Bienvenue à la Maison (de la chanson vivante) !
On me fait l’amabilité de m’écrire en privé pour regretter la fréquence « trop espacée » entre les sujets de ce blog : des « messages personnels » assez nombreux pour que je me permette d’y répondre globalement en public… en rappelant un article précédent, intitulé « Le Jardin extraordinaire ». J’y expliquais en effet que Si ça vous chante allait prendre une orientation (et donc une périodicité) différente de celle de ses débuts, où l’objectif était de compenser aussi peu que ce soit – au plan de l’actualité chansonnière de l’espace francophone – la cessation brutale de parution de Chorus (Les Cahiers de la chanson) en juillet 2009… il y a déjà cinq ans.
Cette revue, dont le rôle référentiel s’accompagnait d’importantes et incessantes retombées pratiques pour le disque et la scène, n’ayant pas été remplacée, et la presse dans son ensemble s’enfonçant dans un marasme sans précédent, c’est tout logiquement, avec le temps, que les blogs et sites ne demandant pas le même investissement, ni financier bien sûr ni même pratique et technique, se sont multipliés ; en particulier ceux dédiés au suivi discographique et scénique, d’aucuns, qui plus est, animés en équipe. Dès lors, l’intérêt pour moi de poursuivre en solitaire ce travail de promotion critique de l’actualité de la chanson n’avait plus de réel intérêt, alors que j’avais sans doute mieux à faire en tentant d’apporter un petit plus, lié à mon expérience du « métier » et à ma connaissance des artistes.
Mais dans ce même « Jardin extraordinaire » du 9 juillet 2012, pour ne pas tourner le dos à l’évolution et à la vie pratique de la chanson, j’annonçais la création sur Facebook d’un groupe portant le même nom que ce blog mais sous-titré « La maison de la chanson vivante ». Destiné à mettre en relation (et plus, si affinités) le public amateur (mais éclairé) de chanson, les artistes et les professionnels (agents, éditeurs, producteurs, responsables de salles et de festivals…), il fonctionne aussi bien que possible avec près de 3000 « pensionnaires » aujourd’hui répartis dans l’espace francophone pour l’essentiel. Son mode de fonctionnement s’apparente à une auberge espagnole où chacun vient proposer ou chercher les menus ou ingrédients qu’il souhaite, modernes, d’avant-garde ou traditionnels, au-delà bien entendu des découvertes inattendues, qu’on soit fin gourmet et/ou amateur de mets plus populaires, qui s’offrent à tous. J’y interviens moi-même régulièrement, beaucoup plus qu’ici, dès que j’ai une information d’intérêt général à partager, mais sans user ni abuser de ma tâche d’« aubergiste » ou, comme une aimable lectrice me qualifia un jour, d’« échanson de la chanson ».
Entre autres, et pour exemple(s), en guise d’invitation à franchir – si ça vous chante – le seuil de notre Maison de la chanson, outre des annonces de festivals, de sorties de livres ou de disques, j’y ai tout récemment mis en ligne ces informations (ou compléments de sujets au blog) :
• La création d’une licence chanson d’expression française à l’Université Bordeaux-Montaigne (une première en France !), dont le cursus entre déjà, en septembre prochain, dans sa troisième année et dont la mise en œuvre avait été précédée de ce clip décapant, génial détournement (d’un extrait de La Chute, le film d’Oliver Hirschbiegel) qui voyait le führer en fureur (pléonasme) opérer un constat chansonnier plein de lucidité pour déplorer finalement de futurs lendemains qui chantent : « Bientôt tous les jeunes écouteront à nouveau Léo Ferré… et cesseront d’écouter nos merdes » !
(Tous renseignements et ou inscriptions, jusqu’au 25 août prochain, sur ce site).
• La parution d’un petit livre d’après une chanson de Luc Romann, disparu en début d’année. S’il n’a pas fini de nous manquer (pour rappel : La Désespérance et La reconnaissance du cœur), aujourd’hui l’un de ses amis de longue date, Jacques Coustals, vient nous donner indirectement de ses nouvelles, en nous offrant un conte inédit inspiré par l’une de ses chansons les plus tendres et jolies, Le Petit Cheval et la Fleur. Il aurait aimé, c’est sûr. Doublement même. Parce que le conte et son écriture, tout de charme et de poésie, sont au diapason de son univers. Et parce que ses illustrations, aussi naïves que colorées, sont l’œuvre des élèves d’une école primaire qui accueillit naguère et avec bonheur notre auteur-compositeur. Racontant l’histoire de Zino, un jeune enfant du voyage qui va rencontrer le petit cheval, cet ouvrage de 40 pages à l’italienne s’accompagne d’un CD de deux chansons de Romann : celle dont il s’inspire et, de façon judicieuse, celle consacrée à ses Amis du voyage. En vente uniquement par correspondance (chèque de 16 €, port compris, à l’ordre de Jacques Coustals) en adressant directement la commande à l’auteur : route de Darnac, 09000 Serres-sur-Arget.
(Pour mémoire, Jacques Coustals est le coauteur avec Luc Romann, qui a toujours été très proche dans l’esprit et dans son œuvre des gens du voyage, de La Pancarte, récit d’une action menée il y a près de trente ans, mais hélas toujours d’actualité, pour faire annuler un arrêté municipal et une pancarte discriminatoires. L’ouvrage de 96 pages, illustré par dix artistes peintres est toujours disponible chez Jacques Coustals – 8 € l’exemplaire, port inclus).
• Un mini compte rendu du 29e festival de Montauban, où (n’ayant pu assister qu’à la moitié de la manifestation) j’ai toutefois vu et apprécié la prestation d’une « Demoiselle inconnue » qui a emporté l’adhésion du public entre toutes les découvertes en lice l’après-midi, sous le Magic Mirrors (seize cette année au lieu de douze auparavant). Gageons que La Demoiselle inconnue en question, qui gagne à être connue, ne le sera sans doute plus très longtemps, d’autant que le label « Mon Slip » des Têtes Raides (une garantie de qualité et d’originalité) l’a prise en production. En revanche, j’ai manqué le passage du groupe Peter Peter, également distingué en soirée parmi les douze découvertes complémentaires (tendance plus électrique) de cette vingt-neuvième édition.
Pour le reste, j’ai bien ou particulièrement aimé, disons un peu, beaucoup, énormément (passons sur les pas du tout) les concerts des Ogres de Barback (très tendu en permanence), de Jacques Higelin (très grognon contre la société actuelle, avec un Champagne final éblouissant), de Thomas Fersen (très intelligent et jubilatoire en solo, en piano-voix ou simple diseur magnifique), des Innocents (dans un retour très attendu et, pour les ex-fans des eighties, très apprécié), de Christian Olivier dans un (très surprenant) exercice de lecture de chansons… Et j’ai regretté d’avoir manqué tout ou partie des spectacles d’Aldebert, de Jeanne Cherhal, de Florent Marchet, de Renan Luce ou de Zaz, faute d’horaires concordants, les uns chevauchant les autres, la faute souvent, en cascade, au surplus – finalement superflu – de découvertes. L’édition 2015, la trentième d’Alors… Chante !, n’en sera que plus attendue et, on le souhaite ardemment, que plus réussie.
• L’affiche des dixièmes « Rencontres Marc-Robine », du 15 au 19 juillet prochains à Blanzat (63), auxquelles j’aurai le plaisir de participer. Consacrées à notre ami et collaborateur de Paroles et Musique et de Chorus (plus de vingt ans de compagnonnage étroit…), disparu en août 2003 (voir « Le Colporteur de chansons » et « La Chanson du passeur »), on y retrouvera Batlik, Jacques Bertin, Laurent Berger, Frédéric Bobin, Michel Bühler, Kent, Oriane Lacaille, Loïc Lantoine, Moran et Les Tit’ Nassels. Et on y parlera chanson en permanence, on en écoutera et on en débattra, avec une chorale (dirigée par Frédéric Bobin et Rémo Gary), un atelier d’écriture (dirigé par Emile Sanchis) qui reprendra le répertoire de Marc Robine, un plateau découvertes, des émissions de radio en direct… et la conférence de Jacques Bertin sur Félix Leclerc à l’occasion du centenaire de la naissance du « Roi Heureux » (le 2 août 1914, à La Tuque, en Mauricie).
Pour ma part, et à la demande des organisateurs, j’y proposerai deux causeries de circonstance, l’une sur Marc Robine, bien sûr, et l’autre sur Jacques Brel aux Marquises, puisque je me suis délibérément inscrit dans les pas de Marc pour compléter et prolonger son formidable travail sur la vie et l’œuvre du Grand Jacques (…ou Le Roman de Jacques Brel) dont je fus l’éditeur heureux en 1998. (Contacts et programme détaillé ici en cliquant sur « Les Rencontres Marc-Robine » en colonne de gauche de l’affiche).
• Une chanson de circonstance, pour illustrer le sujet précédent de ce blog (« Chantez-vous franglais ? ») sur la maltraitance actuelle du français et le reniement de certains, dans la chanson comme dans les médias, au profit de l’anglais. Une affaire qui ne date pas d’aujourd’hui si l’on en croit cette « toune » on ne peut plus d’actualité… bien que datant de… 1931 ! Une chanson écrite et interprétée dans la langue du peuple (québécois), par la reine de la turlute, j’ai nommé La Bolduc !
Écoutez mes bons amis la chanson que j'vais vous chanter…
Je vous dis tant que j’vivrai
J’dirai toujours « moé » pis « toé »
Je parle comme l’ancien temps
J’ai pas honte de mes vieux parents
Pourvu que j’mets pas d'anglais
J’nuis pas au bon parler français…
La Bolduc en 1931 défendait déjà sa culture et sa langue à la radio. En 2014, Gilles Vigneault continue de tracer le même sillon avec un rare bonheur et un talent inépuisable. Avec Vivre debout, extraite de son nouvel album, ce grand « chansonnier » devant l’Éternel réussit l’exploit de prolonger la chanson éponyme de Jacques Brel (de même que celle de Leny Escudero, Vivre pour des idées). Et de quelle façon, en alexandrins, s’il vous plaît ! « Pour défendre trois mots que disait mon grand-père / Apportés par chez nous au temps de Rabelais / En forme de rondeau, ballade ou triolet / Pour que mon petit-fils apprenne au secondaire / Que c’est en perdant ça que les peuples se meurent... »
Vivre debout et prêt à partir à toute heure
Boire, dormir debout comme font les chevaux
Le pas de liberté inscrit dans leurs sabots
Puisqu’il y a toujours péril en la demeure
Vivre...
Vivre debout...
Pour me survivre, délesté de mes vieux tabous
Le cœur toujours prêt à suivre le pas pressé
Du caribou
Vivre...
Vivre debout !
Voilà pour expliquer un peu ma « discrétion » croissante ici… et vous conseiller – si bien sûr ça vous chante d’être informé(e) ainsi de l’actualité, d’y contribuer vous-même ou de participer aux débats constructifs qui caractérisent cette auberge ouverte aux quatre vents de la chanson – de frapper à sa porte. Entrée libre à ceux et celles qui demandent leur admission. On y accède ICI (si l’on est déjà inscrit à Facebook ou en s’y inscrivant).
Pour le reste, je continuerai d’alimenter ce blog avec (et seulement) des sujets plus ou moins personnels, mais toujours développés (à l’exception peut-être de certains compléments d’information). Quitte à ce qu’ils soient de plus en plus espacés... « On n’a tous que deux vies, disait Confucius, et la deuxième commence le jour où l’on réalise qu’on n’en a qu’une. » Comme le note l’excellent Arbon qui a délaissé subitement sa vie de chef d’entreprise pour se lancer corps et âme dans la chanson, la véritable passion de sa vie : « Nombreux sont ceux qui, à la suite d'une maladie ou d'un accident, mettent de l'ordre dans leur existence, questionnent leurs choix passés, se libèrent d'entraves inutiles, s'efforcent d’aller à l’essentiel, et commencent leur deuxième vie. Ce n’est pas un hasard. Ils se sont, comme le dit Confucius, rendus compte qu’ils n'en avaient qu’une. Il se peut que le choix, au fond, soit de vivre deux vies, ou aucune. Deux vies, en prenant conscience de sa finitude. Aucune, en vivant sans réaliser qu’on vit. »
Ce n’est pas un hasard, assure Arbon. Et Romann, lui, que disait-il, déjà ? « C’est pas par hasard, pas par hasard, c’est pas par hasard, pas par hasard… »
(PS. Si vous ne connaissez pas Arbon, lui aussi gagne à être connu… comme le public gagne à le connaître ! Allez donc écouter ses chansons sur son site – il publiera à l’automne son troisième album – et lire par exemple ce qu’en dit Michel Serres, de l’Académie française : « Les chansons d’Arbon sont intelligentes, fines, légères, secrètes, un peu comme la musique de Couperin, un peu comme du La Fontaine, un peu comme la poésie de Brassens. Et renouer avec cette tradition, avec une légèreté et une fraîcheur contemporaines, est d'une certaine manière un chef-d’œuvre. »)