Collection d’hiver – 5
Annegarn, Kanche, Lapointe, Mélissmell… Des artistes en « solo », de styles non formatés (c’est le moins qu’on puisse dire) et de générations différentes. Histoire de diversifier encore cette collection d’hiver, passons à un groupe : AU groupe ! LE groupe de la chanson française de ces vingt dernières années (et même davantage, un bon quart de siècle, si l’on remonte à l’époque des « Red Ted » : remember ?). De fait, les Têtes Raides ont engendré une filiation innombrable, comme autant de rameaux d’une branche nouvelle de l’arbre à chansons.
À l’instar des Garçons Bouchers à leurs débuts, inventant le rock musette en réhabilitant l’accordéon, Christian Olivier et ses garçons ont créé un genre, de poésie et de musiques festives mêlées, très orchestrées, souvent imité (avec plus ou moins de bonheur)… mais jamais égalé. Leur nouvel album, qui plus est, constitue une manière d’apogée dans leur œuvre.
• L’AN DEMAIN. L’An demain – Fulgurance – Emma (avec Jeanne Moreau) – Angata – Marteau-piqueur – J’m’en fous – Météo – Gérard – So free – Pas à pas – Olé – Maquis – Je voudrais. (43’51 ; prod. tôt Ou tard, distr. Wagram Music ; Têtes Raides sur le site du label ; site du groupe.)
Oui, une œuvre, forte déjà d’une quinzaine de galettes toutes plus riches les unes que les autres : formation des Red Ted en 1984 avec, déjà, Christian Olivier (chant et accordéon) et Grégoire Simon (sax ténor) ; premier album des Têtes Raides (un 25 cm autoproduit !), Not dead but bien raides, en 1989. Suivront Mange tes morts, Les Oiseaux, Fleur de yeux, Le Bout du toit, Viens ! (live), Chamboultou, Gratte poil, Qu’est-ce qu’on s’fait chier !, Fragile, 28.05.04 (live), puis Banco fin 2007. Voici poindre à présent L’An demain, celui de tous les possibles : « À l’infini des infinis / Posé là sur une seconde / On refait le monde / […] Ode à la nuit qui me remplit / Ode au matin qui me retient / J’irai demain en l’an demain… »
« Cet album, note Christian Olivier, auteur-interprète du groupe à sept têtes (la musique étant œuvre collective), est plus personnel dans l’écriture, moins frontal politiquement, plus poétique. » La participation de Jeanne Moreau, véritable « retour » à la chanson de la grande dame depuis Le Tourbillon d’inoubliable mémoire, dans Emma ? « J’avais beaucoup avancé sur Emma quand il m’est apparu évident que j’entendais Jeanne Moreau dans la chanson. Il y a quelque chose dans la mélodie et dans le texte qui est absolument elle. Comme nous travaillions aussi sur l’adaptation du Condamné à mort de Genet, j’ai demandé au théâtre de l’Odéon de lui soumettre la chanson. Deux jours plus tard, elle était d’accord. » Lendemains qui chantent ? « Au départ, l’équilibre des Têtes Raides était proche du cirque : un coup ça penche à droite, un coup ça penche à gauche. Cette fois-ci, nous avons pris le risque de vraiment épurer. » Pari gagnant.
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