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  • : SI ÇA VOUS CHANTE (le blog de Fred Hidalgo)
  • : Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…
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  • Fred Hidalgo
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.

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18 mars 2011 5 18 /03 /mars /2011 14:41

Le festin voyageur (coll. d’hiver n° 9)


Après un an et demi d’existence de Si ça vous chante, on commence à retrouver des artistes dont on a déjà parlé ici. C’est le cas aujourd’hui des Ogres de Barback : sans doute, mine de rien, le groupe français entre tous qui, dans la plus totale indépendance, a fait preuve ces quinze dernières années « d’autant d’inventivité, d’audace, de constance dans la qualité, de détermination, de sens du partage, d’absence de compromis et d’un ancrage viscéral à l’idée même de liberté ». Ils viennent de sortir leur septième album studio, Comment je suis devenu voyageur

 



« On connaît Les Ogres de Barback, écrivais-je ici le 10 décembre 2009 (voir Chanson d’automne où l’on trouvait aussi Éric Frasiak, Guilam, Allain Leprest, Sanseverino et autre Ziskakan…), cette famille chantante (Alice, Fred, Mathilde et Sam Burguière) qui s’est prise entièrement en mains et assume tout avec succès : création, production, distribution, paroles, musiques et images. Dans leur parcours atypique (onze albums depuis 1997), qui passe aussi bien par l’Olympia et le Zénith que par le chapiteau ambulant qui leur permet d’aller au-devant des gens là où personne d’autre ne va, il y eut en 2003 un premier album “jeune public” racontant l’histoire de Pitt Ocha, “ce petit garçon qui sait faire des choses incroyables avec ses mains et ses oreilles, qui jongle avec les bruits et fait sonner tout ce qu’il touche”… » Le second volet des aventures de Pitt Ocha, Au Pays des Mille Collines, faisait l’objet de cet article et valait aux Ogres un « Don Quichotte » de Si ça vous chante.

 
CD


• COMMENT JE SUIS DEVENU VOYAGEUR. Comment je suis devenu voyageur – Nos vies en couleurs – Entre tes saints – Marcelle de Sarcelles – Graine de brigand – Je n’suis pas courageux – Elle fait du zèle (pauvre France) – Ma tête en mendiant – Petite fleur – J’m’élance – Donc je fuis – Cœur arrangé – Palestine confession – Le Daron – L’Ennui et le Jour – Non remontant. (57’15 ; production et distribution : Irfan [le label] ; site du groupe ; site du label ; écoute partielle des chansons de l’album)

 

Cette fois, c’est un album « tous publics » qu’ils proposent, le septième depuis Rue du temps paru en 1997 (ont suivi Irfan [le héros] en 99, Fausses notes – Repris de justesse en 2000, Croc’ Noces en 2001, Terrain vague en 2004 et Du simple au néant en 2007), mais le douzième opus au total avec les deux albums jeune public, deux live (Concert en 2005 et Avril et vous en 2006) outre un disque collectif avec Les Hurlements d’Léo (Un air, deux familles en 2002). Une discographie aussi pléthorique que diversifiée dans l’expression, sans redondance, à laquelle il faut ajouter trois DVD : Un air, deux familles en 2003 et surtout 10 ans d’Ogres et de Barback en 2005 et Fin de chantier… à l’Olympia en 2009.




Ces précisions simplement pour signifier que si vous n’avez encore jamais entendu Les Ogres de Barback, il est temps de combler cette lacune, car je ne vois pas quel autre groupe – avec les Têtes Raides, bien sûr – est aujourd’hui aussi intéressant, captivant, jouissif et intelligent aux plans des textes et des musiques, que solidairement engagé au plan citoyen. « Uniques dans le paysage de la chanson en France, notait Daniel Pantchenko en chapeau de leur Rencontre de Chorus n° 67, non seulement parce qu’ils sont frères et sœurs et celles-ci jumelles, mais surtout parce qu’ils ont d’emblée appliqué une stratégie économique leur procurant une autonomie professionnelle et une liberté créatrice totales ». Dix-sept ans d’existence, un label indépendant, Irfan (le label) : 550 000 albums et DVD vendus, une structure de tournée indépendante, l’Association Les Ogres : plus de 1500 concerts dont plusieurs Zénith à Paris et en province, cinq passages à l’Olympia… et deux autres à venir en fin d’année (les 5 et 6 décembre).




Dernière chose (car les trois vidéos proposées ici sont suffisamment éloquentes sur le contenu et la réalisation de leur nouvel album, doublé d’un nouveau spectacle créé le 12 mars dernier), mais non la moindre : chacune de leur création est une réussite magnifique dans la forme : toujours de superbes illustrations dans le livret des textes autant que sur l’emballage lui-même (en l’occurrence un digipack trois volets). Bref, Les Ogres sont affamés de qualité dans le fond comme dans la forme, et ça « paye » : le respect absolu qu’ils montrent envers leur public est totalement réciproque, chacun de leurs concerts (affichant souvent complet) étant un moment de bonheur partagé. Ne les manquez pas si vous ne les avez jamais vus (et sinon, retournez-y : quelque 75 dates sont déjà arrêtées jusqu’à l’automne !) : le banquet auquel nous convient Les Ogres, le festin des Ogres, est toujours un régal.

 

 

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14 mars 2011 1 14 /03 /mars /2011 09:00

SOS amor


La mort des autres ne nous tue pas, mais leur absence nous ronge, surtout quand on s’applique à l’ignorer. Play Blessures… Si vivre c’est mourir un peu chaque jour, vivre en oubliant ceux qui nous ont quittés après avoir mérité l’estime générale, c’est mourir beaucoup : « C’est mort et ça ne sait pas », disait mon cher Frédéric Dard. Au contraire, donner une seconde vie à ceux qui nous ont ouvert le chemin nous permet de continuer à tracer le nôtre. Voilà pourquoi, aujourd’hui, on ne veut pas oublier Alain Bashung. SOS amor

 

Lundi 9 mars 2009 : nous donnons les derniers bons à tirer du numéro de printemps de Chorus. 196 pages comme d’habitude. Il est imprimé et façonné dans la semaine, puis transporté vendredi 13 chez le routeur pour être expédié aux abonnés et livré au distributeur de la presse nationale. C’est alors que tombe samedi 14 à 20 h 47, reprise en temps réel sur le site de Chorus, une dépêche de l’Agence France Presse annonçant la nouvelle que nous redoutions : « Alain Bashung, 61 ans, est mort samedi après-midi entouré des siens à l’hôpital Saint-Joseph à Paris des suites de sa maladie. Depuis l’automne 2007, il était atteint d’un cancer du poumon et suivait une chimiothérapie. En raison de sa maladie, il avait dû annuler ses concerts prévus ce samedi 14 mars à Longjumeau (Essonne) et les 17 et 18 mars au Grand Rex à Paris. »

Cette nouvelle, nous la redoutions, tout le monde la redoutait, depuis que l’on avait revu Alain Bashung, le soir des 24es Victoires de la musique, le 28 février au Zénith de Paris, très amaigri, d’une extrême fragilité ; visiblement à bout de force et pourtant très heureux d’être là, salué par la profession et ses pairs : « Ils m’ont tous fait passer une soirée magnifique, avait-il déclaré en recevant son troisième trophée, devant un public l’ovationnant debout ; je ne pourrai jamais oublier cette soirée. » Trois Victoires de la musique on ne peut plus méritées, c’est certain, même si l’on ne pouvait s’empêcher de penser que « le métier » avait préféré prendre les devants, craignant que cela soit sa dernière occasion de montrer son estime à ce grand monsieur de la chanson.

 

Portrait.jpg
On le redoutait d’autant plus qu’il avait dû annuler cinq concerts les semaines précédentes (le tout dernier aura eu lieu le 14 décembre 2008 à l’Élysée-Montmartre, trois mois exactement avant sa mort), mais on voulait croire à la fameuse rémission. On était loin de penser, en tout cas, que l’issue interviendrait aussi vite. Mais le crabe, encore et toujours lui, a fait sa triste et basse besogne. Il lui aura fallu cette fois moins de dix-huit mois pour arriver à ses fins. Alors, ce samedi 14 mars 2009, pour l’équipe de Chorus, il n’y avait plus qu’à joindre son chagrin à l’immense cohorte des anonymes qui avaient fini par comprendre toute l’importance de cet artiste nommé Bashung.

 C’était certes plus facile ces dernières années. Disons depuis dix ans, et la sortie de Fantaisie militaire qui allait être élu en 2006 meilleur album des vingt ans des Victoires de la musique (et, accessoirement, monterait sur le podium du « Top 60 » de Chorus, à l’occasion de son 60e numéro, aux côtés de C’est déjà ça d’Alain Souchon et de Samedi soir sur la Terre de Francis Cabrel). Mais combien auraient parié sur lui à ses débuts ? Je rappelais justement dans l’édito du numéro précédent de nos « Cahiers de la chanson » (n° 67, printemps 2009), à propos du fait qu’il était devenu le recordman des Victoires de la musique, que je l’avais vu chanter à la sortie de son premier album (1977), dans une petite salle… devant moins de cinquante personnes.  « “Roman photos” ? Il fallait que je me prouve que j’étais capable de faire un album qui tienne debout, nous avait-il déclaré pour son dossier du n° 50 de Paroles et Musique, en mai 1985. En fait c’était pas encore mûr. Les gens qui m’entouraient avaient trop la frousse de ce que j’allais faire après, de ce que potentiellement je pouvais être. Et je leur en veux parce qu’ils m’ont freiné. »

 

 

Plus tard, malgré les succès de Gaby (1980) – chanson qui comportait le prénom, fort peu usité, de ma chère et tendre : vous savez, celle « qu’est belle comme un pétard qu’attend plus qu’une allumette », du moins celle croquée par l’artiste ! – et de Vertige de l’amour (1981), je me souviens d’un certain animateur de télévision autoproclamé « défenseur de la chanson française de qualité » (sic !) mais qui n’admirait personne autant que lui-même (paix à son âme), commentant ainsi en substance une prestation de Bashung : « Vous avez vu comment celui-là prétend chanter, il mâchonne ses mots de façon incompréhensible, c’est lamentable, pauvre chanson française… » Non, ce n’était ni gagné d’avance ni gagné tout court, malgré l’optimisme lucide de l’intéressé : « J’ai une tronche bizarre et une façon de chanter pas ordinaire, reconnaissait-il. Pourquoi mes défauts ne deviendraient-ils pas des qualités ? »

 

 

Onze Victoires de la musique plus tard, le temps lui a donné plus que raison. « J’aime bien lorsque tout fonctionne : le texte, le sexe, le cœur. S’il n’y a qu’un seul truc qui fonctionne, c’est pauvre. C’est pourquoi le temps est un facteur important. Voilà pourquoi je me sens mieux dans ma peau aujourd’hui qu’à l’époque de Gaby, quand le public voyait ce morceau et rien derrière, alors qu’aujourd’hui on discerne la perspective. Oui, il faut du temps ! C’est comme le vin. » En fait, il lui aura fallu une vingtaine d’années – de son premier 45 tours, Pourquoi rêvez-vous des États-Unis ? (1966), sous l’orthographe de Baschung (avec un c), à son sixième album studio, Passé le Rio Grande… (1986) – pour devenir vraiment incontournable.

Avec Osez Joséphine (1991), l’artiste se faisait définitivement une place au panthéon de la chanson française, que Chatterton (Ma petite entreprise…), Fantaisie militaire (Malaxe, La nuit je mens…), L’Imprudence (2002) et finalement Bleu pétrole (2008) magnifiaient chaque fois davantage. Ah ! Bleu pétrole (sa couleur préférée, soit dit au passage), le chef-d’œuvre de l’artiste, plus limpide que jamais : Je t’ai manqué, Résidents de la République, Tant de nuits, Hier à Sousse, Vénus, Sur un trapèze, Je tuerai la pianiste, Le Secret des banquises… Et puis deux reprises : Suzanne de Leonard Cohen (texte français de Graeme Allwright) et Il voyage en solitaire de Gérard Manset. Sans omettre ce grand, cet immense moment de l’album, Comme un lego, paroles et musique du même Manset, créé à l’Olympia en juin 2008 : « Si ça m’est arrivé deux-trois fois d’être fier dans ma vie, confiait ensuite Manset à Chorus, c’était gamin pour une remise de prix. Depuis, jamais. Mais quand j’ai vu Alain, à l’Olympia, attaquer Comme un lego, seul à la sèche, alors là, oui, j’étais fier ! »

 

Bashung et la chanson française ? Avec Boris Bergman, « nous voulions faire rendre gorge aux mots, à la syntaxe française, pour les accoupler au tempo ». Brel d’abord, Brassens à moitié, Gainsbourg surtout… jusqu’à la découverte sur scène de Boby Lapointe, l’extraterrestre piscénois : « Lui, nous assura-t-il, c’était un grand ! Tu écoutes et tu te dis : Quel est le mec qui est en train de faire cette connerie ? Mais pour la faire, il faut être très fort ! J’avais treize ans, et je passais dans un petit groupe rock avant lui, lors d’une fête genre comité d’entreprise. Boby Lapointe chantait dans l’indifférence générale. Personne ne comprenait, rien du tout… Avanie et Framboise… Je me suis dit : “Qu’est-ce que c’est que ce truc ?” J’adorais ! Oui, on est passés à côté d’un truc énorme avec lui. Ça me fait penser aussi à Trenet… Parce que lui aussi passait pour un jobastre, un chanteur fantaisiste. En fait, il y a des trucs terribles, du genre : “Ficelle, sois donc bénie, je me suis pendu cette nuit…” À l’époque, les gens sont un peu passés à côté. Maintenant, non ! Tu vois le temps qu’il faut pour que la boucle soit bouclée ? »

Quand je dis qu’il ne faut pas oublier les morts, qu’ils sont nécessaires pour continuer de tracer – chacun à sa façon – le chemin qu’ils ont défriché... Quand je rappelle sans cesse que la chanson est une chaîne qui n’a ni début ni fin, dont chaque artiste n’est qu’un humble maillon – d’aucuns plus brillants que d’autres, voilà tout – et que l’artiste véritable se distingue du faiseur par sa capacité à prendre des risques (voir Cali avec son dernier album), à la façon d’un funambule... « Le grand professionnalisme, nous avait confirmé Bashung, c’est de savoir jusqu’à quel point tu peux pousser le risque. Parce que faire un truc équivoque, c’est difficile. Ça m’intéresse, être sur le fil… Au départ on me prenait un petit peu pour désinvolte. On ne savait pas si j’étais un balèze ou un escroc. Et ça m’amusait. Le public était affolé ; mais ceux qui avaient compris s’éclataient vraiment. » Je confirme, Alain : toi qui as été si longtemps le mal-aimé de la chanson, quel « balèze » tu faisais ! Un cador. Un vrai de vrai, qui n’a pas fini de nous faire défaut.

___________
CouvChorus.jpgNB. Il nous reste quelques exemplaires collectors du numéro BASHUNG de Chorus réalisé à l’occasion de la sortie de Fantaisie militaire, proposant bio, œuvre, interview, témoignages de Boris Bergman et de Jean Fauque, repères et discographie, le tout abondamment illustré, y compris de photos personnelles (n° 24, été 1998, 22 pages) ; ainsi que du n° 68 (été 2009) qui comportait un hommage très complet de 18 pages, avec des repères définitifs et une discographie exhaustive (le reste du numéro proposait notamment deux autres dossiers sur Olivia Ruiz et Claude Nougaro, un reportage sur Renan Luce en studio, diverses rencontres : Alexis HK, Maurane, etc.). Si intéressé(e), nous adresser un courriel en cliquant sur sicavouschante.info@orange.fr

 

 

 

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8 mars 2011 2 08 /03 /mars /2011 19:23

Les Victoires de la chanson (suite)

« Collection d’hiver » n° 8. Après les hommages à Charles Trenet (que les médias ont boudé de façon indécente, pour privilégier – y compris sur le service public le soir du 10e anniversaire de sa disparition ! – l’image plus « vendeuse » de Gainsbarre) et à son « pays » Jordi Barre (un « deuil national » en Languedoc-Roussillon et une occultation totale partout ailleurs…), après un focus spécial sur Thiéfaine (parce que son disque le vaut bien), il est temps de reprendre le fil de notre collection d’hiver. Justement, ce 8 mars, pour célébrer la sortie de son 8e album studio*, Thomas Fersen nous invite à filer avec lui au paradis…

Il y a des artistes qui, en parlant d’eux-mêmes, atteignent à l’universel ; ou, du moins, à faire en sorte que les membres d’une même société ou d’une même génération se retrouvent dans leurs chansons – c’est le cas par exemple d’un Thiéfaine avec sa Ruelle des morts. Et puis, il y a des artistes qui ont choisi de privilégier l’imaginaire, de s’évader du quotidien, et savent à merveille nous entraîner dans leur univers : Thomas Fersen est un orfèvre en la matière. Son nouvel album ne déroge pas à la règle, bien au contraire ; il nous plonge de bout en bout dans un monde féérique peuplé de vampires, de sorcières, de fantômes, de morts-vivants et de loups-garous !

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• JE SUIS AU PARADIS. Dracula – La Barbe bleue – Félix – Sandra – J’suis mort – Le Balafré – Parfois au clair de lune – Mathieu – L’Enfant sorcière – Une autre femme – Brouillard – Les Loups-garous. (Prod. Editions Bucéphale/tôt Ou tard ; distr. Wagram Music ; site de l’artiste ; ou « site relais » non officiel avec un large choix de vidéos)
 


Et lorsqu’une chanson de ce disque déborde du cadre imposé, c’est pour mieux nous faire (hurler de) rire. En jouant par exemple à la ballade des gens heureux, avec Félix le bien-nommé : « Je suis centenaire / Mais je suis encore vert / […] Mon fils est un vieux schnock / Ma fille est une vieille bique / Quand je l’embrasse, elle pique / Y en a marre des viocs ! / Je jouis, je jouis, quand j’entendrai le glas, oui / Je jouirai encore / Je veux mourir comme Félix Faure » !

Comme d’habitude avec ce « jeune homme » qui, lui, à force d’enfoncer le pieu, finira par être quinquagénaire (il est né le 4 janvier 1963), c’est drôle avant tout et c’est toujours un bonheur d’écriture, avec un vocabulaire, des expressions, des tournures, des vers et des couplets tout sauf banals : « Mais on accuse à tort la gent trotte-menu » (à propos d’un fantôme nommé Sandra), « Sous les ronces et le lierre est la tombe de l’enfant sorcière » (L’Enfant sorcière), « On peut attraper un goitre / Une queue ou un pied-bot / Sentir une bosse croître / Et vous déformer le dos » (Une autre femme)… Sans parler des situations elles-mêmes, comme l’histoire de ce serial-killer Balafré (remake de Massacre à la tronçonneuse !) qui trompait bien son monde : scene.jpg« On retrouva au parc Monceau / Une bourgeoise coupée en morceaux / […] Tout l’monde croyait de bonne foi / Qu’il s’en allait couper du bois / C’est pas qu’il fût je-m’en-foutiste / Il avait une âme d’artiste / Il menait une vie de cigale / Il jouait de la scie musicale… »

 Petit plus à cet univers pour le moins séduisant (jusqu’à l’érotisme : « Je connais une fille dont le sourire pointu / Est plus cruel que celui de Nosferatu / Le crucifix qui descend entre ses deux seins / Ferait se damner un saint… »), la petite morale propre à ce fabuliste de la chanson qui vient ponctuer chacune de ses historiettes ; qu’il s’agisse de brosser le portrait de Dracula (« Il semble que l’amour soit parfois un charme bien pire / Que celui que l’on prête au prince des vampires ») aussi bien que de narrer des mémoires d’outre-tombe : « J’suis mort et j’en fais pas un drame / Mon job, c’est à la foire du Trône / C’est moi qui fais crier les femmes / Je suis squelette au train fantôme… »

Quant à la réalisation, on retrouve Thomas aux commandes, avec la collaboration aux arrangements, selon les chansons, d’Olivier Daviaud, de Fred Fortin et de Joseph Racaille. C’est dire si, là aussi, la musicalité de l’album constitue du travail d’orfèvre, où guitares, mandoline, percussions, orgue, piano, accordéon, violoncelle, contrebasse, flûtes et autres mellotron ou glockenspiel s’épousent ou se distinguent pour mieux enrichir l’ensemble. Sachant que l’essentiel, toujours, est de se mettre au service de l’histoire. En l’occurrence, j’ai un petit faible pour Parfois au clair de lune , à l’inspiration quelque peu brassénienne : « Apprenant que les gendarmes / Recherchaient un vagabond / Une brave dame / M’a caché sous un jupon / Quelquefois, je l’admets / J’ai couché sous un pont / Mais je n’avais encore jamais / Logé sous un jupon / […] Mes autres résidences / Ne valaient pas un radis / Et de toute évidence / Ici je suis au paradis. » CQFD !



NB. Dans l’impossibilité de télécharger ici (légalement) des chansons de Je suis au paradis, et aucun clip ou vidéo de celui-ci n’étant (encore) disponible, on peut l’écouter en totalité sur le site du label tôt Ou tard, dans la page consacrée à Thomas Fersen, en cliquant ICI. Peu importe l’ordre dans lequel vous l’écouterez, mais je vous conseille particulièrement le dernier titre, Les Loups-garous, aussi hilarant que finement écrit : « Par une rare conjonction / Entre Vénus, Mars et Saturne / Mordu par un chien taciturne / J’avais reçu l’extrême-onction / Je n’allais pas passer la nuit / Et je faisais une drôle de tête / Mais sur les douze coups de minuit / J’ai repris du poil de la bête… » Quant à la vidéo qui accompagne ce sujet et raconte la triste histoire de Hyacinthe, elle illustre en fait une chanson de l’avant-dernier album, Le Pavillon des fous, mais nous vous la proposons pour le plaisir des yeux (et des oreilles), puisqu’elle est l’œuvre d’un maître du dessin, Joan Sfar, récemment césarisé pour son premier film, Gainsbourg, vie héroïque...
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*Les sept précédents sont : Le Bal des oiseaux (1993), Les Ronds de carotte (1995), Le Jour du poisson (1997), Quatre (1999), Pièce montée des grands jours (2003), Le Pavillon des fous (2005), Trois petits tours (2008) ; albums studio auxquels il faut ajouter deux albums live (Triplex en 2001 et La Cigale des grands jours en 2004) et un « Best of de poche » en 2007, Gratte-moi la puce, composé de vingt titres réenregistrés, accompagnés au ukulélé.

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