Collection d’hiver – 4
Attention : artiste à découvrir toutes affaires cessantes ! On la suivait avec grand intérêt, en professionnel attentif à son évolution, depuis deux ans. On est heureux de la voir naître aujourd’hui auprès du public amateur de chanson (en attendant que son talent éclate aux oreilles du « grand public ») avec Écoute s’il pleut. Un premier album (produit par un label indépendant) qui ne risque guère, tant la barre est haute, de se voir ravir la Victoire de la… chanson, catégorie révélation, de Si ça vous chante.
Née Mélanie Coulet en Ardèche, auteur-compositeur-interprète, Mélissmell a fait ses débuts en 2008. Son pseudo, dit-elle, tient à la fois de la mélisse, autrement dit la citronnelle (« La mélisse, ma grand-mère me disait que c’était pour soulager les maux des femmes »), et du mélisme (du mot grec melos : air, mélodie, chant…). En mai de l’année suivante, elle se fait remarquer aux fameuses « Découvertes » du festival Alors… Chante ! de Montauban. Envoyé spécial de Chorus, Yannick Delneste publie cette appréciation sous la photo de Francis Vernhet représentant les trois lauréates de l’édition, tout « aussi impressionnantes » (Carmen Maria Vega, Mélissmell et Karimouche, grand cru il est vrai !) : « Saluée par le public, Mélissmell a la voix de Cantat, Ferré et Rimbaud en références, mais elle s’en affranchit en imposant sa personnalité, entre douceur des textes et puissance des cordes » (cf. Chorus n° 68, été 2009). Bien vu, à cette nuance près que si l’on évoque volontiers Noir Désir et Bertrand Cantat à son propos, la voix, la superbe voix arrachée de Mélissmell me fait plutôt songer à Mano Solo (sans parler de son engagement social et humaniste), à sa capacité de provoquer le frisson chez l’auditeur, ce qui n’est pas un mince compliment.
• ÉCOUTE S’IL PLEUT. Aux armes – Je me souviens – Sobre la muerte – Glouton – Écoute s’il pleut – Le mouton – Les Enfants de la crise – Goûte – Viens – Des nouvelles par les ondes – Le Silence de l’agneau – Sens ma fatigue – Plutôt rêver – L’Éveil. (37’35 ; prod. et distr. Discograph ; site de l’artiste sur le label ; site personnel de l’artiste.)
Après avoir découvert le clip de sa première chanson (Aux armes) qui, outre le fait d’être une sorte de décalque personnel de La Marseillaise (ce qui ne manquera pas de réjouir tous ceux et celles qui ont réagi aux différents sujets de Si ça vous chante, l’été dernier, sur la question des paroles de l’hymne national français), est une vraie réussite, je vous conseille vivement d’écouter Je me souviens ; et puis (en cliquant sur nos liens) Sobre la muerte (Sur la mort), et puis Le Mouton, et puis Les Enfants de la crise, et puis son morceau sans doute le plus rock, Je sens ma fatigue, et puis le bouleversant Plutôt rêver, et puis et puis… et puis tout le reste de l’album !
Ne passez pas à côté, vous le regretteriez ! D’ailleurs, à peine ce disque sorti, Mélissmell dont la prestation scénique est d’une grande intensité, a été plébiscitée et par le public et par le jury, le 3 février à Paris, du nouveau Prix Georges-Moustaki, consacré aux seuls artistes indépendants et autoproduits. Dès la première occasion de la voir sur scène, à Montauban, Mélissmell nous avait interpellés. Elle confirme aujourd’hui toutes les promesses d’hier. Musicalement, à ses complices de scène Stefano Bonacci (guitare) et Thomas Nicol (violoncelle) se sont adjoints un quatuor à cordes, un bassiste, un batteur et un pianiste (avec Laurent Jaïs – Manu Chao, Brigitte Fontaine… – à la réalisation). Côté textes, elle marie légèreté et rage, car « par la colère, assure-t-elle, on ne fait rien passer. Avec de l’ironie par contre… C'est Brel qui me l’a appris. »
L’album d’une jeune femme (elle n’a pas trente ans) aux semelles de vent, fixée à Strasbourg après avoir emprunté bien des chemins de traverse, faisant la manche (« Ma mère me racontait que je savais chanter avant de parler… »), dormant avec les exclus… Un album, précise le label, « entre ritournelle et chanson réaliste, entre hymne électrique et passion pour les mots/maux qui font que la France est le pays des libertés contrastées. Un album prélude à bien d’autres histoires. Car aujourd’hui Mélissmell n’en est qu’au début. » On en accepte volontiers l'augure.