On a vu dans le sujet précédent de Si ça vous chante que Rouget de Lisle aurait « emprunté » la musique de La Marseillaise à un certain Jean-Baptiste Lucien Grisons. Mais voilà que notre enquêteur unique et préféré (qui ne craint pas de ménager le suspense) nous en apprend de belles sur le compositeur « véritable » de l’hymne national français, lequel ne serait autre que Wolfgang Amadeus Mozart ! Suite et fin (provisoire ?) de l’enquête de Serge Llado…
Sur les conseils judicieux de Pierre Bouteiller, je me suis intéressé au 25e concerto pour piano de Mozart (en Ut). La ressemblance avec La Marseillaise (sur un mode mineur) est saisissante. Le plus étonnant, peut-être, est que Mozart a composé ce concerto en décembre 1786, soit deux ans et demi avant la Révolution Française. L’hymne qui fit passer Claude Rouget (dit « de Lisle ») à la postérité a été écrit à Strasbourg dans la nuit du 25 au 26 avril 1792, un an après la mort de Mozart.
Nombre de marches militaires comportant dans leurs mélodies des clichés communs, voici un petit assortiment de quatre œuvres nous permettant de comparer :
• Le 25e concerto pour piano de Mozart (1786) ;
• La version de La Marseillaise telle qu’elle fut orchestrée en 1830 par Hector Berlioz (avec chœurs et orchestre) ;
• Le Chant du Départ (paroles de Marie-Joseph Chénier, musique d’Étienne Nicolas Mehul) datant également de 1792 et très proche également du concerto de Mozart ;
• Et pour fermer la marche, l’hymne national du Cameroun (!), à l’origine chant de ralliement « composé » par des étudiants en 1928.
La Marseillaise - Musiques comparées
On a vu que le texte de La Marseillaise est pour le moins inspiré d’une affiche placardée dans les rues de Strasbourg appelant à la mobilisation générale. Quant à la musique, il est fort peu probable que Rouget, même sous l’inspiration du génie (dont il était capitaine…), ait pu composer un air aussi difficile et aussi savant. On suppose donc que le vrai compositeur est Jean-Baptiste Lucien Grisons, maître de chapelle à Saint-Omer, avec sa Marche d’Assuerus (extrait de son Oratorio d’Esther, écrit au moins cinq ans avant La Marseillaise).
Serait-il possible que ce mystérieux « vrai compositeur » soit lui-même un plagiaire de Mozart ? Pas si sûr car on avance aussi le nom d’André Ernest Modeste Grétry, compositeur français d’origine wallonne, dont on aurait relevé dans son opéra La Caravane du Caire (composé – sur un livret du Comte de Provence, le futur Louis XVIII – en 1783, soit trois ans avant le concerto de Mozart) des similitudes troublantes. Mais il existe une autre hypothèse encore, qui ferait d’une chanson allemande, Eine Burg ist unser Gott (Une forteresse est notre Dieu), l’origine de base de toutes ces compositions.
À suivre ?
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En attendant (?), Si ça vous chante vous offre une version filmée et parfaitement édifiante de La Marseillaise datant de 1907 ! Un document…
ANNEXES
Voici ce qu’on peut lire à propos de La Marseillaise sur le site Web de la Présidence de la République française.
L’histoire
À l’origine chant de guerre révolutionnaire et hymne à la liberté, La Marseillaise s’est imposée progressivement comme un hymne national. Elle accompagne aujourd’hui la plupart des manifestations officielles. En 1792, à la suite de la déclaration de guerre du Roi à l’Autriche, un officier français en poste à Strasbourg, Rouget de Lisle compose, dans la nuit du 25 au 26 avril, chez Dietrich, le maire de la ville, le Chant de guerre pour l'armée du Rhin. Ce chant est repris par les fédérés de Marseille participant à l’insurrection des Tuileries le 10 août 1792. Son succès est tel qu’il est déclaré chant national le 14 juillet 1795.
Interdite sous l’Empire et la Restauration, La Marseillaise est remise à l’honneur lors de la Révolution de 1830 et Berlioz en élabore une orchestration qu'il dédie à Rouget de Lisle. La IIIe République (1879) en fait un hymne national et, en 1887, une « version officielle » est adoptée par le ministère de la Guerre après avis d’une commission. C’est également sous la IIIe République, le 14 juillet 1915, que les cendres de Rouget de Lisle sont transférées aux Invalides.
En septembre 1944, une circulaire du ministère de l’Éducation nationale préconise de faire chanter La Marseillaise dans les écoles pour « célébrer notre libération et nos martyrs ». Le caractère d’hymne national est à nouveau affirmé dans les constitutions de 1946 et de 1958 (article 2).
L’auteur
Né en 1760 à Lons-le-Saunier, Claude-Joseph Rouget de Lisle est capitaine du génie mais a mené une carrière militaire assez brève. Révolutionnaire modéré, il est sauvé de la Terreur grâce au succès de son chant. Auteur de quelques romances et opéras, il vit dans l’ombre sous l’Empire et la Restauration jusqu'à son décès à Choisy-le-Roi en 1836.
La partition
En quelques semaines, l’Hymne des Marseillais est diffusé en Alsace, sous une forme manuscrite ou imprimée, puis il est repris par de nombreux éditeurs parisiens. Le caractère anonyme des premières éditions a pu faire douter que Rouget de Lisle, compositeur par ailleurs plutôt médiocre, en ait été réellement l’auteur. Il n’existe pas de version unique de La Marseillaise qui, dès le début, a été mise en musique sous diverses formes, avec ou sans chant. Ainsi, en 1879, La Marseillaise est déclarée hymne officiel sans que l’on précise la version, et un grand désordre musical pouvait se produire lorsque des formations différentes étaient réunies. La commission de 1887, composée de musiciens professionnels, a déterminé une version officielle après avoir remanié le texte mélodique et l’harmonie. Le Président Valéry Giscard d’Estaing a souhaité que l’on revienne à une exécution plus proche des origines de l’œuvre et en a fait ralentir le rythme. C'est aujourd'hui une adaptation de la version de 1887 qui est jouée dans les cérémonies officielles.