Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : SI ÇA VOUS CHANTE (le blog de Fred Hidalgo)
  • : Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…
  • Contact

Profil

  • Fred Hidalgo
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.

Site de Fred Hidalgo

Journaliste, éditeur, auteur
À consulter ICI

Recherche

Facebook

La Maison de la chanson vivante
   (groupe associé au blog)
 

Jean-Jacques Goldman, confidentiel
  (page dédiée au livre)

 

Fred Hidalgo
  (page personnelle)

Archives

Livres

 

 

17 septembre 2011 6 17 /09 /septembre /2011 10:57

« Il n’y a pas qu’au Danemark… »

 

J’ai dit au sujet d’Allain Leprest qu’on risquait d’assister bientôt au bal traditionnel des faux-culs, à l’expression d’hommages posthumes émanant d’individus qui s’étaient consciencieusement appliqués à l’ignorer de son vivant. Ça n’a pas manqué ! Mais cette ronde des hypocrites sévit dans tous les domaines : on voudrait par exemple nous faire croire qu’on découvre aujourd’hui seulement, plus de cinquante ans après « le temps des colonies », les méthodes maffieuses de la Françafrique… Petit intermède d’actualité, si ça vous chante, à propos de ce que le journaliste d’investigation Pierre Péan appelle La République des mallettes dans son nouveau livre. À la barre des témoins, en paroles et musiques : Pierre Akendengué, Francis Bebey et Leny Escudero.

 

PMLeny.jpg


Des chefs d’États africains auraient contribué à financer certaines de nos campagnes présidentielles ? « Que dites-vous là ? » Des valises pleines de billets auraient transité, des années durant, de Libreville, Abidjan, Dakar ou Brazzaville à Paris ? « Quelle imagination ! » On aurait utilisé de l’argent détourné – l’argent extorqué aux peuples africains, l’argent du développement – pour payer les campagnes présidentielles de certains partis français ? « Pas possible ?! » Eh bien oui, c’est possible.. comme est bien réparti, aussi, l’art consommé de la comédie dans le monde politicien.

On fait semblant de tomber des nues, alors que tout observateur un tant soit peu informé du fonctionnement de la Françafrique sait, ne serait-ce que par ses lectures, que ces pratiques n’ont pas tardé à se mettre en place après les indépendances des années 60 et qu’elles étaient devenues monnaie courante – c’est le cas de le dire – dès les années 70. Des preuves ? Comme vient de le dire un de ces « éminents » porteurs de valises, d’un président l’autre, le propre de ce système était de ne pas laisser de trace. La seule nouveauté dans cette affaire, c’est précisément qu’un de ces hommes de l’ombre, adoubé en France comme en Afrique, ait décidé de vendre la mèche. Pourquoi ? Et pourquoi maintenant ? Amertume d’avoir été mis à l’écart et vengeance consécutive ? Menaces indirectes ? Conscience à soulager ? On laissera à la justice, puisqu’elle est saisie, le soin d’en juger.

 


Une chose est sûre : il s’agissait depuis longtemps d’un secret de polichinelle pour les médias, les hommes de pouvoir et les partis politiques. Alors, les cris d’orfraie entendus ces jours derniers, les cris de surprise et d’indignation, n’en croyez rien. De là à dire que tout le monde en a croqué, que tout le monde est compromis, il y a un grand pas qu’il faut se garder de franchir. En revanche, comme l’écrivait en 1978 Leny Escudero dans Sacco et l’autre, il est certain qu’« il n’y a pas qu’au Danemark / Que quelque chose soit pourri ». Souvenir personnel : cette chanson provoqua un long délire d’applaudissements doublé de manifestations d’enthousiasme, au moment où l’artiste, se produisant un soir de la fin des années 70 sur le continent noir, lança ces couplets : « Patrice Lumumba / L’Afrique a émigré / Paris paye ses bras / Pour se faire une beauté / Tes frères de Soweto / Meurent en criant ton nom / Que tu es mort trop tôt / Et que l’Afrique est en prison… » J’en frissonne encore.

Pour avoir vécu une première vie de journaliste d’information générale en Afrique de l’Ouest puis de l’Est (voir « En guise de prologue » dans ce blog), je peux témoigner de ces pratiques, largement connues et reconnues, et d’autres encore que nous dénoncions déjà, ma chère et tendre et moi, au milieu des années 70 : cela nous valut d’ailleurs, naïfs (et jeunes !) que nous étions, d’être finalement déclarés persona non grata dans un pays dont nous nous considérions pourtant citoyens d’adoption et pour le développement duquel nous nous battions sans rechigner à la tâche. C’était sans… compter sur les forces de corruption au service de la Françafrique ; sans les porteurs de valises (ouh ! les vilains…) que d’aucuns (ouh ! les menteurs…) prétendent découvrir aujourd’hui.

On ne refait pas l’histoire, mais au moins peut-on saluer ceux qui n’étaient pas dupes et tentaient chacun à sa façon, et souvent à leurs risques et périls, d’éveiller les consciences. Parmi ceux-ci, deux grands artistes, auteurs-compositeurs-interprètes, deux voix intègres qui, bien que peu diffusées en France par le passé et encore moins (voire plus du tout) aujourd’hui, font partie du panthéon de la chanson africaine. Quelque part entre Brassens et Atahualpa Yupanqui pour le premier, entre Pierre Perret (ou Bourvil) et Narciso Yepes (ou Andres Segovia) pour le second.

 


 

D’abord la voix « considérable » (titre d’une de ses plus belles chansons) du Gabonais Pierre Akendengué, que nous eûmes la chance de découvrir à Libreville trois ans avant la sortie de son premier album (Nandipo, chez Saravah) : c’était il y a quarante ans, en 1971… Trente-quatre ans plus tard, dans un album intitulé Gorée (« L’Europe a organisé la traite des esclaves et les rois et les chefs africains l’ont alimentée », écrit-il comme une métaphore de la Françafrique, « d’où, de part et d’autre, la nécessité d’un travail de mémoire et d’un devoir de vigilance »), la chanson ci-dessus témoigne de la fidélité du poète, alors âgé de 62 ans, à ses idéaux. Son titre ? Békélia, c’est-à-dire « Espérance »…

Ensuite la voix, tendre et malicieuse tour à tour, du Camerounais Francis Bebey qui nous honora de son amitié et nous manque chaque jour davantage depuis qu’il s’en est allé rejoindre ses ancêtres (Ah ! si les Gaulois avaient su…), il y a dix ans, le 28 mai 2001.  

 

 

Francis Bebey dont il faudra bien, un jour ou l’autre, reconnaître le génie artistique ; d’auteur et de compositeur bien sûr – et pas seulement de chansons (il mena une admirable carrière parallèle d’écrivain et de concertiste international) – mais aussi d’humaniste pétri d’humour et de bon sens, comme l’illustre l’une de ses ultimes créations (Le Nacapella, 1997), histoire de mallette avant l’heure : « Le père nous a raconté aussi / L’histoire de l’homme qui était parti / En emportant avec lui / La caisse du pays / Tout le monde se lamentait / Du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest / En accusant le bonhomme / Comme s’il avait emporté avec lui / Le pays tout entier dans la caisse / Alors que la vraie caisse du pays était restée là : / C’est la population et le travail que fait / Chaque citoyen chaque jour dans son propre domaine… »   

 

PMBebey.jpg

  

Une petite dernière, encore, pour la route (et le bonheur de réécouter Francis Bebey) : ce délicieux Travail au noir d’un Noir d’ébène accusé de faire travailler des Blanches au noir… « Quand on aura vu ça / On aura vraiment tout vu / Après ça y aura plus rien à voir. » Pas même les valises baladeuses d’argent blanchi, puisque renvoyées à un passé révolu ; forcément révolu, vu la morale stricte régissant aujourd’hui les règles économico-libéro-politiques de la mondialisation... 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
6 septembre 2011 2 06 /09 /septembre /2011 10:14

Ne chantez pas la mort (3/3)


Claude Léveillée était né la même année que Ricet Barrier, en 1932 (le 16 octobre). Il est mort le 9 juin 2011 à l'âge de 78 ans. « 
Et n’allez pas confondre et l’effet et la cause / La Mort est délivrance, elle sait que le temps / Quotidiennement nous vole quelque chose / La poignée de cheveux et l’ivoire des dents… » Chez Claude, victime d’un double accident vasculaire cérébral en 2004, elle avait volé sa formidable capacité à jouer du piano, l’obligeant cruellement à renoncer à la scène.
 

leveillle2


Conscient mais invalide, cloué dans un fauteuil roulant, Claude vivait donc une petite mort depuis sept ans. La Camarde l’a fauché chez lui, à St-Benoît de Mirabel (à quelque 30 km au nord de Montréal), où le dévouement de proches (
en particulier de son amie et biographe Marie-Josée Michaud) lui avait permis de rester, car il ne voulait pas mourir à l'hôpital. Dans l’intervalle, un album et des spectacles en son hommage ont notamment permis de payer la facture des soins à domicile…

Auteur-compositeur-interprète, parmi les plus importants que le Québec nous a donnés (souvenez-vous du spectacle exceptionnel 1 fois 5, présenté à Montréal en juin 1976, aux côtés de Robert Charlebois, Yvon Deschamps, Jean-Pierre Ferland et Gilles Vigneault), Claude Léveillée était en effet un virtuose de l’instrument de Frédéric Chopin (son idole !), comme on le verra dans la vidéo suivante où il joue un (superbe) morceau de sa composition, Grande valse fofolle, accompagné par un orchestre symphonique.
 


Son histoire professionnelle se confond avec celle de la chanson québécoise contemporaine : cofondateur du fameux mouvement des Bozos en 1959, il laisse
plus de 400 chansons (dont certaines comme Les Vieux Pianos, Ouragan ou Boulevard du crime furent créées par Édith Piaf), nombre de musiques instrumentales et plusieurs comédies musicales. Mais « ici, au Québec, commentera au lendemain de son décès son ancien agent… Pierre Jobin (oui, oui, le même déjà cité à propos de Barrier et Darnal), demandez à n’importe qui : Claude Léveillée c’est Frédéric. C’est vraiment nous. C’est vraiment une chanson du patrimoine. C’est une musique qui était toute simple, des paroles qui étaient toutes simples. C’est la grande famille québécoise. C’est les émotions. Et il y a une très belle nostalgie. Tout ça, c’est rentré dans la tête des gens. Il ne pouvait pas faire un spectacle sans la chanter. »

 


Ah ! Frédéric… C’est le titre, bien sûr, que Roger Gicquel – grand amateur et fin connaisseur de chanson (voir « L’Héritage de Roger Gicquel », dans ce blog, où le journaliste chante avec Jean-Pierre Ferland, Yves Duteil, Marie-Claire Séguin, Sylvain Lelièvre et… Claude Léveillée, autour de Félix Leclerc : cela se passait en 1985 au Théâtre de l’Île d’Orléans dirigé alors par Pierre Jobin… non, il n’y a pas de hasard !) – le pria d’interpréter, en 1983, dans son émission Vagabondages. Pour la petite histoire, figurant moi-même parmi les invités, c’est ce jour-là que je fis la connaissance de Claude, qu’accompagnait bien sûr un certain Jobin. Pour la mémoire (et les documentalistes), il s’agit de la fameuse émission où Gilles Servat chanta en direct et en intégralité (pour la seule et unique fois sur une chaîne nationale de télévision) son très long (plus d’un quart d’heure) et puissant poème épique, façon Ferré, Je ne hurlerai pas avec les loups.

J’aurai l’occasion de retrouver Claude à plusieurs reprises, notamment lors du Festival d’été de Québec, mais le souvenir par excellence que j’en garderai sera celui de la soirée exceptionnelle du 18 octobre 1994, date de l’inauguration publique et officielle de la Maison de la Chanson de Québec.

  

Leveille

Sylvain Lelièvre et Claude Léveillée avec Pierre Jobin (Québec, 18/10/94)


Ex-agent de Félix Leclerc, agent en titre de Claude Léveillée, Pierre Jobin était alors directeur du Théâtre du Petit-Champlain qui, ce soir-là, allait devenir la première « Maison de la Chanson » de l’espace francophone. Et votre serviteur, mais oui, d’être appelé par lui sur les planches – devant un parterre et un balcon aussi impressionnants que prestigieux de personnalités politiques (Premier Ministre, ministre de la Culture, maire de Québec…), professionnelles (Luc Plamondon, etc.) et surtout de grands chanteurs québécois et acadiens, lesquels allaient tous et toutes (dont une « petite débutante » nommée Lynda Lemay) monter sur scène le temps de trois chansons – afin de recevoir la carte n°
1 de la confrérie des « Amis de la Maison de la Chanson » (pour « services rendus à la chanson francophone ») ! Surprise et petite gêne d’être ainsi honoré entre tous devant une si docte, si chantante et merveilleuse assemblée ! Mais formidable souvenir rétrospectif. Comme le chante si joliment Claude Besson, merci encore, « mon ami Pierre du Québec ».

La soirée s’acheva (fort tard) par un dîner qui se prolongea jusqu’au milieu de la nuit ; dîner inoubliable, pour moi en tout cas, qui me trouvais à la table de Raymond Lévesque (Quand les hommes vivront d’amour…), Louise Forestier, Sylvain Lelièvre… et autre Claude Léveillée, aussi chaleureux à la ville qu’à la scène où il nous offrit un mini-récital, seul au piano, « sans oublier » de se rappeler un certain Frédéric : « Je me fous du monde entier / Quand Frédéric me rappelle / Les amours de nos vingt ans / Nos chagrins, notre chez-soi / Sans oublier les copains, des perrons / À jamais dispersés, aux quatre vents… »
 


Moi aussi, aujourd’hui, je me fous du monde entier quand je me souviens de Claude me rappeler ses joies et ses peines. Oui, je me fous du monde entier quand je l’entends chanter, encore et encore… Et je suis heureux que, Le Temps d’une chanson (voir ci-dessus), le Québec ait su lui rendre hommage de son vivant. Caussimon l’a chanté mieux que quiconque : « Il ne faut pas aimer “bien” ou “un peu” / Et à tout prendre / Mieux vaut ne pas aimer du tout / Il faut aimer de tout son cœur / Et, sans attendre / Dire “je t’aime” à ceux qu’on aime / Avant qu’ils ne soient loin de nous… »


(À suivre : ALLAIN LEPREST)

Partager cet article
Repost0
5 septembre 2011 1 05 /09 /septembre /2011 17:00

Ne chantez pas la mort (2/3)

 

Comme Jean-Claude Darnal, Ricet Barrier ne songeait pas à faire carrière dans la chanson. Né en région parisienne, il se destinait plutôt au métier de professeur d’éducation physique. il nourrissait pourtant, même inconsciemment, d’autres ambitions. « Après le bac, confiait-il à Serge Dillaz pour une rencontre-bilan de Chorus (n° 15), ma mère a tout de même consenti à m’emmener voir Félix Leclerc aux Trois Baudets. C’est lui, en fait, qui m’a donné envie de gratter de la guitare… ». Tout est parti de là. Près d’un demi-siècle de chanson. C’est le temps que la grande Faucheuse lui a concédé, avant de lui fixer à son corps défendant (« N’insistez pas, Stanislas… ») un ultime Rendez-vous, le 20 mai dernier.

 

 

À l’âge de vingt-trois ans, en 1955, il fait la connaissance de Bernard Lelou qui devient dès lors un compagnon de chansons inséparable (ils travailleront, paroles et musiques, en étroite complicité jusqu'à la mort de celui-ci en 1990), et c’est grâce aux Frères Jacques en particulier, qui interprètent Dolly 25 (la première des vingt et une chansons signées Barrier/Lelou qu’ils auront chantées), que Ricet Barrier se fait connaître. En 1958, son premier album (produit par Jacques Canetti) obtient le Grand Prix de l’académie du disque français : La Servante du château, La Java des Gaulois, Dolly 25, Le Crieur de journaux… Sa carrière est lancée, caractérisée par « une joyeuseté de bon aloi », famille Boby Lapointe. « Depuis quarante ans, écrivait l’ami Dillaz dans Chorus au printemps 96, ce fabuliste aux personnages pittoresques, tout droit sortis du petit théâtre de la vie, brosse à coups d’éclats de rire le portrait de notre société. »

Tout comme pour Darnal avec son dernier album, Chorus chercha à rafraîchir les mémoires en promouvant et en offrant à ses abonnés, en accord et en collaboration avec Ricet et son épouse, trois de ses albums dont une compilation, le Disque d’or (Les Spermatozoïdes, Les Vacanciers, L’Enterrement, Isabelle v’là l’printemps, Stanislas/Rendez-vous, La Java des hommes-grenouilles, Eh ! la Marie, Y a plus d’sous – une chanson plus que jamais d’actualité !) et les deux derniers, celui de 1991 (vingt titres de Faut qu’ça plaise à Thérèse à Trompet’ Spleen) et le superbe digipack double (Ricet Barrier tel quel) enregistré en décembre 1994 à la Maison de la Chanson de Québec, ex-Théâtre du Petit-Champlain où il avait fêté en 1988 ses trente ans de métier, à l’initiative, tiens tiens, d’un certain Pierre Jobin. Quand je vous dis qu’il n’y a pas de hasard...

L’an dernier à Montauban, où l’on célébrait les vingt-cinq ans du festival, l’une des « découvertes » d’Alors… Chante !, Manu Galure, avait choisi d’interpréter Les Spermatozoïdes de Ricet, son grand classique, une merveille d’humour et d’intelligence, rappelant que ce même festival lui avait fait « la Fête » en 1989. L’occasion alors, pour Si ça vous chante, de remettre à l’honneur « les Spermatos », sous-titrés 300 millions, dans leur version originale. À Chorus, l’auteur-compositeur avait confié l’origine de cette chanson qui s’était imposée d’emblée, en 1975, suite à une manifestation sanglante à la Bastille : « Maurice Fanon est arrivé au Port du Salut où je me produisais. Il était bouleversé. Dame, on déplorait des dizaines de blessés, un tué ! Là-dessus, on a gambergé sur la vie, la mort. L’idée des “Spermatos”, curieusement, est venue de cette discussion. Du hasard, de la série de miracles nécessaires à ce qu’on appelle la vie humaine… »

Vainqueur des 299 millions 999 999 autres spermatozoïdes de sa course personnelle à la vie à la mort, le dénommé Ricet Barrier (né Maurice-Pierre Barrier, le 25 août 1932 à Romilly-sur Seine) a pris définitivement la poudre d’escampette le 20 mai 2011 à Sainte-Christine, en Auvergne. Loin de la grande ville, il aimait à y cultiver son jardin personnel, entre deux séjours dans son pied-à-terre de La Chaux-de-Fonds où, il y a deux ans, fut réalisé le « portrait » suivant. Il avait alors 77 ans.  

 


Il y aurait évidemment beaucoup à dire, encore, sur lui (voir son SITE officiel) pour tenter simplement de retracer les grandes lignes de sa carrière, de La Mythologie (un album-concept pour les Frères Jacques) au Roman de Renart adapté en comédie musicale, en passant par l’anecdotique qui lui valut pourtant une renommée certaine : la voix qu’il prêta de 1964 à 1970 au personnage principal de la série télévisée, fort populaire, de Jean Tourane, Saturnin le canard… Mais le mieux à faire, aujourd’hui, c’est plutôt de l’écouter, lui. Dans ses chansons bien sûr, mais aussi dans la dernière interview qu’il donna le 3 mars 2011 à l’émission Carnet de notes de la Radio Suisse Romande, et dont Añe Barrier nous a fait l’amitié de nous informer.

Cet entretien d’une heure, entrecoupé de chansons, a été recueilli par Philippe Robin qui annonçait ainsi sa diffusion, le 19 août dernier : « Lorsque nous avons rencontré Ricet Barrier, nous l’avons découvert, comme toujours, accueillant, volubile, malicieux et bavard. Nous pourrions presque dire en pleine forme. Et puis, au cours de la discussion, autour d’un bon café, Ricet nous avouait qu’il avait perdu une vingtaine de kilos. La maladie nous était masquée par sa bonne humeur communicative, et son plaisir d’évoquer ses souvenirs à notre micro. Et puis, le 20 mai 2011, la nouvelle de son décès était publiée. Il aurait eu 79 ans le 25 août. Quelques jours après, Añe Barrier nous envoyait un message pour nous apprendre que notre interview fut la dernière de la vie du chanteur fantaisiste. » C’est cette discussion, « chaleureuse et animée », que l’on vous propose de découvrir aujourd'hui, en cliquant ICI.

ricet 
  

Entre autres souvenirs personnels, je garderai au cœur celui d’un déjeuner de fins gourmets avec lui et son épouse, qui ne s’acheva qu’au milieu bien sonné de l’après-midi : le temps qu’il me raconte toute son histoire, avec la bonne humeur et l’autodérision dont il avait le secret. Sur la même longueur d’ondes, nous refîmes le monde en mode rigolade. Le monde tout court… et celui de la chanson où certains sont beaucoup moins chanceux que d’autres, mais font souvent preuve de beaucoup plus d’humanité. Eh oui, Ricet, comme tu le disais toi-même (cf. On t’enterrera, olé !, 1973), « Ce sont toujours les meilleurs qui nous quittent les premiers. »

(À SUIVRE)

 

Partager cet article
Repost0