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  • : SI ÇA VOUS CHANTE (le blog de Fred Hidalgo)
  • : Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…
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  • Fred Hidalgo
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.

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18 août 2014 1 18 /08 /août /2014 19:32

Dans sa maison d’amour… et d’amitié

 
1965, premier album de Pierre Vassiliu : La Femme du sergent, Armand, Charlotte, Twist anti-yéyé… Un ovni apparaît dans la chanson française. Une sorte de rigolo anticonformiste voire iconoclaste. 1969, deuxième album : avec Amour amitié, chef-d’œuvre de tendresse, l’artiste surprend tout son monde et surtout les amateurs d’étiquettes. Bientôt les médias se jettent sur l’amusant Qui c’est celui-là ?... et négligent, dans l’album qui le reprend en 1974, la merveilleuse Dans ma maison d’amour. Jamais plus l’image publique de l’interprète, réduite à ce tube, ne sera en phase avec le répertoire formidablement diversifié de l’auteur-compositeur. On vient encore de le voir (et de l’entendre), quarante ans après, à l’annonce de son décès, ce 17 août 2014.
  

 Portrait-1.jpg

 
C’est en clin d’œil amical à Pierre Vassiliu, et en souvenir de notre première rencontre, au tout début des années 70 en Afrique (où il irait lui-même vivre par la suite), qu’en créant ce blog – comme le savent tous ceux qui sont inscrits à sa
newsletter – je l’avais sous-titré « Dans ma maison d’amour ». C’était en novembre 2009, après quelques mois d’une « petite mort » due à la disparition brutale de nos « Cahiers de la chanson » qui, si regrettés aujourd’hui, n’ont jamais manqué de faire chorus en temps voulu avec l’artiste.

 

 

Pour mémoire, voici juste quelques repères de ces décennies 1990 et 2000.
Automne 1994 : ouvert sur un hommage à Mouloudji, disparu le 14 juin précédent, Chorus n° 9 propose une « Rencontre » avec Pierre Vassiliu. Son actualité ? Un nouveau spectacle, grande réussite par son mélange d’humour, d’émotion, de musique et de professionnalisme :cd-LaVie « Je l’ai beaucoup travaillé, nous confiait-il, car pour une fois j’ai eu les moyens de répéter, dix jours dans un théâtre à Ivry. J’ai essayé de faire un peu la synthèse de mes voyages, de quelques années… » Et un nouvel album, La vie, ça va, après six ans d’attente (L’amour qui passe datait de 1987), du fait de la « sourde oreille » des maisons de disques.

« Un album charnu et épicé, soulignait le signataire de l’article, notre collaborateur Daniel Pantchenko, largement influencé par la période africaine de l’artiste et dont la chanson-titre (samba-reggae d’origine brésilienne) commence à se faire entendre sur les médias. »

Depuis que je traîne sur la terre
On n’me dit toujours pas ce que je fais là
Eh bien j’ai percé le mystère…

 

 

Et de préciser encore : « Ce sera sans doute beaucoup plus long pour Dangereux, un “bon gros reggae” où nos princes de tous poils en prennent pour leur gouverne. » « Y en a marre, confirmait l’auteur-compositeur. Les gens sont tristes, solitaires, y a plus de solidarité. Tout ça, c’est la faute aux politiques. Faut qu’on arrête de se plaindre et qu’on bouge ! » Le délai pour que cette chanson soit enfin diffusée s’avéra bien plus que « beaucoup plus long » : pire, pas une fois à ma connaissance on ne l’entendit sur les ondes nationales ! Difficile, il est vrai et bien dérangeant (surtout pour un chanteur catalogué rigolo), de faire plus radical comme révolte…

 

 
Automne 2003, rubrique Disques de Chorus n° 45. Au sommaire les Têtes Raides avec Qu’est-ce qu’on s’fait chier !, Louis Chedid avec Botanique et Vieilles Charrues, Anne Sylvestre avec Les Chemins du vent, Jean-Louis Murat avec Lilith, François Béranger avec 18 chansons de Félix, Cali avec L’Amour parfait, Paule-Andrée Cassidy avec Lever du jour, Claude Semal avec Les Chaussettes célibatairesCD-Pierres-precieuses.jpget puis une cinquantaine d’autres critiques (du jeune public à une sélection d’albums du monde), dont celle du double CD de Pierre Vassiliu, le bien-nommé Pierres précieuses.

« Acte (ou CD) 1, annonce notre collaboratrice Valérie Lehoux : les nouvelles chansons. Car si les télés et radios le boudent, Vassiliu continue d’écrire, sans jamais se renier. Outre quelques reprises aussi inattendues que réussies (Mon pote le Gitan, L’Étrangère), on le retrouve ici en terrain connu : son disque exhale ce parfum d’Afrique qui lui est devenu si cher. Hymne d’amour aux charmes du Sénégal, titres signés avec le Casamançais Youssou Mané, chansons sensuelles, histoires de pirogues… Vassiliu conserve l’âme généreuse et le cœur nomade. »

Le second CD était un autre bijou, composé d’extraits de concerts pris sur le vif, à Marseille et à Pézenas (la ville dont était natif son copain Boby…). Dont Amour amitié, bien sûr. Et Valérie de conclure : « Ces chansons, des années soixante à aujourd’hui, brossent le portrait d’un homme ironique certes, mais inquiet aussi, tendre et concerné. À l’inverse d’une étiquette qu’il est temps de déchirer pour voir celui qui se planque derrière. Un artiste. » Ce sera hélas le dernier album original dudit artiste...

 

 

Hiver 2005-2006, rubrique Livres de Chorus n° 54 : où il est question de Francis Cabrel, Joe Dassin, Nino Ferrer, Juliette, Georges Moustaki, Étienne Roda-Gil, Alain Souchon et Laurent Voulzy, Zazie… et puis aussi de Pierre Vassiliu, avec son autobiographie intitulée Qui c’est celui-là ? Un titre qui s’imposait, note Serge Dillaz, « car la question n’a jamais eu de réponse. Que savait-on au juste de M. Vassiliu ? Un rigolo aux élans de tendresse inattendus, baba-cool toujours par monts et par vaux, artiste atypique pour qui la carrière compte moins qu’un gueuleton copieusement arrosé ?… “C’mec-là”, finalement, a décidé de mettre de l’ordre dans ce fatras de clichés avec une vraie autobiographie.
  

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» Vassiliu joue franc-jeu », constate Dillaz. « L’enfance avec une mère sensible aux charmes du piano et un père toubib, violoniste à ses heures, les boîtes à bachot, l’amour des canassons (il fut apprenti jockey), la rébellion, le rejet de la famille : tout y passe dans ce qui constitue les préludes d’une vocation.cd-AmourAmitie.jpg La guerre d’Algérie, aussi, qui eut un rôle non négligeable dans cette découverte chansonnière. La Femme du sergent fut en effet écrite à cette époque. Immédiatement testée sur les populations autochtones, elle confirma notre homme dans sa conviction : la chanson pouvait faire office de gagne-pain !

» De retour au foyer (une péniche au bord de la Marne), l’ex-bidasse s’empresse de fréquenter Le Petit Conservatoire de Mireille ; tout en officiant dans un club de jazz et en chantant dans les cabarets. cd-Toucouleur.jpgÀ travers mille anecdotes, Vassiliu fait revivre ces jours (et nuits) de rencontres, de rires et de bitures. Les amitiés qui résisteront au temps, comme celles qui ne durent que quelques heures. Les tournées avec les yéyés. Les premières parties à l’Olympia ou ailleurs. Les joies, les déceptions.

» Grand sentimental, Pierre Vassiliu n’oublie pas d’évoquer ses enfants, ses amours, ses voyages. Les séjours prolongés en Afrique tiennent la piste un bon moment. À la réflexion, on se demande d’ailleurs comment ce paresseux invétéré a eu le loisir de mettre en boîte dix-sept albums… sans compter ses musiques de films. Tant pis pour lui. On a envie de dire : une autre ! Encore une histoire, encore une chanson… »
  

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Une autre, oui, encore une autre ! Il nous en a tellement offertes, de belles et de splendides. Et pourtant, il ne reste de lui, pour l’audiovisuel grand public, qu’un seul et unique titre. Je ne sais pas pourquoi, mais en écrivant ces derniers mots, j’ai envie de me repasser le « Coup de gueule » d’Hervé Cristiani (évidemment ignoré des diffuseurs). Lui aussi, tout récemment disparu, nous a offert de formidables albums, d’inoubliables chansons comme celles de son dernier opus, Paix à nos os. Mais toute sa carrière, pour les « grands » médias, s’est inexorablement réduite à son seul Il est libre Max...

V’là ce qu’elle donne, la vie d’artiste
Depuis que l’tiroir-caisse a pris le pouvoir
Sainte Madonne, comme c’est devenu triste
Y a plus d’place pour mes belles histoires
Ah ! que ça m’fait de la peine
Misère humaine tu m’assassines
Moi qui rêvais d’être sur scène
Je meurs oublié dans la cuisine… 

 

 

Aujourd’hui, c’est sûr qu’au paradis des musiciens, ils sont tout à fait libres, Hervé et Pierre. Mais à nous, qui les aimions de leur vivant, ça nous fait une p… de sacrée consolation ! Comme l’écrivait Paul Fort cité par Brassens (l’idole absolue de Vassiliu, jusqu’à s’installer à Sète ces dernières années) : « Ne crois pas au cimetière / Il faut nous aimer avant / Ma poussière et ta poussière / Deviendront le jouet du vent / Il faut nous aimer sur terre / Il faut nous aimer vivants. » Ce que Jean-Roger Caussimon traduisait ainsi : « Il faut aimer de tout son cœur / Et, sans attendre, / Dire “Je t’aime” à ceux qu’on aime / Avant qu’ils ne soient loin de nous… »
 

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Dans une chanson plus méconnue, Barbara, elle, enfonçait le clou, douloureusement :

C’est trop tard pour verser des larmes
Maintenant qu’ils ne sont plus là
Trop tard, retenez vos larmes
Trop tard, ils ne les verront pas
Car c'est du temps de leur vivant
Qu’il faut aimer ceux que l’on aime
Car c’est du temps de leur vivant
Qu’il faut donner à ceux qu’on aime.

Que feront-ils de tant de fleurs
Maintenant qu’ils ne sont plus là ?
Que feront-ils de tant de fleurs
De tant de fleurs à la fois ?
Alliez-vous leur porter des roses
Du temps qu’ils étaient encore là ?
Alliez-vous leur porter des roses ?

Ils auraient préféré, je crois,
Que vous sachiez dire je t’aime
Que vous leur disiez plus souvent
Ils auraient voulu qu’on les aime
Du temps, du temps de leur vivant.

 

 

C’est la morale (toujours recommencée) de cette triste histoire. Il faut faire chorus quand il est temps. Plus tard, c’est souvent trop tard. Une fois qu’on vous a tout pris, la vie, l’amour, l’amitié, et même vos yeux pour pleurer, il ne vous reste plus qu’à parler aux anges. S’agissant de Pierre, cependant, je veux croire que dans sa maison d’amour, guitare en mains, les anges, il s’en arrange…  

 

 

 

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commentaires

M
Jeudi 14 août 2014. Gare de Lyon Part-Dieu. Nous revenions de Guyane, la tête pleine de liberté et de couleur verte et puis j'ai voulu aller aux toilettes. Elles sont payantes les toilettes alors<br /> j'ai pris ma plus jolie voix et j'ai dit: "S'ils croient que je vais leur donner dix centimes pour aller pisser, c'est raté..."<br /> Il vivra toujours Pierre Vassiliu.
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V
Si je me souviens de cette chanson en ouverture du groupe ? Mais oui ! Et depuis la création de Si ça vous chante, elle a toujours été présente, fidèle que vous êtes à sa tendresse et à ses "coups<br /> de pied au cœur" ...
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B
merci pour cet hommage mérité cher Fred....la morale de ces histoires tristes de disparition d'artistes ...les hommages doivent se rendre de leur vivant.<br /> Toi mon ami Fred tu y as ...et tu continues à y contribuer avec efficacité et fidélité...<br /> Bien cordialement à toi
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F
<br /> <br /> ...Et quand il n'y a plus que ça à faire, cher Yves, c'est aussi du devoir des vivants d'honorer la mémoire de ceux et celles qui nous ont quittés... et qui méritent<br /> bien qu'on ne les oublie pas, surtout quand ils étaient mal connus, ou pire encore, de leur vivant (souvenons-nous des Van Gogh, Gauguin, Mozart, etc., jusqu'aux chanteurs contemporains qui n'ont<br /> été reconnus qu'à titre posthume, quelle injustice !).  <br /> Je fais chorus avec toi, sur la fidélité et l'amitié. <br /> <br /> <br /> <br />
D
Eh oui, dommage que peu aient été derrière la question : " Qui c'est celui là ?" Ils auraient découvert un talentueux chanteur et un bel humain . Salut l'artiste !
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B
ENCORE une fois, MERCI FRED pour ce bel article "non funèbre" ni "funeste" qui retrace par le bon coté des choses de cet Artiste peu connu du Public en dehors de "Qui c'est celui-là". MERCI d'avoir<br /> mis en valeur certaines de ses chansons dont ce petit bijou de reggae. MERCI d'avoir écrit un article humaniste et non, comme certains pourront le faire (ou l'ont déjà fait), orienté sur ses<br /> dernières années. Monsieur VASSILU bienvenue dans Votre Maison d'Amour.
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