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  • : SI ÇA VOUS CHANTE (le blog de Fred Hidalgo)
  • : Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…
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  • Fred Hidalgo
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.

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17 novembre 2010 3 17 /11 /novembre /2010 17:59

 Vendanges d’automne (8)


Chose promise, chose due : au grand galop ou en prenant le temps de gambader un peu, voici la suite de nos vendanges d’automne – la huitième récolte de la saison. Où les « petits » vins de terroir, des régions de France, de Nouvelle-France, d’Helvétie ou d’ailleurs font la nique aux crus les plus commercialisés. Il est vrai que le fruit desdites vendanges résulte surtout d’un coup de foudre (de qualité supérieure). Je vous invite donc à reprendre nos vendanges d’amour là où nous les avions laissées (au début du sillon « M ») ; cette balade enivrante d’un château l’autre, n’ayant de sens que dans le partage convivial entre amateurs de palais fins (entre « chorusiens », avez-vous dit ?) : oui,
« Nous les referons ensemble / Nous les referons ensemble / Demain, les vendanges de l’amour / Car la vie toujours rassemble / Oui, la vie toujours rassemble / Malgré tout, ceux qui se quittent un jour… »

 

Vous connaissez la musique ? L’échanson de la chanson propose des échantillons. Mais il revient ensuite à chacun de poursuivre la dégustation (via les liens directs sur lesquels il suffit de cliquer en fin de « chronique »… comme on débouche une bonne bouteille). Après, c’est la surprise du chef : chacun ses goûts, ses couleurs (blanc, rosé ou rouge ?), ses terroirs de prédilection… et sa durée préférée de maturation. Mais bouquetés, fruités, capiteux, âpres, moelleux, râpeux, généreux ou clairets, longs en bouche ou encore un peu verts, tous les châteaux et les palais qui suivent valent la visite. Car « Mon palais, dirait Jean Ferrat, ce n’est pas un palais comme les autres / Mon palais et la foule assemblée / Cette complicité qui fait qu’on se connaît / Sans être présenté / Par la vertu des mots, magie de la musique… » Suivez le guide !

• XAVIER MÉRAND : Phare Ouest, 12 titres, 45’42. Après un premier galop d’essai en 2005 (Toutes les histoires ont une chanson) et cinq ans passés à écumer les scènes et à travailler sa plume aux côtés de Claude Lemesle, Xavier Mérand jette l’ancre le temps d’un second album pour lequel il a demandé à douze artistes différents de mettre ses textes en musique (dont Roucaute, Romain Didier ou Ignatus). À noter un duo croustillant (Paradis rose) avec Agnès Bihl. « Xavier, écrit Alexis HK (un de mes artistes préférés de la « Génération Chorus »), je l’ai vu sur scène dans un théâtre de poche. Il est arrivé la main posée sur l’épaule d’un de ses partenaires pour lui servir d’yeux, car il n’y voit pas, ou très peu… Puis il a chanté qu’il était “bigleux” justement, puis plein d’autres chansons où c’est lui qui nous a montré bien des choses de la France des comptoirs et des grèves de train, éclairci l’atmosphère par son charme et son autodérision. […] Le public a suivi le sourire aux lèvres les histoires du drôle d’oiseau aux yeux brillants de malice et de plaisir. […] En repartant, je me suis senti moins aveugle, je voyais différemment… » Autoproduction et autodistribution (site de l’artiste).

• MILLY : Des histoires d’hommes, 13 titres, 43’26. Un premier album d’une maturité prometteuse. Il est vrai que si Milly a écrit (et co-composé) la plupart des chansons, cette jeune femme à l’accent vocal aigu, délicat mais assuré, a bénéficié du soutien de Gabriel Yacoub et Sylvie Berger (La Bergère), ainsi que de Valentin Akriche, Christophe Devillers et Michel Goubin à la réalisation. De ses influences diverses, anglo-saxonnes ou françaises, reste le goût pour la musique vocale, acoustique et la transmission. Un univers à contre-courant, des portraits, des tranches de vie, de l’énergie et de la sensibilité au service d’un voyage hors du temps. Coproduction Événement Productions & Le Roseau, distr. Harmonia Mundi (site de l’artiste).

• FRANÇOIS MOREL : Le Soir, des lions…, 14 titres, 45’47. Trois ans après Collection particulière, voici le Morel (François) nouveau, avec un titre éponyme (mais en V.O., La Sera, leoni…), prétexte à un bel canto endiablé avec Juliette aux chœurs et Nino Rota au cœur. Textes joliment ciselés, mis en musique et en mélodies par le fidèle complice Reinhardt Wagner (ex-Jacques Bertin) et par Antoine Sahler, « le pianiste sur lequel, écrit Morel, on n’a pas envie de tirer », avec du beau monde au casting instrumental. Il y a du Bourvil et du Boris Vian chez François Morel : du premier il affiche la gouaille tendre et candide, du second la fantaisie acérée et mordante. Faut pas exagérer, nous répondrait-il en écho à la chanson d’ouverture, fausse vantardisse de fier-à-bras pas dupe, où l’auteur se compare en vrac et tout à trac à Rambo et Picasso, Corneille et Clooney, Sacha Guitry et Émile Louis… Quand il était petit, François ne savait pas s’il préférait devenir comédien, humoriste, auteur ou chanteur. Alors, il est devenu tout ça à la fois, tel un touche-à-tout d’égal talent. Au final, ici, l’ex-Deschiens (Yolande Moreau participe d’ailleurs à un titre, La Fille du GPS) nous balade du rire aux larmes ; et c’est avec beaucoup de plaisir qu’on effectue la visite. Productions de l’Explorateur, distr. Polydor (site de l’artiste).

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• JEAN MOUCHÈS : Quand j’avais encore mon troupeau d’éléphants…, 14 titres, 60’44. Voici un des artistes de la « Génération Chorus » (non seulement que j’apprécie le plus mais surtout) dont je ne m’explique pas la discrétion médiatique à son égard. « Dans sa famille chanson (avec le grand-père Trenet, le père Boby Lapointe, l’oncle Nougaro, le grand frère Laffaille et les cousins Cabrel ou Beaucarne), ne manquez surtout pas de demander le petits-fils : vous en redemanderez ! À son image, nonchalante en diable, son répertoire balance entre la ballade du Néandertal et la fin du monde, frappé d’une voix tendre et faussement fragile. Rien d’autre, en somme – à travers un répertoire jubilatoire conjuguant finesse d’écriture et variété musicale (du blues au rap) – que l’histoire de l’Homo Sapiens. » Rien à retrancher à ces lignes que j’ai écrites en… 1998 (pour Chorus n° 23), après la sortie de La Malédiction du caméléon (un Cœur Chorus, d’ailleurs) ; ses deux précédents albums empruntant à une même thématique zoologique (Tango chevalin et autres chansons, 1988 ; En descendant du singe…, 1993), ainsi que les deux suivants : Du coq à l’âne en 2000 et Pattes de mouche, fin 2001. Il aura donc fallu attendre (hors CD jeune public) neuf ans pour que nous arrive enfin ce sixième opus. Enregistré en public « comme à la maison » (avec ses excellents et fidèles complices Jakes Aymonino à la guitare et Michel Macias à l’accordéon), si sa production ne peut prétendre à la qualité d’un album studio, son contenu présente l’avantage d’offrir à la fois des titres inédits et d’autres « revisités », dont un Sac d’embrouilles délirant en bonus cadeau – « Mais est-ce bien un cadeau ? » s’inquiète ce drôle de fabuliste de la chanson. Autoproduction, distr. Mosaic Music (site de l’artiste).

• MOUSS & HAKIM : Vingt d’honneur, double album live, 25 titres, 92’16. Deux décennies d’activisme musical déjà pour les deux frères Amokrane, ex-Zebda ou 100% Collègues, devenus Mouss et Hakim lors du festival « Origines Contrôlées » qu’ils ont créé à Toulouse en 2005. Ce double album conçu pour célébrer l’événement est un véritable bonheur d’échanges, de rencontres et de partage. Et s’il n’y avait qu’un message à tirer de leurs chansons (originales ou adaptées de symboles de l’exil et du combat politique maghrébin, tels que Matoub Lounès, Slimane Hazem, Cheikh El Asnaoui, Lounis Aït Menguellet ou Idir), ce serait que la fraternité n’a pas de papiers. Ajoutez-y des standards de la résistance aux impéralismes fascistes ou nazis comme L’Estaca, Bella Ciao, El Paso del Ebro ou Le Chant des Partisans, et comme le public qui les reprend en chœur dans la joie et la bonne humeur, comment ne pas se sentir Motivés ? Bonne route, les frangins ! Production Tactikollectif, distr. L’Autre Distribution (site du duo).

• MICHÈLE MÜHLEMANN : Les Pires Espoirs, CD 14 titres + 1 titre caché, 61’50 (+ DVD du concert). On l’a découverte en duo du temps de « Mimi et Clode », prix « Meilleur espoir » 1992 à la Médaille d’or de Saignelégier, en Suisse (car « Mimi », née dans l’ex-Zaïre, a grandi au pays de Guillaume Tell), et finalistes de la Truffe de Périgueux 1994 (un album live en mai 1995) ; on l’a retrouvée en solo en 1997 à la ville (Toulouse) comme à la scène (un premier album, Amourdeuse, en 2001). Depuis Michèle Mühlemann, ACI nourrie au biberon de Renaud et de Perret dans son enfance, a multiplié les spectacles (dont un double Whisky-Chocolat, enregistré en public et en « trio » en 2008) et engrangé les prix d’un tremplin à l’autre… sans parvenir à accrocher l’oreille des médias nationaux (vous avez dit parisianistes ?). Dommage… pour eux. Mais surtout pour le public ! Vous pourrez en juger à l’écoute de cet album enregistré à la Salle Nougaro de Toulouse, mais plus encore en regardant le DVD du concert (entre récital et café-théâtre, car la belle n’a pas la langue dans sa poche) qui montre bien l’énergie, l’humour et la maîtrise de l’artiste (qui n’hésite pas à changer de tenue devant le public !). Sa tendresse aussi quand elle le veut. Accompagnée de trois excellents musiciens multi-instrumentistes (Loïc Laporte, Frédéric Cavallin et Thierry Roques), on la voit arriver jusqu’à la salle à cheval, guitare en bandoulière ; le DVD (réalisé par Marc Khanne) s’achevant par un joli portrait-interview, entrecoupé de bribes de répétitions. À noter que certains titres de Michèle ont été mis en musique par Manu Galure, comme J’aime pas les choses (« Quoi qu’il y ait bien une exception / Mais là, ô rage, ô déception / Elles n’ont de choses que le nom / Et elles appartiennent aux garçons » !). Orphée Productions, distr. Mosaic Music (site de l’artiste).

quichote_3.jpg• NIOBÉ : Manifeste, 12 titres, 45’15. Jean-Pierre Niobé, originaire de la région angevine, s’oriente d’abord vers le théâtre avant de monter un tour de chant en 1990. En 1994, sa rencontre avec Lionel Tua, un comédien qui écrit des textes de chansons, se révèle décisive : un premier album remarquable, Rêves de comptoir, paraît un an plus tard. Deuxième opus en public, Le Nanalphabète, en 1999, concerts (plus de cinq cents à ce jour), Festival d’Avignon, petites salles parisiennes… puis sortie en 2004 d’un troisième CD (…De l’humain dans nos affaires), distingué aussitôt par un Cœur Chorus (n° 50) et un Coup de Cœur de l’académie Charles-Cros. Voici aujourd’hui un Manifeste des plus éloquent et des plus riche quant à l’orchestration, marqué par la découverte de la Réunion. Niobé bénéficie en effet de l’apport aux instruments, au chant voire à la prise de son pour certains titres du groupe Zong et surtout de l’excellent accordéoniste chanteur René Lacaille (Mé sauvé, La Saison sèche…). Superbes titres où Niobé, interprète et mélodiste sensibles, s’essaie au kayamb entre les cuivres, les cordes et les claviers. Superbe album où l’humain reste au cœur des préoccupations, bravant les moulins à vent : « Chez moi comme chez vous autres / Le monde court à nos pertes / Je n’demande rien d’autre / Que les portes restent ouvertes… » Forcément, un « Quichotte » de Si ça vous chante ! Coproduction Collectif Crock’Notes et Tonton La Prod, autodistribué (site de l’artiste).

(À SUIVRE)

 

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15 novembre 2010 1 15 /11 /novembre /2010 11:00

Dans la rue et sur la route

Nouvelle plongée dans le temps, cette fois jusqu’au Paris de Bruant, au début du XXe siècle, avec un « long format » de quatre disques produit par EPM (vous savez, le label que François Dacla, évincé de chez RCA par ses propriétaires américains, créa en 1986 avec le soutien de Léo Ferré qui choisit alors, en guise de représailles – « Et Puis Merde ! » ; d’où ce nom : EPM… –, de quitter la multinationale pour suivre Dacla). En l’occurrence, et pour la première fois, toutes les chansons et la plupart des monologues écrits par Aristide Bruant sur Paris.

 

En fait, l’intégrale – et dans l’ordre exact choisi par leur auteur – de ses recueils de textes Dans la rue mais aussi Sur la route. Ses chansons Urbi et orbi, quoi ! Conçu par Jean Buzelin (en collaboration avec Marc Monneraye), ce digipack d’anthologie (dans tous les sens du terme) s’inscrit naturellement dans le sillage de la fameuse collection « Poètes & Chansons » lancée chez EPM par le regretté Marc Robine. Une collection dans laquelle, en 2002, déjà, il avait réalisé un Aristide Bruant chanté par plusieurs interprètes (et Bruant lui-même pour un titre), que Bernard Ascal poursuit aujourd’hui dans le même esprit et avec un même souci de qualité.

Robine


L’occasion d’un bref arrêt sur image sur l’ami Marc (disparu en août 2003, il cumulait de multiples talents, d’auteur, de compositeur et d’interprète bien sûr, mais aussi d’arrangeur, de collecteur, de réalisateur, d’historien, de biographe… et de journaliste à Paroles et Musique et Chorus surtout), que l’on peut retrouver en cliquant ICI, dans l'émission Bouillon de Culture à laquelle Bernard Pivot l’avait convié le 25 novembre 1994 (il y a presque seize ans jour pour jour) pour présenter sa monumentale Anthologie de la chanson française. On le voit entonner, suivi par Marcel Amont, autre invité de cette mémorable émission culturelle, un extrait de la fameuse chanson de Bruant, Les Canuts, devant un Pivot visiblement ravi (NB : l’intégrale de cette émission est téléchargeable individuellement sur le site de l’INA). Les Canuts qui figure évidemment dans le quatrième CD du digipack, Aristide chante Bruant (et autres « enregistrements historiques » : vingt-six titres gravés de 1898 à 1933), et dont le contenu, hélas, reste fondamentalement d’actualité : « Mais notre règne arrivera quand votre règne finira / […] Nous tisserons le linceul du vieux monde / Car on entend déjà la révolte qui gronde… »

 

Pour le reste, les trois premiers CD proposent quatre-vingt-quatre titres enregistrés au fil du temps par de grands interprètes (Monique Morelli, Germaine Montero, Patachou, Marc Ogeret – qui lui consacra en 1978 un superbe coffret de quatre 30 cm, 60 chansons et monologues – ou Yves Montand avec Les Canuts, justement, qu’il mit en boîte en 1955) ; et tout récemment, en 2009, par Jean Weber et surtout Yves Mathieu (treize morceaux à lui seul). À noter que ce dernier, dit Vivi, est le patron actuel du Lapin Agile à Montmartre (rue des Saules), que Bruant racheta, pour le sauver, le 15 mars 1913, alors que Frédéric Gérard, dit Frédé, en était le gérant. En 1922, Bruant le revendra au fils de Frédé, Paul Gérard, dit Paulo – lui-même beau-père d’Yves Mathieu qui, dès sa jeunesse, l’entendait chaque jour chanter et réciter Bruant comme celui-ci le lui avait appris…

« C’est là (devant le Lapin Agile), écrit Pierre Mac Orlan, que pour la première fois, je vis Aristide Bruant, tel que la célèbre lithographie de Toulouse-Lautrec l’a rendu populaire. » Le miracle est que ce petit lieu (mais haut lieu de l’histoire de la chanson française) soit resté de nos jours identique (et toujours bien vivant) à ce qu’il était à l’époque ! Fréquenté au long de son histoire par la fine fleur du monde artistique (Toulouse-Lautrec et Mac Orlan, donc, mais également Max Jacob, Picasso, Francis Carco et tant d’autres à l’instar de Rimbaud), c’est aussi au Lapin (anciennement « à Gill », du nom du peintre de l’enseigne) que Ferré rencontra Caussimon ou que Nougaro fit ses débuts.

 

Pour le plaisir, je vous propose un extrait d’un film intitulé Le Music-Hall francais, dont les images datent de 1910. On y voit plusieurs figures importantes, parmi lesquelles, fugacement certes, mais quand même, Frédé du Lapin Agile, Gaston Montéhus… et Aristide Bruant en personne ! Un véritable document où déjà il était question du débat engagé entre « la chanson qui charme et la chanson qui lutte »... Et puis quelques montages vidéos qui permettent de se replonger dans l’univers de ce géant de la chanson dont Pierre Mac Orlan disait encore ceci : « Parmi les grandes figures de la compagnie du Chat Noir […], Bruant est une des plus émouvantes, parce que sa personnalité est celle de l’expérience des rues et, quelquefois, des routes. Comme tous les poètes dominés par la lueur d’une révélation exceptionnelle, il échappa à toute critique. Ses chansons […] sont autant de vérités premières dans la chronique sentimentale des rues de Paris. »

Citons pour mémoire, parmi les œuvres du « Maître de la rue », comme l’appelait Anatole France : À Batignolles, À la Villette, À Montpernasse, À Montmerte, À Saint-Lazare, À la Roquette, À la Glacière, À Grenelle, À la Madeleine, À la Chapelle, À la Bastille, À la Bastoche, Belleville-Ménilmontant, ou encore À la Goutte d’or que François Béranger, alors très marqué par le « chansonnier populaire » (né à Courtenay, dans le Loiret, en 1851 et mort à Paris en 1925),  choisira d’enregistrer dès son premier album, en 1970.

 

Il faut saluer enfin, dans cette belle réussite phonographique, le livret de 44 pages (où l’on trouve des reproductions du Mirliton, l’hebdomadaire dirigé par Bruant – du nom de son cabaret situé dans les locaux rachetés à Rodolphe Salis, 84 boulevard Rochechouart, du Chat Noir d’origine –, de petits formats et de recueils de ses chansons et monologues, ainsi que des photos de l’artiste et même un plan de Paris établi à partir de ses titres de chansons), qui apporte toutes les informations biographiques et historiques souhaitées, outre celles concernant la conception et la réalisation du Paris de Bruant. Son principal auteur, Jean Buzelin nous y rappelle notamment que « sur les 310 ou 320 chansons et monologues écrits de sa main, que nous avons répertoriés (liste non close), auxquels s’ajoutent une bonne vingtaine de chants traditionnels qu’il a retrouvés et adaptés à sa manière, Bruant en a laissé sur disque, pour la postérité, un peu plus de quatre-vingts, soit à peine un quart de son répertoire. Bien heureusement, d’autres interprètes se sont plongés dans son œuvre et en ont extrait des merveilles… »

quichote 3Pour être tout à fait précis, on retrouve ici dix-neuf chansons enregistrées par Bruant (celles des rues évoquées ci-dessus pour la plupart, plus La Ronde des marmites, Le Gréviste, Dans la rue, À Biribi, P’tit gris ou Ah ! les salauds !) et quatre-vingt-onze par une trentaine d’interprètes différents et de toutes époques (de Paulo à Vivi, du Lapin Agile, ou d’Yvette Guilbert à Mouloudji). Un must, un collector… en un mot, un « Quichotte » de Si ça vous chante !

Bruant

• LE PARIS DE BRUANT :
Aristide Bruant dans son cabaret ; digipack de 3 volets, long format, 4 CD ; 110 titres, 4 heures 33’. Production EPM, 37 rue des Vignerons, 94300 Vincennes ; distr. Universal (site de vente en ligne du label EPM).

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13 novembre 2010 6 13 /11 /novembre /2010 15:30

Démons et merveilles du music-hall

 

Moi, vous me connaissez, depuis le temps qu’on se fréquente (quelques décennies pour les plus chenus d’entre vous qui font fidèlement chorus depuis Paroles et Musique ; la rencontre étant beaucoup plus récente – cure de jouvence ! – avec la majorité des lecteurs et lectrices de Si ça vous chante), vous savez combien je suis attaché à la découverte, aux joies grisantes qu’elle procure. Toujours à l’affût des talents en herbe, jamais je ne pourrai me contenter de regarder seulement dans le rétroviseur. Impossible. Pour autant, quand l’occasion se présente de faire une pause, quel bonheur de redécouvrir les merveilles de notre chanson, les riches heures du music-hall français !


 

 

Justement, en cette saison qui nous rappelle la chanson de Prévert et Kosma, m’arrive une livraison de productions nouvelles, constituées de compilations du répertoire de la chanson française d’après-guerre – la Seconde –, qu’il serait bien dommage de passer sous silence. Il faut savoir que, la production phonographique tombant dans le domaine public au terme de cinquante ans d’exploitation, les éditeurs qui le souhaitent ont dès lors tout loisir de ressortir les enregistrements concernés (tout en s’acquittant évidemment des droits légaux dus aux créateurs). Cela peut prendre la forme de rééditions plus ou moins à l’identique, avec plus ou moins de soin et de souci d’exactitude (parfois ça craint vraiment !), ou bien – comme a choisi de le faire Frémeaux & Associés – se présenter de façon originale (des coffrets de deux ou trois CD, accompagnés d’un livret bio-discographique toujours très informatif) et avec un contenu en partie inédit (par exemple des versions alternatives de chansons enregistrées en studio, des récitals ou des enregistrements radiophoniques jamais repris en disque).

Chemin faisant, dirait Gilles Vigneault, le label créé il y a une quinzaine d’années et dirigé par Patrick Frémeaux et Claude Colombini est devenu un véritable panthéon phonographique de la chanson française. Plus de 1200 références à ce jour dont près de cent nouveautés en 2010. Un travail de préservation (et de restauration technique) qui mérite bien de la nation – d’ailleurs, l’académie Charles-Cros lui a décerné en 2001 son Grand prix In Honorem « pour la défense du patrimoine sonore et de la parole enregistrée » (prix décerné pour la première fois à une maison de disques pour son œuvre éditoriale).

quichote_3.jpgC’est tout dire. Nul besoin, par conséquent, de longs commentaires sur les parutions en question, d’autant que les noms des artistes et la qualité bien connue de leur répertoire parlent d’eux-mêmes. Et qu’un « Quichotte » de Si ça vous chante vient « sanctionner » l’ensemble de ces productions (voir le site du label Frémeaux et Associés, ou distr. France : Socadisc) ; celle des Frères Jacques en particulier qui contient nombre d’inédits – à côté de futurs « standards », tels L’Entrecôte, À la Saint-Médard, La Marie-Joseph, Barbara, Le Tango interminable des perceurs de coffres-forts, Le Poinçonneur des lilas, La Queue du chat… ou encore Les Boîtes à musique.


 

 

Pour sa part, Si ça vous chante vous offre ici – on va s’gêner, tiens ! – la possibilité de revoir tous ces artistes en chair et en os, en sons et en images : Pierre Louki, Yves Montand, Mouloudji, Charles Trenet… et Juliette Gréco dont chaque prestation, aujourd’hui, continue de nous remplir d’admiration. Démons et merveilles, dirait Jacques Prévert (dont Les Frères Jacques assuraient L’Inventaire), de notre patrimoine.


FreresJacques• LES FRÈRES JACQUES :
Les Premiers Récitals, 1948-1959 ; coffret 3 CD + livret de 32 pages (67 titres, 77’38 + 74’56 + 76’18). Ce coffret de 3 CD présente onze titres, dont La Belle Arabelle, totalement inédits et deux récitals publics jamais réédités sur disque compact. Jean Buzelin et Marc Monneraye redonnent vie aux premiers récitals des Frères Jacques, « de la Rose Rouge à la Comédie des Champs-Élysées », et permettent ainsi de justement apprécier la naissance et l’essor d’un ensemble mythique, dans l’énergie inégalée de ses prestations scéniques.

 

 

Les quatre Frères, en fait, étaient cinq... Aux vrais frères Bellec, André (le grand en maillot vert, 1914-2008) et Georges (le petit au maillot jaune, né en 1916), à François Soubeyran (le grand en maillot rouge, 1919-2002) et à Paul Tourenne (maillot bleu, né en 1923, installé aujourd’hui à Montréal), il faut en effet ajouter le pianiste Hubert Degex, arrivé dans le groupe en 1966. Leur carrière (mondiale et pas seulement internationale) s’étend de 1944 à 1982, avec un succès jamais démenti… et des tenues de scène (les fameux collants dessinés en 1946 par le décorateur de théâtre Jean-Denis Malclès) pour le moins inhabituelles.

 

Nous avions eu la chance de les recevoir at home, aux débuts de Paroles et Musique, où ils nous avaient résumé ainsi, avec autant d’humour que de modestie, leur parcours professionnel : 1420 chapeaux, 2752 paires de gants, 468 maillots collants, 136 paires de chaussures de scène et 420 moustaches ! Un inventaire à la Prévert, derrière lequel il fallait voir une carrière réellement hors du commun, un groupe à jamais unique, célèbre dans le monde entier qu’ils ne cessèrent de sillonner. Au final, des milliers de prestations devant des publics enthousiastes… jusqu’à leur tout dernier récital – grand souvenir – au Théâtre de Boulogne-Billancourt, le dimanche 3 janvier 1982 : j’y étais (cf. Paroles et Musique n° 18, mars 82) !


Greco JULIETTE GRÉCO : La Muse de Saint-Germain, 1950-1957 ; coffret 2 CD + livret de 32 pages (36 titres, 56’10 + 56’13). De François Mauriac à Jean-Paul Sartre, de Françoise Sagan à Jacques Prévert ou Jean Renoir, de Georges Brassens à Léo Ferré en passant par Jacques Brel, Guy Béart et tant d’autres, durant les soixante ans de son extraordinaire itinéraire, la Grande Dame nous a invariablement apporté la preuve que la chanson est bien « un art majeur » – n’en déplaise à qui vous savez, qu’elle a également chanté (La Javanaise…) de la plus belle des manières.

 

Les trente-six titres inclus dans ce coffret, enregistrés entre 1950 et 1957 (et sélectionnés par Dany Lallemand qui signe le texte détaillé du livret, illustré d’une dizaine de photos rares), sont parmi les plus emblématiques de son répertoire : Sous le ciel de Paris, Les Feuilles mortes, Je hais les dimanches, La Chanson de Barbara, Ça va (le diable), Je suis comme je suis, Chanson pour l’Auvergnat, Chandernagor, Qu’on est bien, La Valse brune, Les enfants qui s’aiment… ou Si tu t’imagines (de Queneau et Kosma).


Louki• PIERRE LOUKI : Concert au Kiron, 1999 ; coffret 2 CD + livret de 12 pages (53 titres, 59’01 + 54’27). Pierre Louki, disparu le 21 décembre 2006, restera une figure singulière de la chanson française et de la poésie, entre humour, amour, gravité légère et fantaisie profonde. Sa postérité, la fidélité de ses musiciens et le nombre de ses interprètes actuels (au premier rang desquels Claire Elzière qui lui a consacré un bel album) en témoignent

 

Le présent coffret – précédemment distribué par Universal pour Rym Musique et réédité en accord avec la « succession Pierre Louki » – permet de retrouver l’éclat incarné de son œuvre lors d’un concert enregistré intégralement en décembre 1999 à l’Espace Kiron, à Paris. Cet artiste rare (qui accueillit Chorus chez lui pour une belle interview parue dans le n° 49 de l’automne 2004) était en quelque sorte le chaînon manquant entre Georges Brassens (qui introduit ce coffret en chantant le début de Mes copains, superbe chanson) et Pierre Perret.

 

• YVES MONTAND : Une étoile à l’Étoile, Intégrale volume 3, 1953-1954 ; coffret 2 CD + livret de 28 pages (41 titres, 66’45 + 69’07). Troisième volume d’une intégrale en cours (les deux premiers couvrent les périodes 1945 à 1949 et 1949 à 1953), ce coffret poursuit la chronologie du répertoire Montanddiscographique d’un interprète majeur de la chanson française : « La romance se réveille, écrivait alors Jacques Prévert, avec au pied du lit, ce grand garçon vivant ingénu et lucide, viril, tendre et marrant, qui déjà s’appelle Yves Montand. » On y trouve les quatorze titres enregistrés en studio et sortis chez Odéon en 78 et 45 tours entre le printemps 53 et l’hiver 53-54 ; outre les vingt-sept plages de son récital intégral au Théâtre de l’Étoile, en octobre 53, avec Bob Castella et son ensemble (lequel donna lieu à l’époque à l’édition d’un double 30 cm 33 tours) : Quand un soldat, Une demoiselle sur une balançoire, Le Flamenco de Paris, Sanguine, Le chef d’orchestre est amoureux, Barbara, Les Feuilles mortes, C’est si bon… ou l’incontournable À Paris (de l’immortel camarade Francis Lemarque).

 

Un récital dont le célèbre arrangeur Hubert Rostaing, alors clarinettiste du chanteur, dira ceci : « J’ai la nostalgie du Théâtre de l’Étoile. Ça collait avec Montand. Je dirais que la loge, les balcons, les fauteuils, les ouvreuses, ressemblaient à Montand... » Alors que Prévert, toujours lui, signait le texte du programme : « Un rideau rouge se lève, devant un rideau noir. Devant ce rideau noir, Yves Montand, avec le regard de ses yeux, l’éclat de son sourire, les gestes de ses mains, la danse de ses pas, dessine le décor. Et la couleur de sa voix éclaire le paysage de New Orleans, Old Belleville and Vieux Ménilmontant. »


Mouloudji

• MOULOUDJI : 1951-1958 ; coffret 2 CD + livret de 28 pages (36 titres, 57’05 + 54’59). Créateur fantaisiste aux dons multiples, tour à tour comédien, peintre, écrivain, Mouloudji reste dans les mémoires l’une des figures les plus authentiques de la chanson française d’après guerre. Créateur du Déserteur de Boris Vian (le 7 mai 1954, au Théâtre de l’Œuvre, le jour même de de la chute de Diên Biên Phû !), il nous a quittés le 14 juin 1994, à l’âge de 71 ans.

La couleur unique et l’expressivité incomparable de sa voix en firent l’interprète des plus grands (cf. La Complainte de la Butte de Jean Renoir et Georges Van Parys), mais cet infatigable serviteur de la parole des autres fut également un auteur-compositeur talentueux et inspiré. Le présent florilège réalisé par Dany Lallemand (où l’on retrouve notamment La Complainte des infidèles, Comme un p’tit coquelicot, La Chanson de Tessa, Mon pot’ le Gitan, Rue de Lappe, Le Déserteur…) en témoigne avec des chansons comme Province blues, Les Enfants de l’automne, La Complainte de Paris ou Un jour tu verras.


Trenet• CHARLES TRENET : En avril à Paris, Intégrale volume 9, 1952-1953 ; 38 titres et plages (76’20 + 70’58). « Le premier auteur-compositeur-interprète français que l’on puisse dire vraiment inspiré par le jazz est ce garçon du nom de Charles Trenet. […] Cette pulsation nouvelle, cette extraordinaire joie de vivre apportée par les chansons que ce garçon ébouriffé lançait à la douzaine, étaient nées de la conjoncture d’un remarquable don poétique et de la vitalité du jazz assimilée pleinement par une fine sensibilité. » De qui cette appréciation ? D’un certain Boris Vian, dans son livre En avant la zizique

 

Dans ce coffret (déjà le neuvième de cette intégrale extrêmement pointue), Trenet est accompagné successivement par les orchestres de Jean Faustin, Jo Boyer, Albert Lasry, Jacques Hélian, Wal Berg ainsi que par le Trio Raisner. À noter aussi quelques interventions parlées, des imitations (de Suzy Solidor, Damia et Jean Cocteau !), une demi-heure extraite de l’émission La joie de vivre d’Henri Spade, en compagnie notamment de Mireille et de Jean Sablon, outre des « compléments » de 1935 à 1939 (Charles et Johnny, etc.). S’il y aura bientôt dix ans (le 19 février prochain) que le Fou Chantant nous a quittés, ses chansons courent encore dans les rues. Et courront longtemps, longtemps, longtemps après que le poète a disparu... 

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