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  • : SI ÇA VOUS CHANTE (le blog de Fred Hidalgo)
  • : Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…
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  • Fred Hidalgo
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.

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18 octobre 2022 2 18 /10 /octobre /2022 11:30

... et le facteur sonne toujours deux fois !

Pour paraphraser le titre du spectacle consacré au Grand Jacques qui tourna longtemps en Amérique, Paco Ibañez est vivant, il va bien et vit désormais à « La Porte des Étoiles » ! Celles des grands poètes hispanophones qui continuent de briller au firmament grâce à son incomparable mise en musique et en bouche. Dernières nouvelles du front de la résistance à l’inculture galopante...

Oui, Paco va bien, malgré sa mésaventure vécue fin juillet à Sète qui, à la suite de mon témoignage, a provoqué d’innombrables réactions de soutien à l’artiste (ainsi que quelques excuses aussi nécessaires que bienvenues, mais chut, cela ne regarde que lui... et les amis qu’il a bien voulu mettre dans la confidence), et ses chansons se veulent toujours une arme chargée de futur.

Bonnes nouvelles, donc, depuis sa Porte des Étoiles, la bien-nommée (en français dans le texte !), où nous avons eu le bonheur, encore une fois, de partager l’humanité de ce frère d’âme de Brassens, Ferrat, Ferré, Moustaki, Leny Escudero et autre Nilda Fernandez. Son rejet existentiel de l’intégrisme et de tous les extrémismes qui minent la nécessaire convivencia, le vivre ensemble ; sa révolte contre l’injustice sociale ; sa colère face au déclin culturel et linguistique au profit d’une américanisation des mœurs et du langage, par indifférence ou manque général de vigilance ; sa tendresse à fleur de peau… Et son humour dont il ne se départit jamais, souvent ravageur et provocateur en public comme en privé, parfois perceptible uniquement dans son regard pétillant de malice.

Ce jeune homme de 88 ans, le 20 novembre prochain, arbore depuis peu une barbe qu’il porte beau… et prépare un nouvel album, Érase una vez (Il était une fois) ! Il nous en a offert la primeur des titres et de la maquette, illustrée par un artiste de renom (superbe, en forme de livre-disque) :

« Tout est prêt, dit-il.
– 
Et alors ?
– Il ne reste plus qu’à enregistrer les chansons !
– En guitare-voix ?
– Non ! Avec mes musiciens : Mario (Mas) à la guitare, Cesar (Stroscio) au bandonéon, Joxan (Goikoetxea) à l’accordéon, un contrebassiste peut-être, ou un violoncelliste…
Et donc ?
– 
On va répéter ici, dans la grande salle que tu as vue en sous-sol, mais d’abord il faut qu’on installe le studio. »

 

Ah oui ! Je ne vous ai pas dit que sa « Porte des Étoiles », ça n’est pas seulement la fenêtre grand ouverte, la nuit, sur celles-ci, loin des lumières de la ville – de Barcelone en l’occurrence, qu’il vient de quitter après y avoir vécu plus de trente ans –, c’est aussi une bâtisse spacieuse en restauration où toutes les archives d’une vie et une bonne part de celles de son label A Flor de Tiempo doivent encore être classées. Puis numérisées avec le concours des services d’une grande Université. Il faudra donc patienter quelque peu, le temps de monter sur place un studio d’enregistrement, pour voir se réaliser ce nouvel album au titre induisant un monde à l’envers qui tournerait enfin rond.
 

 

De la patience, Paco n’en a jamais manquée. La preuve : jadis et naguère, avant qu’il ne retourne vivre en Espagne, je lui avais annoncé une lettre de ma part, postée à Paris mais jamais parvenue à destination. Il n’y avait pourtant que quelques centaines de mètres entre le bureau de poste de la rue Littré et son adresse d’alors, rue Delambre… Depuis, sujet de plaisanterie récurrent entre nous, il faisait mine de l’attendre comme l’Arlésienne… Je ne vous raconte pas les pérégrinations surprenantes qu’a dû connaître cette lettre entre-temps, par monts et par vaux postaux, toujours est-il qu’elle a fini par me revenir (en France), pour que je l’emporte et la remette enfin, en mains propres (en Espagne), à son destinataire, tenez-vous bien : cinquante-deux ans plus tard !!!

« Tu te souviens, Paco, de ce film intitulé Le facteur sonne toujours deux fois ? Eh bien voilà, je suis ce facteur… Tiens, c’est ma tournée ! »

D’abord, il pense à une blague. Il se saisit de l’enveloppe que je lui tends, l’examine sous toutes les coutures. Pas possible ! Je n’avais pas affabulé ! Il était bien le destinataire du courrier en question. À une adresse qu’il connaissait bien : « Monsieur Paco Ibañez, Hôtel Namur, 39 rue Delambre, Paris 14 ». Il hallucine en découvrant le cachet de la poste : l’enveloppe a été affranchie le 2 décembre 1970 ! Recto-verso, des tampons « Non réclamé » en date du 7-12-70 et « Retour à l’envoyeur » le 28-12-70…

Il me demande, circonspect, s’il peut l’ouvrir. « Elle n’attend que ça depuis plus d’un demi-siècle, elle t'appartient ! » Paco chausse ses lunettes, attrape un couteau et décachète soigneusement le pli. Nous finissons alors un somptueux bœuf bourguignon de sa préparation, arrosé par un excellent vin du Roussillon griffé « Fred » ! Je l’avais prévenu d’une surprise de taille pour le dessert... Il a bien tenté d’en savoir plus pendant les agapes, sans pouvoir imaginer ce mot rescapé d’un temps où la gent féminine (et pas que !) cherchait à attirer l’attention du séduisant jeune homme qu’il était.

Il sort la feuille, la déplie. Comme l’enveloppe, elle est de couleur bleue. Il commence à la lire à haute voix. Je suis aussi fébrile que lui, ne me souvenant que de l’objet principal de ses lignes. Cinquante-deux ans, vous pensez ! Nous sommes venus en compagnie de Jo Masure, directeur-fondateur du festival « Alors chante… ! » de Montauban (hélas disparu), qui n’a pas revu Paco (autrement qu'en spectacle) depuis belle lurette. Jo a apporté le livre d’or du festival et de l’association « Chants Libres », créée en amont, qui l’avait déjà programmé au théâtre de Montauban. C’était le 8 novembre 1983, comme en témoignent une photo et une dédicace de l’artiste en espagnol (« La vie est faite de chemins, et dans les chemins des amis attendent et croient en […] ce chant libre que nous chantons jour après jour… »). Présente également, une actrice et poétesse basque, Tachia Quintana, qui entretint des liens étroits d’amitié avec Blas de Otero et Gabriel Garcia Marquez…
 

 

La voix du chanteur donne vie à mes mots maladroits d’antan :

« Cher Paco,
Permettez-moi de vous appeler ainsi, bien que nous ne nous soyons malheureusement pas encore rencontrés. Pourtant, cela aurait pu se produire à plusieurs reprises… »

Il me regarde, l’œil interrogatif, sachant que ces lignes lui étaient intimement réservées. Mais il y a prescription. Je laisse faire… et dire. Alors, il reprend la lecture : « J’ai 21 ans, je suis fils de parents espagnols réfugiés politiques, je termine cette année des études de journalisme, et j’admire beaucoup votre travail de compositeur-interprète. Depuis deux ou trois ans déjà, j’attends la possibilité de vous rencontrer. Naturellement je possède tous vos disques, et je suis allé vous entendre à la Mutualité et à l’Olympia. Ce dernier récital était d’ailleurs formidable. »

Bon, le décor est planté. Si la prose est ordinaire, les invités retiennent leur souffle, conscients de participer à un moment rare, comme passagers d’une machine à remonter le temps… D’ailleurs, la voix de Paco s’enraye quelque peu comme s’embuent ses prunelles à l’évocation de Rogelio, son frère aîné, excellent comédien, qu’il aimait énormément. Séquence émotion. « J’ai rencontré votre frère, Rogelio, à plusieurs occasions, notamment au bar de la rue Delambre qui est son quartier général. Après avoir vécu en province, à 80 km de Paris, j’habite maintenant boulevard Montparnasse. Or, j’ai appris par Rogelio que vous viviez rue Delambre. Tout près de chez moi ! Il m’a dit que vous êtes actuellement à Barcelone, mais que vous deviez rentrer vers le 11 ou 12. Ce serait vraiment un très grand plaisir de pouvoir vous rencontrer. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je vous téléphonerai alors. […] C’est pourquoi je préfère vous envoyer cette lettre sans plus tarder… »

Paco, sérieux comme un pape : « Tu as bien fait ! Imagine si tu ne me l’avais pas envoyée… On ne se serait sans doute jamais rencontrés ! » Rire général qui détend subitement l’ambiance. Et le destinataire de cette missive du temps passé qui ne se rattrape guère, de relire l’adresse : « Hôtel Namur… Quand même, ils auraient pu me prévenir plutôt que de retourner la lettre à la poste. Tu t’es trompé, ou bien tu as mal compris ce que t’a dit Rogelio. J’habitais juste à côté, mais les gens de l’hôtel me connaissaient bien et mes amis y descendaient quand ils venaient me voir. »

Il n’y a pas de mal, puisque tout est bien qui finit bien. Il fallait simplement attendre la seconde tournée du facteur. La preuve que la Poste française a beau connaître des ratés, rien ne s’y perd pour autant. Cocorico ! La suite de l’histoire ? Dix ans en Afrique et retour début 1980 pour créer Paroles et Musique. Au sommaire du n° 1 paru le 15 juin, mon compte rendu du concert de Paco, en mai, à Bobino. Comme son titre l’indiquait, « Une arme chargée de futur », ce fut l’occasion de notre première vraie rencontre, annonciatrice de nombreux lendemains qui chantent. Moralité : si le facteur sonne toujours deux fois, la vie vous donne aussi, toujours, une seconde chance.

Il était une fois Paco Ibañez… En attendant d’enregistrer son prochain album, le porte-parole des poètes, prince des mélodies, continue d’arpenter les scènes. Juste après une opération pour laquelle il a dû subir une anesthésie générale dont il a peiné à se remettre (« Le chirurgien était un admirateur… et je me suis endormi en m’écoutant car il m’a opéré sur mes chansons ! confie-t-il l’air goguenard, tu le crois, ça ?! »), il a offert (dans tous les sens du terme...) à Sète un concert exceptionnel en hommage à Brassens, en compagnie d’amis musiciens et chanteurs (dont Quico Pi de la Serra qui a adapté le Sétois en catalan).

Ce 23 juillet, dans le magnifique écrin, quasiment comble (1500 places), du Théâtre de la Mer où les goélands planaient sous la lumière des projecteurs, comme autant d’âmes immaculées des poètes qu’il ressuscite en majesté à chaque spectacle, Paco m’avait réservé un tour à sa façon. Une première en ce qui le concernait… et une surprise pour les spectateurs en me voyant débouler, aux dernières lueurs du jour, la Méditerranée en fond de scène, avant l’artiste. Et pour moi donc, « obligé » par celui-ci de le présenter presque au débotté. Juste le temps de prendre quelques notes… Comme si l’on présentait Paco Ibañez, surtout auprès d’un public de connaisseurs ! Mais allez donc refuser quoi que ce soit au « Maestro »

De retour sur « las tierras de España » (cf. A galopar…), il a repris aussitôt le chemin des planches, simplement entrecoupé de son déménagement jusqu’à « La Porte des Étoiles » d’où l’on aperçoit le versant sud de « la montagne sacrée des Catalans », le pic du Canigou. Le 8 octobre dernier, il était au pays de Miguel Hernandez*, dans la province d’Alicante, et le 28 il sera à Jaen (dont il a chanté comme nul autre les Andaluces cueilleurs d’olives). Il est attendu ensuite, le 20 novembre, à Getxo (Pays Basque) puis le 16 décembre à Badajoz.

______________
*En mars 1940, Miguel Hernandez est condamné à mort par les âmes damnées de Franco, avant que la sentence (le poète étant déjà considéré comme l’un des plus importants du XXe siècle) ne soit commuée en trente ans d'emprisonnement... Mais, atteint de tuberculose, il meurt le 28 mars 1942 dans une prison d’Alicante.

 La France ? « Capitale du monde de la chanson », dit-il en ajoutant que « Brassens en est l’empereur », il l’a parcourue dans tous les sens au cours des décennies, seul chanteur non francophone à s’y produire dans une langue étrangère, toujours devant des salles combles. Paris ? La Mutualité, Bobino, l’Olympia, les Folies-Bergère, le Trianon, le Casino de Paris, le théâtre des Champs-Élysées, le Châtelet et j’en passe sans doute, toutes les grandes scènes l’ont également accueilli triomphalement.

À qui le tour à présent ?
À qui
l’honneur (et l'immense plaisir) de l’inviter ?
À suivre, au grand galop !
 

_____________
Site de l’artiste (A Flor de Tiempo)

NB. Pour rappel, si ça vous chante : « Le cadeau de Paco Ibañez à Edgar Morin » (avec d’autres liens renvoyant à Paco sur ce blog).

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29 juin 2020 1 29 /06 /juin /2020 08:21

« En résumé, en conclusion »… et la suite


Qu’importe le temps qui reste : « Même si on n’a pas assez d’essence / Pour faire la route dans l’autre sens », on avance, on avance ! De Souchon, chantre de l’ultra moderne solitude contemporaine des foules sentimentales, toujours sur le pont (et l'âme à l'âme qui colle) depuis son embarquement à bord du « vaisseau amiral de la chanson vivante », à nos griots du temps présent disparus récemment (Christophe, Renée Claude, Manu Dibango, Idir, Mory Kanté, Joan Pau Verdier et autres Guy Bedos, Jean-Loup Dabadie ou Luis Eduardo Aute), quarante ans nous séparent. Les plus fidèles (et moins jeunes !) d’entre vous s’en souviennent sans doute : le 15 juin 1980 naissait Paroles et Musique

L’occasion d’un beau voyage en chansons à travers le temps et l’espace… De Djibouti, où en 1979 fut conçu le futur « mensuel de la chanson vivante », à son futur siège social de Brézolles… que Radio-Canada, nous recevant en 2009 au titre des « Cahiers de la chanson », qualifia dans sa matinale d’« adresse mythique de la chanson francophone ». De la mer Rouge aux confins de la Beauce, de l’Île-de-France et de la Normandie, des maquettes de Paroles et Musique à l’automne 1979 jusqu’au numéro d’automne 2009 de Chorus (brutalement empêché de paraître), trois décennies de presse musicale indépendante… Trente ans de chansons qui nous ressemblent et nous rassemblent, quel plus beau voyage ?!

Quarante ans désormais, avec la suite, certes plus virtuelle et sans doute moins chargée d’illusions pour cause de vaches maigres et de ballade des cimetières, mais non moins passionnelle, à travers ce blog et ses dérivés « sociaux », ponctués d’ouvrages comme autant de notes blanches semées sur un chemin de paroles, pour prolonger une seule et même histoire faite de cent paysages. Oh oui, quel beau voyage et qu’elle est belle – quoi qu’elle en ait coûté –, la Liberté, ma Liberté...

Tout avait donc débuté en 1979. À Djibouti, un inconnu nommé Henri Dès ouvrait le bal, seul à la guitare, dans les cours d'école en terre battue (j'ai les photos !), pour le plus grand bonheur des enfants qui découvraient la chanson vivante, grâce à ses bijoux de tendresse, de fraternité et d'intelligence. Cette même année, Bernard Lavilliers stigmatisait tous les Pouvoirs, incitant chacun d’entre nous à ne jamais se résigner : Bats-toi ! Inquiet pour la planète de l’insouciance de l’être humain, Graeme Allwright s’interrogeait sur notre avenir : Condamnés ? Mais Anne Sylvestre se montrait optimiste : J’ai de bonnes nouvelles, assurait-elle. Et Ferrat, silencieux depuis 1976, nous invitait sans façon à la visite d’une compil de réenregistrements, Mon palais, belle manière de nous faire patienter jusqu’à un Bilan qui ferait couler beaucoup d’encre. Jean Vasca, lui, nous offrait l’une de ses pièces maîtresses, De doute et d’envol, saturée de poésie incandescente, rayonnante de mélodies et de sons électriques nous laissant volontiers croire que La lumière chante en nous. Au basculement des générations, un petit jeune encore anonyme mais qui jouait déjà de la gratte comme Personne (prénom Paul) faisait ses premières gammes discographiques (en anglais dans le texte), avec son groupe Basckstage, tandis qu’un Papy rock nommé Jean-Roger Caussimon levait l’ancre de son ultime voyage en studio avec un bel hommage, Le Voilier de Jacques

À l’automne, une goélette blanche, baptisée Om (qui s’était retrouvée bord à bord, cinq ans plus tôt, avec l’Askoy de Brel), accostait l’ancien Territoire des Afars et des Issas (ex-Côte française des Somalis), devenu indépendant depuis peu. À la barre, le globe-navigateur-chanteur Antoine qui avait choisi cette escale à Djibouti pour écrire les chansons de son prochain album, Quel beau voyage ! Une rencontre immanquable pour nous qui entamions sur place, neuf mois avant que ce mensuel ne voie le jour, la gestation (contenu, maquettes, premiers contacts épistolaires avec le monde de la chanson…) de Paroles et Musique.

À l’issue d’une première soirée, où il se plongea avec curiosité dans notre magnétothèque (des dizaines de disques sur bandes !), nous lui fîmes découvrir le premier album d’un jeune chanteur français qui le citait dans un titre : « Y a eu Antoine avant moi, y a eu Dylan avant lui […] / Après moi qui viendra / Après moi c’est pas fini / On les a récupérés / Oui mais moi on m’aura pas ! » Antoine, qui n’avait jamais entendu Renaud, prit le parti d’en rire, le meilleur qui soit, lui qui venait justement de faire ses adieux à la société du spectacle pour aller au bout de ses rêves en voguant en solitaire. Et l’on se donna un rendez-vous de principe avec Renaud, à notre retour dans l’Hexagone, pour s’amuser à vérifier la portée de ces élucubrations certes amusantes, mais un rien présomptueuses du futur « chanteur énervant »

Neuf mois plus tard, expérience professionnelle aidant (un hebdo local, Forum, et un quotidien national, L’Union, déjà semés sur notre sentier, emprunté un temps par un président amateur d’éléphants, de préférence sous forme de trophées…), notre passion accouchait du magazine de la chanson vivante que nous avions recherché en vain dans le paysage de la presse musicale francophone. On n’est jamais si bien servi que par soi-même !

Dans les présentoirs jusque-là, des titres essentiellement voués aux musiques anglo-saxonnes ou affichant à la une d’éphémères vedettes aux chansonnettes tièdes et pas toujours honnêtes, pareilles à ces « savons, savonnettes » dont parlait Gilbert Laffaille, qui laissent « la peau douce et lisse » et « qui dérangent pas la police »… 

Bref. Toute une époque aujourd’hui révolue, où la chanson vivante n’avait guère droit de cité dans l’audiovisuel, le plus souvent confinée dans des tiroirs qu’on n’ouvrait qu’avec parcimonie. Forcément, le premier édito du « mensuel de la chanson vivante » ne mâchait pas ses mots, qui, sous le titre « Un cri dans le silence », en appelait dès l’exergue aux « porteurs de parole, avec des chenilles d’acier dans la tête » : « La vérité, la vérité comme si la vie en dépendait ! Que se lèvent ici ceux qui ont de l’esprit pionnier dans la tête. Il va falloir dès ce soir tout recommencer. »

Arrêt sur image : ces vers étaient tirés d’une chanson grandiose de Jacques Bertin, Menace, dont on n’imaginait pas alors l’incroyable portée prémonitoire, quarante ans avant le confinement de ce printemps 2020 :

Il y a un virus qui se répand…
Les bateaux qui n’arrivent plus…
Regardez s'envoler votre dernier bel avion magnifique
Il s’en va errer dans la banlieue des pourquoi, comment…
Maintenant que le livre se ferme, sentez ce vide capital
Le ciel est désert, la terre bruit de cris désaccordés…

C’était à la mi-juin 1980. Il s’en fallait de dix ans pour que le camarade Renaud se retrouve (pour la quatrième fois !) en couverture de notre journal. Mais pas n’importe laquelle : celle du n° 100… et dernier. Et pas à des fins de promotion, en tenue de Gavroche, vendeur à la criée de Paroles et Musique : sa façon à lui de saluer le parcours accompli. Et de montrer sa fierté d’être à la une d’un numéro collector qui accueillait la crème de la chanson francophone : Bashung, Cabrel, Clerc, Diane Dufresne, Gainsbourg, France Gall, Goldman, Guidoni, Catherine Lara, Le Forestier, Manset, Renaud, Sardou, Simon, Thiéfaine, « etc. » C’est-à-dire, entre autres et pour mémoire : Graeme Allwright, Louis Arti, Jean-Louis Aubert, Guy Béart, Julos Beaucarne, Francis Bebey, Marie-Paule Belle, François Béranger, Michèle Bernard, Richard Bohringer, Louis Chedid, Claire, CharlÉlie Couture, Gérard Delahaye, Romain Didier, Yves Duteil, Leny Escudero, Jean Ferrat, Brigitte Fontaine, Henri Gougaud, Johnny Hallyday, Jacques Higelin, Michel Jonasz, Gilbert Laffaille, Daniel Lavoie, Plume Latraverse, Bernard Lavilliers, Francis Lemarque, Philippe Léotard, Mannick, David McNeil, Eddy Mitchell, Claude Nougaro, Pierre Perret, Paul Personne, Gérard Pierron, Michel Polnareff, Catherine Ribeiro, Henri Salvador, Véronique Sanson, Sapho, Mort Shuman, Alain Souchon, Anne Sylvestre, Henri Tachan, Jean-Claude Vannier, Jean Vasca, Gilles Vigneault… ou Pierre Desproges, Étienne Roda-Gil… D’autres encore, excusez du peu !

Pardon aussi pour cette autocitation, en résumé et en conclusion du centième éditorial de Paroles et Musique (dédié « à mon père »), qui annonçait bien les dix ans, vingt ans, trente ans à suivre ; avec Chorus d’abord pendant deux décennies… jusqu’à ces lignes d’aujourd’hui, composant (une partie seulement de) Mon bistrot préféré. Car l’histoire continue, le beau voyage se poursuit :

« …Quant à nous, qui partageons le même amour pour le plus merveilleux des arts (mais oui, Gainsbarre !), les occasions de retrouvailles ne manqueront pas, au hasard de ces sentes buissonnières, de ces routes enchantées où la chanson vivante, celle qui ne sacrifie ni aux modes ni aux compromissions de l’argent, continuera à faire notre bonheur. Et puis, ainsi que le pays qu’à Gilles Vigneault il reste à dire, il me reste à écrire un gros livre sur la chanson et l’histoire vraiment peu commune de Paroles et Musique. En attendant ces probables rendez-vous, amis lecteurs, merci encore de votre fidélité pendant ces dix ans et à bientôt, donc… on the road again. »

Le livre pressenti parut un an plus tard : Putain de chanson !

Un titre en forme de clin d’œil au Putain de camion de Renaud (évoquant Coluche… avec qui nous avions pris langue en mai 1986 pour lui consacrer, après Guy Bedos en janvier, le dossier du numéro de septembre), et pour rappeler que la chanson, si aimable, si pure et nature puisse-t-elle être, si chargée d’énergie positive quand elle rassemble fraternellement, sait également jouer les courtisanes, en se parant d’artifices, pour mieux tromper son monde. Entre le coup de foudre, certes imprévisible mais pétillant comme une promesse de l’Aube, quand l’étincelle se produit, ou l’amour programmé (et tarifé) ; entre Paroles et Musique, c’est-à-dire, et ces Hit, Top, Podium et autres « magazines » variétesques à but exclusivement lucratif, un lectorat de dizaines de milliers de personnes avait fait son choix, ratifiant ma préférence… à moi.

Pour ce lectorat pas comme les autres, fidèle et confiant à ce point qu’il était inconcevable de l’abandonner, il restait à transformer l’essai en faisant chorus avec une revue encore plus ambitieuse. En l’espace de deux décennies, elle écrirait au fil de milliers de pages (en offrant la parole à des centaines d’auteurs, de compositeurs, d’interprètes, mais aussi d’éditeurs, de producteurs, de tourneurs… et de « passeurs » en tout genre) l’histoire multiséculaire de la chanson francophone. Des trouvères s’en allant de ville en ville colporter l’air du temps, jusqu’à l’apparition des « petits formats », l’industrialisation phonographique, l’avènement du 45-tours, du CD…

Une histoire qui semblait riche encore de lendemains qui chantent, avec l’émergence de la « nouvelle scène » au détour de l’an 2000, laquelle s’afficherait fièrement à la une d’un numéro spécial ; mais plombée depuis par la triste et prévisible « dématérialisation » du disque. Par la cessation de parution, aussi, de Chorus qui, au-delà de son rôle purement informatif, constituait le plus efficace des liens entre toutes les parties composantes de la chanson de l’espace francophone, de la scène à la ville, un organe prescripteur ainsi qu’un réservoir permanent de découvertes où puisaient les organisateurs de spectacles et les médias. « La bible » pour l’Agence France Presse, « le vaisseau amiral de la chanson française » pour dautres, parmi lesquels d’aimables confrères auxquels on ne faisait pas prendre des vessies pour des lanternes…

À peine le temps d’encaisser le coup (coulé !) et le voyage reprenait, laissant dans son sillage comme un fil tissé entre nous, un joli fil « entre nos cœurs passé, le fil de nos sentiments enlacés, qui nous lie, nous relie » : après la presse (et l’édition, avec des dizaines d’ouvrages publiés pendant la traversée), le blog. Embarquement facultatif sur simple invitation, toujours valable aujourd’hui, seulement « Si ça vous chante ».

Au fil des saisons, à l’image de cette arme chargée de futur qu’est la poésie, mon arbre à chansons a produit d’autres fruits en partage : Le Voyage au bout de la vie de Jacques Brel, trop méconnu jusqu’alors, qui a ouvert la voie à d’autres auteurs (y compris l’un de nos romanciers les plus célèbres) et à plusieurs reportages et documentaires ; un Goldman assez « confidentiel » pour permettre de découvrir l’homme de qualité, discret et terriblement attachant, derrière l’artiste le plus populaire de sa génération ; enfin, une Mémoire qui chante pour compléter notre chemin de mots et de notes comme on assemble un puzzle.

Et nous voilà en juin 2020, toujours avec Le Ciel dans la tête, la Terre dans le cœur, comme Luc Romann, l'humanisme fait homme, la tendresse incarnée ; toujours avec une même conception « bio » ou « écologique » de la chanson, malgré le temps qui passe… et ne se rattrape guère. Le secret ? Une évidence, plutôt : que serait la vie sans l’art qu’une longue et banale attente du lendemain ? L’art la magnifie au présent et crée en nous l’irrésistible besoin d’une quête perpétuelle du Beau… Quel autre refuge possible, sans se couper des autres, pour éloigner le néant ? C'est quand le bonheur ? C'est ici et maintenant. Et quel plus beau voyage que celui-là…

Le mien – un voyage au long cours, me rappelle Frédéric (et alors je me fous du monde entier !), quand, m’appuyant un instant au bastingage, je pense « aux copains aujourd’hui dispersés, sans oublier les amours de nos quinze ans » – remonte précisément à mes quinze ans. À la mi-juin 1965, si je devais en dater l’appareillage : quinze ans aussi avant la sortie des presses de Paroles et Musique… Ce jour-là, quelqu’un est entré chez moi – chez mes parents ! – pour me rencontrer… et ne plus jamais ressortir de ma vie. Frédéric Dard (dit San-Antonio… sauf que tout le monde ou presque ignorait alors qu’il s’agissait d’un seul et même auteur) !

Grand admirateur de Charles Trenet (et grand connaisseur de chanson française), il est resté fidèle jusqu’au bout, malgré les contraintes d’écriture d’une œuvre extraordinairement féconde (et plus prolifique que celle de Victor Hugo !), et fidèle je lui suis resté depuis, parsemant mes écrits de sa présence vivante. Pourquoi rester fidèle, s’interroge le poète, « quand tout change et s’en va sans regret / Quand on est seul debout sur la passerelle / Devant tel ou tel monde qui disparaît / Quand on regarde tous les bateaux qui sombrent » ? Parce que c’était Lui, parce que c’était moi ? On est comme on naît, n’est-ce pas ? Et on ne se refait pas.

J’avais quinze ans et, comme Leny Escudero délaissant la gloire pour se mettre en règle avec ses rêves d’enfance, comme le Grand Jacques refusant les compromissions des adultes (« L'enfance, c'est rien avec de l'imprudence, c'est tout ce qui n'est pas écrit… »), j’ai entrepris le voyage, sans céder aux sirènes de la raison qui nous demandaient d’être sages : « Faut être patients, on a tout le temps… on le fera ton beau voyage… » On pense qu’on a toujours le temps, qu’on a juste quinze ans, qu’on aura toujours vingt ans… Certes, « mais pas pour très longtemps / Un jour on en a trente et puis un jour quarante / Et puis on ne compte plus, c’est le temps qui nous compte / Et là, y a toujours plus qu’il n’en faut dans les contes… »

Quinze ans plus tard, je lançais « Un cri dans le silence », au nom d’une frange importante, occultée voire méprisée, du monde de la chanson. Quinze ans plus tôt, j’avais écrit et décrit mon choc à l’auteur de J’suis comme ça, comment et pourquoi j’avais été instantanément frappé d’admiration en découvrant, incrédule, son univers à nul autre comparable, et à quel point je me sentais révolté par l’indifférence médiatique dont il faisait l’objet ; sans parler du monde intellectuel et littéraire (Cocteau excepté), bouffi de condescendance et d’aveuglement à son encontre. Il en fut touché et voulut me rencontrer…

Voilà l’histoire. Du moins sa genèse. Le début du voyage. Si je l’évoque ici, c’est que tout est lié, tout se rejoint et se complète comme dans le refrain d’une jolie ritournelle, à laquelle trois petites notes de musique suffisent pour créer l’émotion et faire chanter la mémoire. C’est en effet grâce à San-Antonio qu’adolescent j’ai rencontré, croisé ou interviewé « mes » premiers artistes : Aznavour, du temps de la bohème, Bourvil, Philippe Clay, Raymond Devos, Gilles Dreu, Maurice Fanon, Georges Guétary, Félix Marten, Jean Richard, Henri Tachan… et j’en passe ! C’est « à cause » de lui aussi, pour le plaisir du partage, que je me suis lancé l’air de rien dans le journalisme, sans complexe aucun, en créant mon premier journal : Le Petit San-Antonien ! Au sommaire, tout ce qui se rattachait de près ou de loin à l’œuvre de Frédéric Dard : littérature, chanson, cinéma, théâtre…

Qu’il est loin mon pays, chantait Nougaro, qu’il est loin… Qu’il est loin ce temps-là pour qui lira ces lignes distraitement, mais si proche encore en moi… car je me souviens de tout, de ses moindres paroles le jour de notre première rencontre et surtout de son incroyable empathie à mon égard. Laquelle ne se démentirait jamais plus, bien au contraire, jusqu’à me désigner publiquement, noir sur blanc (après quelque 300 livres et plus de 200 millions d'exemplaires dévorés par ses lecteurs), comme « le plus féal de [ses] féaux », un an avant sa mort…

Si par malheur (ou ingratitude) j’avais tout oublié de cette histoire, que j’ai la faiblesse de croire assez unique (vous en connaissez d'autres, vous, de ces auteurs ou artistes majeurs capables de se déplacer spontanément, « pour l’amour, pas pour la gloire », chez un gamin inconnu, en faisant plus de cent kilomètres pour le voir ?*), une étrange coïncidence serait venue ces jours-ci me rafraîchir la mémoire… Cinquante-cinq ans, jour pour jour, après sa visite, j’ai reçu un mot d’une personne chère à son cœur sur une carte postale le représentant, souriant, à sa machine à écrire : un fac-similé du timbre que lui consacre la Poste ce mois-ci, oblitéré au verso du tampon « Premier jour ».

Premier jour !!! Moi, vous me connaissez, j’ai du mal à croire qu’un tel clin d’œil du destin ne soit que le fruit du hasard. Peut-être l’esprit malin de l’intéressé, comme des lambeaux d’avenir reliant certains d’entre nous, a-t-il guidé la main de l’affectueuse expéditrice… qui ne se doutait en aucune façon que c’était précisément ce jour-là, ce « premier jour », que tout avait (vraiment) débuté pour moi. Quinze ans avant de commencer à faire chorus avec Paroles et Musique

Tôt ou tard, bien sûr, le voyage prendra fin. On finira par arriver au port. Et comme dans la chanson où on le voit monter à l’horizon, on aura « du vent plein les cheveux, les pieds mouillés, de l’écume dans les yeux et la gorge qui se serre », puisque c’est là qu’on devra se séparer… mais quel voyage on aura fait ! Oh oui, quel beau voyage !

En attendant, qu’on se le dise, d’autres escales sont en vue...

En résumé, en conclusion ?

À suivre !

*À part Jacques Brel, se déplaçant incognito en Lorraine pour exaucer le souhait d'un adolescent hospitalisé, dans un état critique. C'était en avril 1965. Je raconte l'anecdote, témoignage (de première main) à l'appui, en pp. 27-28 du Voyage au bout de la vie. Brel, forcément, le Grand Jacques... Mais qui d'autre, hein ?!

PS. Pardon pour la photo bouffée aux mites, mais totalement inédite, retrouvée miraculeusement, en laquelle certain(e)s ami(e)s de San-Antonio verront avant tout un document. Les mêmes noteront d’autre part que la date de la mise en ligne de ce sujet, le 29 juin, n’a rien d’anodin : Frédéric Dard allait sur ses 44 ans quand il est venu faire ma connaissance, il en aurait 99 aujourd’hui même. « Bon anniversaire », Fredo !

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8 avril 2019 1 08 /04 /avril /2019 13:50

Le Grand Jacques va bien,
il est vivant et habite à Hiva Oa

Imagine-t-on le Grand Jacques terminant sa course, vieillard tonitruant, la nuit de ses quatre-vingt-dix ans, crachant sa dernière dent, en chantant Amsterdam ?! Non, bien sûr que non : quarante ans qu’il est parti, déjà, dans la force de l’âge, à 49 ans, le 9 octobre 1978...

Il n’empêche que le 8 avril reste une date indélébile dans la mémoire de ceux et celles pour qui Jacques Brel est à jamais quelqu’un d’unique, par son œuvre évidemment mais aussi (et surtout peut-être) parce qu’il est le seul chanteur francophone de l’ère contemporaine à s’être mis concrètement, physiquement, désespérément, jusqu’au péril de sa propre vie, en adéquation totale avec l’humanisme de ses chansons. Au pied du mur. Là où il n’est plus question de tricher : « C’est trop facile, Grand Jacques, de faire semblant… »

Il lui fallut pour cela, ayant compris très tôt que « l’aventure commence à l’aurore » pour espérer atteindre un jour l’inaccessible étoile et accomplir enfin son impossible rêve, se lancer à corps perdu dans un extraordinaire voyage au bout de la vie... Quitte à perdre celle-ci, à force d’altruisme et d’abnégation (et d’un peu d’inconséquence, aussi, face à la maladie) ; mais en lui faisant gagner l’Éternité non seulement dans le cœur (tendre) des Marquisiens, qui adoraient l’homme (dont ils ignoraient tout du passé artistique), mais dans l’histoire même de la chanson... vivante. Tout simplement.

PS. Brel, après Brassens (dont je vantais deux belles reprises du Testament et, en catalan, de La Mauvaise Réputation, dans le dernier sujet de ma page personnelle) et San-Antonio, quoi de plus logique ? Ce dernier m’avait raconté en riant ses retrouvailles avec le plus rabelaisien et iconoclaste des chanteurs belges, dans sa loge, le soir de sa toute dernière à l’Olympia : Frédéric Dard, admiratif et débordant d’enthousiasme, et Jacques Brel, relativisant l’événement, pince-sans-rire et modeste en même temps (voir Le Voyage au bout de la vie, page 67)...

Quant à Brassens, personne n’ignore que Brel et lui étaient les plus grands amis du monde. On se souvient de Brel disant de Brassens, versant professionnel : « Je crois que c’est un péché mortel de ne pas écouter Brassens. On peut ne pas l’aimer, on ne peut pas ne pas l’essayer », et puis, versant personnel : « J’insiste sur le sourire de Brassens qui est le plus beau sourire d’homme que je connaisse. » Un sourire qui avait disparu lorsque Georges prononça douloureusement ces mots le jour de la mort de Jacques, qui demeurent un sommet d’émotion pudique :

Jacques Brel et Georges Brassens finalement réunis comme par miracle par-delà le temps et l’espace (merci Monique...) dans le village d’Atuona, île d’Hiva Oa (archipel des Marquises), grâce à un galet signé « Georges Brassens » ayant surfé sur la vague et vogué depuis Sète jusqu’à la dernière demeure de son camarade du Plat Pays, pas loin de la plage, à vol d’oiseau, qu’elle surplombe en majesté... Atuona, aux Marquises où le temps s’immobilise et où le Grand Jacques reste plus vivant que jamais dans le cœur des gens.

 

NB. 1) Sur Jacques Brel, le voyage au bout de la vie, voir, écouter et lire sa revue de presse, entre autres avec les deux émissions suivantes :
• Sur France Inter :
« Le Temps d’un bivouac », avec Daniel Fiévet (une heure).

• Sur France Culture : « Le Réveil culturel », avec Tewfik Hakem (une demi-heure).

2) Sur l’album collectif Ces gens-là, sorti à l’occasion du 90e anniversaire de la naissance de Jacques Brel, interprété par treize artistes de générations et d’horizons différents (Thomas Dutronc, Gauvain Sers, Marianne Faithfull, Slimane, Bernard Lavilliers, Melody Gardot, Oxmo Puccino, Liv Del Estal, Carla Bruni, Michel Jonasz, Zaz, Madeleine Peyroux et Claudio Capéo, dans l’ordre d’apparition sur le disque), voir ce sujet explicatif avec plusieurs vidéos.

 

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