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  • : SI ÇA VOUS CHANTE (le blog de Fred Hidalgo)
  • : Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…
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  • Fred Hidalgo
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.

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5 août 2010 4 05 /08 /août /2010 18:55

La voix royale 

 

Cher Claude,

Pourquoi cette lettre ?

Sûrement pas pour mettre un point final à notre histoire ! Pour mettre les points sur les i ? En partie sans doute. Un jour tu m’as dit que l’on s’était « reconnus » avant même de bien se connaître. Un peu d’Espagne en nous qui pointait sa corne à Toulouse, où en 1939, dix ans après ta naissance, mes futurs parents, républicains espagnols, vivaient une part de leur exil. Un peu d’Afrique aussi, ce continent mythique qu’enfant, dans ton quartier des Minimes, tu découvrais dans les illustrés et que tu imaginais à travers les musiques des grands musiciens noirs américains ; cette Afrique où je me retrouverais immergé, au seuil de ma vie d’adulte, alors que tu lui écrivais, avec L’Amour sorcier et Locomotive d’or, ton propre hymne à l’amour. Comme c’est mystérieux, tout ça : Piaf, si importante dans ta vie et ta carrière (Comme un Piaf au masculin…), c’est le soir où elle s’est effondrée sur scène, à bout de souffle, presque à bout d’existence, que mes parents avaient prévu de m’emmener, tout gamin, à mon premier spectacle, en guise de baptême de la chanson vivante !

Pourquoi cette lettre ? Pour l’amour de la chanson, bien sûr, pour la passion partagée de la parole, de la musique, du chant incarné. Peut-être bien aussi parce que tu as été le premier chanteur que j’aie jamais vu « dans la vie en vrai », comme dirait Anne Sylvestre, ailleurs que sur les planches. Rencontre fugace, certes, lors de l’inauguration du rayon disques d’un supermarché de province. J’avais déjà ton premier 45 tours « officiel » : Une petite fille, Les Don Juan, Le Jazz et la Java, Le Cinéma (réf. Philips Médium 432.809.B).

 

 

noug_disque.jpgCe « super » 45 tours, je me l’étais acheté moi-même, avec mon argent de poche, subjugué, captivé, bouleversé d’émotion sensuelle (ah ! Le Cinéma…), enthousiasmé par ces chansons-là, qui, sans rien renier de l’héritage textuel de la rive gauche, étaient à la fois, dans le rythme, en totale rupture avec celle-ci et à des lieux de la déferlante yéyé, pâle et conformiste copie conforme du modèle américain, qui envahissait déjà les ondes et trustait les ventes (« C’est une chanson qu’ont con- / Une chanson qu’ont con- / Sacrée / Toutes les ventes / Une chanson qu’on paie / Bref une chanson com- / Pétente »…). Mais ce jour de 1962 – j’avais treize ans et toi trente-trois – t’apercevant ainsi sans m’y attendre à portée de main et de voix, incrédule, émerveillé, je m’étais empressé de faire l’aller-retour entre le magasin et la maison pour casser ma tirelire et m’offrir mon tout premier 33 tours 25 cm, qui était aussi ton premier « véritable » album. Avec les quatre titres précités mais aussi… La Chanson [voir « Le Motsicien »]. Tout un programme pour qui lui vouerait l’essentiel de sa vie professionnelle.

  

 

Pourquoi cette lettre ? Étrangement, parce que j’ai été l’artisan indirect de ta rencontre à la Réunion, en 1984, avec la femme de ta vie. Ou plutôt, comme tu me l’as confié en tête à tête, au mitan d’une ensorcelante nuit africaine, la femme de ta mort... Tu as tenu parole, puisque vingt ans après, quasiment jour pour jour, Hélène était là, ta Kiné d’amour, toujours aussi aimante, tendre et attentionnée. « J’aime une kiné / Kiné kiné kiné / Plus en exercice / Ses mains et ses doigts / Je les garde pour moi / Les deux plus les dix / Car kiné kiné / Pas aux anges / Corps abandonné / Entre ses phalanges ? »

 

 

Cette tournée au sein du continent noir (et d’abord à Djibouti et dans l’océan Indien) – dont j’ai été sinon l’organisateur (tout le mérite en revient à mon vieil ami « africain » Bernard Baños-Robles, désireux de monter un réseau de diffusion chanson avec ses collègues des centres culturels français en Afrique), du moins celui qui a soufflé ton nom, et rien que le tien, pour ouvrir le bal –, j’ai eu le privilège d’en être l’unique témoin « objectif », avec mon alter ego d’amours et d’aventures. Une « campagne d’Afrique », comme tu l’avais nommée, fabuleuse à vivre et à suivre : à 57 ans, tu te mettais en règle – enfin ! – avec ton enfance, tout en confrontant l’Afrique de tes rêves, celle de ton répertoire, et la vraie, celle de toute éternité, berceau de l’humanité.  

Quel bonheur exceptionnel de voir le pygmée occitan renouer ainsi chaque jour à la ville et chaque soir à la scène, presque un mois durant, avec ses racines ancestrales… L’Amour sorcier, Prométhée, avec le masque africain sur le visage… Délire du public ! Quelle résonance aussi de t’entendre chanter Toulouse à Douala, Abidjan, Brazzaville, Kinshasa (où des Toulousains vinrent spécialement de Lumumbashi, distante de quelque deux mille kilomètres !)... Pour le coup, oui, qu’il était loin ton pays, qu’il était loin…

  

 

Pourquoi cette lettre ? Parce que, comme tu l’avais pressenti, nous nous étions humainement, fraternellement reconnus, toi né en 29, moi en 49. « Ami, quelles que soient nos vies / Dans les lignes de nos mains / Et l’étoile qui nous lie / À nos destins / Ami, je viens de la nuit / Tu arrives du matin / Et nous voici réunis / À mi-chemin… » Ce n’est pas pour rien qu’après de nombreux livres déjà, mon premier travail d’éditeur sous mon propre label, te serait consacré. À toi et à nul autre. C’était en janvier 1989, tu étais dans ta soixantième année, tu incarnais la voix royale de la chanson… Un collector, aujourd’hui.

  

noug_livre.jpgPourquoi cette lettre ? Pour te faire renaître une fois de plus, toi le Phénix des hôtes de la chanson française (au sein de laquelle tu t’offrais une superbe Récréation en 1974, une première à l’époque !), trop longtemps considéré en marge des Trenet, Brel, Brassens, Ferré, Barbara, Aznavour, Gainsbourg et autres Béart, Bécaud ou Ferrat, alors qu’à ta façon tu réunissais à toi seul l’ensemble de leurs immenses qualités. Parce qu’il t’aura fallu une patience infinie (et jamais la moindre amertume ouverte, à peine un regret évoqué entre amis), avant d’être vraiment adoubé par le métier. « Au baccara du tapis vert de la poésie / La poésie, qu’est-ce ? / C’est le tam-tam / La grosse caisse du verbe / Rythmée par le clown d’un Dieu / Qui rit avec ses larmes / Qui pleure avec ses dents… »

À 59 ans, enfin, tu étais doublement sacré aux Victoires de la Musique : meilleur artiste de l’année et meilleur album avec Nougayork, lequel n’aurait probablement jamais vu le jour sans cette « campagne d’Afrique » où tant de choses de ta vie future – personnelle et professionnelle – se sont décidées et mises en place. 

 

 

Pourquoi cette lettre, cher Claude ? Pour tourner la page après notre longue fréquentation, jalonnée de beaux repères, du premier dossier de Paroles et Musique conçu et mis en boîte chez toi, avenue Junot, le jour de tes 55 ans, au tout dernier, posthume, anticipant les 80 ans de ta naissance… dans l’ultime numéro de Chorus ? Non, bien sûr que non, car tu restes toujours aussi vivant dans mon cœur que dans la mémoire collective.

Alors, pourquoi ? Parce que la vie – quelle histoire, hein, qu’on l’écrive blanc sur noir ou bien noir sur blanc –, le hasard… Le destin ? Parce que « l’âme sœur, le corps frère »… Semblables. Comme l’étaient tous ces gens qui manifestaient bruyamment leur joie, dans la fournaise de cette salle de Brazza, lors de ce premier concert en terre d’Afrique où tu te démultipliais à l’infini, comme si tu voulais rattraper le retard accumulé avant cette seconde naissance. « Je ne suis pas noir / Je suis blanc de peau / Quand on veut chanter l’espoir / Quel manque de pot… »

   

 

C’était Nougaro-ci, Nougaro-là ! Jamais, jusque-là, je n’avais vu la chanson rassembler et toucher aussi profondément dans la différence. « Au-delà de nos oripeaux / Noir et Blanc / Sont ressemblants / Comme deux gouttes d’eau... » Tu étais, ô Nougaro, l’incarnation même de la notion de « chanson vivante » qui était alors l’emblème de notre mensuel Paroles et Musique – dont le dixième anniversaire, quatre ans après cette ballade africaine, nous vaudrait cette magnifique lettre :

  Noug_lettre.jpg 

Depuis ce soir-là, autour de minuit (et jusqu’à point d’heure, sous le ciel congolais, avec  des musiciens du cru), où j’ai tant vibré, nous n’avons cessé de partager nos rimes. « J’aime la vie quand elle rime à quelque chose / J’aime les épines quand elles riment avec la rose / Rimons rimons tous les deux / Rimons rimons si tu veux / Même si c’est pas des rimes riches / Arrimons-nous on s’en fiche ! » Toi et ton Hélène sur la page blanche et les planches du motsicien, nous deux (comme l’écrivit ton pote Caussimon pour Léo Ferré… qui vécut dans le village d’enfance de ma Chère et Tendre – eh oui, le monde est petit) sur les ponts, la soute ou les cales des navires bâtis tout exprès pour embarquer les amoureux du mot et de la note enlacés.

 

les Hidalgo Nougaro

 Ensemble, nous avons vogué longtemps, sous toutes les latitudes, par mer d’huile ou par gros grain, mais le plus souvent contre vents et marées. Avec cette devise en guise de figure de proue : « Il serait temps que l’homme s’aime / Depuis qu’il sème son malheur. » Aujourd’hui, c’en est assez : « De l’air, de l’air, vieille galère / L’équipage tourne la page / De l’air, de l’air, vieille galère / Va-t’en ailleurs faire naufrage / Y a les mousses qui veulent que ça mousse / Dans le lait de chaque vague / Grimper au mât dans l’cinéma / Sur la toile où l’on baise les étoiles. »

De la toile (du Net ?) aux voiles ! Oui, « tu nous les brises, galère ! On en a marre de plier / Tes avirons pervers / Dans un rêve de noyé / On veut hisser des voiles / Comme des lits d’amants / Boire des rasades / De soleils levants. » Rendez-vous droit devant, ami Claude, pour un prochain embarquement immédiat… et ensemble, si tu me permets cette nouvelle rime (plutôt téléphonée : n’est pas Nougaro qui veut, tout Hidalgo qu’on soit), mettons la barre sur le cap de l’Espérance en l’homme, et point barre.

 

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3 août 2010 2 03 /08 /août /2010 13:15

Les fables de sa fontaine

 

Au début de sa carrière, ou plutôt avant de commencer à chanter, Claude Nougaro disait des poèmes, ses poèmes. C’était au Lapin Agile, sur la Butte Montmartre, dans les années 1950. Un demi-siècle plus tard, comme pour boucler la boucle de son parcours d’artiste, il reviendra à ses premières amours en disant ses textes de chansons sur scène. Ce sera son tout dernier spectacle, Les Fables de ma fontaine, heureusement filmé à sa création à Paris, au Théâtre des Bouffes-du-Nord, en mai 2002. La distribution du DVD qui en a résulté a été confiée récemment par Hélène Nougaro au label indépendant des Ogres de Barback, Irfan.

 

noug_DVD.jpg

 

Septembre 1984 : samedi 8, Claude Nougaro a chanté sur la grande scène de la Fête de l’Humanité devant plus de cent mille personnes. Le dimanche, jour de ses 55 ans, nous conversons en tête à tête dans l’atelier de sa maison de Montmartre, avec pour seul témoin le grand photographe Jean-Pierre Leloir, venu nous rejoindre le temps de mettre en boîte quelques images en vue d’un dossier de Paroles et Musique. Est-ce parce qu’il a ouvert le champagne ? Toujours est-il que Claude est particulièrement en verve. Répondant à une double interrogation de ma part sur l’écriture et la voix (la différence entre les mots couchés sur le papier et ceux portés par les cordes vocales) et sur l’auteur-interprète qui, bien qu’amoureux du jazz et de la java, n’est pas musicien, il me livre instantanément ce néologisme génial (jamais en effet personne ne trouvera de meilleure définition de son art) : « Moi, je suis un motsicien ! »  

 

 

Motsicien, il l’était à l’origine ; motsicien, il le restera jusqu’au bout. Entre-temps, Claude Nougaro n’aura jamais été à bout de souffle, toujours à remettre son ouvrage sur les planches et la page blanche. Toujours à renaître de ses cendres (« Quand j’arrive au bout de quelque chose, il faut tourner la page. La veine est épuisée, si tu veux… »), dans une formule musicale ou scénique systématiquement renouvelée. En 1984, il se produit avec un trio magnifique (Lubat à la batterie, Michelot à la contrebasse, Vander au piano) ; en 1989, il tourne avec une formation rock de onze musiciens américains ; en 1991, c’est Une voix, dix doigts, seul avec Maurice Vander… Toujours à se mettre en danger, quitte à prendre le risque de désorienter le public, au lieu de gérer classiquement sa carrière comme la plupart de ses collègues.

Après Embarquement immédiat en 2000 et le CD live qui allait suivre en 2001, Au Théâtre des Champs-Élysées, avec l’équipe et les arrangements d’Yvan Cassar, Nougaro tente un pari de plus, comme on se jette un défi, avec la création d’un spectacle en solo. Mais pas comme chanteur cette fois, comme diseur ou plutôt « acteur de ses textes ». Motsicien par excellence. La seule « expérience » jamais testée depuis ses débuts au Lapin Agile en 1953. Et le résultat sera… fabuleux !  

quichote_3.jpgLe DVD enregistré les 10 et 11 mai 2002 en public dans le superbe cadre du Théâtre des Bouffes-du-Nord, qui reprend le spectacle dans son intégralité, est une perle précieuse (et un « Quichotte » de Si ça vous chante, distinction d’autant plus évidente en l’occurrence quand on a écrit : « La poésie c’est mon dada / Et l’utopie c’est mon topo / Chantent Don Quichotte et Sancho… »). Réalisé par Bruno Roche et Maxime Ruiz, c’est plus que la captation d’une représentation, c’est l’apothéose d’une carrière. Où l’on retrouve, après une introduction écrite spécialement, une quinzaine de morceaux sans musique qui proposent une balade aléatoire (à trois inédits près : Les Pigeons, Les Ogives de Julien, Le Papillon et le Troubadour) parmi plusieurs décennies d’écriture. Plus précisément entre 1963 (Chanson pour Marilyn) et 2000-2001 (Langue de bois, Ma cheminée est un théâtre, Comédie musicale), en passant par 1977 (Plume d’ange, Victor, Jésus, Le K du Q), 1978 (L’Aspirateur), 1980 (Le Coq et la Pendule), 1981 (Rimes), 1983 (Eugénie) et 1997 (Comme l’hirondelle).

On l’a dit : Les Fables de ma fontaine (qui, énorme succès tant public que critique, allait tourner quasiment sans interruption jusqu’en avril 2003) serait le dernier spectacle de Claude Nougaro, puisque la Camarde viendrait frapper à sa porte le 4 mars 2004, alors qu’il travaillait à son nouvel opus, La Note bleue (album à jamais inachevé qui connaîtra néanmoins une sortie posthume). Deux extraits vidéo de ce merveilleux spectacle accompagnent cet article, pour vous donner l’envie de vous régaler avec ce DVD.  

 

 

Mais comme c’est déjà la tradition, à Si ça vous chante, d’offrir des documents rares, nous vous proposons une autre vidéo d’un passage du chanteur débutant (en 1962, l’année de parution de son premier album 25 cm Philips) à la télévision néerlandaise… où il explique lui-même les motifs de son évolution, du passage de l’auteur au chanteur ! « Avant j’écrivais des poèmes, des poèmes inspirés par de très belles femmes, mais aucune ne les lisait, elles préféraient danser sur des disques bourrés de chanteurs de rythme…. alors je me suis mis à chanter et j’ai mis de la musique rythmique sur l’un de mes anciens poèmes ; le voici mesdames, mesdemoiselles… » Et d’enchaîner sur Ouh ! (Allez-y les bergères), dont voici quelques strophes éloquentes :

Puisque aux vers que j’écris,
Votre cœur est fermé et votre oreille sourde,
Puisque ma poésie
Vous fait bâiller d'ennui, ô ravissantes gourdes,
Pour être dans le bain
J’y mets de la musique de style afro-cubain

[…]

Puisqu’il n'y a pas d’espoir
Qu’on se rencontre un jour dans le lit de mes livres
Et puisque le sang noir
Qui sort de mon stylo jamais ne vous enivre,
D’un cha-cha j’vous régale
Pour mettre des fourmis dans vos corps de cigale

[…]

Adieu Victor Hugo,
Ronsard et toi Alfred, adieu cher Baudelaire
Je vous quitte le cœur gros
Mais dormir avec vous, vraiment j’ai mieux à faire
Derrière votre dos,
Les muses dansent le cha-cha avec Perez Prado

Allez-y les bergères
Dansez avec vos loups
Tout au long de mes vers
Agoudougoudougoun ouh !

Mais s’il est parmi vous
Une fée, une fleur, quelque part sur la piste
Qui entend malgré tout,
Malgré le cha-cha-cha les mots de ma voix triste,
Si elle est parmi vous
Cette fille, cette sœur, alors dites-moi vite
Où ?

Et comme dans ce 25 cm fondateur de 1962 (le premier était sorti sous la marque Président en 1959), Claude poursuit logiquement, dans ce qui est peut-être son premier passage télévisé hors de France, avec La Chanson, « Celle qui est incarnée sous la pluie / Par une Édith qui piaffe / À l’angle de la rue… » Mais écoutez, voyez et savourez vous-mêmes.

 

 

Ajoutons aussi, pour être tout à fait complet, que ce DVD offre cinq séquences complémentaires en bonus : trois chansons… chantées (Langue de bois, Ma cheminée est un théâtre et Le Coq et la Pendule) et deux interventions de Claude où il explique la conception et le rôle du banc et de la canne qu’il utilise durant le spectacle (les deux uniques « éléments de ma scénographie » !). Et enfin que la ressortie chez Irfan le label de ce DVD s’est accompagnée de la création d’un site spécifique, Les Mots de Claude, consacré au poète Nougaro et, plus précisément, à une exploration de son verbe. S’il s’adresse en priorité aux amoureux de la langue nougarienne, il intéressera forcément tous ceux de la langue française (en particulier avec deux guides pédagogiques : l’un dédié aux enseignants du français à l’étranger, l’autre à ceux du français en France).

- DVD Fables de ma fontaine, « Nougaro, acteur de ses textes au Théâtre des Bouffes-du-Nord, 17 titres + 5 séquences bonus ; Production Miss Terre, distribution Irfan le label (Château de Verchaüs, RN 86, 07220 Viviers ; 04 75 49 95 32 ; irfanlelabel@wanadoo.fr).

 

   

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29 juillet 2010 4 29 /07 /juillet /2010 09:45

Il faut tourner la page

 

Cinquante articles (éditoriaux, critiques de disques et de concerts, comptes rendus de festivals, reportages, hommages, etc.) en un peu moins de trente-six semaines : un tous les cinq jours en moyenne, de façon toute naturelle, sans jouer au mineur stakhanoviste, rien que pour le plaisir du partage de l’Art (mineur ?) de fond qu’est la chanson… Cinquante articles : une simple étape, un jalon symbolique, un aboutissement ? L’heure de tourner la page ? « Est-ce bien sérieux d’ailleurs / Passé les soixante berges / De pratiquer l’art mineur / Qu’a illustré le beau Serge ? »

 

Mission accomplie ? Au départ, après une période de deuil forcé, la création de ce blog – conçu un peu comme un journal – était nécessaire pour renouer le fil entre rédacteurs et lecteurs de Chorus, abandonné comme un chien sur le bord de la route, en plein été, alors que nous avions déjà en ligne de mire son vingtième anniversaire… et la somptueuse fête qu’il méritait de connaître. Mais au fil des mois, Si ça vous chante a largement transcendé le « cas » Chorus, pour devenir un support à part entière, un lien nouveau entre amateurs de chanson francophone à travers le monde. Alors, aujourd’hui, à l’issue de ces cinquante rendez-vous proposés sur le net comme on tend une main fraternelle à qui veut bien la saisir (ou comme un Souchon lance ses « balles »), je me pose la question de son avenir, à la façon de Nougaro s’interrogeant sur son rôle : « Pourquoi suis-je et à quoi sers-je / Dans la mine où je m’immerge / Charbon rouge de mon cœur / Un projecteur sur le front / Comme au casque du mineur / Artiste mineur de fond… »

À bout de souffle ?

Je vous dis tout, je ne vous cache rien : aurai-je le loisir de poursuivre ce blog (de plus en plus prenant) encore longtemps ? Des livres à éditer (ma seconde activité depuis 1984 ; le prochain paraît à la fin de l’été dans le Département chanson que j’ai créé en 2003 chez Fayard), d’autres à écrire… et différents projets (conférences, exposition…) m’obligent en effet à déterminer des priorités. Et dans l’affirmative – puisque sa fréquentation (cf. son classement persistant au Top international des blogs francophones) montre une véritable attente –, selon quelle périodicité ? Le sprint final étant exclu, du demi-fond au marathon, tous les rythmes sont possibles, tant que le souffle ne fait pas défaut.

 

 

À vrai dire, au-delà de ces considérations pratiques, je crains surtout – étant habitué depuis des lustres (1975 !) à animer une rédaction – de me lasser de la solitude du blogueur (mineur ?) de fond, alors que Si ça vous chante se voulait collectif dès l’origine (notamment avec sa rubrique « Chant libre » qui, c’est le moins qu’on puisse dire, n’est guère utilisée). L’envie d’avoir envie ne va-t-elle pas disparaître, finalement, faute de « partenaires actifs »… voire de commentaires réactifs (même si le fait de s’être inscrit soi-même à ce blog, et surtout de le rester, est un évident indice de satisfaction) ? Pour détourner un vieux slogan publicitaire, Si ça vous chante ne s’use que si l’on ne s’en sert pas… « Pourquoi suis-je et à quoi sers-je / Dans la mine où je m’immerge ? »

Or, il est essentiel d’aller toujours de l’avant, quitte à suivre le même sillon, en creusant plus à fond la même veine, de ne jamais se reposer sur ses lauriers pour mieux faire fructifier son talent (au sens biblique du terme). Un jour, Claude Nougaro, véritable Phénix de la chanson, m’a dit : « Quand j’arrive au bout de quelque chose, il faut tourner la page*. La veine est épuisée, si tu veux… Moi, ma carrière, finalement, c’est en termes de minerais qu’il faut l’évaluer, c’est une carrière de craie. » C’était joliment exprimé, selon son habitude, et surtout, il avait raison – pour autant, bien sûr, que l’on cherche à vivre sans cesse de nouveaux lendemains qui chantent.

  

 

Alors ? Serions-nous en passe de parvenir au bout du voyage de Si ça vous chante, après celui de Chorus, brusquement interrompu en pleine traversée ? Certes, cher Claude, il faut savoir tourner la page. Quand la veine est effectivement épuisée. Mais, pour reprendre ta métaphore, si la mine regorge encore de pépites ?! Quel serait ton conseil aux mineurs de fond qui se shootent au charbon du langage, toi qui faisais si volontiers chorus ? Stop ou encore ? S’il s’agit d’aborder de nouveaux rivages – et il n’en manque pas dans la chanson française, dont l’horizon continue de s’élargir autant qu’il reste de territoires à (re)découvrir –, j’ai comme l’impression solidaire qu’aujourd’hui, « ami chemin », tu nous dirais : « Embarquement immédiat »… et vogue la galère !

 

*« Cette chanson, me confia-t-il, je l’avais écrite avenue Junot [sa maison de Montmartre, avant de partir pour New York début 1987]. Je venais de me faire opérer d’une hernie discale qui m’avait martyrisé pendant deux semaines et, comme la souffrance purifie, quand je me suis retrouvé dans ma maison, quittant l’univers clinique et douloureux, j’ai écrit cette chanson comme on écrit un poème. »

 

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