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  • : SI ÇA VOUS CHANTE (le blog de Fred Hidalgo)
  • : Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…
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  • Fred Hidalgo
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.

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5 juin 2012 2 05 /06 /juin /2012 10:28

Boby, Wally, Camille, Tiou, Liz et les autres

 

Évidemment, il faut faire ses choix. Parfois les spectacles se chevauchent, ce qui permet d’en voir un en entier et la fin d’un autre, parfois les horaires concordent et le choix s’impose. D’autant plus quand les salles sont bondées, ce qui a été le cas du jeudi de l’Ascension au samedi soir, la fréquentation des trois premiers jours étant progressive pour atteindre quasiment le plein dans la soirée du mercredi. Notamment avec la création Boby Lapointe repiqué, à 21 h 15 au Chapitô. Pour être repiqué, le répertoire du Boby, ça, il est repiqué. Mais comme ledit Boby était un poil piqué lui-même, si la forme peut surprendre, le fond est à l’avenant (lavement ?) du personnage ainsi honoré. Ou plutôt revisité avec du poil à gratter, et même carrément déjanté… mais, heureusement, toujours en français lapointesque dans le texte.

 

 

On connaît la victime, c’est un Piscénois anti-pisse-froid. Mais les coupables ? Ils viennent de partout. Dénonçons-les sans état d’âme : Roland Bourbon (batterie), Dimoné (guitare électrique), Évelyne Gallet (guitare ac.), Imbert Imbert (contrebasse), Presque Oui (guitare ac.) et Yeti (ustensiles divers), et tout ce petit monde au chant… et à l’hélicon pour démarrer la soirée, pom-pom-pom-pom ! Une folle création appelée à tourner, si l’on en juge par le triomphe obtenu ce soir-là (où Dany Lapointe, la petite fille et directrice du Printival de Pézenas, a rejoint la troupe sur scène pour le salut final). À noter entre autres la reprise du fameux duo de Boby avec Anne Sylvestre (voir vidéo ci-dessus) sur l’inénarrable Depuis l’temps que j’l’attends, mon prince charmant

 

Wally.jpg

 

Au Chapitô encore, Wally, le régional de l’étape, est venu nous régaler seul en scène avec ses petites chansons. Petites au sens de brèves, parfois très brèves, mais toujours très réussies. Il faut dire que le bougre (qui, soit dit au passage, a perdu quarante kilos en un an, sans perdre un gramme de son humour) est non seulement un excellent interprète, tant au plan vocal que de sa maîtrise de la scène, mais aussi une bien belle pointure à la guitare. On a ri comme des fous, y compris quand le drôle s’amuse à inventer une chanson dramatique, bien lourde et dense, irrésistible parodie de « chanson à texte » (un qualificatif que j’ai toujours trouvé ridicule, soit dit en passant, puisqu’il laisse entendre qu’il existerait une chanson sans texte…). Dans la salle, un public aux anges, des directeurs de festivals enthousiastes, des collègues complices…   

 

 

Respectueux des horaires, Wally s’est appliqué à terminer sa prestation juste avant celle de Camille à Eurythmie, qu’en connaisseur et bon camarade il n’a pas manqué de recommander à l’assistance. Bonne pioche, malgré le volume du lieu que ladite Camille parvient à nous faire oublier avec une création intime et grandiose à la fois. Mais, surtout, magique. Tout acoustique, trois musiciens faisant dans la dentelle, un son absolument parfait (comme quoi c’est bien l’ingé-son et pas la taille de la salle qui détermine la qualité sonore), des lumières tamisées comme dans un salon, dessinant un décor dépouillé, avec des projections et des ombres chinoises, pour une mise en scène réglée au cordeau, mais d’une sobriété, d’une finesse et d’une originalité remarquables. 

 

 

L’ensemble permet d’apprécier une Camille largement au-dessus du tout-venant artistique. Au-dessus ? Ailleurs, plutôt, se promenant vocalement et physiquement dans un univers étrange et magnifique qui ne ressemble à rien de ce que l’on connaît déjà. Une Camille à la voix d’or dont elle joue (et se joue) à merveille, quel que soit le registre choisi, dégageant une émotion esthétique pure, engendrant l’admiration du public, captivé et emporté après un instant de doute. Par moment, on pourrait presque entendre une mouche voler (d'où la demande faite au public et aux pros de ne pas prendre de photos). Car le spectacle de Camille est tout sauf facile. À émettre bien sûr, de même qu’à recevoir. Tout d’abord déroutant, sans véritables tubes auxquels se raccrocher, inclassable, puis de plus en plus prenant, saisissant. Beau, tellement beau… Allez-y voir, sans idées préconçues (y compris pour le rappel, avec une reprise d’un standard français des plus populaires, que Camille réinvente comme une magicienne, ou comme une fée dont elle a d’ailleurs l’allure dans sa longue robe claire), la tête et le cœur disponibles. Vous resterez longtemps sous le charme. Comme nous l’avons été, collectivement, au point qu’il nous aurait paru sacrilège, ce soir-là, de ne pas terminer la journée sur cette belle note. 

 

 

Il y avait pourtant, à ce moment-là au Magic Mirrors, un excellent Oldelaf installé au centre de la piste, ses musiciens et les spectateurs faisant cercle autour de lui, les uns debout, complices, les autres, assis à même le sol, visiblement séduits par le personnage et ses chansons. Le lendemain en ce même lieu s’achevait la série de concerts des Découvertes 2012 avec Jali, Carrousel et Zoufris Maracas (à suivre de près, ce quintette masculin, avec ses textes sociaux, son humour et ses rythmes ensoleillés).

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Au total, douze artistes et groupes sélectionnés (tous en français dans le texte) : From & Ziel, Liz Cherhal, Antoine Hénaut, Anouk Aïata, Tiou, Ginkoa, Alex Nevsky, Jeanne Plante, Les Yeux d’la Tête et les trois précités. Au final, le samedi soir à Eurythmie, deux lauréats interprétant chacun avec succès trois titres entre la prestation d’une autre découverte pour beaucoup de monde, Chloé Lacan (déjà vue et appréciée le jeudi au Théâtre, avant Presque Oui) et le concert de clôture de Thomas Dutronc : Tiou et Liz Cherhal.Tioujpg-copie-1

 Les « Bravos » du public sont allés au Bordelais Tiou (devant Zoufris Maracas, Jeanne Plante et Liz Cherhal) ; les « Bravos » des professionnels à la Nantaise Liz Cherhal (devant Zoufris Maracas, Tiou et Jeanne Plante). Le premier se décrit comme « un enfant des bistrots » qui possède « une forme de désinvolture et de liberté scénique hors du commun » ; avec des textes incisifs, accompagné par trois musiciens, il apparaît tour à tour satirique, lucide, déconcertant et tendre. Quant à la seconde (oui, la petite sœur…), avec ou sans accordéon pour compagnon (mais avec deux musiciens aux petits oignons), elle est confondante d’aisance et d’humour pince-sans-rire. On a pu le vérifier encore lors de la cérémonie de remise des prix « Coup de Cœur Chanson » de l’académie Charles-Cros (récompensant un album), le vendredi midi sous le Magic Mirrors.  

 

 

Alain Fantapié, le président de cette docte Académie créée il y a plus d’un demi-siècle, en 1947, a remis les diplômes 2012 en mains propres aux trois quarts des artistes distingués, présents au festival (soit qu’ils y étaient programmés, heureux hasard, soit qu’ils avaient spécialement effectué le déplacement). Devant un parterre de membres du Charles-Cros et une assistance nombreuse, chaque artiste a pu commenter son parcours et interpréter une chanson. 

 charlesCros.jpg

 

Par ordre alphabétique : Aldebert (pour son album Les Meilleurs Amis), Wladimir Anselme (Les Heures courtes), Barcella (Charabia), Barbara Carlotti (L’Amour, l’Argent, le Vent), Liz Cherhal (Il est arrivé quelque chose), Lili Cros et Thierry Chazelle (Voyager léger), Claide Denamur (Vagabonde), Mansfield Tya (Nyx), Nevchehirlian (chante Prévert : Le soleil brille pour tout le monde ?) ; outre quatre « Coups de cœur francophones » : Bo Houss (Shimaore Tu, Mayotte), Vincent Liben (éponyme, Belgique), Moran (Mammifères, Québec), Sand (Sirocco, Suisse romande). Pour la petite histoire, quatre de ces lauréats (Aldebert, Anselme, Cherhal, Cros et Chazelle) avaient été distingués par votre serviteur dès le 11/11/11 (!) dans un seul et même sujet (voir « Les Chansons de l’échanson »). Un « Coup de Cœur Pro » complétait enfin le palmarès de cette douzième édition, décerné à Patricia Teglia pour son travail d’attachée de presse qui, dans son cas, va souvent jusqu’à l’accompagnement des artistes dans leur développement de carrière. « Bien mérité ! », dirait Clarika.

[À SUIVRE]

 

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5 juin 2012 2 05 /06 /juin /2012 09:51

En français dans le texte... à la sauce Tistics 

 

Avec le temps, si l’on est un humain normalement constitué (je veux dire attiré par les belles choses, les étoiles, les voiles, que des choses pas commerciales), on a tendance à se faire de plus en plus exigeant. On n’en apprécie que mieux les gens et les créations authentiques, pour oublier les autres, les tricheurs et les faiseurs. Avec le temps, dans la culture comme dans la vie en général, une valeur domine toutes les autres : la fidélité à ses idées et à ses convictions. Tout cela – l’exigence, l’authenticité et la fidélité – constitue la caractéristique principale du festival Alors… Chante ! de Montauban, dont la vingt-septième édition s’est déroulée du lundi 14 au dimanche 20 mai.

Pas besoin d’aller chercher plus loin les raisons de son succès, mélange rare de convivialité (pour une manifestation de cette taille) et de confiance jamais démentie entre organisateurs et festivaliers. La première attire ici les principaux relais professionnels du spectacle vivant (dont une trentaine de responsables de festivals de chanson francophone, réunis en fédération) et quantité d’artistes venus simplement côtoyer leurs collègues une semaine durant ; la seconde a fait du public de Montauban non pas un conglomérat de chapelles musicales, imperméables les unes aux autres, mais une entité globale, avide de belles émotions, quel qu’en soit le genre musical.

 

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On en parle rarement au moment de rendre compte d’un festival. On parle de sa programmation, des goûts et dégoûts du journaliste, de la météo et de l’indice d’occupation des salles. Pas du public, sauf pour le comptabiliser. Celui-ci (ou du moins la somme d’individus le composant) est pourtant le premier acteur d’un festival (et son premier commanditaire, comme disent en bon français nos cousins québécois) ; c’est pour lui d’abord et avant tout que l’équipe d’Alors… Chante ! s’applique des mois durant à bâtir une affiche de qualité. Et justement, à Montauban, il n’y a pas que les artistes qui ont du talent, le public aussi, intelligent, sensible, à l’affût de tout, y compris du plus déroutant a priori, pourvu que la qualité soit au rendez-vous. Et ça, nom d’un pipeau, dans un monde où l’ouverture et l’éclectisme sont souvent battus en brèche par le repli sectaire qui a causé tant de mal à l’image de la chanson (« c’est une vieille maladie poisseuse » qui gagne…), ça fait un bien fou !

À Montauban, tous les maillons de la chanson vivante, organisateurs, artistes et spectateurs, qui se croisent et se recroisent dans les salles, les allées et les bars-restaurants du festival – pour faire connaissance, échanger, témoigner, discuter et commenter le monde comme il va et la chanson comme elle se porte – sont au diapason. Sans chichis ni protocole ou star-système. Autre spécificité d’Alors… Chante ! et non la moindre : la défense et l’illustration de la langue française. Fidélité aux idées et aux convictions, disais-je. La chose pourrait sembler évidente en France, elle devrait aller de soi dans un festival francophone. Mais l’anglais (ou plutôt le franglais…) devient peu à peu le véhicule dominant de la relève hexagonale, la nouvelle non-chanson française, sans que les médias et, pire encore, certains festivals, bien oublieux des principes qui ont présidé à leur création, n’en paraissent gênés le moins du monde. C’est même tout le contraire, parfois, puisqu’on va jusqu’à revendiquer ce non-sens culturel comme un signe d’ouverture au monde ! Dans le concert des grands festivals (au sens premier du terme : qui attirent des dizaines de milliers de spectateurs), Montauban serait-il le dernier des Mohicans ?

 

 

L’ouverture aux autres, la véritable ouverture, c’est d’apprécier les artistes malgaches, par exemple, lorsqu’ils chantent dans l’une des langues vernaculaires de l’Île rouge (pareil pour n’importe quelle autre culture) ; mais le jour où les Malgaches chanteront en anglais, ils perdront absolument tout intérêt, en abdiquant au passage leur histoire, leur mémoire, leur identité. Bref, leur raison d’être. En France, on voit ainsi, d’une année sur l’autre, les « découvertes » de tel ou tel festival (où la notion de « production française » s’est peu à peu substituée à celle de la langue, quitte à cautionner cette dérive de l’artistique vers l’économique) renier la langue de Molière pour celle de Shakespeare.

À les entendre, vieille rengaine démentie par l’histoire de la chanson (qu’ils méconnaissent visiblement), c’est parce que le français ne swinguerait pas… Et l’espagnol, et l’italien, etc., ça ne swingue pas non plus ? Pourquoi choisir toujours l’anglais plutôt que le catalan, le portugais du Brésil ou le créole réunionnais – par exemple – qui sonnent à la perfection (réécoutez donc Lluís Llách, Caetano Veloso ou Danyel Waro… par exemple !). En réalité (sauf exception qui se justifie, comme celle d’une double culture maternelle), soit l’on pense (à tort dans la plupart des cas) que l’anglais ouvrira plus facilement les portes de la réussite commerciale ; soit on s’en sert d’alibi pour masquer des lacunes dans sa langue maternelle.

Réveille-toi, Nougaro, ils sont devenus fous ! « Moi, ma langue, c’est ma vraie Patrie / Et ma langue, c’est la Française / Quand on dit qu’elle manque de batterie / C’est des mensonges, des foutaises. / Ceux qui veulent lui casser les reins / Je leur braque mes alexandrins ! » Il y aura bientôt un siècle, depuis Mireille et Jean Nohain (pour ne considérer que la chanson contemporaine), qu’on fait swinguer le français. Trenet ensuite, puis Nougaro (suivis de tant d’autres !) l’ont démontré sans coup férir. Suffit de s’en donner la peine… et de posséder un brin de talent. « Vive l’alexandrin ! / La bête aux douze pieds qui marche sur la tête / Vive l’alexandrin ! / Le ring du poids des mots, la boxe des poètes / L’alexandrin, l’alexandrin ! »

La suite ? « Les cordes de Nerval, les orgues de Racine / Le grisou du génie dans un crayon à mine / Le grand marteau-piqueur adapté tout-terrain / L’alexandrin, l’alexandrin ! / Lamartine, Baudelaire, Hugo / Audiberti, allez hue ! Go ! » Oui, go, les jeunes, foncez en français dans le texte… ou passez votre chemin, si vous tenez à emprunter les autoroutes de l’industrie culturelle censées vous mener au succès international, formaté, sans originalité, sans personnalité. Triste à pleurer.  

 

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À Montauban, puisque c’est ce qui nous occupe, ç’a été tout le contraire : à mourir de rire. Même en chantant délibérément en franglais avec Les Tistics, une douzaine de joyeux et jeunes lurons, quatre filles et huit garçons, tous à la voix et trois à la guitare, avec une sorte de Monsieur Loyal pince-sans-rire. Leur spectacle s’intitule précisément Les Franglaises. À savoir tout un répertoire de « grandes » chansons anglaises et américaines, interprétées en français, non pas adaptées mais traduites de façon littérale… Des standards que l’on a tous en mémoire dans leur version originale, dont on pense naïvement (si l’on ne parle pas l’anglais ou si l’on écoute distraitement, emportés qu’on est par la mélodie et/ou la voix) qu’ils sont bien écrits, enfin écrits correctement… et dont on découvre en réalité, stupéfaits, la bêtise, l’inanité, la nullité, la vacuité parfaite ! Une simple suite de mots la plupart du temps, sans rapport les uns avec les autres, choisis simplement pour leur son par leurs « auteurs ». Cela va des Bee Gees ou des Beach Boys aux Spice Girls, en passant par les Pink Floyd, Michael Jackson ou les Beatles (prenez le temps de déchiffrer le texte d’Hello good bye, par exemple : vous ne serez pas déçus du voyage !).

   

 

Malice pédagogique délibérée de nos loustics-Tistics ? Histoire de montrer que les plus grands succès anglophones (enfin, ceux qu’ils ont choisis !) n’existent que par leur musique et leur interprétation, le texte venant simplement en illustration sonore ? Dans ce cas, il faudrait emmener tous les écoliers de France et de Navarre voir ce spectacle pour le moins éducatif. Ou simple volonté de passer un moment de franche rigolade ? Les deux peut-être, mon capitaine, car c’est réussi dans les deux cas, gestuelle et mise en scène incluses, sans recours à aucun décor.   

 

 

Je m’en voudrais d’en dire plus, au risque de déflorer l’intérêt du spectacle, car celui-ci est interactif, notre Monsieur Loyal proposant directement au public de trouver le titre de la chanson originale en lui donnant les premiers mots de la traduction française. Ce qui marche à tout coup et nous permet de découvrir alors la totalité de la chanson à la sauce Tistics, pour le plus grand bonheur de l’assistance. Simplement, pour vous donner quand même un aperçu, lorsque notre homme s’avance vers le public et lui dit : « Georgette dans ma tête… », on comprend qu’une chanson qu’on imaginait aussi géniale qu’émouvante (ce qu’elle est vraiment, interprétée par son créateur… Ray Charles) n’est qu’une daube infâme, côté texte : Georgia on my Mind

Ne croyez pas pour autant que ces sacrés Tistics se contentent de se livrer à une démolition en règle du patrimoine tubesque de nos amis anglais et américains : loin d’être primaires (et encore moins sectaires), ils savent s’en prendre également à la chanson française en la traduisant en anglais. Et cela frise aussi le ridicule, parfois, même lorsque c’est un dénommé Gainsbourg qui en est l’auteur...

 

TISTICS4.jpg

 

Cela se passait au Théâtre Olympe de Gouges dans la programmation réunissant deux concerts différents entre 18 et 20 h 30. Les trois autres lieux investis par le festival étant la grande salle Eurythmie (3 000 places), le Chapitô (environ 500 places) réservé notamment aux débats du matin, au jeune public et aux soirées plus intimes, et le Magic Mirrors accueillant dans l’après-midi les fameuses « Découvertes » d’Alors… Chante ! – la marque de fabrique du festival, celles qui attirent tous les professionnels de la scène – et le bœuf traditionnel de fin de soirée, pour prolonger encore une journée déjà bien chargée (dix à douze concerts quotidiens).

[À SUIVRE]

 

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9 mai 2012 3 09 /05 /mai /2012 16:55

Je chanterai, tu chanteras, il ou elle chantera…

 

On approche de l’édition 2012 du festival « Alors… Chante ! » de Montauban, vingt-septième du nom, du lundi 14 au samedi 19 mai. On le sait, c’est une manifestation que l’on apprécie tout spécialement. Pour sa convivialité rare, d’abord. Pour la qualité bien sûr et la diversité de sa programmation ; pour la spécificité de sa « fête » finale autour d’un grand artiste (quand l’occasion s’y prête, sans systématisme artificiel) ; enfin pour ses « Découvertes » : un tremplin assurant sinon la gloire du moins la reconnaissance des pros de terrain. L’autre marque de fabrique d’ « Alors… Chante ! » est en effet de réunir chaque année – unité de lieu et de temps – les directeurs des festivals de chanson, quels que soient leur taille et leurs moyens respectifs, après avoir été à l’origine de la création de la Fédération des festivals francophones.  

 Jo-copie-1.jpg 

C’est ainsi qu’en 2010, pour le vingt-cinquième anniversaire (voir notre compte rendu ici, en trois volets), on y découvrit notamment une certaine Zaz, qui a parcouru bien du chemin depuis. Respect, donc, pour « Alors… Chante ! » Surtout que l’un de ses invités d’honneur, celui de 1992 (beau millésime : ce fut celui de la création de Chorus-Les Cahiers de la Chanson prenant la relève attendue de Paroles et Musique… qui inspira Georges Masure, dit « Jo », le fondateur unanimement estimé de ce festival – il n’y a pas de hasard), avait résumé l’essentiel dans un superbe texte de chanson. Une œuvre peu connue, couchée discrètement sur le papier car restée orpheline de musique, que je vous livre avec bonheur.

Cela s’intitule sobrement Tu chanteras, mais à défaut de voix et de notes, ça vaut son poids de mots… et de prémonition poétique. Jugez-en :

Mon cher Georges,

Quand la terre en aura fini
Avec sa ronde autour des ans
Quand le ciel deviendra tout gris
Et qu’il pleuvra des pluies de sang
Quand les femmes s’habilleront
En insémination majeure
Et que les enfants parleront
À leur papa l’ordinateur

Tu chanteras

Quand les filles auront des seins
Remplis de bateaux au long cours
Aves des voiles et des jardins
Où fleuriront des fleurs d’amour
Quand les prisons se videront
Et que les juges seront las
Quand les chevaux dételleront
Et nous mettront enfin au pas

Tu chanteras

Quand les symphonies pèseront
Les poids du rêve et de l’ennui
Quand les orchestres s’en iront
Faire l’amour avec les nuits
Quand les pershings auront l’accent
Dans la province de Moscou
Quand les sourires auront le temps
De prendre tes larmes à ton cou

Alors tu chanteras
Au mois de mai
Quand les étoiles pâliront
De te voir encore debout

Tu chanteras tu chanteras
À Montauban
Au mois de mai
Et qui sait quand… à Montauban…

 

LeoLenySapho

 

C’était il y a vingt ans exactement. Vous l’avez reconnu, bien sûr. Il s’agit d’un texte écrit « à l’occasion du festival de Montauban de mai 1992, organisé par Georges Masure et dont Léo Ferré était l’invité » (voir la photo ci-dessus de Francis Vernhet, l’œil de Chorus, avec Leny Escudero, Sapho et Georges Moustaki). L’un des tout derniers du Vieux Lion (rassemblés dans le recueil La Mauvaise Graine, textes, poèmes et chansons 1946-1993, paru en novembre 1993 chez Edition°1*). Et il n’en a pas écrit des pelletées, des comme celui-là, dédié nominativement. Il est vrai que Jo, l’homme, a toujours été et reste proche de Léo dans l’esprit. C’est extra, dirait Thiéfaine...

 

 

1992-2012. Avec le temps, au mois de mai à Montauban, on chante toujours autant… quel que soit le temps. « Alors… Chante ! » 2012 ? Pas de grosse artillerie, mais tout plein de petits bonheurs. En bref et dans l’ordre chronologique, du lundi 14 au samedi 19 mai (pour le détail se rapporter au site du festival, à sa grille de programmation, au programme des Découvertes et à sa billetterie : tous les liens sont là) : Chtriky, Merlot, Pascal Peroteau, les Wackids, les Becs Bien Zen, les Grandes Bouches, Zebda, Clément Bertrand, Carré de dames (une création d’Agnès Bihl et Anne Sylvestre avec leurs accompagnatrices), From & Ziel, Liz Cherhal, Antoine Henaut, Jacques Haurogné, Moran, Berry, Cœur de Pirate, Brigitte, Boby Lapointe repiqué, HK et les Saltimbanques, Anouk Aïata, Tiou, Ginkoa, Petit Noof, Chloé Lacan, Presque Oui, Carmen Maria Vega, Hubert-Félix Thiéfaine, Vincent Liben, Suarez, Alex Nevsky, Jeanne Plante, les Yeux d’la tête, Franz, Bulle de vers, Les Franglaises par les Tistics, François & The Atlas Mountains, Camille, Wally, Oldelaf, Jali, Carrousel, Zoufris Maracas, Dimoné, L, Thomas Dutronc avec les « Bravos 2012 » (les résultats des Découvertes) en première partie, Nevchehirlian (chante Prévert)… et les excellents Blankass pour clore le bal chantant au Magic Mirrors. Sans parler du Off…

Bref, de la chanson jeune public, des créations, des découvertes, du patrimoine. De l’acoustique au rock, toujours dans le respect de la tradition poétique d’« Alors… Chante ! » J’en veux pour seul exemple la programmation d’Hubert-Félix Thiéfaine… qui parle ici (voir vidéo ci-dessus) d’un certain Ferré (à qui j’avais proposé d’écrire une préface sur Hubert pour le premier livre, signé Pascale Bigot, consacré au chanteur franc-comtois). Il aura fallu attendre 2012 pour que les « professionnels de la profession » à Paris reconnaissent enfin ce que Léo disait en substance de Thiéfaine dès 1987 dans ce mot qu’il m’envoya manuscrit (et dont je conserve précieusement l’original) : « …Il vint alors, Hubert-Félix, débordant de tendresse, parlant, chantant et donnant au verbe une pathétique présence : c’était un oiseau vainqueur, les cigales sous les ailes, la musique se révélant soudain comme l’inédit de la folie, quand la folie devient maîtresse et que plus rien ne l’arrête. Le voilà, Hubert-Félix, le silence en bandoulière et Leonardo dans les mirettes. Dans la salle pleuraient les loups déchaînés. Les louves tendaient les bras vers ce lac de lumière où la musique se teint en rouge avant de disparaître. Les mots d’Hubert-Félix emportent tout vers l’inconnu, vers la tendresse aussi, quand la tendresse lui prend la main… »

 

Leprest.jpg

 

À Montauban, en 2012, Léo Ferré ne sera jamais bien loin de nous. Pas davantage qu’un autre de nos grands amis, grand poète de la chanson, trop tôt, beaucoup trop tôt disparu : l’homme aux deux ailes, comme disait son ami (et admirateur !) Claude Nougaro, je veux évidemment parler d’Allain Leprest. Allain qui était un fidèle d’« Alors… Chante ! » dont il ne manquait aucune édition, qu’il y soit programmé ou pas. Le festival a tenu très justement à lui rendre hommage, moins d’un an après sa disparition, à travers une rencontre publique : elle aura lieu jeudi 17 à 11 h 30 sous le petit chapiteau, avec Jo Masure qui a forcément beaucoup de choses à dire sur Allain ; avec Claude Lemesle qui, pour être l’un de nos principaux auteurs contemporains, n’en considérait pas moins Leprest – de son vivant – comme un écrivain majeur de la chanson ; et avec votre serviteur qui s’est trouvé, au tout début des années quatre-vingt (et grâce à Henri Tachan : voir « Allain Leprest : Donne-moi de mes nouvelles » sur ce blog), en situation de jouer un rôle dans le parcours professionnel de cet exceptionnel autant qu’atypique « chantauteur » (je revendique le néologisme).

Mais comme la parole ne remplace pas la chanson, plusieurs artistes programmés lors de cette édition viendront nous interpréter certaines œuvres d’Allain Leprest en guitare ou piano-voix. Claude Lemesle lui-même, chanteur à ses débuts, s’y collera, non sans émotion partagée, je le pressens, je le sens déjà. Car, pour nous qui l’avons connu de près, comme pour tous ceux qui ont eu la chance de le voir sur scène (la seule manière d’aller à sa découverte, tant l’indifférence médiatique fut grande et constante à son égard, sans qu’il ne montre jamais la moindre amertume), Allain Leprest ne nous a pas quittés. Il est toujours à nos côtés. Alors, Allain… Chante ! Chante comme tu l’as toujours fait ; pour l’amour, pas pour la gloire.

 

 

• Festival « Alors… Chante ! », c/o association Chants Libres, 505 avenue des Mourets, 82000 Montauban (informations au 05 63 63 66 77).

*J’en profite pour adresser mes remerciements à la famille, à Marie-Christine Ferré bien sûr et d’abord, à Mathieu et à la fratrie ensuite, ainsi qu’aux Éditions La Mémoire et la Mer (qui conservent l’entier copyright du texte ci-dessus).

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