Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…
« À la mémoire de Jean Théfaine »
L’idée lui est venue spontanément en notre compagnie, un triste jour d’adieux à un ami commun : « Mon prochain disque lui sera dédié. » Superbe intention. C’était le 21 août dernier. Aujourd’hui, 22 octobre, paraît Homo Plebis Ultimae Tour, double CD/DVD proposant le concert intégral audio et vidéo de sa tournée en cours. Hubert-Félix Thiéfaine a tenu sa promesse : son nouvel album est dédié « À la mémoire de Jean Théfaine ».
Thiéfaine et nous, nous et Théfaine, Thiéfaine et Théfaine… vieille(s) histoire(s) ! Nous accompagnons fidèlement le premier depuis plus de trente ans. Le second – qui a été de bout en bout de l’aventure Chorus – nous a accompagnés pendant plus de vingt ans, avec une vive prédilection pour le premier. Il était écrit que ces deux-là – des presque homonymes, en plus ! – se rencontreraient et se reconnaîtraient au point d’accoucher, aux forceps (l’expression n’est pas exagérée après une aussi longue et difficile gestation), d’une admirable biographie, sous-titrée Jours d’orage ; autrement dit « Thiéfaine par Théfaine ». Alors, quand Hubert-Félix Thiéfaine et nous avons accompagné Jean Théfaine à son ultime demeure, nos regards éperdus parlaient d’eux-mêmes. Pas de mots superflus, sinon cette promesse venue du fin fond de l’émotion : « Mon prochain disque lui sera dédié. »
Il en aura fallu des années pour que ce chanteur pas comme les autres, héritier spirituel de Léo Ferré, soit reconnu à sa juste valeur et commence à être (un peu) médiatisé ! Plus de trente ans, trente-quatre ans exactement, de silence et d’occultation, après son premier disque : Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s’émouvoir… En mars dernier, l’académie des Victoires de la Musique, qui l’avait consciencieusement ignoré jusque-là, l’accrochait enfin aux cimaises de son palmarès. « Interprète masculin de l’année » et « album chanson de l’année », pour Suppléments de mensonge, son seizième opus. Vous pensez si l’on bichait, l’ami Jean et moi ! Lui le biographe émérite et courageux, et moi l’éditeur, obligé en amont de déployer des trésors d’ingéniosité pour convaincre du bien-fondé d’un tel livre… Quant à l’intéressé, le soir même des Victoires, il se faisait philosophe, comme détaché par rapport à l’événement : « Je suis très content surtout pour les équipes qui m’entourent. Pour une fois que je me déplace, autant que je ramasse le pactole ! [rires] Il y a eu quinze albums de mensonge avant Suppléments de mensonge… Et tout cela c’est peut-être grâce au public aussi, j'ai une relation magique avec mon public. »
Magique, ça, on peut le dire ! Après le succès de Suppléments de mensonge (l’intitulé d’un aphorisme de Nietzsche dans Le Gai Savoir) suivra dès l’automne 2011 une tournée triomphale rassemblant plusieurs générations d’admirateurs. Intitulée Homo Plebis Ultimae Tour (d’une expression empruntée à Sénèque), elle est passée le 22 octobre 2011 par Bercy et repassera le 22 novembre prochain dans la capitale, avec une date symbolique à l’Olympia. Notre homme, décidément, aime bien le nombre vingt-deux…
Entre-temps, Hubert-Félix a parcouru l’Hexagone en tous sens, invité dans les principaux festivals du printemps et de l’été (voir ici le compte rendu de son spectacle à celui de Montauban) et visitant la plupart des Zéniths. C’est d’ailleurs à celui de Nantes qu’a été enregistré l’intégralité de son concert, en audio et en vidéo. Deux heures trente pour vingt-quatre titres qu’on retrouve dans ce coffret digipack de quatre volets : il n’en fallait pas moins pour héberger deux disques CD et un DVD comprenant en outre (et notamment) une interview fort instructive de l’artiste. Magnifique réalisation (qui lui mérite pour le moins un Quichotte de « Si ça vous chante ») !
Ce soir-là, 9 décembre 2011, Jean Théfaine était présent dans la salle, ravi de la performance de l’artiste. Aujourd’hui, aussi simplement que le premier avait franchi la porte de la loge du second, à l’issue du spectacle, il suffit d’ouvrir le digipack et de tourner la page de son premier volet pour le retrouver… Présent à jamais dans les Infinitives voiles de ce bateau qui s’appelait Les Copains d’abord et navigue à présent dans La Ruelle des morts. Merci et (grand) bravo, Hubert. Quant à toi, Jean, j’espère que quelque part, où que cela puisse être, tu vois qu’on obéit à tes consignes : on lâche pas !
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• HF THIÉFAINE : Homo Plebis Ultimae Tour, double CD audio + DVD, concert intégral (Annihilation – Fièvre résurrectionnelle – Lorelei Sébasto cha – Soleil cherche futur – Infinitives voiles – Petit matin 4.10 heure d’été – Le chant du fou – Confession d’un never been – Les dingues et les paumés – L’étranger dans la glace – Sweet amanite phalloïde queen – Solexine et ganja / 113e cigarette sans dormir – Narcisse 81 – Garbo XW machine – Mathématiques souterraines – Ta vamp orchidoclaste – La ruelle des morts – Autorisation de délirer – Alligators 427 – Les ombres du soir – La fille du coupeur de joints – Les filles du Sud – Lobotomie sporting club) ; Sony Music (site de l’artiste).