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  • : SI ÇA VOUS CHANTE (le blog de Fred Hidalgo)
  • : Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…
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  • Fred Hidalgo
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.

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28 janvier 2010 4 28 /01 /janvier /2010 17:35
Risoul : le festival de la forêt blanche


Alcaz’, Barcella, Mathieu Boogaerts, Charlie, Clarika, Lili Cros et Thierry Chazelle, Émily Loizeau, Charlotte Marin, JP Nataf, Jean-Jacques Nyssen, Paris Brune, Rose, Siméo : autant d’étoiles des neiges au firmament d’un festival vraiment pas comme les autres. La preuve ? Ce reportage totalement exclusif au plan national…


Risoul

L’an dernier j’avais eu le plaisir de découvrir le Festival de la chanson française de Risoul et surtout celui de le faire découvrir – c’était déjà une première – aux lecteurs des « Cahiers de la chanson » : ça ne se sait pas, écrivais-je dans le n° 67, les médias n’en parlent pas et pourtant il existe un coin de France, au cœur des Alpes du Sud, où, une semaine par an depuis 2003, la chanson se vit autrement, sans aucune pression (malgré les 1850 mètres d’altitude !) ni envie de compétition, le plus naturellement du monde et, ce qui ne gâche rien, dans d’excellentes conditions professionnelles. Nous avons voulu y retourner début 2010 pour confirmer ce constat… et le moins qu’on puisse dire est que nous n’avons pas été déçus : à Risoul, la chanson, c’est vraiment cool ! Comment expliquer autrement qu’une Clarika, par exemple, y revienne chaque année ou presque (elle n’y a fait faux bond qu’en 2008), qu’elle soit ou pas à l’affiche du festival ?!

Clarika

« Autrement » ? Oui. Car s’il existe toutes sortes de festivals, de toutes tailles et de tous styles, thématiques, marginaux ou ratissant large dans la programmation, celui de Risoul est unique en son genre. Où, ailleurs qu’à Risoul, voit-on la totalité des artistes et groupes programmés rester sur place de bout en bout et se mêler dans l’intervalle de façon aussi étroite et conviviale au quotidien des festivaliers ? Les uns et les autres vivant littéralement en symbiose, du p’tit déj’ dans la salle commune de restauration aux concerts du soir dans la seule et unique salle de spectacles, en passant par un pique-nique collectif à 2300 mètres d’altitude ou – petit bonus réservé aux insomniaques ou noctambules invétérés – par des rencontres musicales inattendues et jouissives, dans la discothèque du troisième sous-sol, jusqu’au bout de la nuit…

Salle

Risoul ? Une petite station de ski de sept cents âmes qui accueille dix mille touristes en pleine saison. Le « Festival de la chanson française de Risoul » ? Un rendez-vous désormais traditionnel, début janvier, pour quelque cinq cents vacanciers privilégiés du Village Touristra/Léo-Lagrange (pas un de plus car il s’agit de la jauge maximale de la salle, en comptant les marches !) et des plus couru par les représentants de la « nouvelle scène » – laquelle incarne les choix de son créateur et programmateur attitré, Fred Illamola, même s’il n’est plus directeur du Village depuis l’an passé). Babx, Batlik, Berry, Jeanne Cherhal, Benoît Dorémus, Gaya, Davy Kilembé, Gérald Genty, Albin de La Simone, Manu Larrouy, Les Ogres de Barback, Christophe Mali, Fabien Martin, Mauss, Morro, Néry, No One Is Innocent, Oshen, Tom Poisson, Polo, Ben Ricour, Olivia Ruiz, Thierry Stremler… la liste est aussi longue qu’impressionnante des artistes que Risoul a séduits depuis 2003, en toute discrétion médiatique. Les raisons en sont multiples, la principale étant de se retrouver en vacances de neige, une semaine durant, avec conjoint et enfants s’il y a, mais aussi musiciens, techniciens (voire manager)… et leurs familles !


Labo in vivo

Unique, vous disais-je, d’autant plus que les rapports avec les « festivaliers », que les artistes croisent et recroisent à longueur de journée, au bar-salon du Village ou sur les pistes et télésièges de la station, sont parfaitement normaux, dénués de cette distance artificielle que star-système et show-business ont créée entre les uns et les autres. Voilà pourquoi à Risoul on ne joue pas à la star… et celui ou celle qui peut s’y risquer les premiers jours en tire aussitôt les leçons à ses dépens : belle école d’humilité. D’autant plus que chaque artiste à l’affiche assiste, parfois bluffé par sa qualité, au concert de chacun des autres… Non, pas de stars à Risoul, tout au plus peut-on y prétendre au titre d’étoile… des neiges, évidemment, si vous y brillez au ski ! Sous les flocons qui recouvrent sa « forêt blanche » de mélèzes, la chanson créée par Patrice et Mario en 1950 (une adaptation française, signée Jacques Plante, l’auteur de La Bohème pour Aznavour, d’un standard américain) est toujours d’actualité…



Unique aussi, au sens littéral du terme, la couverture médiatique de la manifestation, puisque nulle part ailleurs que dans Si ça vous chante on n’en lira de compte rendu au niveau national (seulement dans la presse régionale). Comment est-ce possible ? Tout simplement parce que l’Office de tourisme de Risoul, organisateur du festival en partenariat avec le Village Léo-Lagrange qui l’héberge, ne cherche pas à « vendre » à tout prix un événement à guichets fermés, alimenté par un vivier d’artistes déjà trop plein un an à l’avance. En fait, la mairie et l’Office de tourisme s’interrogent depuis deux ou trois éditions sur l’opportunité de passer à la vitesse supérieure, avec un chapiteau. Mais les avantages qui en découleraient (le fait de s’inscrire pleinement dans le concert des festivals, la reconnaissance des sociétés civiles, des organismes professionnels et des différentes institutions régionales, outre l’éclairage promotionnel dont bénéficierait cette jolie station familiale) risqueraient fort d’en perturber le bel (et fragile) équilibre. Le jeu en vaut-il la chandelle ?

le-Village

En attendant (?), on continue comme à sa création ; ce dont, jusqu’à présent, tout le monde se félicite. À commencer par votre « envoyé spécial » pour lequel Risoul constitue un véritable laboratoire. Où l’on assiste, en vase clos et in vivo, aux discussions (toujours discrètes et jamais sans-gêne bien que directes et souvent pertinentes) entre festivaliers et artistes à propos de leur prestation de la veille au soir. Où, au hasard des conversations avec ces derniers ou entre eux, apparaissent ici une franche admiration pour le concert de tel(le) ou tel(le) collègue, là de l’indifférence, ailleurs une pointe de jalousie… Où l’on constate, en somme, que pour être artiste on n’en est pas moins homme (ou femme) avec ses défauts et ses qualités.

Ce qui est surtout passionnant à observer, ce sont les réactions des spectateurs (des vacanciers qui se muent seulement le soir en festivaliers… puis le matin ou le midi en critiques !), sachant qu’ils ne sont jamais des fans inconditionnels de l’artiste en scène, quel qu’il soit. Ailleurs, celui-ci peut compter majoritairement sur « son » public, qui connaît déjà son répertoire plus ou moins par cœur. Ici, « le » public découvre chaque soir ou presque un nouvel artiste, ce qui rend particulièrement authentiques son attitude au cours du spectacle et ses commentaires ensuite. On s’aperçoit alors – quand on a, comme nous, un certain regard rétrospectif avec des milliers de spectacles au compteur – que le public (le vrai, pas celui qui juge la chanson sur ce qu’on lui vend à la télévision) a presque toujours raison. C’est loupé ou ennuyeux et la salle se vide peu à peu ou bien prend un certain recul avec la scène. C’est original et inattendu, c’est de qualité et c’est un triomphe !


Innocents amis et Lili Passion


Nous l’avions constaté en 2009. Nous l’avons vérifié lors de cette huitième édition, du 3 au 9 janvier, avec un plateau partagé chaque soir, ou plutôt une tête d’affiche précédée d’une première partie (qui, l’histoire le démontre à Risoul, revient souvent en tête d’affiche lors d’une future édition). Ainsi, c’est Lili Cros et Thierry Chazelle qui ouvraient le ban, juste avant
JP Nataf (clavier-basse-batterie, lui-même aux guitares). « L’avantage d’essuyer les plâtres, plaisantait l’ex-Innocent, c’est qu’on n’a pas à se soucier dans la journée du risque de se casser un bras ou une jambe sur les pistes avant le concert ! » Concert en l’occurrence exigeant, textes forts et musiques dessinant un univers en soi, dans lequel comme chez un Murat on se glisse ou pas, selon ses goûts et l’humeur du moment. Mais aussi intriguant et original qu’en disque, Clair – son second album solo en cinq ans (réalisé avec la participation de son « innocent ami » Jean-Christophe Urbain) – étant l’un des plus intéressants de ces derniers temps (il est sorti le 9 novembre chez Tôt Ou Tard) : écouter par exemple Viens me le dire.



À la batterie, JP s’est offert pour l’occasion les services d’une guest star, un invité de marque exceptionnel (qui n’a rien oublié de ses talents percussifs), en la personne de… Mathieu Boogaerts, revenu à Risoul pour la troisième ou quatrième fois sans y être pour autant programmé ! Comme Clarika l’an dernier ou Gaya cette année. Avant un rappel chanté en duo, JP saluera non sans ironie sa performance à la baguette : « C’est un peu comme si les BB Brunes étaient accompagnés par Johnny Hallyday à la guitare ! J’ai été impressionné ! » On retrouvera Mathieu plus tard intervenant pour le plaisir dans d’autres concerts ou faisant le bœuf avec son ami dans un répertoire de reprises rappelant les belles heures des Red Legs (JP Nataf et Jeanne Cherhal, elle à la basse, lui à la guitare et tous deux « jambes rouges et belle humeur », période 2005-2006). « L’essayer, c’est l’adopter ! nous dira-t-il. Tous les moyens sont bons pour revenir ici… »

Mathieu-et-JP-scene

En première partie (trop courte !), Lili Cros et Thierry Chazelle étaient parfaits pour inaugurer en douceur et en beauté cette semaine enchantée. Leur propre histoire est belle aussi : menant chacun sa propre carrière, avec ses propres chansons, les circonstances ont fait qu’ils se sont trouvé assez récemment réunis à la scène comme à la ville. Depuis, ce jeune couple se produit en duo, multipliant les concerts, écrivant ou composant ensemble des chansons empreintes surtout de tendresse et d’humour. Le Havre, sur le port, Clint Eastwood (à qui Lili voue une vraie passion au grand dam de son compagnon…), le « théâtre » de L’Érotika redevenu Les 3 Baudets (« Comme quoi la culture investit tous les lieux ! ») ont été spécialement applaudies. Une prestation pour l’essentiel en guitares-voix, et quelle voix que celle de Lili, aussi remarquable qu’est toute personnelle sa façon de brandir sa six-cordes. À voir dans leur concert complet, où un fil conducteur assure le lien entre leurs répertoires respectifs. Où, l’air de rien, la révolte gronde chez Lili et Thierry la Fronde… comme ils l’expliquent eux-mêmes dans leur vidéo.


Savoureuse Charlotte


Le lendemain, pendant que tous les artistes, qui ont fini d’arriver à Risoul (pas facile, alors que tombe la neige, tombent en panne les trains et sont interdits de circulation les cars), font connaissance ou se retrouvent entre eux lors d’un buffet de bienvenue avec les organisateurs et le maire à l’Office de tourisme, Paris Brune et Charlotte Marin achèvent leurs balances au Village.

Paris-Brune

Paris Brune ? Un autre jeune couple (« Cette année, avait prévenu Fred Illamola, nous avons privilégié les femmes et les couples… »), accompagné d’un guitariste et d’un batteur, qui vient de sortir un premier album dans une major, L’Œil du cyclone… après que lui eut fait ses premières armes au piano-bar du Village Léo-Lagrange de Risoul ! La prestation est verte encore, mais prometteuse dans un registre de pop légère (judicieuse métaphore entre la fameuse route Sixty-Six et leur chanson Sexy Sex) où la chanteuse évolue comme un poisson dans l’eau.

Charlotte-Marin

La salle est comble quand déboule Charlotte Marin, la tornade blonde. Je ne l’avais jamais vue en spectacle lorsque j’ai retenu son album dans ma
« Chanson d’automne », et il y a toujours un monde du studio à la scène, mais là non seulement je ne regrette pas mon choix mais je m’en félicite, car cette Charlotte-là, c’est puissance 10 sur les planches ! Savoureuse dans la provocation féministe ou carrément sexuelle, voire dans l’imitation (Vanessa, ado, chantant Joe le taxi…), ce joli brin de femme trentenaire à la silhouette aguichante fait preuve d’un abattage pas croyable ! Pour être précis, elle n’arrête pas un instant (sinon pour s’asseoir dans un coin salon ou changer de robe à deux reprises, dont une de mariée) d’arpenter la scène avec un charme fou, dansant sur ses talons hauts, dans un style qui n’appartient qu’à elle, et chantant comme si de rien n’était. C’est drôle, c’est frais et c’est joué – car on entre là dans le théâtre musical, une sorte de one-woman-show chanté – à mille à l’heure. La belle, en outre, ne manque ni de repartie ni d’aplomb, improvisant comme on écrit, quand un sampler trahit les musiciens… à tel point que nombre de spectateurs se sont demandé si c’était du lard ou du cochon. Sa prestation en tout cas est une performance, à la fois vocale et corporelle.


Alors, bien sûr, les grincheux, les habituels pisse-vinaigre y trouveront à redire, et ils auront tort car tout cela est fait sans se prendre au sérieux, au second degré, musicalement y compris, histoire de se gausser des clichés sur la femme libérée (« Cellulite finale », ose-t-elle le bras tendu sur l’air de L’Internationale…) – blonde et sexy qui plus est ! Le seul argument que je veuille bien entendre est celui de l’après : comment cette délicieuse Charlotte prendra-t-elle le virage de ce spectacle-concept ? Mais on rejoint là bien d’autres précédents : Jeanne Cherhal et ses nattes seule au piano, Anaïs et son Cheap Show… et bien avant elles Jean Guidoni avec son Crime passionnel. Certes, ce dernier exemple est différent, l’artiste avait déjà un répertoire indépendant de cet opéra-rock, mais je le cite à dessein, car Charlotte à la ville, en l’occurrence au Village, m’a fait la même impression que Guidoni jadis : aussi réservée, discrète et à l’écoute qu’explosive, époustouflante, extravertie à la scène.

Charlotte-et-Marion

J’arrête là. Qu’il vous suffise de savoir que le public lui a fait un triomphe et que l’intéressée m’a confié qu’avec Marion Michau, qui coécrit ses textes (et assure son management), elle va publier un roman au printemps, premier tome d’une trilogie, dont l’héroïne est le personnage des chansons qu’elle incarne avec tant de brio sur scène.

Oiseaux rares


Étonnante programmation, dans sa qualité comme dans la façon de procéder, que celle de ce festival qui s’effectue souvent grâce au bouche à oreille, les artistes, techniciens ou musiciens passés par là ne manquant pas d’en parler autour d’eux en cours d’année, voire par cooptation, tel artiste recommandant directement un collègue à Fred Illamola, lequel n’a plus que l’embarras du choix pour boucler son édition. C’est d’ailleurs ainsi qu’une Émily Loizeau, malgré sa notoriété et son succès (elle a remporté cet automne le Prix Constantin pour son second album, Pays sauvage), s’est retrouvée à Risoul le troisième soir. Pour un concert d’autant plus intéressant qu’elle s’y sentait détendue comme jamais, prête à tout tenter…


Mais d’abord, la soirée s’ouvrait avec Siméo. Seul en scène ou presque, avec tout un matériel électronique qui, faisant office de studio d’enregistrement, lui permet de proposer une prestation très dense. Le public, intrigué par ces bidouillages techniques, a l’impression d’entrer dans les coulisses de sa création. L’exercice n’est pas dénué d’intérêt, qui vous mène de l’esquisse à la mise au net, mais a tendance à créer une sorte de fossé difficile à franchir entre une chanson « en boîte », électro, et une chanson « live », acoustique, où l’auteur-compositeur-interprète laisse sa voix à l’étendue surprenante épouser une simple guitare sèche. Pourquoi ressent-on, dès lors, l’impression que là se situe le véritable Siméo ? Celui encore à naître sur scène car le spectacle-concept actuel (déjà vu aux découvertes 2007 des Musicales de Bastia 2007 où il obtint le 1er prix du jury des jeunes) a forcément une durée de vie limitée. « J’ai essayé de monter un concert avec des musiciens, nous dira l’intéressé le lendemain, lors du pique-nique collectif « au sommet », mais cela n’a pas été concluant. »


Simeo.jpg

Dans l’attente donc d’une éventuelle mue scénique, on peut le voir en première partie de la tournée actuelle de Benjamin Biolay – un artiste qu’il admire pour son côté novateur. Comme il admire Brel par-dessus tout : « Je l’écoute régulièrement, en boucle, sans jamais me lasser. Plus encore que Brassens… J’aime bien les artistes qui ouvrent des voies. Comme Camille ou comme M qui est aujourd’hui ma référence absolue. » À noter, car c’est beaucoup plus rare qu’on le pense, et c’est à mettre au crédit de ce jeune artiste sympathique, son ouverture aux autres : « Je vois environ cinquante concerts par an… » Sympathique et (il l’avouera en scène) faisant partie de la confrérie des Timides, auxquels il consacre une chanson dans son troisième et récent album, Sous un ciel trois étoiles


Le temps d’installer le matériel et les instruments (clavier pour elle, violoncelle, guitare-batterie, violon-banjo pour ses trois musiciens, Olivier Koundouno, Cyril Avèque et Jocelyn  West – des pointures qui vont causer l’admiration de leurs collègues présents dans la salle : « La vache, ils ont mis la barre très haut ! » me soufflera spontanément l’un d’entre eux) et voilà Loizeau qui se pose devant le micro. Le choc, instantané ! Parfois, souvent, vous avez besoin – que vous soyez artiste ou spectateur – de deux à trois chansons pour installer un climat, établir la jonction. Rien de tel avec
Émily Loizeau. Dès les premières secondes de sa première chanson, Fais battre ton tambour, elle scotche chaque spectateur à son siège. Conscient, chacun, d’assister à quelque chose de rare.



La qualité de la chanson, bien sûr, sa mise en musique, le chant convaincant de l’interprète, un cri qui vient de l’intérieur et vous envahit doucement mais sûrement (« Je sens les larmes qui montent / Mais je vais pas pleurer / Je sens ma peine qui gronde / Je vais la chanter… / Fais battre ton tambour / Fais-moi danser / Qu’il sonne ton tambour / Jusque dans mes pieds… »), mais plus encore, peut-être, la « vision » de ce chant de plus en plus rauque qui s’élève et à la fois s’enracine dans les pieds dansant sur place, comme dotés d’une vie autonome, de plus en plus vite, de plus en plus fort. Comme tous les tambours réunis de Doudou N’Diaye Rose. Ou comme le rouleur maloya de Danyel Waro (avec qui Émily a d’ailleurs enregistré un duo). Une sorte de zapateado flamenco, mais sans quitter le micro. Impressionnant ! Le temps semble suspendu… jusqu’à ce que la chanteuse elle-même libère le public en reprenant enfin sa respiration : « Voilà ce que c’est, rigole-t-elle, essoufflée, de faire l’intéressante à deux mille mètres d’altitude ! »


Emily-et-musiciens

L’altitude, c’est le mot. On ne redescendra de son petit nuage, chacun et chacune, qu’après les trois morceaux donnés en rappel et sans micro, Émily assise au bord de la scène, avec deux musiciens autour d’elle et le violoncelliste derrière. Le public, lui, est debout, débordant d’enthousiasme. On appelle ça le talent. Immédiatement évident, qui n’est pourtant rien d’autre que du savoir-faire (n’est-ce pas, Grand Jacques, qui n’as pas hésité à tout plaquer quand tu as senti l’habileté prendre le pas sur la sincérité ?) sans la générosité et la complicité du partage. Chapeau bas, mademOizelle !


Emily-et-Cyril

Une seule autre chose à dire, au plan professionnel : si son dernier album est très réussi, à l’image de Fais battre ton tambour, ne vous y fiez pas vraiment, c’est cent fois mieux sur scène avec un spectacle inclassable. Et puis, au plan personnel, cette confession pleine d’humilité d’Émily me remerciant d’avoir organisé une rencontre exclusive, un an plus tôt, entre elle et Jane Birkin (un « Duo d’artistes » réalisé par Stéphanie Thonnet et Jacques Vassal, cf. Chorus 66, hiver 08-09) : « Ce que je regrette énormément, c’est de n’avoir pas pu écouter son album avant la rencontre, alors que Jane avait pris le temps de décortiquer le mien. J’en suis toujours confuse… » Comment ne pas suivre Émily, si elle nous le propose, jusqu’à L’Autre Bout du monde ?

Bonnes nouvelles des étoiles

Lili-et-Thierry

Mercredi 6. On est rendu à la mi-festival. Un pique-nique géant est organisé le midi à 2300 mètres. La plupart des artistes et leurs équipes s’y retrouvent avec plusieurs dizaines de festivaliers, les uns venus à ski, les autres (une minorité : c’est plus long et fatigant…) à pied ou à raquettes, comme la charmante Lili Cros dont on comprend mieux la qualité du souffle. Thierry Chazelle, lui, a opté pour le ski. Nous en profitons pour prendre une photo de groupe autour de l’incontournable Fred et discutons à bâtons rompus avec les uns et les autres, avec Rose notamment en s’étonnant de la trouver là, visiblement pas stressée pour un sou, alors qu’elle chante ce soir et que Jean-Yves Liévaux et Vyvian Cayol (Alcaz’), qui passent en première partie, sont restés au Village en l’attente des balances...

le-groupe

Avec JP Nataf, nous parlons de la situation du métier, de la crise du disque : « De toute façon, m’assure-t-il, il y avait trop d’argent dans ce milieu et trop de gens qui n’avaient rien à y faire. On se recentre aujourd’hui sur l’essentiel : le plaisir de jouer partout où l’on peut. Mais comme la crise touche aussi la scène, il faut s’adapter : pour ma part, je chante indifféremment avec mes musiciens, ou en duo ou bien seul à la guitare, et je passe sans problème ni état d’âme d’une grande salle parisienne à un bar de province. La chanson est un métier à risque, une vocation, un sacerdoce. On le savait au départ, il n’y a rien de nouveau sous le soleil… à part ces dramatiques émissions de téléréalité qui peuvent donner l’impression qu’on va être aussitôt riche et célèbre. L’important, toujours, c’est de continuer à jouer et d’aller à la rencontre de gens passionnés. »


Rose-et-JP-Nataf

On prend des nouvelles de
Mathieu Boogaerts : « J’ai terminé ma tournée en novembre, je vis ma période en jachère entre deux albums et j’aime ça. Je me laisse deux ou trois mois pour recharger les accus avant d’attaquer l’écriture du prochain. » De Gaya, elle aussi revenue cette année à Risoul sans y être programmée, mais compagne de Phil Desbois, guitariste et arrangeur de Clarika qui va clôturer l’édition : « J’arrive à donner cinq ou six concerts par mois, entre les petites salles et les premières parties. Donc tout va bien. Bientôt, il sera temps, avec Phil, de songer à mon second album… »

Gaya

On fait la connaissance de Charlie qui avait découvert Risoul l’an passé avec Mauss dont elle était la voix féminine de Je recherche, succès radio qu’on retrouve d’ailleurs dans son premier album paru en juin 2009 chez At(h)ome. Charlie nous parle des Rencontres d’Astaffort où elle a été stagiaire, de sa tournée actuelle et nous annonce que le nouveau CD de son copain Fabrice (Mauss), concocté avec Da Silva, devrait bientôt sortir chez Tôt Ou Tard.


Pas de Rose sans épines

Alcaz

Alcaz’ existe depuis sept ans. Vyvian Cayol était déjà musicienne et chanteuse, mais aussi et surtout comédienne et humoriste. Jean-Yves Liévaux a tracé ses premiers sillons dans le rock (plusieurs albums dans les années 80 avec son groupe Liévaux-Transfo) puis a continué en solo. La rencontre de la Marseillaise et du Parisien a donné lieu à ce duo pétillant à la scène… comme à la ville. C’est dire qu’à eux deux (ce sont à la fois les « régionaux » et les « doyens » de l’édition, vivant à Marseille, à deux heures de Risoul, et Fred étant un « vieux » fan de la période Liévaux solo), ils ont plus d’une corde à leur arc. En fait, comme le montre ici la vidéo (réalisée lors d’une tournée récente au Canada où ils se rendent régulièrement – ils en ont profité pour enregistrer en 2008 leur troisième album, On se dit tout, à Philadelphie),
Alcaz’ est un groupe… qui s’adapte aux circonstances. En l’occurrence à une première partie à Risoul. Avec le souci artistique de donner en moins de trente minutes une image représentative d’un concert qui, d’habitude, suit un fil conducteur, et le souci technique d’avoir attendu, dans le stress, jusqu’à plus de 19 h, pour faire la balance. Comme quoi Rose, victime elle aussi de soucis techniques dans l’après-midi, d’où le retard, aurait mieux fait de couper au pique-nique…


Conclusion : une prestation mitigée, due peut-être aussi à un mauvais équilibre dans le choix de chansons (C’est extra de Ferré est certes joliment théâtralisée par Vyvian, mais c’était au détriment de leur propre répertoire) et à une interprétation trop appuyée. Le public néanmoins se prenait progressivement au jeu, frappant des mains sur leur chanson fétiche, Marseille la nuit, placée avant le rappel.

Perturbé par les problèmes techniques, après l’arrivée in extremis, déjà, de son quatrième musicien, le concert de Rose laissait lui aussi – et à la chanteuse en premier lieu, déstabilisée – une impression mitigée. À dominante nostalgique, son répertoire de chansons d’amour, de chagrins et de souvenirs d’enfance, est moins léger (et même assez sombre et grave parfois, ce qui lui vaut peut-être ses chansons les plus belles et touchantes, sur sa sœur Hannah par exemple) que ne le laisse penser sa coloration uniformément folk (elle s’accompagne elle-même le plus souvent à la guitare acoustique). Si bien que le public ne se manifeste vraiment qu’à l’occasion des deux tubes de son premier disque (2006) : La Liste et Ciao Bella. Des avantages et des inconvénients d’avoir l’oreille des médias.


Rose-et-Clarika

Son second album, Les Souvenirs sous ma frange, paru cet automne, a été suivi de la création de ce nouveau concert à la Cigale, à la mi-décembre, qu’elle tourne à présent dans toute la France (voir son
site). Sans la participation toutefois – car seulement à Risoul ! – de Clarika à une chanson (invitation rendue le dernier soir) et l’intervention presque au final (outre d’un excellent musicien de celle-ci à l’accordéon, Hubert Harel, déjà présent dans le concert d’Alcaz’) d’un jeune tromboniste de dix ans.

Du temps au temps


Jeudi 7 janvier : petit bout de femme très à l’aise sur scène (elle a remporté le tremplin 2008 des Muzik’Elles de Meaux), avec une formation pop-rock (guitare, basse, batterie, claviers),
Charlie possède déjà un répertoire qui « fonctionne », mais il faudra patienter pour connaître ses potentialités réelles de « développement ». Pour l’instant, si l’on se fie à ce seul concert, c’est quand elle reprend une chanson de Souad Massi qu’elle semble donner la pleine mesure de son talent. Comme sa voix, alors, échappe enfin au timbre lassant de la femme-enfant. Oui, laissons le temps au temps !

Barcella

Ce soir-là, c’est Barcella, totale découverte, qui remportait en champion la palme du public. Barbe de trois jours, fichu comme l’as de pique, ce jeune homme dégingandé, originaire de Reims, se présente tout seul à la guitare, mais avec plein de mots et de textes savoureux dans la besace. Piochant au besoin, pour les illustrer, dans le tango ou la valse. Drôle, incisif, satirique, il renouvelle le genre (mi-slam mi-chanson) à sa façon : pince-sans-rire. Ce faisant, même si on s’éclate (cf. La Queue de poisson, sur un appendice des plus personnel, ou cette autre chanson toute en rimes piscicoles, justement…), des facilités percent encore çà et là que le temps, toujours lui, et l’expérience devraient parvenir à éviter à l’avenir. Et si tout cela se bonifie (sans exclure pour autant d’autres thèmes moins rigolos, à l’instar de cette Salope qui, son titre ne l’indique pas forcément, est une chanson sur la mort, ou plus tendres, telle Mademoiselle), on devrait bientôt entendre parler de lui. Comme quoi la simplicité suffit – un texte, une musique, un instrument – quand le talent est là, évident, pour créer une communion instantané entre la scène et la salle.
Barcella : retenez ce nom !
   
 
   

Vendredi 8. C’est déjà le dernier jour. Ça papote d’autant plus dans le Village. L’unanimité se fait autour de Barcella. Jean-Yves Liévaux félicite Charlotte Marin pour sa prestation, laquelle explique qu’elle a dû « ramer » le temps que les problèmes techniques soient résolus. « Pourtant, lui assure Vyvian, on pouvait croire que cela faisait partie du spectacle, tellement c’est passé comme une lettre à la poste. » Quel regard portent donc les artistes sur le travail de leurs collègues ? demandons-nous à la cantonade. Pour Émily Loizeau, c’est d’abord et avant tout, « un regard humain, simplement. Sans arrière-pensées. Ensuite, bien sûr, il y a l’appréciation purement technique… »

Une affaire de famille


Clarika-et-JJ-Nyssen

Et quand on partage à la fois l’affiche et la vie de l’autre ? Car ce dernier soir est une affaire de famille :
Jean-Jacques Nyssen en lever de rideau, Clarika en clôture de l’événement. « Le compositeur de la plupart de mes chansons… et accessoirement l’homme de ma vie », remerciera-t-elle. « Je cède la place à la vedette… qui est quelqu’un que j’apprécie bien », glissera-t-il à l’issue de la première partie. Un « concert » de vingt minutes, contre la montre (un écran égrène à ses pieds le compte à rebours), ou plutôt un long sketch, seul à la guitare électrique, prenant à témoin le public des nombreuses difficultés rencontrées par les « artistes émergents ». Surtout quand ils ne bénéficient que de vingt minutes pour s’exprimer !

Nyssen

C’est drôle et fin, aussi tordant que pertinent, le public se demandant au début de quoi il retourne, quel peut bien être cet énergumène qui fait tache dans la programmation, impatient malgré tout, on ne sait jamais, de l’entendre chanter ; sa première chanson étant systématiquement avortée par son bavardage intempestif... Il faudra attendre la fin du compte à rebours (scandé par les spectateurs, entrés rapidement dans le jeu) pour que la première partie ait droit à un « rappel » – chanté ! – de cinq minutes, au rythme des battements du cœur. Épatant Nyssen, aussi extraverti à la scène, excellent comédien, que discret à la ville.


Clarika ! Un cinquième album au printemps 2009, Moi en mieux (un Cœur Chorus d’ailleurs), et un nouveau concert qui atteint des sommets. Et pas qu’à Risoul ! C’est que l’artiste a largement confirmé toutes les promesses qu’on plaçait en elle dès ses débuts, l’année (1992) où l’on créait Chorus et où le jury du Tremplin de la chanson du festival homonyme des Hauts-de-Seine lui attribuait un prix spécial, deux ans avant son premier album, J’attendrai pas cent ans ! Lucide, la jeune femme savait ce qu’elle voulait et surtout ce qu’elle valait. Par bonheur, elle n’a pas attendu cent ans, ni même vingt, pour devenir probablement l’auteur(e)-interprète la plus « importante » de sa génération. Je ne voudrais froisser personne, car d’autres que Clarika ont vendu davantage de disques, mais il est bien rare de trouver chez un seul et même artiste pareil talent d’écriture, dans la forme comme dans l’étendue de l’inspiration, pareille façon jubilatoire d’investir la scène et pareilles émotions suscitées par l’ensemble, sans parler du chant sensible qui les porte.

Clarika-et-ses-musiciens

Avec ses musiciens (un quartette de pointures menées par Phil Desbois), elle émeut, amuse, fait sourire ou réfléchir. Virevoltante, naturelle, elle voit aussi le public se lever, spontanément, pour reprendre en chœur « Rien de tel qu’une p’tite chanson / Pour vous remonter l’moral ». Elle est irrésistible quand elle joue à la diva pour de rire, histoire de dédramatiser le show à la façon d’un Souchon. Grave dedans, léger dehors. Capable de faire le grand écart sans fausse note, passant des Garçons dans les vestiaires (« mon presque tube ! » ironise-t-elle) aux grands titres de son dernier album (Lâche-moi, Escape Lane, C’est l’hiver, Je ne serai pas…). Sans oublier le non moins excellent Bien mérité, subtilement humaniste : « Et tant pis pour ta gueule / Si t’es né sous les bombes / Bah ouais / Tu l’as bien mérité / T’avais qu’à tomber du bon côté de la mappemonde… »
 

Le final de son concert, qui vit tous les artistes présents dans la salle la rejoindre sur scène, mit fin de même à la fête générale. À cette huitième édition d’un festival, vous l’avez compris, « vraiment pas comme les autres ». Ne restait plus alors qu’à quitter la bulle de Risoul pour retrouver la vie quotidienne, ce qui ne fut pas des plus aisé. Ni dans l’esprit ni dans la pratique : la neige, redoublant d’ardeur, bloqua les trains en rase campagne, des heures et des heures durant… Que croyez-vous que firent Clarika et Jean-Jacques Nyssen tout ce temps-là ? Ils prirent sereinement leur mal en patience, avec leur équipe, en jouant… au jeu des chansons, à qui trouverait le premier des noms d’interprètes et des titres de chansons. Des heures et des heures durant, oui. Quand on aime, on ne compte pas ! Clarika devrait être de tous les festivals francophones de l’été : ne la manquez pas, c’est tout le mal qu’on vous souhaite en ce début d’année.

(Toutes les photos de ce reportage sont de Fred ou de Mauricette Hidalgo)


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NB. Remerciements à l’Office de tourisme de Risoul, en particulier à Laurent Dercourt et Michèle Salignac.
 
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24 janvier 2010 7 24 /01 /janvier /2010 10:59

L’Amusicoscope de Serge Llado

Grand spécialiste des « chansons qui se ressemblent », auteur d’une chronique spécifique extrêmement courue dans l’émission quotidienne de Laurent Ruquier, On va s’gêner, sur Europe 1, Serge Llado s’amuse depuis fort longtemps à rechercher dans les chansons, dans celles du patrimoine comme parmi les plus récentes, les similitudes les plus évidentes… qui sont légion. Pas question pour autant, notait Michel Trihoreau à son sujet (voir plus bas) dans sa rubrique thématique de Chorus, « de dénoncer les malveillances. Car si Serge Llado prend un malin plaisir à traquer toutes les “ressemblances”, c’est pour mieux étayer sa théorie : “Les chansons populaires viennent d’une sorte de tronc commun que la mémoire sélectionne plus ou moins… Et il est difficile avec une production de plus en plus abondante, et de plus en plus diffusée, de rester original.” »


Les lecteurs de Si ça vous chante étant de grands connaisseurs en la matière (et de plus en plus nombreux), Serge nous a suggéré de faire chorus avec nous, dans le but premier de nous amuser, d’où le titre de ce qui sera désormais une rubrique récurrente (mais sans périodicité régulière) de ce blog : « L’Amusicoscope »… Mais l’intéressé, que son activité artistique personnelle (de chanteur lui-même et d’auteur de sketches, de « chansonnier » dirons-nous, au sens premier ou québécois du terme) amène à suivre l’actualité de près, a tenu à nous prévenir d’emblée qu’il lui arrivera de toucher également à des sujets qui ne seront pas toujours des plus gais.


Le principe ? Il nous propose dans un montage réalisé spécialement de trouver des chansons sur un thème donné, de deviner le nom de leurs interprètes, etc., voire simplement d’attirer notre attention sur des influences ou réminiscences plus ou moins étonnantes. Enfin, vous verrez… ou plutôt vous écouterez !


Et les solutions à ce « jeu », si toutefois vous ne les avez pas toutes trouvées entre-temps, seront publiées dans le « numéro » suivant. En attendant, ne manquez pas de nous envoyer vos commentaires (sans vendre la mèche pour autant, merci !).


Les fois prochaines, nous offrirons systématiquement un ou plusieurs CDs suite à un tirage au sort effectué parmi les seuls lecteurs inscrits à notre « newsletter » qui nous auront donné les bonnes réponses (avant qu’un bulletin spécial ne les leur communique dans les huit jours suivant la mise en ligne de « l’Amusicoscope » en cours).

Voilà pour le « mode d’emploi » de cette nouvelle rubrique. Et puisque nous sommes encore en janvier, est-il meilleure façon de l’ouvrir qu’en se souhaitant mutuellement nos meilleurs vœux de bonne année ?


C’est donc avec grand plaisir que je cède maintenant la « parole » à Serge Llado… et les musiques qui vont avec. Vive la République, vive la France… et surtout vive la « chanson française » !



LES VŒUX DE NOUVELLE ANNÉE


Le mot le plus prononcé en chaque début d’année est celui de « vœu ». Ce qui m’a donné l'idée de ce premier montage pour Si ça vous chante avec des extraits de chansons (de sketch ou de blague) contenant le mot en question.


Vous reconnaîtrez tout d’abord les vœux de nos présidents (français), qui, quand on les met bout à bout, illustrent la continuité de cette tradition républicaine. Vous entendrez ensuite huit extraits de chansons et un extrait de sketch contenant le mot « vœu ».


Neuf interprètes en tout à deviner (hors présidents de la République… qui, en l’occurrence, comptent pour du beurre !). Et si vous ne les trouvez pas tous, pas d’inquiétude : les solutions seront publiées dans la prochaine édition de « L’Amusicoscope ».


Bonne année, au fait !

CLIQUER ICI POUR ÉCOUTER CES VŒUX…



serge_llado.jpg
Serge Llado vu par Michel Trihoreau (cf. Chorus 60, « Comme un air de famille ») : Polyglotte passionné, expert dans la vie des mots et des notes, Serge Llado n’est pas seulement un animateur de radio, érudit jovial en matière de chansons et de musique. C’est aussi un humoriste à l’inspiration décoiffante, auteur de textes et de sketches pour Jean Roucas, Jacques Martin et bien d’autres encore.


Serge Llado est surtout un artiste multi-facettes, doué de talents éclectiques : passant, dans sa jeunesse perpignanaise, du gospel au rhythm and blues, il écrit avec verve et finesse, présentant alors des cocktails de sa composition, parlés et chantés, tant dans les cabarets parisiens qu’à Bobino ou à l’Olympia. Après avoir enregistré quelques albums, il passe sur les plateaux de télé et dans les studios de radio avec une égale simplicité et une bonne humeur communicative. Corrosif sans arrogance, populaire sans vulgarité, il privilégie toujours le contact direct sur scène, où il démonte, avec classe et brio, l’actualité en sketches et en chansons.
 

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21 janvier 2010 4 21 /01 /janvier /2010 11:09

Sur les ailes d’un ange


Sûr, j’vais continuer ma vie
J’bâtirai d’autres maisons
Et j’verrai mes jours, mes nuits
Habités d’autres visions […]
Mais il m’en faudra bien plus
Face à ta beauté perdue…
(Luc De Larochellière, 2009)


Allez savoir pourquoi, l’année qui débute n’incite guère à la rigolade. « C’est un grand vide au fond de moi / Tout ce bonheur qui n’est plus là, constatait jadis Yves Duteil. Comme une marée de silence / Qui prend la place et qui s’avance… » Le spectacle, pourtant, continue. The show must go on… Alors, puisqu’on s’est fixé pour objectif de continuer le partage, de jouer encore et toujours au passeur, on regarde la pile de disques en attente, dont la plupart ne compte plus guère de débouchés médiatiques nationaux, et on se dit qu’il va bien falloir s’y mettre ! On saisit le premier venu, au hasard ou presque, on le pose sur la platine… et miracle de la chanson, la mélancolie, cet état de tristesse nostalgique, qui sourd des premiers mots, des premières notes, vous transporte aussitôt dans un monde de beauté qui, sans annihiler votre chagrin, vous donne la force de poursuivre le chemin. Que nous avait déclaré Lhasa, déjà ? « Pour moi, la beauté et la tristesse sont intimement liées. […] Je crois très fort qu’il faut passer à travers la tristesse pour être heureux. »


Ce premier titre ? Beauté perdue… et retrouvée, ô combien, au centuple, avec ce retour de Luc De Larochellière. Magnifique texte, magnifique mélodie, magnifiques arrangements, superbe interprétation. Et tout cela dans la plus grande sobriété. Quel bonheur… malgré la mélancolie à fleur de mots et de musique de ce huitième album studio en vingt et un ans. Malgré… ou grâce à elle ? « Mélancolie, jolie jolie, chantait Jean Sommer au début des années 80, t’es belle j’te dis / Et toi mon cœur / Pourquoi tu pleures ? / […] Ouvre la fenêtre / Mélancolie / Que le jour pénètre / La nuit est finie / Mélancolie / Laisse entrer la vie… » Du blues, du blues, du blues, oui j’veux du blues ! Et si ça vous chante aussi…

 

Une marche à la fois

Né le 27 avril 1966 à Laval-des-Rapides, dans la banlieue proche de Montréal, Luc De Larochellière deviendra rapidement une figure incontournable de la scène québécoise. « À 19 ans, finaliste du Festival international de la chanson de Granby [un concours qui a servi depuis longtemps de tremplin à de nombreux chanteurs – parmi lesquels Pierre Lapointe ces dernières années], rappelait Jean-Claude Demari dans un Portrait de Chorus (n° 8, été 94), le jeune homme en salopette montrait qu’il savait trousser une chanson. L’année suivante, en 1986, Luc De Larochellière repartait (entre autres) avec la palme du meilleur auteur-compositeur-interprète. »

Premier album en 1988, Amère America, et « Félix » de l’auteur-compositeur-interprète de l’année (1989) au gala de l’Adisq, suivi de la sortie de son deuxième album, Sauvez mon âme. Le suivant, en 1993, lui vaut une percée en France : « Depuis son entrée dans le circuit québécois de la chanson, écrit encore Jean-Claude Demari, Luc De Larochellière a connu une progression exemplaire. Une marche à la fois, il a construit un édifice personnel et original, alliant à la fois qualité et accessibilité. Avec son troisième album, Los Angeles, il ajoute un étage qui démontre que l’architecte, comme l’auteur-compositeur quand il se met à rêver, gratte le ciel. »

   


Succès d’estime (Cash City, Chinatown blues…), suivi d’une longue absence de ce côté de la Grande Mare. Aujourd’hui, l’intéressé ne le regrette pas : « Faire une carrière sur deux continents en même temps, ce n’était pas facile. Je suis devenu papa en 1995 et je voulais avoir du temps pour d’autres choses. Et puis, le côté pop star ne m’intéressait pas trop. J’ai fait énormément de promo en France, mais finalement peu de scène. »

L’histoire continue donc essentiellement au Québec : Les Nouveaux Héros, 1996 ; Vu d’ici, 2000 ; Quelque chose d’animal, 2004 ; Voix croisées, 2006. Avec Un toi dans ma tête, Luc aborde les choses plus sereinement. Philosophe : « Mes derniers albums sont de nouveau distribués en France [où il est question aussi d’une tournée en 2010, NDLA] et je veux juste prendre le plaisir de jouer, comme ça, sans pression. Avec les années, je me suis complètement affranchi du désir absolu de succès populaire. J’ai envie de prendre du bon temps sur scène et je reviens avec ce que j’ai à offrir. Pour la première fois, j’ai écrit mes chansons en commençant par le texte, avant les musiques, et ça change tout. De “rock pop” je glisse vers la Chanson. C’est nouveau pour moi mais je ne renie pas mon côté rock. J’explore de nouvelles voies qui sont très acoustiques dans l’ensemble. Et s’il y a plusieurs chansons qu’on pourrait qualifier de tristes ou mélancoliques, je les assume pleinement. »

  

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Ça ne rigole pas, certes, c’est de la pure mélancolie la plupart du temps… Mais quelle plus belle façon d’exorciser les démons des temps actuels ? Des temps qui risquent de devenir encore plus difficiles, si l’on en croit ces deux chansons tirant plutôt sur le rock « lourd » que la ballade, genre CharlÉlie, un réquisitoire sur l’indifférence annonçant des lendemains vengeurs : « Rage dedans, rien dehors, méfiez-vous de l’eau qui dort… » (Rage dedans), et une terrifiante vision sécuritaire : « Voilà pour le futur, il nous faudra des murs / Des murs pour nos maisons / Des murs pour nos terrains / Nos rivières, nos chemins / Nos forêts, nos saisons / […] Car après toutes nos guerres / Nos semailles de misère / Notre maintenance d’ignorance / Et tordage à outrance / Qu’on ait fait prospérer notre pouvoir, nos affaires / Et qu’on ait bien doré notre cage, notre univers / Il nous faudra construire sur tout c’qu’on a détruit / Des murs pour contenir notre présent et nos vies… » (Les Murs).

 

« Me comprenez-vous-tu ? »

Octobre 2008. Envoyé spécial de Chorus à Montréal pour y rencontrer le groupe Mes Aïeux, Yannick Delneste en profitait pour retrouver le chanteur : « Après avoir salué mes vingt ans de carrière avec l’album de duos Voix croisées en 2006, lui confie-t-il dans son studio, à l’est de la métropole québécoise, je me suis posé la question : que proposer maintenant ? » Alors, nous raconte le journaliste chanceux, « le mélodiste cherche. Il écrit rature, compose… pour aboutir à ces nouveaux titres qu’il nous chante aujourd’hui, seul à la guitare, ou dont il nous fait écouter quelques pistes, en guitare-voix sur fond de cordes programmées. Il y a encore du travail, mais le résultat est déjà très beau. »

Bien vu, Yannick. Sauf qu’entre-temps, c’est devenu plus que « très beau », c’est carrément somptueux. Les mélodies sont imparables, les textes formidables (« Tout est dit sans remords et sans fiel… »), les orchestrations collectives aussi riches (cordes, bois, cuivres et vents) qu’inventives et subtiles. Quant à l’interprétation, qui ne doit rien à personne, on pourrait dire qu’elle est de la famille Cabrel-Desjardins-Lavoie… Et le tout touche au plus près, au plus intime d’entre nous (« Je suis sorti d’chez moi et j’ai vu des amis / J’ai fait tout c’qui fallait pour continuer ma vie… »), parfois au sublime. « Les chansons de cet album, explique l’auteur-compositeur, me sont d’abord venues des mots. Des mots qui, se liant ensemble, ont fait des phrases. Des phrases qui, se liant elles aussi ensemble, m’ont révélé ce que j’avais à dire, ce qu’il y avait là, dans ma tête. Dans ma tête !? Beaucoup de moi, mais c’est aussi beaucoup de vous et beaucoup de vous vu par moi. C’est donc l’album le plus près de moi que j’ai jamais fait et peut-être le plus près de vous aussi. Ça donne des chansons où en parlant de moi, je parle aussi de nous, où en parlant de nous je parle aussi de moi. Tout ça dans le but de vous toucher, vous et en particulier toi, qui es en train de me lire… Voilà en bref. Me comprenez-vous-tu ? »

 


Oui, vous allez comprendre illico presto avec ce cadeau que nous sommes heureux de vous offrir en guise d’étrennes. Trois chansons en images et surtout en primeur (excepté pour nos amis québécois qui connaissent Un toi dans ma tête depuis la fin de l’été dernier), puisque cet album ne sortira en Europe qu’en mai ou juin prochain, on ne sait pas encore chez qui… La vidéo « officielle » de Beauté perdue et deux « tounes » en public (lors d’une émission de télévision) : la chanson éponyme de l’album, Un toi dans ma tête, et celle de J’ai vu, chantée ici en duo : « Il serait prévisible qu’après tout c’que j’ai vu / Je ne veuille plus rien voir / Je ne veuille plus rien savoir / Il serait presque risible qu’après tout c’que j’ai vu / Je veuille encore vouloir / Et pourtant… »*


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À savourer comme tous les « Quichotte » de Si ça vous chante (voir  rubrique Disques), en attendant ici une salve prochaine (particulièrement) nourrie… des albums les plus remarquables de ces derniers temps, tous genres musicaux, toutes générations et pour tous publics confondus.


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Luc De Larochellière, Un toi dans ma tête, 10 titres, 38’15 ; Les Disques Victoire, Montréal (ou en VPC).


 

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