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  • : SI ÇA VOUS CHANTE (le blog de Fred Hidalgo)
  • : Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…
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  • Fred Hidalgo
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.

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1 mars 2011 2 01 /03 /mars /2011 00:00

L’album et la bio, ou la fièvre résurrectionnelle


Cinq ans et demi que l’on attendait son nouvel album ! À l’instar d’autres grands de sa génération, HFT prend désormais tout son temps… et il a bien raison, chaque opus à naître étant à la fois un rouage plus complexe et une pièce plus affinée d’une œuvre à nulle autre pareille, aujourd’hui, dans la chanson française. L’œuvre « d’un électron libre sans véritable descendance », écrit son biographe et quasi-homonyme Jean Théfaine, « qui serait né d’une collision entre Ferré, Dylan et les Rolling Stones »


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Dernières balises (avant mutation) : Scandale mélancolique (17 octobre 2005), vingtième album (le quatorzième en studio) du Franc-Comtois ; Scandale mélancolique Tour, double CD en public (19 mars 2007). Puis une parenthèse : Amicalement blues, album thématique écrit, composé et enregistré avec Paul Personne, qui sort le 12 novembre de la même année, avant de donner lieu, durant l’été 2008, à une tournée en duo – en fait, seulement quinze concerts, du 25 juin au 23 août avant… « mutation ». Le 30 août, révèle-t-il sans fard à Jean Théfaine dans Jours d’orage, indispensable manuel thiéfainien paru ce 23 février chez Fayard, il se retrouve hospitalisé dans le coma à l’hôpital de Dole…

Sorti d’affaire, l’artiste met tout de côté, tout projet important, reportant à plus tard un éventuel retour. Plus qu’éventuel en réalité, franchement hypothétique alors, même si sa maison de disques fait du mieux pour célébrer – sans la moindre actualité active, donc, ni participation aucune de l’intéressé – ses trente ans de chanson, en éditant (avec quelque retard après la « bataille », en mars 2009) un coffret-compilation de 3 CD au titre éloquent : Séquelles… L’homme se fait-il violence ? Toujours est-il qu’il accepte l’ajout d’un long morceau inédit de 8’46, enregistré comme à la maison, en guitare-voix, Annihilation… On le voit, la période n’est pas à la franche rigolade.

 


C’est en janvier 1978 qu’était sorti son premier album (…Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s’émouvoir…), avec ce qui deviendra son hymne incontournable, La Fille du coupeur de joints. Celui qu’on n’appelait pas encore HFT allait sur ses 30 ans. Le 21 juillet 2008 (avait-il seulement pensé atteindre ce cap ?), il fête ses 60 ans. Et comme les chats ne font pas des chiens, quel que soit son état du moment, Hubert-Félix Thiéfaine ne peut s’empêcher de faire autre chose que des chansons. À la façon, disait Trenet, d’un pommier qui fait des pommes.

Naissent alors deux chansons d’un album avorté, ou mort-né, un « album fantôme » dit-il, dont on apprend aujourd’hui que son titre – on ne peut plus représentatif de la période qu’il traverse à ce moment-là – aurait été Itinéraire d’un naufragé. D’autant plus éloquent qu’en exergue d’une de ces chansons qui figure aujourd’hui sur « l’album de la renaissance », Suppléments de mensonge, on trouve cette citation de Stig Dagerman : « Vivre signifie seulement repousser son suicide de jour en jour. »

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• SUPPLÉMENTS DE MENSONGE. La Ruelle des morts – Fièvre résurrectionnelle – Trois poèmes pour Annabel Lee – Garbo XW machine – Petit matin 4.10 heure d’été – Compartiment C voiture 293 Edward Hopper 1938 – Infinitives voiles – Ta vamp orchidoclaste – Lobotomie Sporting Club – Les Ombres du soir – Québec November Hotel – Les Filles du Sud. (61’04 ; prod. Columbia ; distr. Sony Music ; site de l’artiste) 
  

Cette chanson, datée du 28 août 2008, cinq jours après l’interruption forcée de sa tournée avec Paul Personne (et deux jours seulement avant qu’il « ne tente de rejoindre les enfers »…), c’est Petit matin 4.10, heure d’été. À la lire ou à l’écouter aujourd’hui, on se dit que oui, décidément, le poète voit toujours plus loin que l’horizon : « Je n’ai plus rien à exposer / Dans la galerie des sentiments / Je laisse ma place aux nouveaux-nés / Sur le marché des morts-vivants / […] Inutile de graver mon nom / Sur la liste des disparus / J’ai broyé mon propre horizon / Et retourne à mon inconnu / […] Les étoiles n’ont plus de discours / Et j’hésite entre un revolver / Un speedball ou un whisky sour / Je rêve tellement d’avoir été / Que je vais finir par tomber... »

 


Chanson prémonitoire ? Chanson-désespoir en tout cas. Dramatiquement émouvante, interprétée sans pathos aucun, de façon détachée, presque clinique, elle s’ouvre sur l’harmonica de l’artiste bientôt transcendé par les guitares et claviers d’Édith Fambuena et Jean-Louis Pierot, signataires de la (superbe) réalisation de l’album (la direction artistique étant l’œuvre conjointe de Philippe Russo et Philippe Gandilhon), auxquels s’ajoutent peu à peu basse, batterie et cordes (direction d’orchestre de Jean-François Berger), jusqu’à la somptueuse trompette de Thierry Caëns. « Si partir c’est mourir un peu, écrit l’artiste, j’ai passé ma vie à… partir. » Chanson d’appel au secours, plutôt, mais qui apparaît a posteriori, avec la parution de Suppléments de mensonge, comme sa toute dernière balise avant mutation véritable (celle-ci ayant été annoncée dès 1981 !), une partie du reste de l’album étant nourrie d’une Fièvre résurrectionnelle qui fait que, « sous un brouillard d’acier / Dans les banlieues d’Izmir, de Suse ou Santa-Fé / Six milliards de pantins au bout de la lumière / (…) se mettent à rêver d’un nouvel univers… »


Cette poussée d’avenir (toute relative au demeurant) n’empêche nullement de regarder derrière soi avec une tendre mélancolie : magnifique Ruelle des morts, sur l’enfance enfuie, précédée de ce vers de Catulle : « Quand ma vie dans  sa fleur jouissait de son printemps… » Ni de laisser resurgir les obsessions habituelles de l’auteur (il signe bien sûr tous les textes, mais seulement trois musiques, les autres étant réparties entre divers compositeurs : La Casa, Ludéal, Arman Méliès, JP Nataf, Roberto Briot, Guillaume Soulan et Dalcan), avec ses peurs ou ses descriptions apocalyptiques (« Soleil-cafard / Futur glacé / Matin blafard / Cerveaux détraqués / Fleurs suburbaines / Crasseuses beautés / Anges de la haine / Fin programmée »). L’amour, heureusement, est là, mais à mille lieues de l’amour-toujours qui dégouline des émissions à fabriquer des stars filantes, tapi entre Les Ombres du soir ou dans le regard noir des Filles du Sud.

 
Un ovni dans tout cela, sous cette étonnante pochette noir et blanc où l’homme se met à nu tel qu’en lui-même, sans tricher : un constat ironico-cynique sur fond rock adressé au copain (l’homme dans la glace ?) pourvu de « la plus dingue des espèces infernales : / Ta vamp orchido / Ta vamp orchidoclaste ». Ce qui donne à l’auteur l’occasion de se lancer (en notes) dans une amusante leçon de texte : « orchidoclaste, du grec orchis = les testicules (ex. : orchidée), et clan = casser, briser (ex. : iconoclaste) » ; autrement et plus vulgairement dit, « orchidoclaste = casse-couilles » !

Bref, un album pas comme les autres. Je veux dire qui n’a pas d’équivalent dans la production actuelle (seul, peut-être, un Richard Desjardins pourrait prétendre au même genre d’appréciation), mais aussi qui – sans marquer de véritable rupture dans l’œuvre du plus anarcho-nihiliste des chanteurs français, façon Ferré voire Nietzsche (le titre Suppléments de mensonge provient d’ailleurs du Gai Savoir du philosophe allemand) – est celui d’un certain virage. HFT le négocie en souplesse, rabotant sa rage (sans se faire « vieux sage » pour autant) pour mieux se retrouver en phase avec lui-même. Ce faisant, son chant semble plus beau que jamais (on s’en était particulièrement aperçu lors de sa tournée solo, en guitare-voix, mais c’est flagrant ici), dans le ramage comme dans le plumage.

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Pour mieux comprendre cette transformation interne, la lecture du livre de Jean Théfaine s’impose : HF Thiéfaine – Jours d’orage est en effet le sésame absolu pour entrer dans l’univers détonant d’un artiste qui a conquis des légions de fans, s’imposant au sommet sur la durée, malgré l’indifférence des radios et surtout des télévisions qui l’ont toujours trouvé trop décalé. Car HFT reste le plus célèbre « inconnu » de la chanson française. Loin, très loin des clichés d’usage dans la variété aseptisée (pléonasme ?) qui fait le bonheur des médias en quête de plus grand dénominateur commun, son écriture flirte avec le surréalisme, fouille les plaies d’enfance, renvoie l’homme à son absurdité, tempête contre un monde désespérément bancal, balance entre dérision vitale et colère inextinguible.



En 2005, une première version de Jours d’orage était parue sous le même titre chez Fayard/Chorus. Une manière de gageure car, à part la monographie de Pascale Bigot publiée en 1988 dans la fameuse collection « Poésie et chansons » de chez Seghers, rien de notable n’avait été consacré à l’auteur de Soleil cherche futur. Il avait fallu à Jean Théfaine, qui connaissait parfaitement l’œuvre de l’artiste et avait appris à connaître l’homme suite au dossier, déjà très complet, qu’il lui avait consacré en 1998 dans Chorus, plusieurs années pour mener son travail à bien. Une enquête rigoureuse sur les pas de l’homme (et d’abord de l’enfant) autant que du chanteur, à travers notamment des dizaines de témoignages de proches, de parents ou d’anonymes qui l’ont fréquenté au quotidien autant que de professionnels… Et la participation sans condition (mais non sans angoisse) de l’intéressé qui se livra en toute confiance à Jean Théfaine, comme jamais encore, auprès de quiconque, il ne l’avait fait.


 
Non sans angoisse, car Jours d’orage n’est aucunement une « biographie autorisée ». C’est la résultante d’un travail au long cours d’un journaliste culturel parmi les plus compétents, talentueux et passionnés à la fois que j’aurai connus en quarante ans d’exercice de cette profession, des plus respectueux aussi de son sujet, c’est-à-dire honnête jusqu’à l’intransigeance, sans la moindre complaisance. D’ailleurs, Hubert-Félix Thiéfaine, malgré une même forme de respect pour l’homme, n’en menait pas large au moment de la parution de la première version de ce livre, le 2 novembre 2005 : quelques jours plus tôt, lors d’un entretien pour Chorus (n° 54), à cette ultime question de notre collaborateur Marc Legras (« Tu passes pour “un solitaire énigmatique” et voici que paraît ta biographie, Jours d’orage, sous la plume de Jean Théfaine… »), il livrait ces commentaires pour le moins éloquents :

« Ça ne vient pas de moi. Je ne voyais pas ce projet d’un bon œil, et plus on est entrés dedans, plus je l’ai vu d’un sale œil… Le présent est déjà du passé, j’aime avancer, même sans savoir où. C’est mon côté rock, j’aime bouger… Et lorsque Jean Théfaine m’a fait replonger dans mon enfance, du côté de Dole, j’ai failli péter les plombs ! Déjà que je traînais un peu la patte face à cette démarche ; une démarche appuyée pourtant par tout mon entourage, y compris professionnel…

« Il y a eu des moments  difficiles. J’ai passé un très mauvais mois de juillet, puis je me suis rangé à l’avis des proches qui m’ont conseillé de laisser l’auteur travailler… avant de lire avec lui le texte fini pour corriger d’éventuelles inexactitudes. Ça m’a évité de me prendre la tête pendant deux mois et on a passé deux jours ensemble à la fin à tout relire, mais attention, je n’ai pas dormi de la nuit… et maintenant je ne sais pas bien quelle sera ma réaction en découvrant le livre imprimé. Je vais peut-être lui envoyer une lettre d’insultes ! »


Finalement, le livre s’imposa très vite comme une référence. Puis il apparut avec le temps mais surtout avec les événements qui se déroulèrent ensuite dans la vie et l’œuvre de l’artiste, entraînant le virage évoqué plus haut, qu’une nouvelle version devenait indispensable. Bien plus qu’une « édition revue et augmentée », comme il est précisé en couverture, Jours d’orage 2011 est quasiment un nouvel ouvrage. Revu et corrigé, ça c’est sûr, les langues s’étant déliées plus facilement après la sortie de la version initiale (qui rassura les témoins sur la qualité et la fiabilité d’une entreprise a priori vouée à l’échec s’agissant d’un personnage aussi secret et difficile à percer que Thiéfaine).



Cela a permis à Jean Théfaine non seulement de réinjecter du nouveau dans les chapitres existants, de se montrer encore plus pointu ou plus explicite, mais parfois de les remanier largement. Quant à l’angoisse de l’artiste, celui-ci a réussi, semble-t-il, à la surmonter pour l’essentiel, puisqu’il a de nouveau accueilli son quasi-homonyme chez lui, dans sa forêt jurassienne, le temps et le nombre de fois qu’il a fallu pour compléter sa confession, jusqu’au plus intime, lui, l’ancien pensionnaire du petit séminaire…


 

Complément de confession ou suppléments de mensonge ? Qui sait, au fond, sinon l’intéressé… qui, cette fois, n’a pas hésité à déclarer à son biographe, en situation : « Ça, tu peux le reprendre tel quel… » Il n’en a pas moins relu minutieusement le texte définitif pour traquer d’éventuelles inexactitudes ou imprécisions. Le résultat, qui jette une lumière encore plus précise « sur la plus mystérieuse icône de la chanson française », est un ouvrage de 440 pages très denses, accompagnées d’un cahier photo de 16 pages revu, enrichi et complété lui aussi (notamment de photos d’enfance de l’artiste), sous une superbe image de couverture signée Francis Vernhet.


Soit 120 pages de plus, dont trois (importants) chapitres inédits, des annexes remises à jour pour les repères et la discographie, avec une partie spécifique consacrée à Léo Ferré, le père spirituel, une autre composée d’un « Petit lexique thiéfainien à l’usage des non-comprenants », une vingtaine de témoignages in extenso (d’artistes, de professionnels, de gens de médias, de proches et de parents, dont Hugo et Lucas Thiéfaine, ses deux fils…) et un passionnant chapitre inédit intitulé « Mots pour maux ».



« S’il est une question qui hante ses fans,
explique Jean Théfaine en intro de celui-ci, c’est bien le rapport que Thiéfaine entretient avec l’écriture et la parole. Pourquoi, quand, comment jaillissent les geysers d’images qui éclaboussent ses chansons ? À cette question, l’intéressé ne répond évidemment pas de façon frontale. Pour avoir largement abordé le sujet avec lui, le plus souvent de façon discursive, mais aussi droit devant, une géographie du territoire littéraire et fantasmatique exploré par l’aventurier se dessine pourtant. Verbatim, ou presque, des propos tenus sur le thème par celui qu’il faut indéniablement appeler un poète. Rock et radical soit, mais alchimiste des mots surtout. Sorcier, sourcier d’un langage syncrétique qui n’appartient qu’à lui, forgé dans le secret des doutes, des colères, des angoisses et des noires ironies qui, si personnelles qu’elles soient, parlent au plus grand nombre, ou presque. »

 
Quand on aura dit que la prochaine tournée de Thiéfaine, qui passera par Bercy le 22 octobre (un grand retour après son concert en ces lieux du 11 décembre 1998 pour ses 20 ans de disque et 25 ans de scène), s’intitulera Homo Plebis Ultimae Tour, on aura donné du grain à moudre à tous ses fans : encore un tour du dernier homme du peuple ? La nouvelle tournée de l’homme du dernier peuple ? Ou… l’ultime tournée de notre homme ? Hubert-Félix Thiéfaine n’a-t-il pas déclaré à Jean Théfaine (page 314 de Jours d’orage, chapitre 25, Séquelles…) : « Ma vie s’est arrêtée le 30 août 2008, une deuxième a commencé le 1er septembre. Dans ma tête, j’ai effacé une vie. » Raison de plus pour rendre ce livre et « l’album de la renaissance » l’un et l’autre tout à fait indispensables.
___________

PS. Quelques précisions concernant les (neuf !) vidéos de ce sujet : outre l’interprétation en session acoustique, captée le 16 février dernier à Paris, de La Ruelle des morts (à comparer avec la version disque proposée en audio), l’ensemble compose un documentaire intégral, Sur les traces d’Hubert-Félix Thiéfaine, découpé ici en huit parties. Bien que remontant à 2005, à l’époque de l’album précédent, il s’agit en effet du document télévisé le plus complet et sensible que nous connaissions sur HFT. Reportage de François Bombard et Jean-Louis Saintain (que nous remercions), il a été réalisé pour et par France 3 Bourgogne Franche-Comté (comme le montre à la fin une petite pub pour la cancoillotte !) et permet de suivre l’artiste en tournée dans diverses villes de France, avec des extraits d’une dizaine de chansons (dont Vingt ans et Avec le temps de Léo Ferré), et en interview à Paris, dans sa maison de Franche-Comté, et même à Dole, pour y évoquer son enfance. On peut d’ailleurs penser que le travail accompli en amont avec Jean Théfaine depuis plusieurs années a pu faciliter pareille contribution du chanteur à ce document.


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NB. Il nous reste quelques exemplaires collectors du numéro THIÉFAINE de
Chorus (n° 26, hiver 98-99) comportant un dossier de 24 pages abondamment illustré (biographie, œuvre, discographie, encadrés ou témoignages divers) avec différentes interviews de l’artiste dont une spécifiquement dédiée à la littérature, la musique, les beaux-arts, la poésie et la chanson (« Céline, Dylan, Ferré et les autres »). Si intéressé(e), nous contacter à l’adresse e-mail suivante : sicavouschante.info@orange.fr/

 

 

 

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17 février 2011 4 17 /02 /février /2011 14:00

Collection d’hiver – 7


Second album solo du Nordiste Thibaud Defever (à la ville) qui a choisi de conserver à la scène le nom du duo qu’il avait formé en 1998 avec Marie-Hélène Picard, prématurément décédée en novembre 2006. Les ingrédients qui ont fait le succès du duo (un album, Sauvez les meubles, en 2005) puis de Thibaud auprès des professionnels (lauréats de prix, tremplins et concours à tire-larigot) sont toujours là, plus affirmés et affinés que jamais. Presque Oui, c’est sûr, a l’art de raconter des histoires, drôles ou tragiques, l’air de rien, façon Trenet, Souchon, Laffaille, sur des mélodies légères et variées.

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• MA BANDE ORIGINALE. Et j’aime bien – Séquoia – L’Autobus – J’étais vieux – Le Feu sous la toque – Le Capitaine du firmament – Mi-clos – L’Eau de l’aurore – Mancini – Top movie – Nina – Tchou tchou – Rossignol – Bande originale. (47’15 ; co-prod. Sostenuto-Absilone-Ass. Presque Oui ; distr. L’Autre Distribution ; disques et tournées : Sostenuto sostenuto1@free.fr ; site de l’artiste.)

Présentant dans Chorus (n° 66) son premier album en solo, Peau neuve, paru à l’automne 2008, Serge Dillaz notait que Thibaud avait eu d’autant plus raison de conserver ce nom, Presque Oui (hommage à Marie-Hélène… ainsi qu’à Mireille et Jean Nohain), qu’il résume « assez bien le personnage : drôle, sentimental, timide, grave, futile… Toujours entre retenue et excentricité ». En scène, ajoutait notre collaborateur, seul à la guitare ou à la mandoline (dont il joue en… presque virtuose), le jeune homme montre en tout cas un punch pas commun, capable d’emballer « vite fait un public sidéré de voir comment l’artiste reste lui-même en faisant Peau neuve ».


Et Yannick Delneste, à l’issue du festival Alors… Chante ! 2008 de Montauban où Thibaud fut lauréat des Bravos des professionnels (et deuxième des Bravos du public), estimait que « la tragédie du décès prématuré de sa compagne, le chanteur la porte artistiquement, sans l’ombre aucune d’un exhibitionnisme douteux mais en filigrane d’un répertoire comique et (ou) bouleversant. […] Ou comment faire pleurer en souriant. » Tout est dit : loin des chansons rentre-dedans qui assènent, Presque Oui propose des chansons « en filigrane », sur le fil ; empreintes de douceur et de délicatesse. Des chansons tout en finesse, tant dans l’écriture que dans les mélodies, avec des musiques de genre (tango, etc.) qui n’hésitent pas à emprunter aux rythmes ensoleillés, pour rire, façon Lavilliers qui ne se la jouerait pas.

 

 

Autre caractéristique de Presque Oui : la remise au goût du jour d’une chanson qui raconte, au lieu de se complaire dans l’introspection nombrilesque aux antipodes de l’universalité qui caractérise les grandes chansons. Si certains représentants de la « nouvelle scène » font penser à cette littérature « moderne » aussi falote que pâlotte, sans intérêt aucun pour le lecteur, la manière de faire de Defever renvoie à la meilleure tradition de la chanson française. Celle qui raconte des histoires et nous emporte sans coup férir là où on ne s’y attend pas. On l’a compris, plutôt qu’à ces littératés à la mode qui s’écoutent écrire pour mieux se pavaner sur les plateaux qui font l’opinion, Presque Oui s’apparente à un Pennac ou un Vautrin. Pour la qualité de l’écriture, l’humour et l’intrigue. Voyez, ou plutôt écoutez, la triste histoire du commissaire Mancini…

 

Une inspiration devenue assez rare en la matière (mais qui semble reprendre du poil de la bête grâce à des Alexis HK, Bénabar, Agnès Bihl et autre Renan Luce) qui n’exclut pas pour autant, traités avec une infime pudeur, les sujets graves. L’Autobus, par exemple (voir vidéo ci-dessus, en guitare-voix), ne vous fait-il pas songer à l’immigration tunisienne qui touche massivement les côtes italiennes ces jours-ci ? « Une place pour mes fesses dans cet autobus / Où qu’il aille, je me taille, je m’expulse / […] Ce radeau, ce rafiot, ce pousse-pousse / Même à l’étroit, même sur le toit / Je veux du vent dans ma voilure… » Allez Thibaud, tiens bon la vague et tiens bon le vent, hisse et ho !

 

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16 février 2011 3 16 /02 /février /2011 14:00

Collection d’hiver – 6

 

Au départ, rappelait Marc Legras dans son Portrait de Chorus (n° 62) « la voix, la présence, le charisme de Fabiola, sa passion de tous les instants, lui valent de passer au Québec comme l’interprète idéale d’Édith Piaf ». C’était dire combien la native de Trois-Rivières est douée : « Un bijou d’artiste » pour Lynda Lemay qui en fera sans hésiter l’héroïne de son opéra-folk Un éternel hiver. Puis Fabiola se lance en solo, avec son propre répertoire de chansons poétiques, et ne cesse dès lors de tourner de part et d’autre de l’Atlantique. Quand l’amour bascule, récemment paru dans la Belle Province, est ce que l’on appelle « l’album de la maturité ».

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• QUAND L’AMOUR BASCULE. Le cœur à marée haute – Neige – Plus de haine – Tout ce qu’il fallait – Attends-moi – On s’est pris un appart – Petite braise – Libertia – Parfois – Y a pas d’amour qui m’aime – Mon requiem – Le Vent. (37’35 ; coproduction Fabiola Toupin & À l’infini Communications ; distr. Québec : Sélect, France : seulement à la Librairie du Québec à Paris ; disponible par correspondance via le label ou la page spéciale de l’artiste ; site de la chanteuse ; page spécifique pour l’écoute de l’album.)

Naissance à Trois-Rivières (Québec) en 1975, premier spectacle, Brel valse avec Piaf, à 19 ans ; interprète le rôle de Fantine dans Les Misérables puis le rôle-titre d’Un éternel hiver (2005-2006) de et avec Lynda Lemay ; premier album en 2007, Je reviens d’ici, dont Manu Trudel, son complice de toujours, compose la musique de la plupart des chansons. Aujourd’hui, Quand l’amour bascule, tout en se voulant une sorte d’ouvrage thématique, élargit son inspiration, en même temps que son panel d’auteurs (dont elle-même pour Le Cœur à marée haute et Tout ce qu’il fallait). L’amour dans tous ses états, déclinés par Lili Cros (Neige), Catherine et Claude Lemesle (Plus de haine), Lynda Lemay (Parfois)… et le groupe Blou (superbe Mon requiem, en écoute ici) qui signe la réalisation du disque avec Réjean Bouchard. 

 

Fabiola Toupin – Mon requiem

Mais c’est surtout dans l’interprétation que Fabiola atteint des sommets. Dotée d’une voix qui semble capable de tout, elle échappe aux canons habituels de « la gueularde québécoise », comme dirait William Sheller pour qualifier des performances sans âme, apportant à ses chansons des nuances que seule permet une sensibilité hors pair. Bref, un disque idéal pour la semaine de la Saint-Valentin, pour les amoureux de la « bonne chanson » (notion chère à la Belle Province d’antan) et plus généralement pour qui espère qu’un jour les soldats seront troubadours…

 

   

Pour le plaisir, je vous propose notamment une vidéo de Fabiola (interprétant Brel) dans une émission de Bernard Pivot qui célébrait en public, en 2004, les « Trophées de la langue française » : un concours de haut vol, à l’échelle francophone, qui a duré plusieurs années (et dont le final était retransmis sur France 3 et TV5 Monde). Pour la catégorie « Chanson-poésie », le jury, assez restreint, était notamment composé de Jean-Michel Boris (L’Olympia), Françoise Dost (Radios Francophones Publiques), Claude Lemesle (auteur)… et votre serviteur au titre d’une certaine « revue de référence de la chanson francophone ». Parmi les lauréats et révélations de ce Trophée : Lynda Lemay, Thomas Fersen, JP Nataf, Jeanne Cherhal, Alexis HK, Aldebert, Loïc Lantoine, Amadou et Mariam, Ridan… et Fabiola Toupin.
 

 

Écoutez-la, Fabiola : elle tire de son chant des sentiments aussi divers qu’inattendus, ce qui n’est ni courant ni aisé quand on chante essentiellement l’amour. Musicalement, batterie et percus, piano et accordéon, guitares et basse sonnent comme un orchestre symphonique. Comme celui de Trois-Rivières, comme l’Orchestre national des Pays de la Loire qui ont déjà eu le bonheur de poser leurs notes sur sa voix. En attendant de la retrouver ici ou là en pareille compagnie, contentez-vous de poser son disque sur votre platine. Vous verrez : c’est un diamant à l’état brut. 

 

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