« Alors… Chante ! » avec Juliette
Autour du pont de l’Ascension, entre le Printemps de Bourges en avril et les Francofolies de La Rochelle en juillet, se situe chaque année depuis plus d’un quart de siècle le festival Alors… Chante ! de Montauban. Beaucoup moins connu du grand public car beaucoup moins médiatisé par la presse et l’audiovisuel parisiens, Alors… Chante ! n’en est pas moins l’un des hauts lieux principaux de la chanson francophone. Il se trouve même quelques milliers de spectateurs, à chacun de ses millésimes, pour témoigner de sa convivialité sans égale qui en fait peut-être, de tous les grands événements du genre, le festival à dimension humaine par excellence. Sa 26e édition, autour de Juliette, couvre toute la semaine, de ce lundi 30 mai au dimanche 5 juin.
En fait, comme à son habitude, Alors… Chante ! propose aux festivaliers une entrée en douceur avec trois spectacles pour enfants dans sa programmation « Mômes en zic » (notamment avec l’excellent Hervé Suhubiette), et une soirée gratuite avec Camélia Jordana et Benjamin Paulin en première partie. De même le dimanche est l’occasion d’offrir un autre concert gratuit, dans l’après-midi, en guise de clôture.
Dans l’intervalle, la chanson bat son plein dans une demi-douzaine de lieux, du théâtre municipal à l’italienne à la grande salle Eurythmie en passant par divers chapiteaux, dont le Magic Mirrors réservé en particulier aux célèbres Découvertes (couronnées par les Bravos du public et les Bravos des professionnels) d’Alors… Chante ! Heureux sélectionnés de l’édition 2011, venus de l’ensemble de l’espace francophone (par ordre d’apparition à l’affiche, du mercredi au samedi à partir de 14 h 30) : Jeanne Garraud, Dimoné, Aliose, Pauvre Martin, Chloé Lacan, La Maison Tellier, Cindy Doire, Kharim Gharbi, Bab, Coco Royal, Brune et Les Becs Bien Zen.
On ne dira jamais assez l’importance de ces Découvertes, où se sont révélés la plupart des talents de la « nouvelle scène » française (qu’on appelait la « Génération Chorus » avant que les grands médias daignent enfin s’y intéresser), de Mano Solo (1994) ou Miossec (1995) alors que le dispositif n’était pas aussi clairement identifié (son origine remonte néanmoins à 1985 avec le tremplin « Ricochets »), à Jeanne Cherhal en 2001 (ah ! Quand on est très amoureux…), Bénabar, Jamait, Aldebert, Amélie-les-Crayons, Renan Luce, tant d’autres encore, par dizaines, jusqu’à Zaz l’an dernier ; le simple fait d’y être programmé offrant une exposition professionnelle d’exception en raison de la présence systématique à Montauban d’une vingtaine de responsables, directeurs et programmateurs de festivals francophones. L’une des spécificités d’Alors… Chante ! est en effet d’accueillir chaque année en assemblée générale la Fédération des Festivals francophones, dont l’acte fondateur a été une charte « qui pose et arbore une certaine façon de voir et programmer la chanson », écrivait Yannick Delneste dans Chorus n° 52 (été 2005), les principes communs à ses signataires étant d’offrir « une vision culturelle et non pas mercantile du genre, l’existence d’un projet et d’une direction artistique reconnaissant la chanson comme un art majeur ».
L’édition 2011 est dédiée à la grande Juliette qui fut justement l’une des premières artistes à être programmée, au milieu des années 80, par Jo Masure et l’équipe dirigeante de Chants Libres, l’association organisatrice d’Alors… Chante ! Gageons que la soirée qui lui est consacrée en point d’orgue du festival, samedi 4 juin, restera dans les mémoires, pleine de rimes féminines : Juliette, géniale jubilatrice, y accueille ses invités (suprises…) en première partie avant d’offrir son spectacle actuel, No parano, l’entracte étant l’occasion de proclamer en paroles et en musiques le palmarès des Découvertes.
Mais auparavant, l’éclectisme et la qualité du programme auront fait bicher plus d’un festivalier. Sans commentaires (voir le site d’Alors… Chante ! pour les détails), citons en vrac – Belgique, France, Québec et Suisse confondus – la présence de Monsieur Lune, Weepers Circus, Chanson Plus Bifluorée, Soprano, Zut, Thibaud Couturier, Manu Galure, Les Vendeurs d’Enclumes, Bernard Lavilliers, Zoé, Été 67, Deportivo, Alex Beaupain, Bertrand Belin, Thomas Fersen, Têtes Raides, Nicolas Fraissinet, Thierry Romanens, Nilda Fernandez, Florent Marchet, Karimouche, Zaz, Stéphane Côté, Pierre Lapointe, CharlÉlie Couture, Art Mengo, Mademoiselle K, etc. Tout cela du début de l’après-midi (voire du matin pour les Mômes en zic) jusqu’à la « Nuit musicale » au Magic Mirrors (à partir de minuit et demie), le tout s’achevant le samedi au même endroit et à la même heure par la « Nuit des découvertes ».
Pour plus de précisions encore, si besoin est, sur ce festival qui apporte un supplément d’âme à la chanson vivante, lire nos différents sujets et comptes rendus de l’an dernier, respectivement intitulés L’Âme des poètes et, justement, Supplément d’âme (n° 1, 2 et 3). Bénabar lui-même, invité d’honneur et « parrain » d’Alors… Chante ! en 2006 après y avoir été programmé en Découvertes en 2001, ne confiait-il pas à Chorus, en réponse à Yannick Delneste : « C’est la cinquième fois que je viens, et j’ai effectué ici tout le cursus, de la première partie à la grande scène en passant par la scène Découvertes. […] C’est un festival à hauteur d’homme : je le savais, mais j’ai pu le vérifier tout au long de la semaine. » Ici, c’est à préciser, chaque invité d’honneur de l’édition (comme beaucoup d’autres artistes programmés) reste sur place toute la semaine, se mêlant très volontiers aux spectateurs...
La dimension humaine, le suivi artistique : deux principes fondateurs également du travail effectué par notre équipe, trente ans durant, avec Paroles et Musique puis Chorus. Tout est dit. Si vous aimiez notre action, si vous aimiez notre façon de faire – voire notre façon d’être –, sachez que tout cela se poursuit aujourd’hui à travers Alors… Chante ! Alors… si ça vous chante, il suffit de passer le pont… du Tarn et de l’Ascension réunis.