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Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…

LA MARSEILLAISE : UN PLAGIAT ?

Jean-Baptiste Grisons vs Claude Rouget de Lisle

 

 Marche d’Assuerus (Oratorio d’Esther, 1787)
vs
Chant de guerre de l’Armée du Rhin (26 avril 1792)

 

Bientôt le 14 juillet, fête nationale bleu-blanc-rouge. Chaque année, la polémique sur le contenu des paroles de La Marseillaise qui, en dehors de leur contexte d’origine, sonnent aujourd’hui de façon belliciste et xénophobe (pour ne pas dire raciste : cf. « le sang impur… »), rebondit de plus belle. Mais s’est-on suffisamment interrogé – comme le fait ici pour Si ça vous chante notre inspecteur exclusif en mots et musiques – sur l’origine et l’authenticité de l’hymne national français ? Et si La Marseillaise n’était qu’un plagiat ? Place à l’enquête de Serge Llado…

 

Cela faisait des années que j’étais sur cette piste. Depuis que j’avais lu un ouvrage de Claude Gagnière qui, réunissant les témoignages d’historiens et musicologues, avait de bonnes raisons de penser que La Marseillaise était un plagiat. Si c’est bien le cas, ce symbole de l’identité nationale risque d’en prendre un sacré coup dans l’aile...

Les arguments :

1. Il est peu probable que Rouget, médiocre violoniste, ait pu, même sous l’inspiration du génie, composer un air aussi difficile et aussi savant.

2. L’édition originale (dont Serge Gainsbourg possédait un exemplaire) ne porte pas de nom d’auteur alors que Rouget signait toutes ses œuvres.

3. On suppose que le vrai compositeur est soit Ignace Pleyel,  maître de chapelle à la cathédrale de Strasbourg (mais surtout autrichien et royaliste, donc peu soucieux d’associer son nom à un hymne révolutionnaire), soit Jean-Baptiste Lucien Grisons, maître de chapelle à Saint-Omer, qui aurait écrit au moins cinq ans auparavant la Marche d’Assuerus (extrait de l’Oratorio d'Esther).

On trouve dans « Google Books » un extrait d’un livre publié en 1886 par un certain Arthur Loth (réédité en 1992), intitulé Le Chant de la Marseillaise et son véritable auteur, qui explique que Rouget de Lisle aurait eu connaissance de cet oratorio de Grisons soit par une relation commune aux deux hommes, Pierre-Alexandre de Monsigny, musicien français qui fréquentait les mêmes salons que Rouget, soit parce que Rouget, alors capitaine en garnison à Saint-Omer, y aurait côtoyé Grisons ou entendu son oratorio joué dans un salon mondain.

Le seul « bémol », c’est que Grisons n’a jamais revendiqué la paternité de La Marseillaise... Mais, comme pour Pleyel, peut-être avait-il des raisons politiques de se montrer discret... En tout état de cause, les « ressemblances » entre les deux musiques ne laissent guère de place au doute. Jugez-en avec ce montage qui reprend des extraits de l’hymne national et de l’oratorio de Grisons (respectivement signalés «1» et «2»)…

 

L'Hymne et l'Oratorio

 

Les paroles aussi…

Par ailleurs, Claude Gagnière a démontré que les paroles de La Marseillaise se sont largement inspirées d’une affiche placardée dans les rues de Strasbourg le matin même du jour où le capitaine Claude Rouget (dit « de Lisle », car il ne s’appelait pas plus de Lisle qu’un certain Giscard n’était né d’Estaing : tout chez ce Rouget-là – qui n’est jamais entré dans la composition de la moindre bouillabaisse – semble avoir été usurpé) se rendit à cette fameuse soirée où on lui demanda d'écrire son Hymne à la liberté. Voici un extrait du texte de cette affiche : « Aux armes, citoyens ! L’étendard de la guerre est déployé : le signal est donné. Il faut combattre, vaincre ou mourir. Vous vous montrerez dignes enfants de la liberté. Immolez sans remords les traîtres… qui, armés contre la patrie, ne veulent y entrer que pour faire couler le sang de nos compatriotes. Marchons ! Soyons libres jusqu’au dernier soupir et que nos vœux soient constamment pour la félicité de la patrie et le bonheur de tout le genre humain. »

Dans une ode de Boileau (1656), on trouve deux vers intéressants : « Et leurs corps pourris dans nos plaines / N’ont fait qu’engraisser nos sillons. » Dans une chanson protestante sur la conjuration d’Amboise (1560), il est question d’« étrangers qui ravissent d’entre nos bras nos femmes et nos pauvres enfants ». Rappelons aussi et enfin que le bataillon de Rouget se nommait « Les Enfants de la Patrie »...

 

Aux armes et caetera

En attendant vos commentaires, voici un joli bonus qui ravira les amateurs du Grand Serge. Mais celui-ci, s’il avait pu lire ces lignes, ne signerait peut-être plus « Rouget de Lisle » au bas du parchemin… Mais Jean-Baptiste Lucien (Lulu !) Grisons, Serge Gainsbourg, etc. !

  

 

 

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P
Bonjour,<br /> Je vous informe que nous avons lancé une pétition réclamant la réécriture de la Marseillaise sur le site d'avaaz depuis le 28 janvier dernier.<br /> <br /> <br /> http://www.avaaz.org/fr/petition/Monsieur_le_President_de_la_Republique_Monsieur_Le_Premier_Ministre_La_reecriture_de_LA_MARSEILLAISE/?khCGWbb<br /> <br /> Nous serions très heureux que cette pétition soit relayée, et signée par le plus grand nombre..<br /> MERCI POUR VOTRE AIDE,<br /> PL
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C
<br /> Les auteurs d'hymnes nationaux semblent être portés au plagiat.<br /> Ecoutez un vieil air écossais : "Dark Loch Nagar"... il vous rappellera certainement quelque chose.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Que la Marseillaise reprenne pour partie une musique déjà existante à l'époque, et s'inspire pour les paroles d'un texte placardé à Strasbourg, voilà qui a sans doute dû intéresser - penser qu'ils<br /> ne sont déjà au courant serait leur faire injure - les auteurs de ce projet : http://jacques.bolognesi.free.fr/Monsiteweb/page37/page37.html<br /> Car si la Marseillaise est une sorte de plagiat, elle en a engendré à son tour une flopée.<br /> Jacques Bolognesi et Jean populus en ont recensé 150 versions historiques, liste non exhaustive, dont la fameuse Internationale, écrite sur le même air.<br /> Un CD de 7 titres est disponible à mi-parcours, l'objectif de départ étant l'enregistrement d'un 15 titres...<br /> <br /> <br />
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