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  • : SI ÇA VOUS CHANTE (le blog de Fred Hidalgo)
  • : Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…
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  • Fred Hidalgo
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.

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29 mai 2021 6 29 /05 /mai /2021 14:07

Le nec plus ultra des vieilles chansons de France…

Pour la génération des années 60, Guy Béart fut l’instrument de la découverte ou de la redécouverte populaire d’un florilège des Très vieilles chansons de France* ; pour les générations suivantes, Marc Robine restera « l’anonyme du XXe siècle » (comme l’auteur de L’Eau vive se définissait lui-même) grâce auquel la chanson traditionnelle a été sauvegardée de l’oubli. Son Anthologie de la chanson française traditionnelle, parue initialement en 1995, vient d’être rééditée chez EPM et c’est un événement en ces temps où le peuple déchante... parce qu'il ne chante plus.

Guy Béart-Marc Robine : deux puits de science chansonnière avec lesquels c’était un régal de partager en tête à tête les fruits de notre passion commune. Le rapprochement n’est pas gratuit. Un jour, je les fis se rencontrer (photo ci-dessus).  De quoi croyez-vous qu’ils parlèrent, au-delà des motifs qui avaient poussé Guy à ressusciter en 1966 et 1968 de belles chansons du temps jadis, en mêlant aux plus célèbres (Vive la rose, Aux marches du palais, Le roi a fait battre tambour, Vl’là l’joli vent, À la claire fontaine…) de véritables perles méconnues (Quand au temple, L’Amour de moy, Les Tristes Noces, Fleur d’épine, La Belle au jardin…) ?
*Après Jacques Douai dans les années 50 avec son répertoire de « chansons poétiques anciennes »…

Ce jour-là, j’eus droit à une joute éblouissante et jubilatoire entre deux des plus grands amoureux et connaisseurs, s’il en fut, de l’histoire de la chanson française… On évoqua Brassens, forcément, qui n’avait rien à envier en la matière, et chantait volontiers pour ses amis des chansons du répertoire. Hors œuvre officielle, l’auteur du Temps passé et du Moyenâgeux nous légua d’ailleurs des enregistrements de chansons de Bruant et même de poèmes de Musset et de Nadaud (comme Le Roi boiteux) qu’il s’était plu à mettre lui-même en musique.

La chanson est une chaîne sans fin : une dizaine d’années plus tard, Marc Robine compléta – et de quelle admirable façon ! – le travail de mémoire entrepris par Guy Béart. À la suite d’une autre rencontre (que j’eus également le plaisir d’organiser) avec François Dacla, ex-PDG de RCA et fondateur avec Léo Ferré du label EPM, naquit L’Anthologie de la chanson traditionnelle, résultante d’années de recherche concrétisées par deux ans et demi d’enregistrement avec des dizaines d’interprètes et musiciens !

C’est cette mémoire vivante qui est aujourd’hui rééditée quasiment à l’identique : plus de 300 titres (remastérisés) réunis dans un coffret de 14 CD thématiques illustrés par Bridenne (cf. La mémoire qui chante…), avec un livret de 52 pages resituant chaque période (ou chaque thème) dans son contexte. Sept siècles de chansons retrouvées, de Thibaut de Champagne – « sans doute le plus grand trouvère de son temps » – aux grand auteurs de la première partie du XXe, pour former le meilleur témoignage tant de la « grande histoire » que de la chronique de la vie quotidienne d’autrefois, amusée, amusante, émouvante mais aussi dramatique ou pathétique…

J’ai dit et redit ici l’essentiel sur Marc Robine, auteur-compositeur-interprète, journaliste, écrivain, historien de la chanson, directeur artistique, conférencier (et j’en passe), disparu en août 2003 à 52 ans, dont le chant écorché, frémissant de tendresse et d’émotion, arrachait spontanément à beaucoup d’entre nous des larmes discrètes de bonheur. J’ai tout dit, également, de ce travail sur La Tradition qui venait compléter son Anthologie de la chanson française enregistrée parue en 1994, au terme de six années d’un labeur acharné, et formait, dans un coffret monumental, son grand œuvre : près de cent disques (2000 chansons !), il fallait bien ça, pour restituer en paroles et en musiques l’histoire de la chanson française.
Pour mémoire, lire, écouter et voir :
« La chanson du passeur”.
« Le Colporteur de chansons ».

C’est en effet pendant l’achèvement de cette dernière, dont il écrivit tous les livrets décennie par décennie (1900-1980), que Marc Robine, taraudé par l’urgence de sauvegarder le patrimoine, suggéra à François Dacla d’aller encore plus loin dans leur folle entreprise en redonnant vie à nombre de chansons traditionnelles oubliées. L’affaire d’un art peu ou prou millénaire, jusqu’à l’aube de l’invention du phonographe. Cette fois, après avoir retrouvé les paroles et les partitions originelles (publiées dans un livre de 928 pages préfacé par Michel Ragon, La Tradition, également réédité sous le même titre que le coffret), il fallut tout enregistrer en faisant appel à plusieurs dizaines d’interprètes… En grand seigneur, mais non sans hésiter, Dacla releva le gant : « J’ai mis un an à prendre ma décision. Après il est parti en studio… Arriver à enregistrer trois cents titres avec quelque quatre-vingt-dix artistes différents sur une telle période, c’est hallucinant ! Mais Marc s’avérait aussi d’une formidable qualité de relation humaine et d’écoute des gens. »

Outre le prix de l’académie Charles-Cros 1995, cette réalisation exceptionnelle valut à Marc Robine d’être invité par Bernard Pivot à Bouillon de Culture. Il creva l’écran par sa profonde connaissance de la chanson, son érudition et son enthousiasme communicatif. François Dacla, après la mort de Marc : « Il s’est montré remarquable. Il a tenu l’émission à bout de bras devant un Pivot et d’autres invités admiratifs ; il a chanté deux chansons, dont Le Temps des cerises, et le lendemain on a été inondés de commandes ! »

Les disques : Des trouvères à la Pléiade (la naissance de la chanson française) ; L’Histoire de France (quelques repères dans l’Histoire de France) ; Ballades et complaintes (légendes et faits divers) ; Chansons rituelles (rites, magie et miracles) ; Chansons de soldats (conscrits, soldats et déserteurs) ; Chansons de métiers (travaux des villes et travaux des champs) ; Chansons de marins (la mer, les ports, les fleuves et les marins) ; L’Air du temps (chroniques de la vie quotidienne) ; Chansons d’amour (la tradition amoureuse) ; Chansons de femmes (la condition féminine) ; Chansons à danser (rondes, branles, valses, bourrées, rigodons...) ; Chansons pour enfants (comptines, berceuses, chansons pour s’amuser) ; De la rue au cabaret (les grands auteurs du XIXe siècle) ; La tradition paillarde (chansons à boire, gaillardes et libertines).

Les artistes : Claude Antonini, Gildas Arzel, Laurent Audemard, Ben, Sylvie Berger, Michèle Bernard, Jean Blanchard, la Chifonnie, Hal Collomb, Serge Desaunay, Christian Desnos, Jean-François Dutertre, Gilles Elbaz, Melaine Favennec, Denis Gasser, Tonio Gémème, Évelyne Girardon, Chantal Grimm, Yvon Guilcher, François Hadji-Lazaro, Michel Hindenoch, Serge Hureau, Patrice Lacaud, Bénédicte Le Croart, Claude Lefebvre, Francis Lemarque, Mélusine, Arlette Mirapeu, Emmanuel Pariselle, Pierre Perret, Catherine Perrier, Gérard Pierron, Lionel Rocheman, Martine Sarri, Anne Sylvestre, Gabriel Yacoub, etc. Impossible de citer tous les interprètes et encore moins les musiciens, parmi lesquels, par exemple, Dan Ar Braz, Dominique Brunier, Romain Didier, Michel Goubin, Niki Matheson ou René Zosso.

Et pour le plaisir, quelques considérations de Marc Robine sur la chanson, miroir fidèle de la société, telle « une radiographie extrêmement précise de ce qui fait battre son pouls » ou « comme un état des lieux, perpétuellement remis à jour », et son rôle de lien sans équivalent à travers les âges. Du moins jusqu’au développement des mass media et a fortiori des réseaux sociaux… Une histoire qu’il avait déjà écrite pour Chorus, à laquelle j’allais ajouter un avant-propos et une postface pour l’éditer dans un ouvrage hélas posthume chez Fayard-Chorus sous le titre Il était une fois la chanson française (des origines à nos jours)

« Des siècles durant, ballades et complaintes tinrent lieu de chroniques et assurèrent à la fois la propagation des nouvelles et leur conservation dans la mémoire collective. […] L’énorme majorité de la population ne sachant alors ni lire ni écrire, les gazettes ne touchaient qu’un petit noyau de lettrés, et les faits divers ou les événements historiques marquants ne pouvaient circuler autrement que par le truchement du bouche à oreille. Si bien que, grâce à son double pouvoir de mémorisation et de communication, la chanson fut naturellement amenée à jouer un rôle de toute première importance dans la diffusion de cette véritable culture orale ; nous restituant, à plusieurs siècles de distance, des événements remarquables et des personnages hors du commun qui, sans elle, seraient peut-être tombés depuis longtemps dans l’oubli…

Toute l’Histoire de France peut se raconter en chansons. Une approche différente, précise et passionnante de cette Histoire que l’enseignement officiel réduit trop souvent aux événements de dimensions nationale ou internationale – guerres, traités, alliances, changements de régimes, relations d’États à États […] –, négligeant le regard que les gens sans importance particulière pouvaient porter sur toutes ces choses vécues de loin et perçues à travers le filtre de la vie quotidienne.

Or, faute d’une culture livresque, faute de grimoires et de gazettes, ces “gens sans importance” chantaient. C’est même ce qui composait l’essentiel de leur mémoire collective : une véritable littérature orale, où les chansons servaient non seulement à diffuser les nouvelles, mais aussi à les conserver, car la chose chantée a toujours eu un pouvoir de mémorisation bien supérieur à celui de la simple parole. Ainsi la tradition populaire nous offre-t-elle un patrimoine de milliers de chansons, d’origines lettrées ou anonymes, tournant devant nos yeux les pages d’un immense livre d’Histoire ; comme une photographie d’une extrême précision de notre société à travers les siècles. »

C’était le temps des chansons, le temps du partage où il faisait bon chanter en chœur : « Les femmes vocalisaient en étendant leur linge aux fenêtres. Les invités aux mariages chantaient. Les enfants s’envoyaient des comptines en chantonnant. Et dans les villes, au coin des rues, on rencontrait des attroupements de badauds qui, une brochure illustrée à la main, s’essayaient à fredonner la nouvelle chanson que l’accordéoniste en plein vent venait leur apprendre. On chantait dans les bistrots. On chantait dans les prisons. La chanson était la culture du pauvre et son expression naturelle, sa manière de se souvenir, comme de critiquer. »

Aujourd'hui, les médias, les ordinateurs, les réseaux sociaux, les téléphones portables ont rendu le peuple muet : « Le peuple écoute les professionnels. Le peuple écoute et ronge son frein. Or, un peuple qui ne chante plus est un peuple qui déchante, un peuple désenchanté. »
CQFD.

C'est pourquoi cette anthologie (disponible sur commande chez votre disquaire ou en vpc chez EPM) est plus que jamais de salubrité publique. En particulier (voir la censure d’une chanson de Pierre Perret dénoncée par François Morel…) pour ses chansons (gentiment) paillardes et libertines, que nos ancêtres entonnaient gaiement à bouche-que-veux-tu, comme cette Gaillardise (écrite par un certain Voltaire), ces histoires de boucher réjoui, de Jeanneton et de cochons, ou encore cette rengaine anonyme de jadis (si actuelle en temps de confinement) réclamant son lot de baisers…

PS. De nombreuses chansons de cette anthologie figurent en lien « caché » derrière les noms, mots ou expressions signalés en couleur. Amusez-vous, régalez-vous, instruisez-vous... en les écoutant à vos moments « perdus ». Dépaysement garanti !

NB. Ce sujet m’offre l’occasion d’annoncer également la réédition récente de Folksong, de Jacques Vassal (qui me présenta Marc Robine…), consacré à « la musique folk des États-Unis ». Paru initialement en mai 1971 (il y a cinquante ans !), il fut réédité une première fois en 1984. La présente édition, largement revue et augmentée (élargie désormais à la « musique folk anglo-américaine ») est publiée par Les Fondeurs de briques. Pour les néophytes, précisons que ce livre de référence – remarquable étude, parfaitement documentée (680 pages) – se penche sur les origines de ces musiques populaires et propose une lecture historique jusqu'à la fin du XXe siècle. L’ensemble est ponctué de dessins de l'auteur de bandes dessinées Nicolas Moog. Un ouvrage essentiel.

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30 janvier 2018 2 30 /01 /janvier /2018 18:45

…mais n’enchante pas moins !

 

« Elle est toute en rondeur mais ne manque pas de piquant, écrivais-je en intro d’une rencontre de notre ami Serge Dillaz avec Juliette pour le n° 23 de Chorus, daté du 21 mars 1998. Voilà déjà un bout de temps qu’on n’avait plus connu pareil raz-de-marée dans le landerneau chansonnier. Avec elle, on ne risque pas de bayer aux corneilles. Juliette est un oiseau rare dont le chant annonce le renouveau avec juste ce qu’il faut de kitsch pour que l’on ne se méprenne pas. Le futur a toujours besoin d’antériorité ; les variétés, d’un brin de classicisme… » Vingt ans après, voici qu’arrive à point nommé son nouvel opus pour annoncer à nouveau, en ces périodes de météo marine des plus déprimante, ce renouveau dont on a tellement besoin.

Au Théâtre de la Ville, 10/92 (Ph. F. Vernhet)

Juliette, je l’avais découverte – disons, plutôt, vue sur scène pour la première fois – une dizaine d’années avant cette « Rencontre » chorusienne (laquelle avait été précédée par un « Portrait » de deux pages dans le n° 2 de l’hiver 92-93) dans un café-théâtre de Bourges, en off de la programmation du Printemps – époque Paroles et Musique qui fut probablement le premier journal national à relever son immense potentiel artistique. Déjà irrésistible. Trente ans, donc… et pour fêter cet anniversaire, une intégrale discographique sortait à l’automne 2016 (14 CD dont son premier enregistrement en piano-voix de 1987, dix titres en public, sous forme de cassette, et un CD de « raretés »).

Enfin, « intégrale », ça n’était pas tout à fait l’avis de l’intéressée, qui soulignait alors : « Ceci n’est pas mon “intégrale”. Il manque : des noms, des sourires, des instruments de musique, des professeurs, des amis, des collègues, des soutiens, des amours.

Il manque les soirs de première, les matins de dernière, les jours de répétition, les nuits en studio. Et puis il manque encore quelques notes et quelques mots qui volètent autour de moi et que j’essaye – encore ! – d’attraper ! Non, décidément, ceci n’est pas mon intégrale, il manque : demain! » Simple question de patience. Déjà, Juliette, « l’irrésistible », avait eu droit à sa consécration dans Chorus, avec un dossier lui aussi printanier (décidément !) : c’était le n° 47 du 21 mars 2004, où elle figurait aux côtés d’Adamo, Aznavour, Manset, Pierron, Sanseverino, MC Solaar… et d’une jeune débutante nommée Olivia Ruiz qui l’avait convaincue d’écrire un titre pour son premier album, J’aime pas l’amour… Deux ans plus tard, en 2006, le « métier » décernait à Juliette la Victoire de la Musique de l’artiste-interprète féminine.

Et nous voilà ce soir, comme disait le Grand Jacques, ou ce matin c’est comme on veut, rendus à « demain » devenu aujourd’hui (avec le temps, n’est-ce pas…), avec ce nouvel album disponible dans les bacs à partir du 9 février (le précédent, Nour – comme Nourredine bien sûr mais aussi comme Lumière en arabe – date de l’automne 2013)… Son neuvième album studio depuis 1993 (Irrésistible), le quatorzième au total depuis sa première cassette en public en 1987. Pour lui trouver un titre, il a suffi à Juliette de se rappeler de celui qu’elle avait donné à la « carte blanche » que France Inter lui avait confiée en 2015, le samedi matin durant une partie des programmes d’été puis à nouveau pendant huit semaines à la fin de l’année : J’aime pas la chanson, mais… À un mot près, notez-le bien, un seul… mais qui a son importance comme elle l’explique ici avec le bagout qu’on lui connaît, la causticité pince-sans-rire qu’on adore chez elle, jamais très loin d’une aimable provocation : « C’est marrant, cette impression de faire vraiment un “nouvel” album après trente ans de bons et loyaux services. Parce que finalement je n’ai jamais fait ça : un piano-solo accompagné par des musiciens (l’équipe “un peu réduite” de mes garçons habituels) ! Ce qui, cette fois, va être le cas.

« “J’aime pas la chanson” ? On s’attend à ce que j’explique ce titre mais cet album aurait tout aussi bien pu s’appeler “J’aime pas le piano” ; il s’appelle “J’aime pas la chanson” parce que j’aime pas non plus la chanson. Ce qui est rigoureusement vrai, mais ne m’empêche pas d’en faire. Même si je n’aime pas écrire, chercher le mot juste au sens exact, la forme, le fond, patin-couffin, gratter pendant des heures du papier à carreaux ou à musique, tâtonner le piano, et chantonner des lalalas pas seulement sous la douche.

« J’ai bien connu une crèmerie qui proposait des produits sublimes (ce qui pourrait laisser entendre que je considère mes produits “sublimes” : non, car ce ne sont que des chansons et je n’aime pas la… on a compris !) dans un coin de Paris et dont la patronne ne mangeait jamais de fromage parce que, disait-elle, elle n’aimait pas ça. Voilà ! Je suis la crémière de la chanson. »

À bon entendeur salut… La crémière de la chanson… Compris ? Ben ouais, cinq sur cinq ! Pas vous ? Ah bon… Vous en voulez encore une louche ? Qu’on vous file les ingrédients de ces douze pôvres nouvelles chansons ? Toutes signées Juliette Noureddine (Procastination – À carreaux ! – Météo marine – Bijoux de famille – J’aime pas la chanson ! – Une adresse à Paris – Madame – C’est ça, l’rugby ! – Aller sans retour – Midi à ma porte – Je remercie – Dans mon piano droit), sauf bien sûr la reprise du tube immortel de Jean-Claude Massoulier et André Popp, popularisé par les Frères Jacques : « Quand l’équipe de Perpignan s’en va jouer à Montauban / Elle est battue évidemment par l’équipe de Montauban / Mais quand l’équipe de Montauban s’en va jouer à Perpignan / Elle est battue c’est évident par l’équipe de Perpignan… »

Janvier 2002 (ph. F. Vernhet)

Vraiment, vous tenez tant que ça à le savoir. Bon ben, voilà, « ce n’est qu’un jour, un jour comme ça. On dit ça va mais ça va pas ! Un jour à rien, un jour à spleen… Mais arrive “Madame” qui veut chanter les tartes, les rayées de la carte, qui veut chanter ces filles oubliées des fantasmes et des talons aiguilles mais jamais des sarcasmes ! Parmi ses signes distinctifs, ronde du cul, frisée du tif, il en est un qu’on n’peut pas rater : elle a des lunettes sur le nez ! Et si elle “n’aime pas la chanson”, Juliette Binocle, c’est parce que, sans doute, elle en connaît le fond, les cales et les soutes, c’est une vie entière pendue au crayon, tout ça pour ne faire, pauvres ambitions, rien qu’une chanson ! »

Pour en finir tout à fait avec pareil désastre, voulez-vous que je vous dise ? Quand on n’aime pas la chanson, mais vraiment pas, qu’on voit ce qu’on voit et qu’on écoute ce qu’on écoute aujourd’hui dans nos médias qui font l’opinion (cf. Souchon…), c’est forcé, on ne peut que détester cette galette ni faite ni à faire. La preuve avec cette Météo marine qu’une fois écoutée, quel chagrin !, vous ne saurez plus vous débarrasser. Tel est le triste destin des ritournelles éternelles…

 

Une phrase encore, pour ajouter que, non contente de nous délivrer aujourd’hui ces plats en boîte, l’auteure-compositrice-interprète (l’ai-je bien féminisée ?) viendra bientôt nous les servir – comme jadis avec son festin – sur toutes les scènes de France et de Navarre. Dont une escale parisienne le 12 avril à la Salle Pleyel. Si vous n’êtes pas encore totalement dégoûté(e), vous trouverez le détail du menu ou de la carte sur son site.

Et le mot de la fin, si vous permettez, à l’adresse de la responsable de ces lignes (qui, je vous le ferai remarquer, comme je l’avais déjà noté à propos d’Hubert-Félix Thiéfaine, ne constituent aucunement une critique de disque, n’étant plus rédacteur en chef de quoi que ce soit sinon de mon petit comité de rédaction interne) : sachez « Madame » Juliette, vous qui n'aimez ni l'amour ni la chanson, sachez qu’à la scène comme à la ville, je vous… hais !

NB. La première vidéo de ce sujet, où Juliette chante Irrésistible en duo avec Jean Guidoni (« Je suis irrésistible / Comme Satan me l´a dit / Sous ma taille flexible / Ce corpus delicti / Est un fruit comestible / Aux nobles appétits / […] Je suis une maladie / Sexuellement transmissible / Comme Satan me l’a dit : / “Tu es irrésistible, Irrésistible !” »), a été captée le 2 septembre 2015 à Castelsarrasin lors d’une soirée unique à tous points de vue. Primo, parce qu’elle réunissait un plateau artistique plus qu’exceptionnel (voir ici le compte rendu détaillé que j’en fis alors, avec en bonus les « minutes » et photos d’une cérémonie privée où Juliette s’illustra à sa façon !). Secundo, parce qu’elle resta finalement sans suite, alors que son but était de favoriser dans cette ville où naquit Pierre Perret la renaissance du festival Alors… Chante ! qui, après quelque trente ans d’existence, venait d’être chassé sans ménagement de son fief historique de Montauban, n’ayant plus l’heur de plaire à une municipalité davantage marquée par l’esprit partisan que par celui de l’ouverture. Il n’empêche que cette soirée – qui n’eut hélas pas le retentissement recherché faute d’une absence incompréhensible de la plupart des médias nationaux – fut à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire des spectacles collectifs francophones. Et aujourd’hui, comme moi (et comme le talentueux Francis Vernhet qui prit les photos nécessaires à mon compte rendu), quelque cinq mille personnes peuvent dire : « J’y étais ! »

 

POST-SCRIPTUM EN FORME DE SCOOP
On vient de le voir, dans son nouvel album, sur scène et dans les médias, Juliette assure avec beaucoup d’aplomb ne pas aimer la chanson… Sauf que – soit dit entre nous – je connais la vérité vraie depuis belle lurette et il m’est impossible de continuer à contribuer plus longtemps à cette entreprise de désinformation publique : non, les fake-news ne passeront pas par ici ! Alors, au risque de vous faire perdre votre latin avec son anathème jeté sur la chanson, voici une autre version de Juliette, signée en bon uniforme (oui, je sais, sauf qu’elle aussi a lu San-Antonio...) : de véritables aveux ! Me reste plus qu’à espérer ne pas être voué aux gémonies pour avoir violé – dans l’intérêt commun, notez-le bien – le secret de la confession !

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10 juin 2017 6 10 /06 /juin /2017 08:38

Ou la relève… en marche !

Je rigole, c’est juste histoire de faire un clin d’œil à l’actu. En revanche, même si l’homme ne manque pas d’humour (voir plus bas son clip Non, j’peux pas), je suis des plus sérieux au moment d’accrocher Donoré aux cimaises de Si ça vous chante

Vous le savez, un jour, j’ai arrêté tout net d’écrire des critiques de disques. Pas tant par lassitude, malgré quelques centaines au compteur en l'espace d'une trentaine d'années, qu’en raison de leur multitude croissante (quoique anarchique) sur le Net et surtout de la certitude que d’aucuns ne pourraient que se montrer plus réguliers et complets que moi ; comme c’est le cas désormais avec NosEnchanteurs, « le quotidien de la chanson », par exemple, mais aussi sur papier avec le bimestriel FrancoFans et le tout récent trimestriel Hexagone. De là à en déduire que l’envie a disparu comme on fuirait le bonheur de peur qu’il ne se sauve, ce serait mal me connaître.

La preuve avec le nouvel album de Donoré, L’Amour en deux. Le deuxième en six ans après Je viens à toi (2010) ; avec un EP 5 titres entre deux, Maintenant (2014) et un tout premier en 2007, Donoré. Pour le premier album, je vous renvoie à la critique que j’avais publiée ici même le 21 septembre 2010 (« Prends le chorus – Vendanges d’automne 2 »), intercalée entre celles de Bill Deraime, Thibault Derien et Romain Dudek.

« Musicalement et dans l’inspiration textuelle, notais-je, Donoré se situe plutôt dans la famille du folksong à la française (Cabrel, Le Forestier…), vocalement aussi, avec parfois quelques inflexions sympathiques à la Goldman. […] de la chanson légère en apparence mais qui dit, mine de rien, façon Souchon, la difficulté qu’on a parfois à se comprendre et à vivre ensemble. »

Dans l’intervalle, Donoré a continué de creuser son sillon, d’approfondir sa thématique, si vous préférez. Le résultat en est une chanson qui fait du bien au cœur et à l’âme, sans manquer de lucidité pour autant, et ma foi, c’est bien agréable d’écouter quelqu’un d’éminemment sympathique vous montrer le bon côté des choses plutôt que de vous enfoncer encore plus dans ce marasme moral dont la France détient, semble-t-il, le record mondial. Écoutez et voyez donc ce petit clip « volé » dans le métro, en janvier 2012, où Donoré redonne le sourire aux usagers, remplis de bonne humeur pour la journée, avec son adaptation toute personnelle de Don't worry be happy

C’est précisément ce que j’imaginais en 2010 : « Quand Donoré aura pris un peu de “bouteille”, qu’il sera tout à fait venu à nous, il ne sera plus un artiste “à suivre” (qui fait déjà de jolies chansons), mais un artiste dans les pas duquel d’autres auront envie de marcher. » À commencer par le public, si celui-ci a la chance (et vice-versa) d’aller à sa rencontre ; un mouvement, à vrai dire, qui me paraît irréversiblement en marche !

Pierre « Donoré » (c’est un pseudo), né en 1978, orphelin à vingt ans… d’Honoré Chatard, adore la nature, les arbres (vous ai-je dit qu’il était de Grenoble ?), la peinture, la guitare, les impressionnistes, Modigliani, Picasso, Matisse, la danse et la musique ; il rêve de voyages et de Barcelone… Il prône la résistance au conformisme autant qu’au terrorisme (« J’irai sentir les sons, les modes, les traditions / Les langues et les croyances qui font nos différences / Mais je n’aurai de cesse d’affirmer qui je suis / Contre ceux qui condamnent les couleurs de la vie… ») et lance un appel à rester debout, unis, même et surtout si la mort rôde (Qui me tiendra la main ?) :

Qui pourra me faire voir
Qu’avant la fin du sursis
Y a d’la place pour l’espoir
Et aussi pour l’envie

[…] Qui me tiendra la main
Au matin du jour sans lendemain
Demain…

J’aime et je partage cette conception des choses, de l'amour et des roses, comme j’aime la façon qu’il a de nous en faire part – je peux bien vous l’avouer puisqu’il ne s’agit pas ici d’un exercice doctement professionnel mais d’un sentiment tout ce qu’il y a de plus personnel. J’aime Donoré parce qu’il fait de la chanson populaire de la plus belle eau. Parce qu’il possède l’art des mélodies, qui pétillent comme de jolies bulles de joie. Et subsidiairement parce qu’il dégage une empathie naturelle.

Peut-être aussi et enfin parce qu’un jour tout s’envolera, « même toi et moi » comme le chante ce jeune homme en or. Parce que la vie, somme toute, n’est qu’« une brindille qui siffle dans le vent »… et que la bienveillance envers autrui, dont sa chanson est nourrie, n’est jamais superflue avant le vacarme infini de l’absence.

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