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  • : SI ÇA VOUS CHANTE (le blog de Fred Hidalgo)
  • : Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…
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  • Fred Hidalgo
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.

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17 mars 2013 7 17 /03 /mars /2013 11:25
La chanson est une clé à molette
  
C’est un « essai », du moins l’ouvrage se présente-t-il ainsi, mais c’est surtout un coup de maître. Un essai sur la chanson francophone, signé Michel Bühler – l’un des grands auteurs-compositeurs-interprètes de Suisse romande, « cousin » de François Béranger et de Gilles Vigneault –, qui met à plat les problématiques auxquelles se heurte actuellement cet art millénaire et réussit à la fois le prodige (le tour de passe-passe ?) de se montrer (raisonnablement) optimiste quant à son devenir. Malgré ce constat : « Être en rébellion aujourd’hui, chez nous, c’est chanter en français. »
 Buhler.jpg
  
Format poche (240 pages), comme pour montrer le côté « portatif » de la chanson, exclusif de cet enfant de l’amour entre des paroles et une musique, ainsi que l’explique l’auteur : « La chanson, c’est le PPPC, le Plus Petit Produit Culturel ! En trois minutes, en quelques couplets, quelques refrains, vous avez une histoire, un roman, un film entier !  Que l’on pense à La Mère à Titi de Renaud : tout est là, le décor, la vie quotidienne, la banlieue, les rapports entre les personnages ! Que Jacques Brel chante son Plat pays, vous voyez défiler devant vous mieux que tous les documentaires sur la Belgique ! Avec la poésie et les frissons en plus. Écoutez La Pinte vaudoise ou La Partie de Cave de Jean Villard-Gilles, c’est tout le canton de Vaud, c’est toute l’âme vaudoise qui est là, ce sont les vignes pentues du Lavaux, et la lune qui “se reflète au profond de l’eau qui dort”….
 
  
» Contrairement à tous les autres produits culturels, la chanson peut vivre sans support. Pour remplir son rôle, le cinéma a besoin d’un écran et d’un projecteur, ou au moins d’un DVD et d’un lecteur. La littérature n’existe pas sans papier, sans ordinateur ; la peinture nécessite une toile, la sculpture, un morceau de pierre ou de ferraille… La chanson ? Infiniment portable et pratique, elle se moque de ces béquilles. Vous pouvez la mettre au fond de votre mémoire, l’emmener partout, et la faire renaître au moment que vous choisirez ! Elle n’encombrera pas vos bagages, elle ne fera sonner aucun portillon de sécurité, et vous pourrez, sans risquer la moindre question, passer tranquillement avec elle devant les douaniers les plus suspicieux ! C’est l’objet d’art idéal. On ne le répétera jamais assez. »

Trois « couplets », proposant une vingtaine de mini-chapitres chacun (suivis d’annexes sur le métier) composent cet hymne bühlérien, véritable déclaration d’amour à la chanson… considérée comme « une clé à molette » ! Pourquoi ce titre si étrange, au fait ? Parce « tout dépend de l’usage qu’on en fait », écrit Michel. Simple outil pour un garagiste ou un menuisier, une clé à molette peut en effet devenir une arme mortelle entre les mains d’un assassin… À partir de là, extrapole l’auteur, « à partir de la radio et du disque, à partir du moment où la chanson a pu être diffusée largement, à partir surtout de l’instant où elle a pu rapporter gros, elle a été kidnappée par le marché, et s’est transformée en produit commercial. Et tout a changé pour elle ».
 Portrait
  
Les temps changent, chantait Bob Dylan, dès 1964. En l’espace d’un demi-siècle, tout est allé très vite. Au début des années 70, rappelle Bühler, régnait la multiculturalité. « Chaque pays, chaque région, avec sa langue et son génie propre, apportait sa pierre à l’édifice. Pas de mouvement centralisé, non, pas d’hégémonie d’une culture sur les autres, toutes étaient les bienvenues, toutes étaient invitées à participer à un foisonnement créatif extraordinaire. On entendait Dylan et Joan Baez, Vigneault, Leclerc, les Chiliens, les Cubains, les Portugais, les Catalans, les Wallons. En France, on chantait en occitan, en breton, en alsacien… Dans ce contexte, il était tout naturel qu’on revendique son appartenance à la Suisse romande pour écrire ses chansons, parler d’ici. C’est ce qu’a fait une génération d’auteurs-compositeurs qui affichaient tranquillement leur origine valaisanne, jurassienne, fribourgeoise, vaudoise. J’étais de ceux-là. » Parmi eux, ceux de la génération « parrainée » par le grand Jean Villard-Gilles, il y avait Pascal Auberson, Michel Buzzi, Henri Dès, Jean-Pierre Huser, Gaston Schaeffer, Sarcloret, Dominique Scheder, Yvette Théraulaz…
 
Et puis, avec le temps, cette belle diversité a été battue en brèche, en Suisse romande comme partout ailleurs, par le marketing agressif de l’oncle Sam ; ce que Michel Bühler nomme « le trop de présence » : « Le problème, souligne-t-il, c’est que ce qui vient d’Outre-Atlantique ne se comporte pas comme un invité poli, que l’on accueille, chez soi, à qui on demande, curieux, qu’avons-nous à partager ? Non, pas de partage ! C’est la plupart du temps quelqu’un qui entre dans votre maison sans y avoir été invité, et qui vous dit : “Ôte-toi de là, que je m’y mette !” »
 
 
Et nous voilà ce soir… comme disait Brel. Avec un intrus dans la maison, qui vire tous les meubles et refait le décor à sa façon, toujours la même, sans se soucier des goûts, us et coutumes de ses habitants. Il reste pourtant « des raisons d’espérer », assure Bühler. « Les nouveaux outils de communication et de stockage », d’abord, qui, selon lui, « vont peut-être nous rendre un peu de liberté : Internet donne la possibilité à chacun d’aller choisir, sur toute la planète, les airs qui lui conviennent, sans être tributaires des goûts des programmateurs radio ; les iPods nous permettent d’emporter et de faire renaître partout les PPPCs qui nous plaisent ». Et puis et surtout le public, certes minoritaire mais toujours bien présent – car jamais le virtuel, même s’il prend le pas sur la « galaxie Gutenberg » (celle du livre… et du disque), ne pourra rivaliser avec le vivant. Le public du village d’à côté, tellement plus authentique que celui du village planétaire électronique prophétisé en son temps par McLuhan. Un public « fervent et heureux [qui] remplit à longueur d’année les petits lieux où l’on offre de la chanson belle. » Ce que Michel Trihoreau, dans un livre unique en son genre, à recommander encore et encore, urbi et orbi, nomme La Chanson de proximité
 

Sorti il y a plus d’un an, mais trop discrètement et seulement en Suisse, La Chanson est une clé à molette demande à être découvert et partagé dans toute la francophonie. Les livres de ce genre, depuis l’indispensable Chante toujours, tu m’intéresses, de Jacques Bertin (Le Seuil, 1981), se comptent en effet seulement sur les doigts des deux mains. Et encore... Il le demande d’autant plus que son auteur ne prétend pas détenir la vérité, n’ayant eu d’autre but que « de provoquer la réflexion ». Et « accessoirement » de montrer « que cet art de pauvres [est] un lieu de rencontre, de partage, porteur de mémoire, jamais innocent, capable de souder les foules, de réunir des amis... » C’est bien ce qui se passe ici (et maintenant), non ?
  
Pour le plaisir et parce qu’un disque, pas plus qu’un livre, ne se périme dans un temps donné (au contraire, souvent il se bonifie avec le temps) quand son auteur est un créateur-né, pas un faiseur opportuniste, voici ce que nous disions ici de son dernier album en public, paru en 2009.

• Voyageur, 21 titres, 75’06 (distr. France : EPM, Suisse : Disques Office). Enregistré au Théâtre de l’Échandole, à Yverdon (Suisse), du 23 au 26 septembre 2009, avec trois musiciens aux guitares, contrebasse, accordéon et bandonéon, Voyageur retrace Les Tribulations d’un chanteur en Suisse (et ailleurs dans le monde, au Kosovo, au Sahara, au Café arabe de Jésusalem… ou Rue de la Roquette), de son tout premier succès, Helvétiquement vôtre (1969), à plusieurs inédits de l’année. De la tendresse, de la poésie et de l’humour, que demander de plus ? La Simple histoire de quarante ans de carrière phonographique résumée en un seul album dont l’auteur (compositeur et interprète), malgré tout, malgré le temps qui passe et le monde tel qu’il est et se défait, s’efforce encore et toujours de croire en l’Homme : ouvert par une Berceuse pour un enfant qui vient, ce concert ne s’achève-t-il pas sous le signe de L’Espoir… ? Généreux et nécessaire Bubu ! (Voir ici, en complément d’info, une interview vidéo donnée à la Radio Télévision Suisse Romande à la sortie de cet album et du recueil On fait des chansons, imposant volume – près de 500 pages grand format, couverture cartonnée – de l’intégrale de ses chansons, textes et partitions).


Enfin, pour faire entièrement chorus avec le chanteur qui achève son livre sur ces mots : « Regardons l’avenir… », sachez que Michel Bühler vient tout juste de sortir son nouvel album studio, enregistré l’été dernier. Treize chansons (Les Ardéchois, Avignon, À la manif, Et voilà !, Je me bats, Cher Monsieur – en duo avec le Bel Hubert, La Chanson de Fernand, Actualités 2012, Petite berceuse, Tunis 2011, Zoologie, Le Polonais, Est-ce écrit ?), et un titre pour le résumer… et mettre le mot « fin » à ce sujet : Et voilà ! 
________
Contacts pour les disques – Suisse : Éditions du Crêt Papillon, CP 13, Rue de l'Industrie 1, CH-1450 Sainte-Croix (e-mail) ; site de l’artiste ; France : Edito Musique, Cristine Hudin, 33 av. Philippe Auguste, 75011 Paris (e-mail).
Contact pour le livre : Bernard Campiche Éditeur, Grand-Rue 26, CH-1350 Orbe (lien direct, avec critiques de journaux suisses).
 
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commentaires

D
Evidemment l'exercice pourrait être sans limite... Trenet, Brassens, Ferré, Brel et le petit dernier (!) Allain Leprest, et déjà combien de chef-d'œuvre? Donc vive la chanson... française, ceux qui<br /> la font, ceux qui l'écoutent et ceux qui comme toi, bossent pour la faire connaitre. Toujours pour mes enfants et à leur demande, je fais la même liste avec les voix du jazz....! et j'ajoute Michel<br /> Bühler que j'avais oublié, impardonnable !! Merci à toi.
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D
À la demande de mes enfants, j'ai établi une liste similaire d'abord limitée à 10. Impossible! Nous avons décidé d'aller à 20... 50... 100... Nous en sommes à 200!!! et constatons (en visitant ton<br /> site) qu'on n'a pas fini... Et c'est bien comme ça. Merci
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F
<br /> <br /> Quelques précisions pour abonder dans votre sens, cher Dominique : pour établir notre liste (forcément subjective) des "60 meilleurs albums" de chanson francophone<br /> parus entre le n° 1 et le n° 60 de Chorus, notre équipe avait retenu au total 540 albums (de 334 artistes et groupes différents), tous jugés par elle comme étant parmi "les meilleurs"<br /> ; soit quelque 5 500 chansons (!) "qui forment donc - écrivais-je alors - le Top des Tops de la chanson francophone" (...rien que pour les quinze années considérées, soit<br /> 1992 à 2007). C'est tout dire...<br /> <br /> <br /> <br />
Y
j'ai oublié de préciser..." le pays qui dort "de Michel Buhler possède la force ...du plat pays de Brel...ce n'est que mon modeste avis ...
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F
<br /> <br /> Pour être "modeste", cher Yves, cet avis n'en est pas moins respectable. Aux qualités "objectives" d'une chanson s'associe tellement l'aspect affectif de chacun et<br /> chacune d'entre nous... C'est là, d'ailleurs, une spécificité de la chanson qui nous marque, tous et toutes, de façon plus ou moins différente, en fonction du moment de sa réception, des<br /> liens qu'elle établit avec notre propre vie, de l'écho intime qu'elle trouve en nous, etc.<br /> <br /> <br /> <br />
Y
quel bonheur permanent de réécouter Michel Buhler...
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E
Ce livre de Michel Bühler, je le lui ai commandé dès sa sortie sur son site... Reçu en retour avec une précieuse dédicace de l'auteur.<br /> <br /> Rappel salutaire de quelqu'un qui sait de quoi il parle !<br /> Bubu est toujours resté fidèle à lui-même et a gardé sa générosité première, jamais dupe cependant...<br /> <br /> Et merci pour les chansons choisies. "Le pays qui dort" a été l'une de celles qui m'a fait adorer ce chanteur indispensable. En fait, je les aime toutes !
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