Trompe la mort (suite)
Brassens, on le sait, est probablement le chanteur d’expression française dont le répertoire est le plus souvent repris par ses pairs, en France et dans le monde, quelles qu’en soient la génération, la langue et le style musical. Entre autres nouveautés brasséniennes de cet automne – qui sont légion, comme à chaque fois que l’auteur de Trompe la mort revient sous les feux des projecteurs –, voici la sélection de Si ça vous chante.
À chacun des dossiers de Paroles et Musique ou de Chorus que nous lui avons consacrés en l’espace de trente ans, un chapitre spécial (souvent signé Michel Trihoreau) était dédié au recensement puis à la réactualisation de ses interprètes, toujours plus innombrables, qu’ils s’expriment en chinois ou en hébreu comme dans la langue de Molière. Rien de tel ici, d’autant plus que d’autres le font maintenant très bien, sur papier (la revue Les Amis de Georges) ou sur le Net (la lettre Auprès de son arbre). Je m’en tiendrai donc à un choix extrêmement pointu et subjectif, non sans préciser que j’ai forcément échappé (à mon corps défendant) à nombre de nouveautés que j’aurais sans doute eu plaisir à présenter. Si les journaux précités étaient l’œuvre de toute une équipe, Si ça vous chante est la résultante d’un seul bonhomme…
En revanche – voilà une idée, qu’elle est bonne ! –, rien n’interdit aux brasséniens, brassenssophiles et autres brassenssomaniaques d’apporter en commentaires à ce sujet tous les compléments d’information qu’ils souhaitent, avec les références concernées. N’est-ce pas, depuis sa création il y a déjà près de deux ans (le 18 novembre 2009), l’un des objectifs affichés de ce blog de promotion de la chanson française et de l’espace francophone ? Compter sur ses lecteurs-auditeurs-spectateurs pour faire chorus et prolonger ainsi, dans l’intérêt général, le propos initial…
Bref, voici notre sélection brassenssophilique (ou brassenssophilesque ? brassenssonienne ?...) 2011, délibérément diversifiée et limitée, par ordre alphabétique. Pour en savoir plus sur chaque création et surtout pour en écouter des chansons et se faire soi-même sa propre idée, nous renvoyons au site concerné.
• ALCAZ & Georges B. : Vent fripon.
Dix chansons parmi les plus célèbres de Tonton Georges revisitées de façon plutôt swing par Vyvian Cayol et Jean-Yves Liévaux (qui signe également un instrumental). Contrebasse, batterie, saxophones, guitares et harmonica accompagnent leurs voix chaleureuses, éraillée et rock pour lui, claire et tendre pour elle. Alcaz ? Voir « Étoiles des neiges » dans ce blog. 11 titres, 39’07, Transformances Prod (site d’Alcaz).
• MICHEL ARBATZ (et Olivier-Roman Garcia) : Chez Jeanne (la jeunesse de Brassens).
C’est indéniablement la réussite la plus originale réalisée cette année en la matière. Et donc un « Quichotte » de Si ça vous chante. Plus qu’un album de reprises, il s’agit en effet d’une création qui marie pour le meilleur le répertoire de Brassens et les chansons spécifiques d’Arbatz avec des commentaires intercalés restituant avec pertinence la jeunesse du Sétois jusqu’à ses débuts. Superbe album et sans doute concert de la même eau (on connaît le talent du bougre : voir ICI la critique de son disque précédent, De A à Z, publiée en mai 2010 dans Si ça vous chante). 29 titres, 78’26, Production Zigzags (site de l’artiste).
• JOËL FAVREAU (et Jean-Jacques Franchin) : Brassens autour du monde.
C’est une réédition (l’original date de 2008), mais plus que bienvenue provenant de celui qui fut le guitariste de Brassens tant pour les enregistrements que pour les émissions télévisées à partir de 1969 (voir la vidéo de La Supplique… dans ce blog). En l’occurrence, Joël Favreau (auteur-compositeur-interprète lui-même, hélas trop méconnu) a réalisé un vieux rêve avec son accordéoniste Jean-Jacques Franchin : « Jouer des chansons de Brassens avec des musiciens de tous les horizons, mêlant ainsi la structure musicale, les mélodies et les paroles de Georges à d’autres cultures traditionnelles. » L’album nous emmène en Nouvelle-Calédonie, au Liban, au Bénin et en Afghanistan, montrant, une fois de plus « à quel point les musiques de Brassens sont universelles et qu’elles sont ouvertes à tous les mélanges ». 11 titres, 40’10, prod. Le Sourire du chat/Le Chant du Monde, distr. Harmonia Mundi (site de Joël Favreau).
• L’AFFAIRE BRASSENS : éponyme.
Œuvre du quatuor composé de Jean et Pascal Bonnefon, Jacques Gandon et Patrick Salinié, L’Affaire Brassens (qui donne aussi son titre au groupe) est autant une jolie recréation de l’œuvre du bon Georges, à travers dix chansons bien choisies, qu’un hommage intelligent. Les quatre au chant et aux guitares sont accompagnés d’une contrebasse, d’une boîte à musique, de cordes diverses et d’une mandoline (jouée par Francis Cabrel sur un titre : c’est dire, quand on connaît l'admiration de celui-ci pour Brassens, la pertinence de ce projet). Et ça swingue d’une guitare l’autre et ça dialogue d’une voix l’autre et c’est un vrai régal ! Sur scène, le concept va plus loin, les quatre (bacheliers ?) étant convoqués devant un juge (la voix de Claude Villers, président du mythique Tribunal des flagrants délires de France Inter) pour expliquer en paroles et en musiques pourquoi ils chantent l'auteur sulfureux de La Mauvaise Réputation… Au final, du Brassens qui emprunte des chemins de traverse. 10 titres, 33’12, chez V.music (site du groupe).
• Autre parution à recommander, pour son originalité et le soin apporté à sa réalisation, le CD-livre Georges Brassens, Gare au gorille qui propose deux disques accompagnés d’un livret bilingue (français-anglais) avec illustrations d’époque de 36 pages. Le CD1 rassemble « ses premiers titres », soit 24 chansons de 1952 (La Mauvaise Réputation) à 1960 (Embrasse-les tous), plus un inédit jamais enregistré par son auteur, Le Bout du cœur, extrait de l’émission Télé Vichy (!) diffusée le 11 août 1954 par l’ORTF. Le CD2, lui, réunit « ses premiers interprètes » de 1953 à 1960, à savoir Patachou, Barbara, Les Quatre Barbus, Les Cinq Pères, Les Compagnons de la Chanson, Juliette Gréco, Sidney Bechet, Christian Méry, Pia Colombo, Michèle Arnaud, Michel Frenc et Joss Baselli. Compilation réalisée par Laurent Balandras (CD1, 25 titres, 68’07 ; CD2, 25 titres, 69’05), Discograph (site du label).
• Cerise sur le gâteau, Jean-Paul Sermonte, créateur de la revue Les Amis de Georges (voir plus haut), nous offre un livre-CD intitulé Brassens et les poètes (versions originales des poèmes mis en musique, biographies de leurs auteurs, versions chantées par Brassens…) qui, pour être une nouvelle édition (revue et augmentée) du numéro spécial éponyme paru en 1998, n’en devient pas moins un ouvrage à ajouter à la bibliothèque idéale sur Brassens. D’autant plus que ce livre (cartonné, format 170 x 245 mm) s’accompagne d’un CD (42’) de poèmes commentés, dits ou chantés par Brassens, enregistrements tirés de l’émission Pirouettes de Georges Wargnier diffusée de septembre 1979 à juillet 1980 sur Europe 1. Ouvrage collectif sous la direction de Jean-Paul Sermonte, 128 pages, Editions Didier Carpentier.
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NB. Dans le prochain Si ça vous chante, le fruit d’une sélection des nouveautés discographiques du moment, nos « Vendanges d’automne » 2011… avant un grand reportage en plusieurs volets, sur les traces de… Mais chut, chaque chose en son temps.