait avec le reste, et tout le monde voulait y passer… »
 

Portrait

 
En 1977, Studio de nuit s’effacera pour laisser logiquement la place à Saltimbanque. « Il fallait que ça bouge, m’expliquera Jean-Louis, ça commençait déjà à ronronner, et puis c’était crevant, cette vie ! Trois heures d’antenne en partie improvisées, avec plein de mecs qui chantaient en direct, une tension permanente, jamais couché avant cinq-six heures du matin… Fallait décompresser ! » Une meilleure tranche horaire (de 18 à 19 h), une audience considérablement accrue, la participation du public, et du direct intégral. « Ça tournait super rond. Grâce à notre préparation, bien sûr [la mise en place et les balances avec le Grand Orchestre du Splendid, l’émission en “blanc” l’après-midi puis le direct], mais surtout aux chanteurs qui donnaient le maximum d’eux-mêmes parce qu’ils sentaient bien qu’à Saltimbanque on avait le respect de l’artiste, qu’on ne se moquait pas d’eux, qu’on les aimait […] et on ne peut pas dire que c’était pour le cachet [rire] ! » Foulquier consacra notamment une « spéciale » à Leny Escudero, donnant à celui-ci l’occasion de chanter pour la première fois sur les ondes Le Cancre et Fils d’assassin, des chansons aussi « dérangeantes » que totalement étrangères au sacro-saint format radio limitant les chansons à trois minutes.

En 1978, le contrat du Grand Orchestre du Splendid (qui avait apporté une coloration irremplaçable à Saltimbanque) arrivant à échéance, Jean-Louis décide de marquer une pause, après dix-huit mois vécus à un rythme d’enfer. Mais en fait de pause, il s’offre simplement une nouvelle émission « à la formule plus détendue ». En l’occurrence Bain de minuit (« On avait choisi ce titre à cause de l’horaire, de minuit à une heure, et parce qu’elle démarrait en juin ») qui voit le jour un lundi… alors que la dernière de Saltimbanque a eu lieu le vendredi précédent ! Pour la première fois, ça n’est pas une émission spécifique de chanson, mais d’ordre plutôt socioculturel : on y passe des disques bien sûr, « mais les invités n’étaient pas des chanteurs, mais des gens venant de tous horizons pour parler de leur métier, de leurs passions. »

 

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Rétrospectivement, on peut dire que Bain de minuit aura été la préfiguration de Y a d’la chanson dans l’air, dont le titre et le générique musical s’inspirent de la chanson d’Alain Souchon (et Laurent Voulzy) Y a d’la rumba dans l’air. L’émission naît pile un an plus tard, en juin 1979, avec des invités chaque jour, de 18 à 19 h, des infos professionnelles et la collaboration à l’antenne d’une sympathique Anglaise à l’accent prononcé, Carole Pfeiffer. À l’origine, la direction voulait simplement une émission musicale pour l’été, pour faire le pendant, aux mêmes horaires, des hit-parades des radios qu’on dit alors périphériques. « Moi, m’avouera Jean-Louis, la perspective de passer Sheila, c’était pas franchement la joie [rire] ! Alors, on a décidé de mettre le paquet, durant deux mois, sur tous les jeunes qu’on aimait bien à Inter. C’est comme ça que Y a d’la chanson dans l’air a pris forme. Ce qu’on n’avait pas imaginé, c’était le succès que connaîtrait ensuite l’émission. La preuve, c’est que j’ai continué à animer Bain de minuit tout l’été ! »

 Cette fois en effet, Foulquier a trouvé son graal et la chanson son organe vital de respiration. C’est parti pour trois décennies de bons et loyaux services chez France Inter au cours desquelles son émission changera de nom et d’horaires, et même, à la fin, de périodicité, passant de quotidienne à hebdomadaire : Les Copains d’abord, Pollen… Sans oublier TTC (Tous talents confondus) dans les années 90, un module quotidien de cinq minutes avant le journal de 13 h pour présenter de jeunes artistes. Dès septembre 1979, Y a d’la chanson dans l’air est diffusée entre 22 et 23 h, juste avant le Pop Club. Une bonne tranche horaire, pour sa programmation : « Ça me permet de passer des chanteurs qui ne seraient peut-être pas assez solides encore pour être programmés plus tôt, et que personne d’autre, d’ailleurs, ne programme… »

 

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Tous ces propos et bien d’autres, je l’ai dit, Jean-Louis Foulquier me les tiendra chez lui, à Paris, au printemps 1981. Des souvenirs et commentaires enregistrés en vue d’un grand article à paraître dans Paroles et Musique. Un remake de l’arroseur arrosé ! D’autant plus apprécié par l’intéressé (et par nous, pardi !) qu’à cette époque il n’a guère l’occasion d’être lui-même à l’honneur dans la presse… Il faut dire que nous avons trouvé dans son émission le complément idéal du magazine mensuel que nous avons lancé un an plus tôt pour donner à la chanson francophone le support écrit qui lui faisait alors dramatiquement défaut. C’est pour nous l’émission de référence à promouvoir et à soutenir par excellence.

Nous l’avons découverte avec enthousiasme quasiment à sa création, en juillet 1979, à l’occasion d’un retour ponctuel en France alors que nous vivons désormais dans la Corne de l’Afrique. Ce mois-là Y a d’la chanson dans l’air… et sur scène, puisque nous fréquentons tous les soirs ou presque le formidable festival proposé par la Compagnie Renaud-Barrault au Théâtre d’Orsay : Graeme Allwright, Aram, Guy Béart, Leny Escudero, Paco Ibañez, Gilbert Laffaille, Claude Nougaro, Henri Tachan et autres Quilapayun sont à l’affiche. Autant de circonstances « aggravantes » pour conforter notre projet de « retour au pays » : notre décision est prise. On n’échappe pas à son destin… surtout quand c’est le principe d’imprudence cher au Grand Jacques qui vous guide.

Fin 79-début 80. Depuis les rives de la mer Rouge, nous écrivons aux artistes que nous imaginons à l’affiche des premiers numéros pour leur annoncer déjà la création future de Paroles et Musique. Barbara, Béart, Brassens, Ferrat, Ferré, Nougaro, Perret, Sylvestre, Tachan… Certains nous répondent, d’autres pas. Nous tablons sur le 15 juin pour la sortie du magazine et seulement début septembre pour lancer la périodicité mensuelle, afin de nous donner la possibilité de promouvoir le titre durant une partie de l’été. Parmi nos correspondants, la chanteuse franc-comtoise Claire, grand prix Charles-Cros 1976, dont le cinquième album tout juste paru (Sortilège ou vérité, Les Passerelles de l’hiver…) nous a particulièrement séduits. Début mai, à notre retour définitif dans l’Hexagone, Claire nous invite aussitôt chez elle, à Besançon, pour réaliser l’interview prévue au sommaire du premier numéro. « Si cela vous convient, vous pourrez rester dormir sur place car le soir Jean-Louis Foulquier vient faire un spécial Y a d’la chanson dans l’air à la maison ! »    

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Voilà comment, où et quand nous avons rencontré Jean-Louis. Grâce à Claire, en mai 1980, à Besançon. Dans une grande pièce, la chanteuse a installé une scène où elle va se produire en direct avec ses musiciens, près de la table où Foulquier et Carole sont installés, face à face, chacun avec son micro. À la réalisation, Adèle – collaboratrice de longue date et pour longtemps encore de Jean-Louis. Arrivé dans l’après-midi avec sa petite équipe, l’animateur s’est montré aussitôt intéressé par notre projet de journal. Impressionnant physiquement (et quelle gueule de cinéma !), mais l’art de vous mettre aussitôt à l’aise… « D’ailleurs, m’annonce-t-il sans ambages, vous pourrez en dire un mot ce soir… » Je n’en crois pas mes oreilles ! Pourtant, à un moment, en plein direct, il me fait signe de m’asseoir à la table entre Carole et lui, et me tend le micro pour informer les auditeurs d’Inter de la parution prochaine de Paroles et Musique

Ce n’est pas tout : après l’émission, il vient nous trouver, Mauricette et moi : « Dès que vous aurez le numéro entre les mains, appelez-moi et on en parlera à l’antenne. » Chante toujours, tu m’intéresses !? En attendant de voir, la nuit, déjà, sera longue et mouvementée, prolongée dans un cabaret de Besançon où se produit Gilles Dreu, qui a connu un beau succès au milieu des années 60 (ayant écouté l’émission en direct, il a téléphoné pour nous inviter à son concert). Son heure de passage est inhabituellement tardive, c’est tant mieux mais c’est curieux… On comprendra pourquoi en arrivant sur les lieux à l’éclairage tamisé, aux tentures de velours rouge et à l’accueil assuré par des demoiselles fort accortes. Nous sommes confortablement assis, Jean-Louis, Adèle, Carole, Mauricette et moi dans des canapés profonds. Champagne pour tout le monde ! Arrive Gilles Dreu qui chante seul à la guitare. Deux parties sont prévues. Rien à dire, ça tourne rond. « Alouette, alouette / Je te comprends bien / Moi aussi j’ai en tête / Beaucoup de chagrin… » Mais à l’entracte, surprise, il y tout à voir, car le cabaret en question fait aussi dans le strip-tease ! « Ça ne s'invente pas », comme disait mon cher Frédéric Dard dans un de ses San-Antonio... Et puis Gilles Dreu, en vrai pro, impeccable, reprend son récital, l’air de rien. Grandeur et décadence du métier de chanteur, petites misères inconnues du grand public… Pourquoi Bon Dieu ?...

À la mi-juin, enfin, nous voilà chez l’imprimeur, dans les Yvelines, où les feuilles du premier numéro de Paroles et Musique sortent des presses. Il reste encore à le façonner et à le brocher, c’est au planning du lendemain. Mais pourquoi attendre davantage pour appeler Foulquier ? Il a bien insisté... « Allô France Inter ? Le bureau de Jean-Louis Foulquier, s’il vous plaît… » Une voix féminine nous répond. « Attendez, je lui demande… » On patiente un peu et… : « Vous pouvez passer le voir avant l’émission, Jean-Louis aura un peu de temps pour découvrir le journal. » C’est tout. Rien de plus, mais rien de moins. Pliage à la main, trois coups de massicot… et nous sommes en possession d’un exemplaire à peu près convenable, quoique pas même agrafé. Au sommaire : Anne Sylvestre, Paco Ibañez, Annkrist, Jacques Bertin, Michel Bühler… et la rencontre avec Claire illustrée notamment d’une photo prise pendant l’émission à Besançon, une bouteille et des verres de whisky bien en évidence, Jean-Louis un micro dans une main, une clope dans l’autre.

 

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Quelques heures plus tard, nous arrivons à la Maison de la Radio. Foulquier nous reçoit aussitôt et se met à feuilleter le numéro. Il est le premier – en dehors de nous deux et du personnel de l’imprimerie – à découvrir Paroles et Musique. Vous imaginez notre état pendant qu’il tourne silencieusement les pages… Mais très vite, on voit bien, à des petits signes, qu’il accroche, que ça lui plaît. Il lit attentivement mon édito, « Un cri dans le silence », l’article sur Claire l’interpelle… et il est content de découvrir « la » photo. Enfin, il referme le journal. « Bravo. C’est très bien. On fait l’émission. » Texto. Une heure après – c’était seulement la deuxième fois qu’on se rencontrait –, j’étais en direct à l’antenne avec lui (et Carole) entre 22 et 23 heures !

 Inutile de dire que cette émission – Jean-Louis ne se privant pas de donner l’adresse du journal pour inciter aux abonnements – marquera d’une pierre blanche le lancement de Paroles et Musique, périodique indépendant et sans budget aucun de promotion, autre que celui réservé à des mailings ciblés. C’était à la mi-juin 1980, et c’était « chez Foulquier » et nulle part ailleurs. Jamais nous n’avons oublié et n’oublierons ce coup de pouce. Trente ans plus tard, nous aurons même la joie de le rappeler publiquement, pour le remercier encore une fois. C’était à Montmartre, le mercredi 29 septembre 2010, à l’occasion d’une petite fête organisée aux Trois Baudets où nous recevions quelques dizaines d’amis artistes, professionnels et journalistes de la plume et du micro, au premier rang desquels Jean-Michel Boris, qui officiait comme maître de cérémonie, Jean-Louis et son épouse Catherine venus spécialement de leur île de Ré. Lui en rupture de ban de France Inter depuis l’été 2008 et nous de nos « Cahiers de la chanson » depuis l’été 2009…

 

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Des occasions de rencontres entre nous et des invitations respectives, il y en aura quantité d’autres en trente ans. Pour ses différentes émissions, pour Paroles et Musique puis Chorus dont il sera pendant dix ans, entre 1992 et 2002, membre du Comité éditorial (présidé par Jean-Michel Boris) aux côtés d’autres directeurs des principaux festivals représentatifs de l’Espace francophone. Histoire de marquer le profond ancrage de la revue dans la francophonie (comme c’était déjà le cas de Paroles et Musique) et, bien sûr, parce que Jean-Louis avait inventé en 1985 les Francofolies. Pour démontrer, quant à lui, qu’on pouvait très bien organiser avec succès un grand festival rien qu’avec des chanteurs francophones.

Deux souvenirs particulièrement vifs d’événements vécus à La Rochelle : la Fête à Léo Ferré, l’artiste de prédilection de Foulquier, en 1987, et les adieux de ce dernier aux Francofolies en 2004, lors d’une soirée qui compta sur la participation de nombreux artistes et dont Jean-Jacques Goldman fut (très exceptionnellement) l’artisan. Deux moments immenses, en émotion comme en qualité. Et puis un souvenir plus personnel, au sentiment cette fois mitigé car l’un de mes deux plus grands regrets d’éditeur et le bonheur à la fois d’avoir contribué à son existence : je veux parler de l’autobiographie de Jean-Louis, Au large de la nuit, coécrite avec Didier Varrod et parue chez Denoël en octobre 1990… alors qu’elle aurait dû sortir chez Hidalgo Éditeur. En 1988, en effet, Jean-Louis m’avait donné son accord pour ce livre de souvenirs que j’estimais indispensable, auquel je tenais beaucoup... et dont je suivrais dès lors l’évolution jusqu’à son terme. 
 

Avec-Ferre

 
C’était compter sans la disparition de Paroles et Musique qui, entre autres dégâts collatéraux, nous obligea à rechercher un coéditeur capable d’assurer une bonne diffusion de l’ouvrage. Et ledit coéditeur, finalement, nous refusa le manuscrit de Jean-Louis (ainsi que celui du directeur artistique Claude Dejacques, Piégée, la chanson… ?, qui aurait dû également être édité sur notre label). D’un commun accord (mais la mort dans l’âme en ce qui me concerne), Jean-Louis et Didier se mirent alors en quête d’un autre éditeur... Plus que jamais, aujourd’hui, ce beau livre reste une borne primordiale pour la mémoire de notre ami.
 

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Autres bornes à relever ici. D’abord le premier et le dernier article que nous aurons consacrés à Jean-Louis. Un quart de siècle les sépare. Le premier fut donc celui pour lequel j’avais recueilli les propos dont j’ai cité des extraits ci-dessus et qui parut dans le numéro 10 de Paroles et Musique daté du joli mois de mai 1981. D’emblée, je relevais « le secret de la réussite de Foulquier : sans doute son refus forcené de tous les ghettos ». Et Jean-Louis d’embrayer là-dessus : « Je voudrais qu’on efface toutes les étiquettes. Le rock, la rive gauche, la nouvelle chanson française… c’est avant tout de la chanson ! C’est avec ces étiquettes qu’on provoque des conflits et qu’on crée des ghettos. J’estime qu’on peut très bien programmer Bashung, Téléphone et Vasca dans la même émission ; moi, ça ne me dérange pas, au contraire. S’enfermer dans un ghetto, c’est se trouver très vite devant un blocage ; se contenter de suivre la mode, c’est se résoudre à ne passer que Bashung et Téléphone, et plus jamais Vasca. Or, je suis persuadé qu’il y a plein de gens comme moi qui en ont marre des petites cases et qui aiment des tas de trucs différents dans la chanson… »

La raison de cet éclectisme dans les goûts et les choix de notre homme – une philosophie que nous mettrons nous-mêmes en pratique toute notre vie –, c’est dans son adolescence qu’il fallait la chercher : « Avant de découvrir vraiment la chanson, à 13-14 ans, j’étais surtout branché sur les groupes de rock, Elvis Presley et compagnie ; mais aussi, tu vas rigoler, sur Dalida ! C’est peut-être risible, mais en même temps, ça explique, je crois, cette espèce d’ouverture que j’estime indispensable et dont certains me font le reproche en m’accusant de “manquer de rigueur”. En fait, je pense tout simplement qu’on peut très bien et admirer Vasca et n’avoir pas honte de fredonner une chansonnette, même si elle ne porte pas un grand message… » 

 

 

 

Le croirez-vous ? À la parution de cet article, un abonné nous téléphonera, furieux que l’on ait donné une telle tribune à « un homme de droite, gaulliste revendiqué » ! J’entendais ma moitié, stupéfaite mais diplomate, essayer – mais en vain – de le raisonner. Gaulliste et alors ? L’auteur brocardant Mon général, Léo Ferré himself, n’était-il pas l’ami et l’icône de Foulquier ? Et tous ces artistes invités dans son émission et quasiment nulle part ailleurs, les Renaud, Ribeiro, Souchon, Tachan, Lavilliers, Magny, Le Forestier, Higelin, Escudero, Sanson, Jonasz, Béranger seraient-ils des suppôts masqués de la droite la moins fréquentable ? Etc. Finalement, à bout de patience devant tant de mauvaise foi, je l’entendrai se lâcher quand son interlocuteur, croyant l’intimider, brandira la menace de son « désabonnement » (l’arme fatale quand on a en charge un journal n’ayant d’autres ressources que sa diffusion) : « Ne prenez pas cette peine, nous allons suspendre votre abonnement et même vous le rembourser, ce ne sera pas une grosse perte, ni pour Paroles et Musique ni pour la chanson ! » Ce n’était qu’une seule et unique réaction, émanant d’un de ces individus qui ne voyaient dans la chanson qu’une arme politique, et pourtant jamais nous n’en parlerons à Jean-Louis. À quoi bon ? Un seul reproche injustifié atteint les êtres sensibles (même s’ils le cachent sous des dehors bourrus) plus que mille commentaires enthousiastes… 

 

 

 

C’est Jean Théfaine qui signa notre dernier sujet d’importance sur (et avec) lui, dans le numéro (54) de l’hiver 2005-2006 de Chorus, bourré de confidences et de photos avec Ferré, Brassens, Léotard, Leprest, Souchon et Voulzy… Il y évoquait Bernard Dimey, l’auteur immortel de Syracuse, de Mémère et autres somptuosités de la chanson comme Adieu pour un artiste, qu’il avait« beaucoup côtoyé à Montmartre », et citait, entre autres temps forts vécus dans sa carrière, la Fête à Léo, à La Rochelle, avec un orchestre symphonique (« Pfff, il y en a tellement… Mais si je devais n’en garder qu’un, ce serait peut-être celui-là… »). Et puis, et surtout, Jean-Louis faisait un sort sans appel à l’étiquette de « découvreur » : « Dans ma profession, beaucoup de gens se présentent comme tels. Moi je le répète à qui veut bien l’entendre : je ne découvre rien. Je ne suis qu’un trait d’union entre des artistes qui existent déjà et des gens qui sont à l’écoute. J’ai bien sûr des coups de cœur, des choses que je préfère à d’autres, sur lesquelles je vais insister un peu plus, mais surtout je me suis toujours dit : si ça me touche, il y a, de l’autre côté du poste, des gens que ça va obligatoirement toucher. C’est aussi simple que ça. »


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Aussi simple… ? Pas autant qu’il le paraît. Encore faut-il avoir le talent de transmettre les bonnes vibrations. Le don de persuasion, le ton qui ne trompe pas et fait que, « de l’autre côté du poste », l’auditeur va vous prendre au mot et même vous faire confiance en matière de découvertes. Il faut dire que Jean-Louis savait de quoi il parlait, s’étant lui-même, jeune homme, rêvé en chanteur. Fait notable, en juillet 1970, après avoir débuté sur les planches dans les cabarets de Montmartre (où il rencontre Dimey, Caussimon, Mouloudji, Lama, etc.), et alors qu’il travaille déjà à la radio, il représente la France au Festival de Spa ! « La trouille de ma vie ! m’avouera-t-il. Dix-huit musiciens, un praticable qui faisait quinze mètres avant d’arriver sur la scène, ce soir-là j’ai bien cru que je ne parviendrais jamais au bout. Et puis j’ai chanté, ça n’a pas fait de miracles, [rire] mais ça m’a tout de même permis de trouver un producteur et d’enregistrer quelques 45 tours. » Il en sortira un autre encore en 1981, un 2-titres dont La Rochelle (David McNeil/Jean-Pierre Huser), qui restera sans lendemain jusqu’à ce CD de 1993 où il interprète, plutôt en parlé-chanté, des chansons écrites et composées sur mesure par ses amis Allain Leprest et Romain Didier.
  

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J’en rendrai compte dans une pleine page du Chorus de l’automne 1993 (dont la rubrique s’ouvrait sur la chronique de C’est déjà ça, de Souchon…) : « Comme il existe des hommes de lettres, Jean-Louis Foulquier, lui, est un homme de parole(s) : sa voix, grave, chaude et toujours complice, n’y est pas pour rien. La radio, où il excelle au quotidien depuis une vingtaine d’années, prend chez lui des allures d’exutoire quand on sait qu’il aurait pu mener tout aussi bien une carrière de comédien, voire de chanteur… » L’article, mettant également l’accent sur les « textes extraordinaires d’Allain Leprest, l’un de nos grands auteurs actuels, mariés amoureusement aux mélodies de Romain Didier » (écoutez donc To See the Sea… ici, ou voyez Tout c’qu’est dégueulasse porte un joli nom), s’achevait ainsi : « Au total, un album “vécu”, avec le cœur et le ventre, à l’image de la chanson que l’homme de Pollen affectionne à la ville comme à la scène. De la tendresse, de l’émotion, des coups de blues ou de colère… Si les confrères de Foulquier ne diffusent pas ces chansons, n’en cherchez pas ailleurs la raison : ce seront rien que des jaloux ! » 
 

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Jean-Louis Foulquier– To see the sea
   

Deux souvenirs radiophoniques encore, partagés avec Jean-Louis. L’un est une invitation commune au Pop Club. Cela se passait au Fouquet’s où José Artur tenait salon et, surtout, tenait bon le micro avec la faconde, la culture et l’humour que l’on sait. Jean-Louis, peu disert en revanche (peut-être un reste de la période où, payé seulement pour noter les chansons diffusées dans l’émission, il apprenait le métier, admiratif, à son écoute), me laissa l’essentiel du temps de parole… que José voulut bien nous laisser. « Alors là, chapeau, mon bonhomme ! me félicitera Jean-Louis à la sortie du Fouquet’s. Tu t’es débrouillé comme un chef, t’as réussi à tenir le crachoir autant que lui ! En général, on n’arrive pas à en placer une ! » J’en rigole encore en revoyant mon Foulquier aimablement bluffé…

Dernier souvenir personnel, celui bien sûr de ma toute dernière émission avec Jean-Louis. Un tête à tête aussi long qu’il fut chaleureux ; je ne me souviens plus exactement de la durée, mais une chose est sûre : ce soir-là, Jean-Louis Foulquier, qui savait que Chorus traversait une zone de turbulences, me déroula le tapis rouge. Rien qu’à l’évocation de cet ultime dialogue radiophonique, l’émotion m’étreint. Pour la petite histoire (et les futurs historiens de la chanson, qui sait ?), cette émission eut lieu vendredi 12 octobre 2007. Un an plus tard, la grille de France Inter brillerait par l’absence (criante) de Jean-Louis…
 

fred-foulquier-2007

Dès lors, il se consacra pour l’essentiel – s’étant délibérément retiré de ses Francofolies en 2004 – à faire (très bien) l’acteur, au théâtre, à la télé et au cinéma, s’adonnant aussi à la peinture chez lui, en Vendée, entre deux tournages ou deux rôles, exposant à l’occasion. Couleurs vives et franches. Comme le regard, toujours droit devant, mais chaque fois plus teinté d’une touche de mélancolie ; à force de biffer des noms d’amis du carnet d’adresses… 

 

 

 

La plus belle preuve, peut-être, de la confiance que Jean-Louis nous accordait ? Cela remonte à la fin de l’été 2008, juste après son départ de France Inter. Officiellement un départ « à la retraite ». Foulquier ? 65 ans le 24 juin : atteint par la limite d’âge… Allons donc ! La réalité fut autrement plus triste et pas très jojo… Très moche, même. Une éviction pure et simple, sous la présidence (à Radio France) de Jean-Paul Cluzel. Ce jour-là, Jean-Louis nous prit à part, tous les deux, pour nous détailler spontanément les tenants et aboutissants de ce brusque et brutal « remerciement ». peinture-copie-1.jpgNous n’en avons jamais parlé à personne et ne le ferons peut-être jamais, mais bien d’autres que nous sont pareillement dans la confidence.

Je préfère rester sur l’hommage que « sa » station lui a consacré ce mercredi 11 entre 20 h et 23 h – sans dire un mot, il est vrai, des circonstances de son départ malgré quarante-trois ans de bons et loyaux services. Trois plombes d’affilée, format Studio de nuit ! Avec des documents d’archives et des témoignages émus de nombreux artistes (Aubert, Goldman, Higelin, Juliette, Lavilliers, Abd al Malik, Thiéfaine, Tryo, etc.) pour dire, tous et toutes, combien ils lui étaient redevables. Émission présentée par Didier Varrod et préparée par la fidèle Pauline Chauvet, l’assistante aussi discrète que compétente, des lustres durant, du Monsieur Chanson maison. Samedi dernier, confia-t-elle à l’antenne en fin d’émission (pour ce qui était peut-être sa première intervention face au micro), elle était avec lui : il venait d’écouter La prochaine fois je vous le chanterai, l’émission hebdomadaire de Philippe Meyer qui lui avait tiré un beau coup de chapeau, dans le cadre des 50 ans de France Inter. Et Pauline de confier ce commentaire de Jean-Louis : « Je suis heureux, j’ai eu droit à un mot de remerciement. Tu diras aux artistes que je les aime et que je vais me battre… »

 

Foule.jpg


Un jour que nous étions chez Jean-Roger Caussimon (que Jean-Louis aimait beaucoup aussi) et que nous évoquions la disparition récente de Brassens et celle de Brel à propos duquel il avait écrit une magnifique chanson, Le Voilier de Jacques (« Il ne faut pas aimer “bien” ou “un peu” / Et à tout prendre / Mieux vaut ne pas aimer du tout / Il faut aimer de tout son cœur / Et sans attendre / Dire “Je t’aime” à ceux qu’on aime / Avant qu’ils ne soient loin de nous… »), il nous déclara ceci : « La chanson est une chaîne sans fin dont nous ne sommes, tous, que d’humbles maillons... » Une chaîne sans fin : certes, et c’est la meilleure réponse à apporter à la chronique récurrente de « la mort annoncée de la chanson » après chaque envol d’un de ses héros (ou hérauts, dont l’une des fonctions était la transmission…), la chanson n’ayant pas moins d’avenir que de passé ou de présent.

En revanche, pour le second terme de la phrase de l’auteur de Ne chantez pas la mort, sur l’égale modestie des maillons de la chaîne, comment se retenir d’y apporter un petit bémol ? Il me semble en effet que parmi les composants de celle-ci, « humbles maillons » ou simples rouages constitutifs de son mécanisme de transmission dans l’espace et le temps, il en est de plus brillants et/ou indispensables que d’autres. Jean-Louis Foulquier n’en était-il pas – n’en restera-t-il pas – la preuve... vivante ?
 

 
Raoul de Godewarsvelde chante Dimey – Adieu pour un artiste
   

Salut à toi, le saltimbanque ! Salaud, aussi, mon Captain ! Car ton départ nous ampute peu ou prou d’une partie de nous-mêmes, tous autant que nous sommes qui attendions chaque jour ou chaque semaine de notre vie la fin de ton générique pour retrouver ta voix de rocaille, si chaleureuse et fraternelle… En plus, toi qui incarnais si bien la chanson francophone, quelle idée d’filer ainsi à l’anglaise !

_________

PS. Je tiens à formuler ici notre gratitude à José Artur, le pionnier de la radio libre (au sens propre), et à Claude Villers (Marche ou rêve, Pas de panique, Les Flagrants Délires…), magiciens et enchanteurs du micro, toujours accessibles et passeurs du meilleur de la culture populaire. Avec Jean-Louis Foulquier, vous resterez pour beaucoup d’entre nous les trois Mousquetaires de la grande époque de France Inter… Et merci à Francis Vernhet, auteur de presque toutes les photos de ce sujet, y compris celles qui ne sont pas signées (avec Léo en 1987 et sur la grande scène des Francos en 2004), et complice lui aussi de longue date de Jean-Louis.   

 

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7 décembre 2013 6 07 /12 /décembre /2013 11:24

...et faites chanter les voiles !      

 

Trois mois après la sortie de Jacques Brel, L’aventure commence à l’aurore, il est temps de remercier les médias qui ont bien voulu s’y intéresser pour leur accueil enthousiaste. Les médias d’ici et d’outre-mer (voir une partie de la revue de presse sur mon site)… et ses lecteurs surtout, comme autant de matelots embarqués « toutes voiles dehors » dans ce voyage au bout du monde. Des lecteurs « franco de port, des copains d’abord » touchés par cette histoire méconnue d’un artiste hors normes métamorphosé en aventurier rayonnant d’empathie et de tendresse, par colère et générosité combinées ; sorte d’Homme révolté à la Camus revu et corrigé par Cervantes. Alors, aujourd’hui, qu’on se le dise au fond des ports, les lecteurs sont à la manœuvre ! « Hissez le petit pavois / Et faites chanter les voiles / Mais ne vous réveillez pas / Partez pêcher les étoiles… » car« voici le Pacifique / Longue houle qui roule au vent / Et ronronne sa musique / Jusqu’aux îles droit devant. »     

 

 

François Morel a été le premier à donner publiquement le « la » : « Fred Hidalgo, a-t-il écrit, vient de sortir un livre magnifique sur Jacques Brel, indispensable à tous ceux qui l’aiment. Son livre est superbe, il nous rend l’homme très proche. »  

Rendre l’homme très proche, aller au cœur de l’homme (et de l’œuvre aussi, forcément, puisque Brel aux Marquises a réalisé la jonction entre l’homme et l’artiste), c’est bien le pari que j’ai tenté, après avoir été immergé (et submergé d’émotion) dans ces îles où rien n’a vraiment changé, couv biaisoù l’on croise des habitants qui le côtoyaient au quotidien, où l’on ressent presque physiquement l’impression qu’ « il » va surgir d’un instant à l’autre au coin de la rue, l’air rêveur ou le verbe tonitruant…  Le pari de faire renaître l’homme et de restituer aussi précisément que possible l’humanisme qu’il incarnait dans cette terre « posée sur l’autel de la mer » ; comme s’il était là, toujours à nos côtés… Et je suis heureux que, dès les premières réactions, on ait mis l’accent dessus.

Voici donc un petit florilège de commentaires (publiés sur les réseaux sociaux ou qui m’ont été adressés directement, d’anonymes, d’artistes ou de professionnels) sur ce récit vécu où je me suis senti contraint de m’impliquer personnellement (et comment faire autrement vu l’enchevêtrement étonnant des destins qu’il relate ?). Est-il nécessaire de le préciser ? Jamais, au grand jamais, je n’aurais osé imaginer que ce livre – au-delà du crédit de tendresse que son « héros » continue de posséder dans l’opinion publique – engendrerait une telle adhésion et susciterait pareille déferlante d’émotion…

• « C’est justement ça qui est intéressant dans votre livre – qui utilise la narration interne, diront les spécialistes, le “je”, ce qui n’est pas courant et peut même être imprudent dans une biographie ! Ce sont ces liens dans l’espace et le temps qui font son originalité, ces liens tissés entre les hommes, leurs influences mutuelles qui rendent les choses possibles. Enfin, pour ma part c’est comme ça que je le reçois... » (Valérie Fromont)

• « Excellent, passionnant. Je l’ai lu d’une traite. Ce livre nous embarque, jusqu’aux aux Marquises, et nous fait découvrir l’homme derrière le chanteur. » (Stéphane Hubert)    

 

 

• « Il fallait s’appeler Fred Hidalgo pour oser cela… et le réussir, à mon humble avis ; car Brel commençait à m’emmerder alors que ses héritiers, Claude Semal et bien d’autres artistes, sont toujours vivants... Mais seul l’humain peut réconcilier l’Humain. Merci, Fred ! » (Berty Delchambre)

• « Magnifique ! C’est un beau cadeau que nous fais là, Fred. Oui, trente-cinq ans après, le Grand Jacques “frère” encore. » (Jo Masure)

• « Je viens de terminer L’aventure commence à l’aurore, merveilleux livre que j’ai lu presque d’un trait, ne pouvant le quitter. Je suis tellement bouleversé de bonheur à la lecture de cette édifiante histoire que ma vie a changé et que j’ai grandi de quelques centimètres. C’est du tout Brel. […] Je l’entendais presque me parler. Je n’ai pas eu l’impression d’être un lecteur mais bien un spectateur qui écoute la prestation d’un conteur de haute voltige. J’avais l’impression de vivre ce que vous décrivez et d’être embusqué près des personnages. Il me plaît de penser que, cette fois-là, Neptune s’est pris un peu plus au sérieux et vous a insufflé l’envie de constituer cet immense trésor et de le partager avec tous ceux qui n’ont pas oublié la grandeur de l’enfance et les frissons de l’imprudence. […] J’espère que cet ouvrage trouvera multitude de preneurs ; il m’est difficile de concevoir que celui ou celle qui a aimé Brel ne soit pas intéressé(e)… Des millions de mercis. » (Jean Lusteau)

• « Ce livre est vraiment très émouvant. Je mesure la chance de ceux que Jacques Brel avait choisis pour être ses amis. Regretté et inoubliable... » (Dominique Lavorel)

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• « Il est certain qu’il existe un paradis. Je le sais parce que Jacques Brel et les meilleurs du genre humain s’y trouvent et qu’ils y sont peinards. Dieu ne peut pas avoir raté le monde dans lequel nous vivons et avoir foiré aussi le paradis. Il est tout aussi certain qu’avec ce que tu as fait pour la chanson et pour ce que tu es, tu y seras bien accueilli sans passer par les formalités d’usage. Quel beau livre tu as fait ! » (Albert Benloulou)

• « Ce livre est l’un des deux meilleurs sur Brel à ma connaissance, avec le Grand Jacques de Marc Robine. Pour avoir présenté l’œuvre de Jacques Brel depuis maintenant vingt-cinq ans, avoir contacté la Fondation, rencontré Maddly, mais surtout avoir travaillé avec Jean Corti, je ne peux que vous remercier du remarquable travail effectué, et surtout du tact observé au fil des pages. “Comment était-il, Jacques Brel ?” demanda un jour une organisatrice à Jean Corti avant une soirée. “Comme vous et moi, Madame, mais avec le talent en plus...” répondit l’intéressé. » (Gérard Michel)

• « Bravo pour ton intime éclairage des Marquises... Une jolie pierre de plus à l’édifice brélien ! Livre – à dévorer – qui aide à mieux comprendre le MONSIEUR. » (Jean-Michel Piton)

• « L’aventure commence à l’aurore est un livre extraordinaire qui m’a fait découvrir l’autre côté du Grand Brel et combien il pouvait être généreux, tout en ayant son p’tit caractère. Bravo Monsieur Hidalgo pour ce livre ! » (Nicole Dussault)    

 

 

• « Ce bouquin est formidable. Mais comment as-tu fait pour être aussi près de Brel ? Sans voyeurisme. Le lecteur est là, comme une sorte d’ami qui partage des moments de bonheur et d’autres de douleur. Une approche presque intime du dernier album (un monument) ! Je t’imagine hanté par cette présence pendant des années... et je te redis mon bonheur d’avoir lu ce livre. Merci ! » (Jean Bonnefon)

• « Cher Fred, je viens de terminer ton voyage avec Brel. Je suis complètement dans l’émotion. Un jour peut-être, je t’en dirai plus. Aujourd'hui je te dis simplement Merci. Je l’ai lu étant moi-même en voyage au Viêt-Nam et je ne voulais pas que ce livre se termine. Tu sais, comme ces romans dont on appréhende le déroulement et la fin... Mais Brel n’est pas mort, ni l’artiste ni l’Homme. Il vit en moi comme chez beaucoup. » (Christian Camerlynck)

• « Enfin, un livre qui parle de Brel le Polynésien ! Je suppose que les Marquisiens vous seront reconnaissants de ce travail. » (William Kromwell)

• « C’est un ouvrage passionnant… Sa manière de décrire les lieux m’a beaucoup touchée ; c’est plus qu’un récit sur Brel, c’est une immersion dans l’Histoire de ces îles. Et je suis vraiment émue, maintenant, de réécouter le dernier disque de Brel avec un autre regard intérieur... » (Élizabeth Gagnon)    

 

 

• « Merci pour votre ouvrage que je viens d’achever. Extraordinaire. Qu’est-ce que ça m’a fait du bien de replonger dans la vie du Grand Jacques. Que d’émotions ! Votre livre, Fred, n’est pas seulement la somme d’un travail présent mais bien le fruit de trente ans de richesse, de patrimoine de Paroles et Musique, Chorus et Si ça vous chante. […] Pour moi, vous êtes le plus brélien de tous les journalistes. Il en a fallu du courage pour partir à l’aventure de la création de ces deux revues (sans parler de L’Union au Gabon !). […] Et ce dernier ouvrage me marquera. En le lisant, j’avais sans cesse en tête les Jaurès, Les Marquises, Jojo, Orly… Je l’ai lu en grande partie dans une chambre d’hôpital où j’étais pour une simple opération. Mon voisin de chambre s’appelait Jacky (si, si !). Une jeune infirmière a vu votre livre que j’avais laissé sur une tablette pendant des soins. Devant son intérêt, on a commencé à échanger sur Brel et les Marquises. Elle m’a avoué venir des îles et que son père l’avait emmenée sur la tombe de Jacques Brel, avant d’ajouter : “Ce n'est pas pour rien si je m’appelle Mathilde !” » (Emmanuel Guilloteau)

• « Immense voyage intérieur au petit pays des grands espaces, à ne pas manquer... Et un livre à lire de toute urgence ! » (Bernard Baños-Robles)

• « J’attendais la sortie de ce “Jacques Brel” et, te connaissant, je savais, j’étais assuré que cette monographie serait un ouvrage définitif. Elle est passionnante, nourrie d’informations que j’ignorais totalement sur Jacques Brel. Et aussi, dans la finesse et la sensibilité avec lesquelles tu dis les choses, je te retrouve, toi, constamment. » (Alain Fantapié)

• « J’ai dévoré ton livre… et j’ai adoré ! » (Jean Humenry)

• « Magnifique ouvrage sur Jacques Brel. En vous félicitant pour la qualité de ce travail remarquablement documenté, je vous remercie pour ce très beau cadeau, en espérant vous rencontrer à nouveau sous le ciel polynésien. » (Jean-François Lejeune)

 

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• « Je me suis fait “chiper” votre beau livre sur Brel... par mon mari ! Et à voir son air quand il le lit, il me tarde qu’il l’ait terminé !!! » (Christine Fabre)  

• « Je suis en train de le lire, que dis-je, de le savourer... Un livre qui vous donne des ailes et du baume au cœur. » (Nicolas Céléguègne)

• « Dans mon Panthéon de ma correspondance brélienne et ses amis, il y a une lettre de Ferrat, une autre de François Rauber, plusieurs de son épouse Françoise, des photographies avec Isabelle Aubret et Bruno Brel... et deux lettres de Fred Hidalgo ! Quel bonheur que ce livre sur le Grand Jacques aux Marquises !!! Et comme un bonheur brélien ne vient jamais seul, voilà la nouvelle intégrale, Suivre l’étoile, avec plein de belles choses et surtout le tout dernier concert de Roubaix, le 16 mai 1967, avec un Brel à moitié aphone ! Vraiment, un superbe mois de septembre ! » (Bruno Decriem)

• « Prenant, passionnant. Cet excellent livre nous fait découvrir Jacques Brel sous un nouveau jour. Je l’ai dévoré d'une traite ! » (Stéphanie)

• « Merci beaucoup pour votre travail remarquable ! Pour ma part, je suis passionné par tout ce qui tourne autour de cet homme depuis l’âge de 14 ans. Et j’ai eu le bonheur de le voir à Roubaix le 16 mai 1967 lors de son dernier tour de chant, puis à Paris le 28 décembre 1968 dans L’Homme de la Mancha. Je dois dire que son talent de créateur de chanson ne laisse pas de m’émouvoir, même après tant d’écoutes... Merci encore. » (Christian Marichal)    

 

 

• « Permettez-moi de vous adresser toutes mes félicitations pour votre excellent livre. Je me suis régalé d’un bout à l’autre de votre merveilleux document. J’ai connu Jacques Brel en 1960 sur les planches de l’Olympia, j’avais 18 ans. Ce fut pour moi un choc émotionnel d’une rare intensité. En octobre 2008, invité par le ministre des Dom-Tom, Yves Jégo, j’étais membre de sa délégation qui se rendit aux Marquises pour l’inauguration du nouvel aéroport “Hiva Oa-Jacques Brel” et pour les célébrations du trentenaire de sa mort. C’est ainsi que, le 9 octobre, en présence du ministre, des autorités françaises et marquisiennes, de Madame Jacques Brel (qui n’était jamais venue sur la tombe de son époux), de nombreux journalistes français (PPDA), belges et américains, j’ai eu l’immense privilège d’interpréter a capella La Quête devant la tombe de Jacques Brel. » (Philippe Callens).   

• « Merci. Ce livre est une merveille ! » (Véronique Dupiré)

• « Je voudrais te dire avec quelle émotion je referme ton livre après l’avoir dévoré. Je me sens comme si j’étais de retour d’un fabuleux voyage aux Marquises et comme si j’y avais partagé le quotidien de l’artiste que j’admire le plus au monde. C’est son humanité et sa générosité qui me touchent le plus, mais j’ai aussi partagé grâce à toi les secrets de sa création. C’est un grand livre que tu signes là. » (Gérard Jacquet)

• « Très émue par ce que je viens de lire… On y découvre l’HOMME Jacques Brel, très loin du milieu du spectacle, une vie au service des autres. Un être humain qui méritait la note maximum, le triple A : Amour, Amitié, Altruisme. Un livre désormais incontournable et une très belle idée de cadeau pour les fêtes de fin d’année. J’aimerais bien à l’occasion d’une rencontre avec vous dans un festival, un salon ou un concert, vous le faire dédicacer… » (Annie Lapeyre)

• « Je ne veux pas commencer par “Bonjour Monsieur”, j’aurais l'impression d’être pédant ou de ne pas vous connaître après avoir été abonné à Paroles et Musique pendant plusieurs années puis à Chorus durant toute sa “vie” ; j'aurais pu commencer par “Bonjour Fred”, mais impossible pour moi, par pur respect (ce qui manque à beaucoup de personnes dans notre monde de dingues). Juste une petite question avant de me procurer votre livre : aurez-vous l’occasion de le dédicacer dans un point de vente, une bibliothèque, une librairie ? Allez, larguez les amarres, que “l’aventure commence à l’aurore” d'une ère que l’on voudrait plus dirigée par le bon sens que par la finance... » (Yves Barberon)

 

UN LIVRE DÉDICACÉ POUR LES FÊTES ?

Comment ne pas être sensible (euphémisme) à de tels messages ?! J’espère pouvoir y répondre de vive voix à l’occasion de rencontres professionnelles ou de conférences à venir (leurs dates seront annoncées sur mon site dans la rubrique ad hoc). En attendant, pour répondre déjà à la question des dédicaces, si vous souhaitez acquérir cet ouvrage signé par votre serviteur ou si, l’ayant déjà, vous désirez en offrir un exemplaire dédicacé à des parents et/ou amis (à l’occasion des fêtes de fin d’année par exemple), rien de plus simple : contactez-nous sur sicavouschante.info@orange.fr pour obtenir l’adresse postale où nous envoyer votre commande et celle-ci sera honorée sous quarante-huit heures.

 

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Dernière chose à propos du Grand Jacques que l’on retrouve ici à trois reprises en bonne compagnie (c’était cinq ans et demi pile avant de hisser les voiles pour son voyage au bout de la vie) : merci à l’auteur de la page « Chanson de proximité », créée sur Facebook, de nous avoir autorisé à reproduire les montages qu’il a réalisés et « postés » sur le Net après sa lecture du livre ; à ma grande surprise d’abord, doublée d’une grande confusion, mais aussi, je l’avoue volontiers et sans fausse modestie, avec une certaine jubilation, ayant moi-même été l’éditeur de cette table ronde réalisée par mes amis François-René Cristiani et Jean-Pierre Leloir… J’aime d’ailleurs à penser que les membres de cette célèbre affiche, comme le chante Renaud dans son Bistrot préféré, auraient eux-mêmes souri à la découverte de ce malicieux clin d’œil…  

__________________ 

NB (qui n’a rien à voir). À propos du contenu musical de Si ça vous chante, je voudrais signaler la désinvolture de certains serveurs capables de vous retirer sans préavis des fonctionnalités qu’on vous recommandait vivement la veille. Ainsi toutes les chansons mises en ligne sur tous les blogs (hébergés par Overblog) depuis des années via Deezer – serveur audio privilégié par les blogueurs puisque censé respecter les droits d’auteur – ont-elles disparu subitement, « remplacées » d’un coup de baguette merdique par des rectangles blancs ! On a beau nous dire que la situation sera « prochainement » rétablie, elle dure déjà depuis près de trois mois… et on ne voit (ni surtout n’entend) toujours rien ! Révoltante façon de considérer les gens et leur travail – et ceux et celles auxquels celui-ci s’adresse – comme quantité négligeable.

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9 octobre 2013 3 09 /10 /octobre /2013 03:10
Suivre l’étoile…  
   
Il y a trente-cinq ans, jour pour jour, disparaissait Jacques Brel. Ce « petit matin » du lundi 9 octobre 1978, chambre 305 de l’hôpital franco-musulman de Bobigny, il était exactement 4 h 10 – comme dans la chanson de Thiéfaine... Son ami et ancien imprésario Charley Marouani parti à 2 h, seule sa compagne Maddly Bamy restait à son chevet : « Après un dernier mot pour moi, se souvient-elle, Jacques se retourne sur le côté gauche, "se racrapote" en chien de fusil… Le tracé de l’électrocardiogramme reste plat. Jacques ne bouge pas. Jacques ne bougera plus. » Il succombe – à 49 ans – non pas de cette maladie dont on cache le nom, comme disait son copain Brassens, mais d’une banale embolie pulmonaire consécutive à la chasse que lui avaient livrée de foutus salauds de paparazzi…
 
Coffret
 
Aujourd’hui, pourtant, comme il l’avait pressenti, le Grand Jacques est « un mort encore vivant ». Mieux : aucun autre artiste de l’histoire de la chanson francophone n’a laissé pareille trace dans la mémoire collective et surtout dans le cœur des gens, toujours prêts à Suivre l’étoile, comme y invite le titre de sa toute nouvelle intégrale. Aucun autre, alors même que sa carrière a duré à peine quinze ans (rappelez-vous sa déclaration au public de l’Olympia, le soir de sa dernière, quand il revient en peignoir au bout d’une demi-heure d’applaudissements ininterrompus : « Je vous remercie, parce que cela justifie quinze années d’amour… »). Dont dix seulement (!) en haut de l’affiche, depuis cette chanson qui le rendit célèbre, Quand on n’a que l’amour, et allait marquer pour la vie (parmi des milliers d’autres sans doute) un gamin écartelé entre ses racines cervantesques et son absolue nécessité d’être le premier à l’école dans la langue de Molière…
 
  
C’était au printemps 1957. Cinquante-quatre ans plus tard, à l’automne 2011, devenu « vieux » mais en aucun cas « adulte » au sens mortifère où l’entendait Jacques Brel (« C’est mort et ça ne sait pas… » confirmerait San-Antonio, lui-même grand admirateur du Grand Jacques), ledit « gamin » se mettrait en règle avec ses rêves d’enfance. Il partirait sur les traces de l’homme jusqu’au bout du monde, vérifier si celui-ci – loin du regard des autres, loin des médias et des projecteurs – s’était montré à la hauteur de son œuvre. Histoire aussi, implicitement, de vérifier s’il avait bien fait, entre-temps, de suivre son sillage d’imprudence et d’enthousiasme confondus.
  
Vous connaissez le résultat, consigné aujourd’hui dans L’aventure commence à l’aurore, qui raconte tout cela et surtout le reste, vécu par son « héros » dans un complet anonymat : un livre non prémédité, non planifié, pas même envisagé au départ, né seulement de l’urgence, après coup, de faire connaître cette vie méconnue de Jacques Brel – après la scène et les plateaux de cinéma, après la gloire et les faux-semblants –, tant celle-ci, aux Marquises où il écrivit son album le plus accompli, fut incroyablement et si discrètement exemplaire. C’est là aussi, dans cette oasis surgie du Pacifique qu’on appelle « Terre des Hommes » (Hiva Oa), qu’après quarante ans de vie commune et d’aventures qui n’eurent rien d’une sinécure, nous prîmes conscience ma chère et tendre et moi de tout le « talent » qu’en vieux amants (et amoureux passionnés de la chanson) nous eûmes à faire preuve pour arriver finalement à « être vieux sans être adultes »…
     
         
Voilà pourquoi l’œuvre du Grand Jacques est si importante. Si « à part » dans l’histoire de la chanson. Conforme en tous points à son auteur. Authentique quand tant d’autres sont en toc. Jamais il ne tricha en écrivant et en chantant. Jamais il ne fit semblant. C’est même pour éviter ce risque que, chaque fois, il choisit d’« aller voir » plus loin, quoi qu’il puisse (lui) en coûter. Jusqu’à mettre en pratique dans la vie quotidienne ce qu’il professait auparavant sur les planches ! Après les paroles (et les musiques), les actes ! Si bien que l’intégrale CD qui vient de paraître – la quatrième du nom depuis la mort de son auteur, d’autant plus incontournable qu’elle se présente comme « l’intégrale définitive » – s’écoute à présent d’une façon différente, ce qui était seulement de l’ordre de l’inspiration poétique et de l’aspiration à un monde meilleur étant devenu aux Marquises, du temps de Jacques Brel, une réalité tangible. « Et je suis vraiment émue maintenant, m’a confié une journaliste fort appréciée et respectée de Radio-Canada, de réécouter le dernier disque de Brel avec un autre regard intérieur… »
     
La première (Brel, l’œuvre intégrale), qui rassemblait les chansons sorties en albums studio et en public chez Philips (1954 à 1962) et Barclay (1962 à 1977), parut en 1982 sous la forme de 14 volumes 30 cm (avec déjà 4 inédits en albums). boite-bonbons2Rééditée en CD en 1988, l’Intégrale Jacques Brel, « Grand Jacques » proposait 14 inédits supplémentaires en 10 volumes. La troisième, dite de la boîte à bonbons en 2003 (L’Intégrale, 25e anniversaire), contenait 15 CD reprenant la discographie originale complétée de titres parus seulement en 78 ou 45 tours, de versions alternatives et d’enregistrements rares ou inédits (dont les 5 du dernier album : Sans exigences, Avec élégance, Mai 40, L’amour est mort et La Cathédrale), et d’un « CD bonus » regroupant 26 chansons interprétées en guitare-voix, en août 1953 à Limbourg, à la radio belge BRT2, et 2 autres inédits (Si tu revenais et Le Pendu).
     
Quatrième intégrale à ce jour (édition limitée et numérotée), Suivre l’étoile (« Jacques Brel, 35e anniversaire ») est parue le 23 septembre chez Barclay sous l’apparence d’un ancien coffret d’albums 30 cm. Forte de 21 CD, elle reprend le contenu de la précédente, soit l’intégrale des enregistrements studio et en public de 1953 à 1977, avec un livret grand format de 60 pages abondamment illustré compilant des extraits d’interviews de l’artiste, et, à part, les fac-similés des manuscrits des Bonbons, de La Chanson des vieux amants et de L’Enfance ainsi que de sa première licence de pilote privé (1965).
   
 
Spécificité de Suivre l’étoile, l’ensemble est enrichi de 16 versions alternatives inédites, de 5 titres inédits en CD, de 2 reprises inédites et, surtout, de 3 concerts inédits. À savoir :
• les 16 versions alternatives inédites suivantes en studio : Quand on n’a que l’amour (1956), L’Air de la bêtise (1957), Je ne sais pas (2 versions 1958), Litanies pour un retour (1958), La Dame patronnesse (1959), Marieke (1961), Vivre debout (1961), Les Singes (1961), Ces gens-là (1966), La… la… la… (1967), Regarde bien petit (1968), La Quête (1968), Ne me quitte pas (3 versions 1972).
• les 2 titres studio inédits : La Toison d’or (chanson écrite en 1963 à la demande de son ami journaliste Jean Serge pour servir d’introduction à La Conquête de la toison d’or, une pièce de Corneille qui serait jouée une seule fois, à l’été 63, au Festival Corneille que Jean Serge animait à Barentin, près de Rouen – voir le document vidéo ci-dessous) ; Le Docteur (un des deux textes, avec Histoire française, écrits en dialecte bruxellois et enregistrés en septembre 1977 mais non retenus dans l’album).
 
   
  
• les 5 titres suivants inédits en CD : Les trois histoires de Jean de Bruges (La Baleine, La Sirène, L’Ouragan, 1963) ; Place de la Contrescarpe (1967) ; Le Petit Chemin (1969). En fait, Jean de Bruges, qui n’avait jamais été commercialisé depuis son enregistrement en 1963 pour un disque hors commerce destiné seulement à un congrès de bourgmestres belges, est sorti pour la première fois au printemps 2013 dans le CD Suites d’orchestre de François Rauber. Place de la Contrescarpe est une chanson de Jean-Pierre Suc enregistrée par Jacques Brel pour l’émission TV de François Chatel Chansons pour un ami (1re chaîne, 5 juin 1965). Le Petit Chemin, ou plutôt « Ce » petit chemin, est une reprise de la chanson de Mireille et Jean Nohain interprétée en 1968 dans l’émission TV Le Grand Échiquier consacrée à Mireille.
• les enregistrements live suivants, déjà commercialisés : Intégralité des enregistrements radio de 1953 (cf. CD « Chansons ou versions inédites de jeunesse » joint à l’intégrale 2003) ; Olympia 61 ; Jacques Brel à Knokke, le 23 juillet 1963 (album posthume sorti en 1993), avec l’interview Brel parle ; Olympia 64 ; Brel en scènes (album posthume sorti en 1998, compilation de concerts donnés en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suisse de 1960 à 1966).
   
Enfin et surtout, car il s’agit de formidables documents pour ceux qui aiment Jacques Brel, les trois concerts inédits suivants :
• EN PUBLIC AUX TROIS BAUDETS (1957), avec François Rauber au piano : Présentation – La Bourrée du célibataire – Il nous faut regarder – L’Air de la bêtise – Je ne sais pas – Le Diable (Ça va) – Au printemps – Quand on n’a que l’amour.
• LES ADIEUX À L’OLYMPIA (1966) : Fugue – Le Cheval – Fils de… – La Chanson de Jacky – Le Gaz – Les Vieux – Les Bigotes – Mon enfance – Mathilde – Ces gens-là – Amsterdam – Les Bonbons 67 – Jef – Au suivant – Le Plat Pays – Madeleine.
• LE DERNIER CONCERT / ROUBAIX 1967 : Fugue – Le Moribond – Fils de… – La Chanson de Jacky – La Chanson des vieux amants – Le Gaz – Les Vieux – Les Bigotes – Mon enfance – Mathilde – Ces gens-là – Amsterdam – Les Bonbons 67 – Jef – Le Plat Pays – Madeleine.
       
coffret-3D   
  
Ce soir-là, le 16 mai 1967 à Roubaix, au « Casino », une salle de cinéma et de spectacles de 1800 places, Jacques Brel chanta comme toujours, sans s’économiser, en enchaînant à toute allure les chansons, sans laisser le temps aux applaudissements d’aller à leur terme, et en terminant comme toujours (depuis des années) par Madeleine, sans revenir non plus pour le moindre rappel. Un tour de chant comme les autres, d’ailleurs présenté comme tel, si cela n’avait été la présence exceptionnelle d’Eddie Barclay, de Bruno Coquatrix et bien sûr de Charley Marouani, qui, eux, savaient bien qu’il s’agissait là de l’ultime concert à honorer de la tournée prolongeant la série des adieux à l’Olympia (du 6 octobre au 1er novembre 1966) et, surtout, qu’il serait, irrémédiablement, le tout dernier de sa carrière de chanteur. « Celle-ci, on ne la refera plus… » disait Jacques à voix basse à ses musiciens après chacune des quinze chansons – quinze, jamais une de plus !
       
Ce soir-là justement, ô malice du destin, alors que l’interprète était loué pour la force et l’intensité d’une voix permettant les plus entraînantes et difficiles envolées lyriques – son fameux « crescendo brélien » –, il dut se produire pour la der des ders avec une voix pour une fois défaillante… « Je suis embêté, confia-t-il aussitôt après le concert à un reporter d’Europe 1, Fernand Choisel, venu recueillir ses impressions ; parce que, pour mon dernier tour de chant, j’étais à  moitié aphone. […] Quand vous dites un mot gai avec une voix cassée, ce mot est toujours triste, vous avez remarqué ? Je dis “soleil” avec ma voix cassée, et ce soleil a l’air d’être noyé dans les nuages. » De la nostalgie ? « Oh, j’aurai sans doute, un jour, de la nostalgie ; mais pas maintenant. Si j’avais de la nostalgie maintenant, c’est que je me serais vraiment trompé tout à fait. »
 
Jacques Brel – Europe 1 – Concert de Roubaix 
 
On le sait, Jacques Brel ne s’était pas trompé. Au contraire, après le cinéma et L’Homme de la Mancha, il fit en sorte d’accomplir les principaux rêves qui l’accompagnaient depuis l’enfance. Cette enfance passée « de grisailles en silences / De fausses révérences / En manque de batailles… ».
L’enfance,
Qui peut nous dire quand ça finit,
Qui peut nous dire quand ça commence,
C’est rien, avec de l’imprudence,
C’est tout ce qui n’est pas écrit.
    
couv-Brel-internet-copie-1Un beau jour d’été sur l’Escaut, à la barre de l’Askoy, Cap’tain Brel prenait le large et mettait le cap sur les mers du Sud. Pour un tour du monde censé durer cinq ans. Mais tout n’était pas écrit… Il restait à Jacques Brel à vivre l’aventure la plus belle, la plus folle et la plus inattendue de toute son existence, celle qui donnerait rétrospectivement à son œuvre ses lettres de noblesse, qui la rendrait vraiment immortelle en lui offrant l’occasion, rarissime, d’opérer la jonction entre l’homme et l’artiste.
    
Les Marquises, le voyage au bout de la vie du Grand Jacques ? Non ! Tout l’inverse : son départ pour une nouvelle vie. Car, à Hiva Oa chaque matin comme celui du 24 juillet 1974 à Anvers, « l’aventure commence alors / que la lumière nous lave les mains » : l’aventure commence à l’aurore !
 
 
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