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  • : SI ÇA VOUS CHANTE (le blog de Fred Hidalgo)
  • : Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…
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  • Fred Hidalgo
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.

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25 août 2010 3 25 /08 /août /2010 23:16

 Le colporteur de chansons



Il y a des dates impossibles à oublier : le 26 août 2003 est de celles-là qui marquait, avec la disparition de notre ami et collaborateur Marc Robine (à l’âge seulement de 52 ans), une perte irréparable pour la chanson française. Les médias n’en parleront pas davantage cette année que les précédentes, le « métier » restera fort discret à son sujet, mais les uns et les autres – du moins les vrais « pros » – savent combien la collectivité nationale est redevable à Marc Robine de son action sans pareille de préservation de notre patrimoine chansonnier.

  

C’est ainsi : il y a ceux qui occupent le devant de la scène et ceux qui sont cantonnés aux coulisses, malgré un rôle au moins aussi utile, si ce n’est davantage. Bref. J’aurais voulu ici tout rappeler, tout dire, tout expliquer en détail de ce qu’il nous a apportés (parler aussi de sa personnalité exceptionnelle : quel charisme il avait ! Avec lui, nos réunions de rédaction étaient un bonheur…), mais aujourd’hui encore je ne peux écrire sur Marc ni penser à lui sans une vive douleur. Néanmoins, pour ne pas participer au silence sinon à l’oubli généralisé, vous me permettrez de reprendre ici les textes que j’écrivis en ouverture et en conclusion du dossier spécial que nous lui consacrâmes dans le n° 46 de Chorus. S’il faut les lire en les remettant dans le contexte d’il y a (déjà) sept ans, pas un mot n’est à retrancher : le temps passé n’a rien fait à l’affaire, et le vide immense de son absence est toujours aussi présent. Il nous reste heureusement sa voix, comme un prolongement de son âme, dont la seule écoute nous écorche le cœur.

 

Marc Robine – Il pleure dans mon cœur
   

Homme à casquettes (ou plutôt à chapeaux !) d’une étonnante diversité, doué d’une exceptionnelle faculté de partage, d’une égale et rare compétence dans chacun de ses domaines d’activité, Marc Robine n’en redoutait pas moins la confusion des genres. Même si l’ensemble de ses occupations professionnelles convergeait toujours vers la chanson, il tenait à revendiquer d’abord sa vocation de chanteur. Quitte à parler de lui à la troisième personne : « Avant toute chose, avait-il écrit dans un texte autobiographique, dissipons un malentendu : malgré sa collaboration régulière à la revue Chorus et malgré les différents ouvrages qu’il a consacrés à l’histoire de la chanson, Marc Robine n’est pas un écrivain-journaliste qui se serait mis subitement à chanter ; mais un chanteur-musicien qui, après plus de dix ans de pratique professionnelle, s’est soudain découvert l’envie de parler de la chanson, afin de partager un peu ce trop-plein de passion qui l’animait. »  

 

Chapeau

  

En fait, ces deux statuts étaient pour lui absolument complémentaires, et Marc n’a jamais songé à négliger l’un au profit de l’autre. Ainsi fêterait-il aujourd’hui son dixième album, Poétique attitude (le premier remonte à 1976, cinq ans avant qu’il ne commence à collaborer à Paroles et Musique), et s’apprêterait-il à attaquer son septième livre, sans ralentir pour autant sa participation à Chorus... Formé à l’école du folk, au début des années 70, Marc Robine s’est rapidement orienté vers l’écriture de ses propres chansons, tout en ponctuant ses récitals de titres empruntés à des amis comme Michel Bühler, David McNeil, Etienne Roda-Gil, Luc Romann... Toujours par souci de partager cette passion qui faisait de ce nomade dans l’âme un véritable « colporteur de chansons », ainsi qu’il aimait à se définir lui-même.


Marc Robine – Le Temps des chevaux
   

Si chacun de ses spectacles était une invitation au voyage, ses chansons d’errance, d’amour et d’aventures étaient des jalons d’itinéraire griffonnés en hâte sur un coin de bar, une banquette d’aéroport ou le couvercle d’un étui de guitare, comme « des feuillets épars d’un carnet de route jamais tenu à jour, jamais daté, jamais classé, jamais relié ». Un fragment de mémoire, porté par le regard attentif et tranquille d’un spectateur de passage dont les mots aimaient à se frotter à toutes sortes de musiques, et dont la soif s’étanchait à toutes sortes de rencontres. Un spectateur en éternel transit, curieux de la marche du monde et de l’histoire quotidienne de ceux qu’il croisait en chemin – pour quelques heures ou des pans entiers de vie. 

CD Errance

Grand voyageur devant l’Éternel et aventurier textuel, mi-Corto Maltese mi-Hugo Pratt (qui lui dessinera d’ailleurs sa pochette de L’Errance…) ; héritier spirituel de Woody Guthrie et de Gaston Couté ; frère de cœur du Grand Jacques auquel il aura consacré ses plus belles pages ; Marc Robine, historien, collecteur et directeur artistique, nous lègue surtout une œuvre phonographique unique : son Anthologie de la chanson française, des trouvères à nos jours, véritable monument historique en quatre-vingt-dix albums ! Ni assez long ni jamais tranquille, le fleuve de sa vie a brusquement quitté son lit. Mais la source qui l’alimentait n’est pas près de se tarir et longtemps, longtemps, longtemps après que cet ami des chanteurs et des poètes aura disparu, sa chanson continuera de vivre en nous.

« J’aurais voulu lui dire je t’aime »  

Raconter l’histoire de Marc Robine à Paroles et Musique et à Chorus reviendrait à écrire l’histoire de ces deux journaux, et il y faudrait tout un livre... voire plusieurs tomes ! Alors, au moment de refermer ce dossier sur l’un des personnages objectivement les plus importants que la chanson francophone contemporaine ait connu – l’un des plus compétents, actifs et « partageux » qui soient, jamais amer, jamais cynique ni pessimiste (bien que d’une extrême lucidité), toujours positif et enthousiaste, sans cesse tendu vers des lendemains qui chantent (au sens propre) et de nouveaux projets à mener à bien, comme on réalise ses rêves d’enfance –, on se limitera ici à poser quelques bornes pour la mémoire.

 Marc Robine est venu au journalisme en autodidacte pour faire partager sa passion, dévorante mais non exclusive, pour la chanson (il avait bien d’autres centres d’intérêt, de Cendrars à Moitessier en passant notamment par le polar, la BD, la Formule 1 ou les Amérindiens... !). Pas d’études journalistiques spécifiques, mais une culture générale aussi vaste que sa mémoire était phénoménale, une connaissance approfondie des techniques et de l’histoire de la musique, et une force de conviction hors du commun : le tout mis au service de la chanson – qu’il connaissait comme sa poche et vulgarisait (surtout du temps des trouvères à l’avènement des grands ACI) comme personne –, c’était Marc Robine, auteur, biographe, conférencier, journaliste.

 

reunion 98

Très vite, j’ai compris son fonctionnement en la matière, qu’il s’agisse de presse ou d’édition : inutile de lui demander d’écrire sur des artistes qui le laissaient indifférent. Marc Robine était tout le contraire de ces mercenaires de la plume qui sévissent sans complexe et sans scrupules au service du plus offrant. Il ne travaillait que sur (ou avec) des artistes qu’il aimait vraiment, « têtes d’affiche » ou illustres inconnus – la notoriété n’entrait pas en ligne de compte dans ses choix –, ou appréciait pour leurs grandes qualités professionnelles (quand celles-ci étaient indéniables, sauf à être d’une parfaite mauvaise foi ou à refuser par commodité sectaire d’ouvrir les yeux – et les oreilles ! – sur la réalité, toutes choses parfaitement étrangères à Marc).

D’emblée, il me cita un mot d’Aragon qui définissait à la perfection sa conception du métier : « La critique doit être une pédagogie de l’enthousiasme. » Une assertion qui résumait aussi, grosso modo (car ce n’est pas toujours possible de l’appliquer à la lettre), notre ligne éditoriale...

Flagrant délit

Une fois prise la décision de créer Paroles et Musique (et le premier numéro de juin 1980 en route), entre autres journalistes pressentis par nous pour former l’équipe première du « mensuel de la chanson vivante » (comme Marc Legras), je sollicitai en particulier Jacques Vassal (alors chef, au « vrai » Rock & Folk, de la rubrique « Les Fous du Folk » et auteur notamment d’un ouvrage de référence sur la chanson française, Français, si vous chantiez). Prudent, il attendit de voir le n° 1 de P&M pour croire vraiment ce que je lui avais annoncé, mais dès le n° 2 il devint l’un de ses piliers essentiels et ce jusqu’à son ultime numéro d’avril 90 – le n° 100 (avec Renaud à la une, en vendeur de journaux à la criée, P&M en main et dans la sacoche) !

 

UneRobine

 

Un numéro dont Marc Robine réalisa le dossier spécial, « L’interview de la décennie » (à partir des propos recueillis tout au long des 99 numéros précédents), plaçant, en exergue, une citation de Woody Guthrie (tirée de Cette machine tue les fascistes, livre traduit par... Jacques Vassal). À relire aujourd’hui ce texte choisi de Woody, c’est Marc que j’entends : « Je hais une chanson qui vous dit que vous n’êtes bon à rien. Je hais une chanson qui vous fait penser que vous êtes né pour perdre. Bon pour personne. Bon pour rien. [...] Je suis là pour combattre ce genre de chansons jusqu’à mon ultime souffle d’air et ma dernière goutte de sang. Je suis là pour chanter des chansons qui vous prouveront que ce monde est à vous. [...] Je suis là pour chanter des chansons qui vous rendent fier de vous et de votre travail. Et les chansons que je chante sont faites, pour la plupart, par toutes sortes de gens à peu près comme vous. »

Des années plus tard, fidèle à ses idées comme à ses amis, Marc (dans la « Rencontre » que Chorus n° 22 lui consacrerait en qualité d’artiste – la seule en onze ans d’existence, car nous nous étions interdits, par souci déontologique, d’en faire trop sur l’un des membres de notre équipe) compléterait les propos du génial folk-singer américain. « La chanson n’appartient à personne, disait Marc à Serge Dillaz. Elle circule et si les gens la fredonnent, elle traverse les siècles. Quelqu’un comme Woody Guthrie ne mettait jamais de copyright sur ses chansons. Mais sur l’un de ses recueils, on trouve cette phrase fabuleuse, que je fais mienne : “Celui qui sera pris en flagrant délit de chanter l’une de ces chansons sans ma permission a toutes les chances de devenir l’un de mes bons copains”... »  

 

Marc Robine – Le Pieu
   
Woody Guthrie, Bob Dylan, Bruce Springsteen, Herman Van Veen, Atahualpa Yupanqui, Paco Ibañez, Lucio Dalla, Francis Bebey, Angélique Ionatos, Klaus Hoffmann, Lluís Llach (dont il adapta L’Estaca en français, devenue Le Pieu), etc., la liste est longue des chanteurs étrangers que Marc appréciait vivement ; car bien sûr (comme toute l’équipe de Chorus, malgré sa prédilection pour la francophonie), il aimait les chansons d’où qu’elles viennent, pourvu qu’elles soient authentiquement populaires, profondément sincères, qu’elles ne mentent pas... À la réflexion, c’est d’ailleurs cet état naturel de sincérité qui caractérisait Marc (parfois bien dissimulé sous des doses, à assommer un bœuf, d’une mauvaise foi provocatrice à but dialectique !) qui nous mettait, à son endroit, en état permanent de tendresse.

C’est donc Jacques Vassal qui nous présenta Marc, fin 1980 ou début 81, je ne sais plus exactement ; l’essentiel étant que nos routes respectives, professionnelles et affectives, seraient dès lors et jusqu’au bout étroitement mêlées. Sur les six livres que Marc a publiés, j’en ai fait quatre avec lui en tant qu’éditeur et/ou directeur d’ouvrage : Cabrel d’abord, Julien Clerc dans la foulée, Brassens ensuite, Brel enfin... Brel surtout dont le contrat d’édition initial fut signé entre lui et « Hidalgo Éditeur » dès 1988 ! Dix ans de travail acharné et sans concessions pour un livre reconnu aujourd’hui (y compris par les collaborateurs les plus proches de Brel : Corti, Jouannest et Rauber) comme la référence absolue. Que de peaux de banane, pourtant, glissées sous les pieds de l’auteur, que de menaces proférées contre l’éditeur par des malfaisants, envieux... et pas forcément désintéressés.

 

Corti

 

Pour la petite histoire, le premier article de Marc dans Paroles et Musique fut une rencontre avec Luc Romann (l’auteur du Temps des chevaux...) dans le n° 9 d’avril 81. Suivit une autre dans le n° 11 avec Henri Gougaud, et après deux pages consacrés par Jacques Vassal à Robine-le-chanteur dans le n° 20 de mai 82, Robine-le-journaliste fit son entrée en fanfare chez nous en coréalisant, avec Vassal, le dossier... Brel du n° 21 (été 82). La suite se confond intimement, je l’ai dit, avec l’histoire du mensuel puis avec celle de Chorus où Marc, à son tour, fit entrer d’emblée Michel Bridenne (qui lui avait dessiné plusieurs pochettes d’albums, dont Le Temps des cerises) et Jean Théfaine...

 

CD Cerises 

Rendez-vous dans dix ans

À la parution du Cabrel, à l’automne 87, Marc nous fit cette dédicace : « Notre premier livre ensemble. Vivement la suite... » Elle ne tarda guère puisque son Julien Clerc sortit début 88 : « Déjà dix ans de route ensemble. Quelle aventure ! Rendez-vous dans dix autres. » S’il anticipait quelque peu la durée de notre collaboration passée, en revanche le rendez-vous qu’il nous fixait allait être tenu, ô combien ! En septembre 98 paraissait son Grand Jacques (le roman de Jacques Brel), sitôt couronné du Grand Prix de Littérature de l’académie Charles-Cros ; et après des centaines voire des milliers de feuillets publiés dans cette revue qu’il aura voulue au moins autant que nous, et marquée à jamais de son empreinte*, en 2003 il trouvait encore le moyen – en l’espace de seulement six mois ! – d’écrire le dossier consacré à Jacques Bertin (n° 42), de cosigner celui sur Johnny, en effectuant un travail biographique et d’analyse incroyablement minutieux (n° 43), puis de raconter la vie et l’œuvre de Ferré (n° 44), Léo qu’il fut d’ailleurs le dernier à interviewer (lire son témoignage à ce sujet dans Chorus n° 40, p. 35)… pour la toute première « Rencontre » de la revue !

 

reunion 02

Tout cela – qui, une fois de plus, montre le formidable éclectisme du personnage – en poursuivant d’un numéro à l’autre son extraordinaire série sur l’histoire de la chanson française** (via les auteurs), puis en y mettant le point final – comme s’il avait voulu remplir tous ses engagements avant de plier bagage – pour le n° 45 de l’automne...

Entre autres projets d’écriture, il devait maintenant s’attaquer, sous la forme d’un tête-à-tête avec l’un des plus grands artistes actuels (de ses amis), à un nouveau livre, pour le « Département Chanson Fayard/Chorus »... Plein de dossiers aussi en vue pour Chorus... Mais aujourd’hui c’est lui, Marc Robine, que Chorus épingle à son tableau d’honneur ! Une « consécration » certes on ne peut plus méritée, mais qui constitue vraiment la dernière des choses à laquelle nous aurions voulu sacrifier. Si c’est là, vieux frère, le seul stratagème que tu as trouvé pour qu’on te dise enfin je t’aime***, le prix est cher à payer, mais c’est sûr... t’as gagné, mon salaud !

 

  

*Je n’ose penser dans quel état l’aurait laissé l’annonce, par un simple coup de fil et sans la moindre concertation préalable avec les membres de sa rédaction, de la cessation de parution immédiate de Chorus...

**J’y ajouterais finalement un avant-propos et une postface pour l’éditer en livre : Il était une fois la chanson française, 2004. Autre ouvrage posthume de Marc Robine paru en 2006 chez Fayard/Chorus : Charles Aznavour ou le destin apprivoisé, dont son collègue de Chorus, Daniel Pantchenko, accepta de reprendre le manuscrit (le premier tiers environ en était déjà écrit) pour le mener à son terme.

*** « J’aurais voulu lui dire je t’aime / Et c’est à vous que je le dis... » (Lucienne, album L’Errance, 1990), paroles et musique de Marc Robine.

______

NB. Le dossier spécial de Chorus dont sont extraits ces articles comportait trente pages : une longue bio-œuvre (signée Jacques Vassal), une présentation commentée de sa bibliographie (par Serge Dillaz), des témoignages de ses amis et proches (dont ceux de Francis Cabrel et Julien Clerc recueillis par Jean Théfaine), un autre écrit par Didier Daeninckx, un rappel de l’extraordinaire travail mené en commun chez EPM avec son complice François Dacla (par Daniel Pantchenko), un compte rendu de la soirée hommage qui eut lieu le 13 octobre 2003 à la Maroquinerie, la veille de ce qui aurait été son 53anniversaire, des repères biographiques, sa discographie (dix albums personnels, instrumentaux et de chanson, et de nombreuses participations à des disques collectifs)… enfin, une très émouvante « Lettre-océan » d’Hélène Triomphe-Robine, à qui ce sujet de Si ça vous chante est évidemment dédié.

 

Marc Robine – Je parle de la mer
   
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5 août 2010 4 05 /08 /août /2010 18:55

La voix royale 

 

Cher Claude,

Pourquoi cette lettre ?

Sûrement pas pour mettre un point final à notre histoire ! Pour mettre les points sur les i ? En partie sans doute. Un jour tu m’as dit que l’on s’était « reconnus » avant même de bien se connaître. Un peu d’Espagne en nous qui pointait sa corne à Toulouse, où en 1939, dix ans après ta naissance, mes futurs parents, républicains espagnols, vivaient une part de leur exil. Un peu d’Afrique aussi, ce continent mythique qu’enfant, dans ton quartier des Minimes, tu découvrais dans les illustrés et que tu imaginais à travers les musiques des grands musiciens noirs américains ; cette Afrique où je me retrouverais immergé, au seuil de ma vie d’adulte, alors que tu lui écrivais, avec L’Amour sorcier et Locomotive d’or, ton propre hymne à l’amour. Comme c’est mystérieux, tout ça : Piaf, si importante dans ta vie et ta carrière (Comme un Piaf au masculin…), c’est le soir où elle s’est effondrée sur scène, à bout de souffle, presque à bout d’existence, que mes parents avaient prévu de m’emmener, tout gamin, à mon premier spectacle, en guise de baptême de la chanson vivante !

Pourquoi cette lettre ? Pour l’amour de la chanson, bien sûr, pour la passion partagée de la parole, de la musique, du chant incarné. Peut-être bien aussi parce que tu as été le premier chanteur que j’aie jamais vu « dans la vie en vrai », comme dirait Anne Sylvestre, ailleurs que sur les planches. Rencontre fugace, certes, lors de l’inauguration du rayon disques d’un supermarché de province. J’avais déjà ton premier 45 tours « officiel » : Une petite fille, Les Don Juan, Le Jazz et la Java, Le Cinéma (réf. Philips Médium 432.809.B).

 

 

noug_disque.jpgCe « super » 45 tours, je me l’étais acheté moi-même, avec mon argent de poche, subjugué, captivé, bouleversé d’émotion sensuelle (ah ! Le Cinéma…), enthousiasmé par ces chansons-là, qui, sans rien renier de l’héritage textuel de la rive gauche, étaient à la fois, dans le rythme, en totale rupture avec celle-ci et à des lieux de la déferlante yéyé, pâle et conformiste copie conforme du modèle américain, qui envahissait déjà les ondes et trustait les ventes (« C’est une chanson qu’ont con- / Une chanson qu’ont con- / Sacrée / Toutes les ventes / Une chanson qu’on paie / Bref une chanson com- / Pétente »…). Mais ce jour de 1962 – j’avais treize ans et toi trente-trois – t’apercevant ainsi sans m’y attendre à portée de main et de voix, incrédule, émerveillé, je m’étais empressé de faire l’aller-retour entre le magasin et la maison pour casser ma tirelire et m’offrir mon tout premier 33 tours 25 cm, qui était aussi ton premier « véritable » album. Avec les quatre titres précités mais aussi… La Chanson [voir « Le Motsicien »]. Tout un programme pour qui lui vouerait l’essentiel de sa vie professionnelle.

  

 

Pourquoi cette lettre ? Étrangement, parce que j’ai été l’artisan indirect de ta rencontre à la Réunion, en 1984, avec la femme de ta vie. Ou plutôt, comme tu me l’as confié en tête à tête, au mitan d’une ensorcelante nuit africaine, la femme de ta mort... Tu as tenu parole, puisque vingt ans après, quasiment jour pour jour, Hélène était là, ta Kiné d’amour, toujours aussi aimante, tendre et attentionnée. « J’aime une kiné / Kiné kiné kiné / Plus en exercice / Ses mains et ses doigts / Je les garde pour moi / Les deux plus les dix / Car kiné kiné / Pas aux anges / Corps abandonné / Entre ses phalanges ? »

 

 

Cette tournée au sein du continent noir (et d’abord à Djibouti et dans l’océan Indien) – dont j’ai été sinon l’organisateur (tout le mérite en revient à mon vieil ami « africain » Bernard Baños-Robles, désireux de monter un réseau de diffusion chanson avec ses collègues des centres culturels français en Afrique), du moins celui qui a soufflé ton nom, et rien que le tien, pour ouvrir le bal –, j’ai eu le privilège d’en être l’unique témoin « objectif », avec mon alter ego d’amours et d’aventures. Une « campagne d’Afrique », comme tu l’avais nommée, fabuleuse à vivre et à suivre : à 57 ans, tu te mettais en règle – enfin ! – avec ton enfance, tout en confrontant l’Afrique de tes rêves, celle de ton répertoire, et la vraie, celle de toute éternité, berceau de l’humanité.  

Quel bonheur exceptionnel de voir le pygmée occitan renouer ainsi chaque jour à la ville et chaque soir à la scène, presque un mois durant, avec ses racines ancestrales… L’Amour sorcier, Prométhée, avec le masque africain sur le visage… Délire du public ! Quelle résonance aussi de t’entendre chanter Toulouse à Douala, Abidjan, Brazzaville, Kinshasa (où des Toulousains vinrent spécialement de Lumumbashi, distante de quelque deux mille kilomètres !)... Pour le coup, oui, qu’il était loin ton pays, qu’il était loin…

  

 

Pourquoi cette lettre ? Parce que, comme tu l’avais pressenti, nous nous étions humainement, fraternellement reconnus, toi né en 29, moi en 49. « Ami, quelles que soient nos vies / Dans les lignes de nos mains / Et l’étoile qui nous lie / À nos destins / Ami, je viens de la nuit / Tu arrives du matin / Et nous voici réunis / À mi-chemin… » Ce n’est pas pour rien qu’après de nombreux livres déjà, mon premier travail d’éditeur sous mon propre label, te serait consacré. À toi et à nul autre. C’était en janvier 1989, tu étais dans ta soixantième année, tu incarnais la voix royale de la chanson… Un collector, aujourd’hui.

  

noug_livre.jpgPourquoi cette lettre ? Pour te faire renaître une fois de plus, toi le Phénix des hôtes de la chanson française (au sein de laquelle tu t’offrais une superbe Récréation en 1974, une première à l’époque !), trop longtemps considéré en marge des Trenet, Brel, Brassens, Ferré, Barbara, Aznavour, Gainsbourg et autres Béart, Bécaud ou Ferrat, alors qu’à ta façon tu réunissais à toi seul l’ensemble de leurs immenses qualités. Parce qu’il t’aura fallu une patience infinie (et jamais la moindre amertume ouverte, à peine un regret évoqué entre amis), avant d’être vraiment adoubé par le métier. « Au baccara du tapis vert de la poésie / La poésie, qu’est-ce ? / C’est le tam-tam / La grosse caisse du verbe / Rythmée par le clown d’un Dieu / Qui rit avec ses larmes / Qui pleure avec ses dents… »

À 59 ans, enfin, tu étais doublement sacré aux Victoires de la Musique : meilleur artiste de l’année et meilleur album avec Nougayork, lequel n’aurait probablement jamais vu le jour sans cette « campagne d’Afrique » où tant de choses de ta vie future – personnelle et professionnelle – se sont décidées et mises en place. 

 

 

Pourquoi cette lettre, cher Claude ? Pour tourner la page après notre longue fréquentation, jalonnée de beaux repères, du premier dossier de Paroles et Musique conçu et mis en boîte chez toi, avenue Junot, le jour de tes 55 ans, au tout dernier, posthume, anticipant les 80 ans de ta naissance… dans l’ultime numéro de Chorus ? Non, bien sûr que non, car tu restes toujours aussi vivant dans mon cœur que dans la mémoire collective.

Alors, pourquoi ? Parce que la vie – quelle histoire, hein, qu’on l’écrive blanc sur noir ou bien noir sur blanc –, le hasard… Le destin ? Parce que « l’âme sœur, le corps frère »… Semblables. Comme l’étaient tous ces gens qui manifestaient bruyamment leur joie, dans la fournaise de cette salle de Brazza, lors de ce premier concert en terre d’Afrique où tu te démultipliais à l’infini, comme si tu voulais rattraper le retard accumulé avant cette seconde naissance. « Je ne suis pas noir / Je suis blanc de peau / Quand on veut chanter l’espoir / Quel manque de pot… »

   

 

C’était Nougaro-ci, Nougaro-là ! Jamais, jusque-là, je n’avais vu la chanson rassembler et toucher aussi profondément dans la différence. « Au-delà de nos oripeaux / Noir et Blanc / Sont ressemblants / Comme deux gouttes d’eau... » Tu étais, ô Nougaro, l’incarnation même de la notion de « chanson vivante » qui était alors l’emblème de notre mensuel Paroles et Musique – dont le dixième anniversaire, quatre ans après cette ballade africaine, nous vaudrait cette magnifique lettre :

  Noug_lettre.jpg 

Depuis ce soir-là, autour de minuit (et jusqu’à point d’heure, sous le ciel congolais, avec  des musiciens du cru), où j’ai tant vibré, nous n’avons cessé de partager nos rimes. « J’aime la vie quand elle rime à quelque chose / J’aime les épines quand elles riment avec la rose / Rimons rimons tous les deux / Rimons rimons si tu veux / Même si c’est pas des rimes riches / Arrimons-nous on s’en fiche ! » Toi et ton Hélène sur la page blanche et les planches du motsicien, nous deux (comme l’écrivit ton pote Caussimon pour Léo Ferré… qui vécut dans le village d’enfance de ma Chère et Tendre – eh oui, le monde est petit) sur les ponts, la soute ou les cales des navires bâtis tout exprès pour embarquer les amoureux du mot et de la note enlacés.

 

les Hidalgo Nougaro

 Ensemble, nous avons vogué longtemps, sous toutes les latitudes, par mer d’huile ou par gros grain, mais le plus souvent contre vents et marées. Avec cette devise en guise de figure de proue : « Il serait temps que l’homme s’aime / Depuis qu’il sème son malheur. » Aujourd’hui, c’en est assez : « De l’air, de l’air, vieille galère / L’équipage tourne la page / De l’air, de l’air, vieille galère / Va-t’en ailleurs faire naufrage / Y a les mousses qui veulent que ça mousse / Dans le lait de chaque vague / Grimper au mât dans l’cinéma / Sur la toile où l’on baise les étoiles. »

De la toile (du Net ?) aux voiles ! Oui, « tu nous les brises, galère ! On en a marre de plier / Tes avirons pervers / Dans un rêve de noyé / On veut hisser des voiles / Comme des lits d’amants / Boire des rasades / De soleils levants. » Rendez-vous droit devant, ami Claude, pour un prochain embarquement immédiat… et ensemble, si tu me permets cette nouvelle rime (plutôt téléphonée : n’est pas Nougaro qui veut, tout Hidalgo qu’on soit), mettons la barre sur le cap de l’Espérance en l’homme, et point barre.

 

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27 avril 2010 2 27 /04 /avril /2010 09:20

Le désir d’être et renaître…

 

N’attends donc pas d’être plus là
Pour me raconter tout cela
Depuis jamais qu’on se le dit
Les années passent sans merci
N’attends donc pas d’être plus ici
Pour me raconter tout ceci

(Christian Olivier, Non-dits, duo avec Olivia Ruiz, 2005)

Ce soir-là, en écoutant chanter Olivia Ruiz, quasiment à domicile, je pensais à ma première rencontre avec Anne Sylvestre, chez elle, trois décennies plus tôt presque jour pour jour, pour le n° 1 de Paroles et Musique. Et du haut de ces gradins où nous nous trouvions, ma Brune et moi, je me disais : cette fois, c’est fait, trente ans de chanson nous contemplent. Le fil d’une vie…

   

Je suis le funambule et j’aborde mon fil
Je le connais par cœur mais ce n’est pas facile
Je suis toujours fragile et puis la terre est basse
Je pense que mon fil se pourrait bien qu’il casse
[…] Mais je marche pourtant
Je marche lentement
Je ne veux pas penser
Qu’on me ferait tomber
Pour rien, pour voir, sans méchanceté
Ce n’est pas méchant de souffler
De s’amuser
à balancer
Le fil de ma vie, le fil de ma vie

(Anne Sylvestre, Sur un fil, 1981)

Le hasard fait bien les choses. En route pour l’Espagne (« le pays des ancêtres », me rappelle régulièrement Serge Llado), étape à Argelès-sur-Mer où Olivia Ruiz est annoncée en concert. Aujourd’hui jolie cité balnéaire, Argelès reste chargée du souvenir tragique des républicains espagnols qui, après avoir traversé à pied les Pyrénées enneigées, en février 1939, se virent entassés ici et dans d’autres villages de la côte, manu militari, sur des plages cernées de barbelés, surmontées de miradors, où l’on mourait de froid, de soif et de faim, enterré par ses camarades dans le sable. Camps de concentration de la honte... bel et bien français, ceux-là. Mais c’est une autre histoire, vieille histoire déjà… même si Olivia, justement, la connaît bien, avec des racines de part et d’autre de ces mêmes Pyrénées. Cali aussi, et pour cause, ses grands-parents paternels Giuseppe et Maria s’étant connus à Barcelone, pendant la guerre civile, avant d’« atterrir » sur les plages de Saint-Cyprien et d’Argelès-sur-Mer – « dans des camps de réfugiés où ils étaient accueillis comme des chiens. Ils n’avaient pas le droit de boire de l’eau, ils se faisaient tirer dessus s’ils essayaient de sortir pour en chercher… » (Cali à Jacques Vassal pour son dossier de Chorus n° 63) – puis de s’installer à deux pas de la frontière, sur les hauteurs de Vernet-les-Bains.

Ce soir-là, samedi 27 mars (Olivia a obtenu il y a peu la Victoire de la Musique de la meilleure chanteuse de l’année), il fait froid sur le littoral méditerranéen. La tramontane souffle avec violence, à moins que ce ne soient les « entrées maritimes » ? La foule s’agglutine néanmoins autour de cette espèce de palais omnisports dont l’acoustique va s’avérer incertaine. Qu’importe, pas question ici de manquer la venue de « la petite », auréolée d’une gloire qui rejaillit sur ces contrées où elle se frotta, jeunette, à toutes sortes de publics avec un répertoire puisé notamment dans le patrimoine de la chanson française. Cette « petite » à qui j’avais envoyé aussitôt, dès la fin de l’été 2003, un courriel personnel à l’écoute de son premier « pré-CD », J’aime pas l’amour, pour lui dire mon coup de cœur (je ne savais même pas, étant définitivement rétif à ce genre de piège à gogos, qu’elle était passée fugacement par une émission de téléréalité) et qu’elle pouvait compter sur Chorus pour la suivre fidèlement sur le chemin qu’elle s’était délibérément tracé, dans le sillage apparent d’une certaine Juliette.

Suivront un « Portrait » (avec photo pleine page d’ouverture de la rubrique « À suivre ») au printemps 2004 (n° 47), une place au « Top 15 » des principales révélations de notre spécial 15 ans (n° 60, été 2007), un Cœur Chorus pour son troisième album studio, Miss Météores (printemps 2009), puis, grillant l’étape traditionnelle de la « Rencontre » de cinq pages, un dossier qui lui vaut de s’afficher à la Une de la revue. Du n° 68 de la revue. Le tout dernier, l’ultime numéro des « Cahiers de la chanson ». Rien que pour cela, on aura toujours une pointe de tendresse particulière pour l’Olivia de la chanson française, Blanc par son père, Ruiz par la mère de celui-ci. Mais cela ne voudrait pas dire grand-chose sans le talent inné de la demoiselle, conforté par des années de travail, de cours de danse, de groupes de rock et autres… 

 

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Il faut dire que notre belle brune, née le tout premier jour du mois de janvier 1980 à Carcassonne, a de qui tenir avec un père musicien et chanteur. Les années 80 commençaient fort pour Didier Blanc… et Paroles et Musique à la fois, « le mensuel de la chanson vivante » (« C’était un magazine formidable, me dira-t-il après le spectacle d’Olivia pendant que celle-ci converse avec Mauricette, ma brune à moi ; j’y étais abonné, forcément ! »). Dès le milieu de la décennie suivante, celle de la « Génération Chorus », auront lieu les premiers balbutiements scéniques d’Olivia Blanc : Carcassonne, Narbonne, Montpellier… entre autres dans les concerts de Block H., groupe de rock tendance Thiéfaine.  

Retour d’ascenseur ce 27 mars : Block H., dont la destinée est restée régionale, est en première partie argelésienne d’Olivia ! Clin d’œil, émotion des intéressés, en particulier du chanteur Alain Milani (celui-là même qui a écrit La Fille du vent sur l’album La Femme chocolat). Pas la mémoire courte, la petite... Salle archicomble, évidemment. Une tribune latérale, côté gauche de la scène, et tout le monde debout, joyeux, dans la fosse. Sur le mur d’en face, un immense portrait dessiné de Cali, le véritable régional de l’étape. Car ici, on est sang pour sang catalan. À Carcassonne, on n’est plus qu’occitan... Il est vrai qu’entre-temps Olivia s’est rapprochée du Roussillon en rejoignant sa famille à Narbonne, patrie (catalane !) de Charles Trenet.  

Sa prestation actuelle est on ne peut plus maîtrisée, d’énergie, de charme et de tendresse mêlés, la voix souple et sûre, la présence affirmée dans sa jolie robe andalouse aux parements rouges dont elle joue élégamment. C’est que « la petite », mine de rien, compte déjà une quinzaine d’années de bouteille ! Mais son concert d’Argelès (qui lui donne « l’impression de chanter à la maison ») est plus que cela, c’est un cadeau offert aux siens, avec des « bonus » sinon inattendus en tout cas uniques. Par chance – car aucune médiatisation particulière n’est venue pointer cette soirée pas comme les autres – Si ça vous chante était là pour immortaliser l’événement auprès de tous les amateurs de chanson francophone.  

 

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(Ph. Francis Vernhet) 

 

Non, ce n’est pas un concert comme les autres, confirme rapidement Olivia au public ravi. « Je suis très émue. D’abord parce que mes grands-parents sont présents dans la salle (en fait, à côté de nous, installés sur les gradins), ensuite parce que sans le monsieur qui gère ma carrière depuis quelques années, et qui est originaire d’ici, car c’est un Catalan, je ne serais pas là où j’en suis aujourd’hui… » On pense évidemment aux récentes Victoires de la Musique, mais surtout aux salles partout pleines à craquer. « C’est grâce à monsieur Bruno Buzan, grâce à ce monsieur que vous voyez là… » Ce disant, un projecteur se braque sur une affiche de chanteur, à côté du poster de Cali : elle représente Bruno Buzan, l’homme de l’ombre ! Citoyen de Vernet-les-Bains, un peu plus haut sur la route d’Andorre, au pied du Canigou, et ami d’enfance d’un certain Cali dont il gère également la carrière – signe réciproque d’une confiance et d’une fidélité bien rares dans ce milieu. « Je ne m’attendais pas à ça, nous confiera-t-il, ému lui aussi, en fin de soirée, mais ils m’ont fait bien rire, Olivia et les autres, avec cette affiche de faux chanteur ! » 

Ses grands-parents, son manager catalan, le groupe régional… Il y aura d’autres clins d’œil sympathiques d’Olivia au milieu de chansons tour à tour tendres, lascives et survoltées, habillées de superbes couleurs instrumentales, du rock à la ballade, par des musiciens totalement impliqués dans l’histoire partagée sur scène (dont l’accordéoniste-choriste Cecile Marques, de retour elle aussi « à la maison ») et avec le public. Celui-ci est aux anges d’avoir son Olivia rien que pour lui. Elle parle de ses débuts dans la région, rappelle que Block H. l’accueillait jadis en première partie de ses concerts et dit sa joie d’avoir pu lui rendre la pareille ce soir.

Et puis, première surprise, elle appelle son père, venu de Narbonne en famille. Et comme Didier Blanc est un excellent chanteur, vraiment (on pourra d’ailleurs en juger très bientôt, puisqu’en mai, m’a-t-il annoncé, doit sortir son premier album !), c’est un bonheur que de les écouter reprendre en duo le Bidonville de Nougaro, « un très grand monsieur de la chanson », dans une belle orchestration. Il faut dire que l’an dernier, pour célébrer le chantre de Toulouse qui aurait eu 80 ans le 09/09/09, Didier et Olivia se sont investis dans une création spéciale, Planète Nougaro (voir Chorus n° 68, « L’Année Nougaro »), à l’initiative d’Hélène Nougaro. « J’ai adoré ça, me racontera-t-il après le spectacle. C’était génial, avec Zebda, Yvan Cujious… Une belle aventure. » Leurs voix, dont ils font ce qu’ils veulent, tout aussi « blindées » l’une que l’autre bien que de tonalités différentes (plutôt classique chez l’un, l’accent faubourien, à la Arletty, chez l’autre), s’épousent et se complètent à merveille. Tel père, telle fille, chacun avec sa personnalité.  

 

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Didier et Olivia (ph. DR) 

 

C’est reparti. La chanteuse virevolte avec grâce dans sa belle robe flamenca. La voix, le charisme, cette petite bonne femme est une grande de scène. Une chanson s’achève. Olivia interrompt à nouveau le cours normal de sa prestation. Nouvelle surprise : « Il y a là un ami, en coulisses, que vous connaissez bien aussi, qui voulait absolument être là ce soir… Surtout qu’il est ici chez lui ! » Pourquoi se priver quand on peut se donner de la joie, n’est-ce pas Charles ? Et voilà Cali, évidemment, qui déboule sur scène et invite Olivia, comme sur son album L’Espoir, à chanter avec lui Je ne te reconnais plus. Ces deux-là sont faits pour s’entendre, complices de longue date. Il ne manquait plus que Mathias Malzieu, si proche collaborateur d’Olivia (et leader de Dionysos), pour que la fête soit totale. On ne peut pas tout avoir. Mais on retrouvera Cali avec toute la « troupe », Didier Blanc et Block H. inclus, pour un beau final. 

Rare émotion au préalable avec le second duo père-fille (après que celle-ci eut superbement repris le fameux standard américain My Heart Belongs to Daddy – Mon cœur appartient à papa…) sur la chanson en espagnol consacrée à la grand-mère d’Olivia, mère de Didier, Quédate (Reste). En substance : « Reste avec moi, grand-mère / Nous avons besoin de ton sourire / Ne nous laisse pas seuls rien qu’avec le souvenir / Quel chemin suivre si le tient se meurt ? / Reste avec moi, grand-mère, ne laisse pas s’éteindre la lumière de notre histoire / Reste ! L’olivier est éternel… »). Émotion suscitée directement par la chanson, bien sûr, par sa force de persuasion, sa mélodie et son entrain orchestral ; mais décuplée ici par le fait que l’intéressée, Rita, était présente dans la salle…

Non, rien de rien, on ne regrettera rien de notre étape d’Argelès ! Ni l’avant ni l’après, ni le spectacle ni l’« after », comme on dit maintenant en français moderne dans les grands festivals francophones (un pot, quoi !), concocté pour les parents, amis et officiels dans un restaurant proche de la salle. Olivia arrive seule à pied, naturelle, simple, souriante… et disponible (il est plus de minuit) pour les photos et les autographes comme rarement je l’ai vu après un concert d’une telle intensité. « Quel dommage que Chorus ait disparu, et d’une façon aussi brutale ! déplore-t-elle spontanément auprès de Mauricette. C’était une revue fabuleuse pour la chanson. Elle nous manque énormément. Merci encore, en tout cas, pour le dossier que vous m’avez consacrée… »  

De mon côté, je rappelle à son père que si la ligne de vie chorusienne a été tranchée net entre deux saisons, au moins sa destinée aura pris fin avec une bien belle artiste de la relève en Une, parfaite représentante de la « Génération Chorus » ; qui plus est, trente ans exactement après les tout débuts de cette histoire avec Anne Sylvestre à la Une, elle, du n° 1 de Paroles et Musique. « Elle le sait, ça, Olivia ? me demande-t-il. Qu’elle a bouclé ce cycle de trente ans ?... Il faut lui dire que la page que vous aviez ouverte avec Anne Sylvestre, alors qu’elle venait tout juste de naître, s’est refermée avec elle ! » Une page en forme de jardin extraordinaire planté d’arbres à chansons de toute espèces, du pin Sylvestre à l’olivier Ruiz… 

Justement (prémonition ?), pour ce dossier du n° 68 de Chorus, Daniel Pantchenko, parlant à Olivia de son nouvel album, Miss Météores, et de sa première chanson, Elle panique, notait sa proximité d’esprit (« Elle panique à l’idée d’en faire trop / De vieillir prématurément / […] Fous-moi la paix, ma vieille caboche / Je suis rincée / Tu ne me fous pas la pétoche / Et je ne veux plus t’écouter… ») avec une chanson d’Anne Sylvestre, Carcasse (1981), où celle-ci apostrophe son corps (« Faut que tu marches ou que tu casses / Mais je te regarde en face / Il n’y a pas de quoi prendre peur / […] Et quand tu arriveras au bout / Pourvu que ça moi qui veille / On s’arrangera bien ma vieille / Pour résister encore un coup »). Et Olivia d’acquiescer : « Que ce soit le corps ou la tête, je crois que le combat contre ses démons et ses angoisses est un thème universel qu’on aborde tous… »

   

Oui, ce soir-là, trente ans de chanson nous contemplaient. Un demi-siècle même, puisqu’à la parution du n° 1 de Paroles et Musique, au printemps 1980 (cela fait tout drôle aujourd’hui de penser que dans le même temps venait au monde une petite Olivia appelée à tourner la dernière page de cette histoire…), Anne Sylvestre comptait déjà vingt-deux ans « et quelques poussières » de carrière… et c’était néanmoins, la chanteuse le rappelait elle-même, sa toute première couverture de magazine !

  

PM1

   

Une fois prise notre décision de rentrer d’Afrique (voir dans ce blog « En guise de prologue » et « Ballade en mer Rouge ») pour créer le journal qui manquait alors de toute évidence à la chanson française, s’était posée la question de l’artiste à mettre en Une (et en « dossier ») du premier numéro. Finalement, nous avions choisi d’inscrire cette aventure (le terme est juste, car nous n’avions que notre détermination, notre envie de partage… et nos petites économies pour espérer pouvoir « tenir » environ un an) sous le signe du féminisme (et donc de l’humanisme), à travers l’œuvre exceptionnelle d’Anne Sylvestre, dont le contenu résonnait très fort en nous.  

En ce temps-là, nous participions à la naissance d’une nation, la République de Djibouti, et de sa presse en particulier où, très vite, j’ai fait fi d’un tabou séculaire en lançant un débat public national – prolongé jusqu’à l’Assemblée – sur les tragiques mutilations sexuelles dont étaient systématiquement victimes les petites filles. Je ne parle pas de l’excision, mais bien de l’impensable, de l’inimaginable, de la si cruelle infibulation, pratiquée (à tort) au nom de l’islam dans toute la Corne de l’Afrique, avec, à vie pour les malheureuses, des conséquences dramatiques ; sans parler de l’immédiate mortalité infantile.   

Bref. Ce n’est pas le lieu ici de parler du combat des femmes de cette région du monde pour le respect de leur intégrité physique : comme celle des antifranquistes parqués dans les camps infâmants de l’exil en « pays libre », c’est encore une autre histoire. Sauf que cette action menée sur le terrain, cette vive sensibilisation de notre part aux droits fondamentaux de la femme, expliquent en partie notre choix d’Anne Sylvestre pour incarner d’emblée la « philosophie » de Paroles et Musique. D’autant que Benoîte Groult, venue se rendre compte sur place de la situation et nous rencontrer (elle venait de créer F Magazine, trois ans après le succès de son livre Ainsi soit-elle), était aussi une admiratrice de ladite Anne. Pour l’anecdote (et le plaisir de boucler une autre boucle), je demanderai ensuite à Benoîte, en 1985, de bien vouloir nous faire l’honneur d’écrire, pour le n° 51 de Paroles et Musique, le compte rendu de la rentrée parisienne d’Anne Sylvestre à l’Eldorado-Bobino – beau souvenir (nous étions allés ensemble au spectacle) et superbe article !  

Le dernier album d’Anne sorti avant la création du « mensuel de la chanson vivante », en 1978, était absolument somptueux : J’ai de bonnes nouvelles, Frangines, Mon mystère, Un bateau mais demain, Douce maison, La Faute à Ève« Un sommet… pour le moment », noterais-je en chapeau du long entretien qui eut lieu chez elle au printemps 80. Douce maison – sur le viol ? « Cela faisait des années que je cherchais à l’écrire, m’expliqua-t-elle. J’ai mis trente-quatre ans à trouver le meilleur biais pour aborder le sujet du viol. Je ne l’aurais pas chantée si je ne l’avais pas estimée réussie. » Et La Faute à Ève, chanson tordante dans la forme et l’interprétation et si pertinente dans le fond, qui marquait alors la conclusion définitive de son tour de chant ? « Oui, je pars là-dessus et je n’en remets jamais d’autres parce que ce n’est pas possible. Après le cri qui termine cette chanson, qu’est-ce que je pourrais dire d’autre ? »  

Pendant qu’à Carcassonne le bébé de la famille Blanc babillait à peine, à Paris la grande dame de la chanson française retraçait sans la moindre impatience, pour nous et les hypothétiques lecteurs d’un journal encore à naître, le fil de sa carrière. Depuis l’origine : « C’était en novembre 1957 à la Colombe… » Après un premier album où se distinguèrent un peu Maryvonne, Porteuse d’eau, Les Cathédrales et Mon mari est parti, il fallut attendre 1964 pour qu’un premier titre marque vraiment le public : T’en souviens-tu la Seine… à découvrir ou à réécouter – mais sûrement à voir pour la toute première fois – dans ce véritable document vidéo.

On passa rapidement en revue les grandes chansons qui suivirent, pour prendre le temps de parler surtout des incontournables (même si je n’eus pas la place de tout conserver de cette interview). Non tu n’as pas de nom (1974) : LA chanson sur l’avortement, Une sorcière comme les autres (1975) : un manifeste à elle seule, Les gens qui doutent (1977) : MA chanson préférée depuis lors… et puis, la même année, Clémence en vacances, dont j’ose croire que l’humour viendrait à bout du plus borné des machos : « L’humour, soulignait-elle, c’est une façon de faire passer bien des choses qui ne passeraient pas si on les disait autrement. Et puis c’est nécessaire, j’exprime ce que je ressens avec ma sensibilité. J’aime bien rire, je ris beaucoup, et j’estime qu’il doit y avoir des moments de détente dans un tour de chant… »  

Son tour de chant justement. Comment arriver à le composer avec un tel répertoire ? « Je mets toujours les chansons les plus récentes, celles qui sont indispensables comme Clémence, Une sorcière comme les autres, Non tu n’as pas de nom, et je m’efforce aussi d’en chanter trois ou quatre anciennes. Mais le tri est douloureux, et ça devient naturellement de plus en plus difficile. »  

Puis on évoqua l’album suivant, qui constituerait un an plus tard un autre sommet de son œuvre, avec Carcasse, déjà cité, Sur le fil, Dans la vie en vraiRose, Lâchez-moi... Sans oublier cette manière de profession de foi, Si je ne parle pas (« cependant que je chante / Si je n’explique pas le sens de mes chansons / Si je ne cite pas d’aventures touchantes / Et si je me présente sans trop de façons / Ce n’est pas voyez-vous que j’aie de l’arrogance / Mais j’en dis bien assez dans mes chansons je pense / […] Je sais qu’il y en a et ça me désespère / Qui se plaindront encore que je ne parle pas… »). Ce jour-là, pour parler, on parla ! On dialogua beaucoup, longtemps… alors que nous étions totalement inconnus des gens du « métier » et que, comme le funambule de Sur un fil, nous travaillions à ce premier numéro sans filet : imaginez que, fâchée par une de mes questions, l’artiste se soit brusquement mise en vacances de cet intrus (qui plus est fraîchement débarqué « des colonies », comme disaient encore certains nostalgiques réacs), à l’instar de la « Clémence » de la chanson… 

Pourquoi le cacher ? Au moment de lancer l’entretien, j’étais dans mes petits souliers, surtout après qu’Anne eut répliqué formellement de façon cinglante à ma première question (« On a beaucoup utilisé le terme “Brassens en jupons” pour vous qualifier… »« Je trouve aberrant qu’après vingt-deux ans ce qualificatif demeure encore ! C’est irritant et profondément injuste. La femme est considérée comme un genre mineur par rapport à l’homme… On n’a jamais eu l’idée de dire d’un jeune chanteur qu’il était “un Sylvestre en caleçons” ! C’est pourtant la juste traduction d’“un Brassens en jupons”… »). Mais elle se montra disponible tout le temps qu’il fallut, blagueuse, charmante et professionnelle jusqu’au bout des ongles. À la fin, je n’y tenais plus de ne pas comprendre pourquoi la plus grande ACI de la chanson française contemporaine, avec Barbara, était aussi « tricarde » dans les grands médias : 

« Depuis le début de cet entretien, je m’interroge sur cette réputation d’agressivité qu’on vous a faite…

– Ah ! oui, l’agressivité… Si j’avais été un homme, j’aurais eu du caractère. Mais une femme n’a que mauvais caractère. On n’a pas le droit d’être agressive. Or, si je ne l’avais pas été, agressive – entre guillemets – je serais morte ! L’« agressivité », la volonté en réalité, c’est une qualité de survie. »  

Voilà. La suite demanderait… une vie de trente ans, avec des centaines d’autres rencontres jusqu’à celle d’Olivia Ruiz. Mais pas plus qu’on ne refait l’histoire, on ne la revit. On peut tout juste tenter de la raconter. C’est à la fête champêtre de Lutte Ouvrière où Anne était programmée quelques jours après notre entretien que je prendrai la photo qui fera la Une du n° 1 de Paroles et Musique. Quel souvenir ! Des centaines de spectateurs enthousiastes mais une toute petite scène pour l’accueillir et une guitare sèche, une contrebasse et une sono riquiqui pour tout bagage. Dans ces conditions (du plein air, en plus), le talent est obligatoire (et l’absence de talent rédhibitoire) !

   

Chez Leprest

Printemps 1980… Printemps 2010 : dans un monde dominé chaque jour davantage par le narcissisme et l’égocentrisme (sans parler du financier), et ce dans tous les domaines, des politiques censés s’occuper des intérêts collectifs jusqu’au quidam de base (avec ces réseaux prétendument sociaux qui, trop souvent, ne font que refléter l’individualisme, le repli sur soi), dire qu’on a vécu trente ans en pratiquant l’altruisme (parce que cela nous faisait plaisir de partager nos petits bonheurs), c’est presque incongru. En tout cas bien étrange… et définitivement incompréhensible pour les ennemis d’un monde où les hommes (et les femmes) vivraient sinon d’amour du moins sans chercher à duper (ou à écraser) systématiquement leurs semblables. C’est pourtant la réalité que nous aurons vécue ensemble… et que nous continuons de vivre à travers ce blog. Et ÇA – quelque stratégie machiavélique et préméditée qu’on cherche une nouvelle fois à exercer à notre encontre –, personne ne pourra jamais nous l’enlever.  

Dernière précision : s’il fallait un autre lien pour unir Anne Sylvestre et Olivia Ruiz (photographiée dans notre dernier numéro par Francis Vernhet), celui-là se nommerait… Allain Leprest. Les deux sont chez Leprest comme elles étaient chez nous. Ou comme elles sont chez elles, comme à la maison. Dans le volume II de Chez Leprest (voir la « Chanson d’automne » de Si ça vous chante), elles interprétaient l’une, Sarment, et l’autre (qui avait déjà enregistré Tout c’qu’est dégueulasse porte un joli nom dans le volume I), La Dame du dixième. L’occasion, enfin, de rappeler que la première grande fête de Paroles et Musique en juin 1985, entre plusieurs dizaines d’artistes et de professionnels de terrain, avait réuni – chez nous – une certaine Anne Sylvestre, of course, et un jeune talent prometteur (c’était leur première rencontre), un certain Allain Leprest qui, dès 1983 (son premier album ne sortirait qu’en 1986), défrayait déjà la chronique (avec un premier article national) dans notre mensuel. Quant à Olivia, elle prenait alors, à cinq ans, ses premiers cours de danse… Vous dansiez, j’en suis fort aise, eh bien chantez maintenant ! Oui, continuez à chanter, tous et toutes, le chant du monde. Et tant qu’il y aura des hommes, si ce n’est pas ou plus « Mauricette et Fredo », il y aura toujours quelqu’un, quelqu’une pour faire chorus au bout de la ligne.  

 

Olivia Ruiz – Eight o’clock – Six mètres

 

Il suffit de s’y mettre. De Six mètres, dirait Allain Leprest qui écrivit spécialement ce texte magnifique (attention, chef-d’œuvre !) pour Olivia. Soyez patient(e)s, il intervient ici en morceau caché après une très brève chanson en anglais, Eight o’clock (de et interprétée avec le groupe Coming Soon). Six mètres, enregistré en duo avec Christian Olivier des Têtes Raides. Cette fois la (grande) boucle est vraiment bouclée : « Six mètres, plus que six mètres pour couper la ligne d’arrivée… / Et soudain l’envie de plus rien / Ou juste de bloquer les freins / L’envie de faire sauter la chaîne… / Déserter à vingt centimètres / À vingt centimètres du fil… / Et puis s’y mettre / Mais s’y mettre tous / Ni Dieu devant ni chien aux trousses / S’y mettre, s’y mettre tous / Et plus de maître / Que le désir d’être et renaître / Se redresser, lever la jambe, être ensemble / Vainqueurs… tous ensemble. »  

(Cet article – le 31e de Si ça vous chante, comme pour célébrer symboliquement notre entrée dans une 31e année en chanson – est dédié à « Bubu », qui sait pourquoi, avec tendresse et affection ; et bien sûr aux membres de notre ex-Dream Team, dont certains, amis à la vie, à l’amour et à la mort, nous ont accompagnés fidèlement durant ces trois décennies.)

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