Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : SI ÇA VOUS CHANTE (le blog de Fred Hidalgo)
  • : Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…
  • Contact

Profil

  • Fred Hidalgo
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.

Site de Fred Hidalgo

Journaliste, éditeur, auteur
À consulter ICI

Recherche

Facebook

La Maison de la chanson vivante
   (groupe associé au blog)
 

Jean-Jacques Goldman, confidentiel
  (page dédiée au livre)

 

Fred Hidalgo
  (page personnelle)

Archives

Livres

 

 

4 septembre 2011 7 04 /09 /septembre /2011 18:59

Ne chantez pas la mort (1/3)

 

Dur-dur, de voir les artistes que l’on a accompagnés depuis leurs débuts, et dont la fidélité était réciproque, tirer leur révérence avant l’heure : Lhasa de Sela et Mano Solo, Alain Bashung, Allain Leprest… Dur-dur de voir nos proches collaborateurs, auxquels la profession devrait tresser des lauriers, comme Jean-Pierre Leloir récemment, contraints de lâcher la rampe, « par arrêt de l’arbitre ». Dur-dur de voir les phares qui nous ont guidés dans notre traversée s’éteindre d’un coup alors qu’on les croyait éternels (et ils le sont à travers leur œuvre), comme Jean Ferrat. « Ne chantez pas la Mort », prévient Jean-Roger Caussimon (mis en musique et chanté ici par Ferré), « C’est un sujet morbide / Le mot seul jette un froid, aussitôt qu’il est dit / Les gens du show-business vous prédiront le bide / C’est un sujet tabou / Pour poète maudit… » Certes, mais comment faire autrement sans contribuer à l’indifférence médiatique généralisée ? Dur-dur en effet que les adieux successifs, le printemps dernier, de Jean-Claude Darnal, de Ricet Barrier et de Claude Léveillée n’aient suscité en France que si peu d’écho…

 

 

Trois artistes de générations antérieures à la nôtre qui, ayant une haute idée de la chanson, nous avaient pourtant fait l’amitié d’être attentifs à notre démarche. Et de l’encourager de diverses façons depuis le début des années 80... Ce printemps 2011 nous a fait revivre le printemps meurtrier de l’année 2002 où Bernard Haillant, Francis Lemarque, Pierre Rapsat et Sylvain Lelièvre nous quittèrent en l’espace de deux semaines : « quatre grands amis de Chorus, quatre grands noms pour tous les amoureux de la chanson, écrivais-je dans notre numéro d’été (cf. Chorus n° 40) : deux Français, un Belge et un Québécois aux modes d’expression musicale aussi spécifiques que différents, mais unis par un même esprit de simplicité, d’ouverture, de fraternité et de solidarité. Par un même talent, surtout, scandaleusement méconnu ou à jamais populaire, mais un talent immense… »

Si je me permets cette autocitation, c’est non seulement parce qu’il ne faut pas manquer une occasion de saluer la mémoire des gens qui ont œuvré, chacun à sa façon, à rendre la vie meilleure et plus belle, mais aussi parce que ces mots, j’ai l’impression qu’on pourrait les reprendre tels quels à propos de Jean-Claude Darnal, Ricet Barrier et Claude Léveillée : pas des « stars » ni des « people », cela n’a jamais été leur ambition, mais d’authentiques artisans de la chanson francophone, deux Français (dont un presque Franco-Suisse : bien que né à Paris, Ricet avait épousé une Suissesse, Añe, et vivait en partie en Suisse romande) et un Québécois, partis comme pour Leprest dans la même globale (et révoltante) indifférence des grands médias hexagonaux – voire du « métier » lui-même. « Putain, le beau métier ! » disait Ricet avec cette bonne humeur qui le caractérisait, toujours égale et contagieuse malgré les coups du sort et le temps qui passe…

 

 

C’est Darnal qui a pris le premier la poudre d’escampette, mardi 12 avril, à l'âge de 81 ans (il était né à Douai en 1929). À vrai dire, il ne chantait plus depuis longtemps – sauf à titre exceptionnel, ou d’illustration comme dans la vidéo ci-dessous –, ayant choisi de se consacrer pleinement et avec beaucoup de bonheur à l’écriture de romans. Pour lui, nous avions inventé une rubrique spéciale dans Chorus : « La Croisée des chemins », moyen détourné de parler d’un ex-chanteur – mais en l’occurrence toujours auteur-compositeur en même temps qu’écrivain, scénariste et dramaturge – que nous avions tant aimé (il avait fait ses premières armes aux Trois Baudets aux côtés de Brassens).

S’il se fit surtout connaître de la génération du baby-boom par ses chansons pour enfants (il co-animait le jeudi une émission à la télévision…), Darnal a écrit ou a été chanté pour et par les plus grands interprètes de l’époque, comme les Compagnons de la chanson, les Frères Jacques, Juliette Gréco, Édith Piaf ou Catherine Sauvage. On se souvient entre autres du Soudard, du Tour du monde… (on peut écouter nombre de ses chansons en cliquant ICI) ou de Quand la mer monte, dont son ami Raoul de Godewarsvelde, « le barde des Flandres », fera un succès.

 

 

Ironie du destin : cette « Croisée des chemins », dans laquelle l’artiste se décrivait en « papillon scribomane » (du nom de son totem d’ancien scout, qu’il souhaitait donner à l’autobiographie en deux tomes à laquelle il travaillait sous le titre générique On va tout seul au paradis…), figure dans le même numéro (41, automne 2002) que la « Chorusgraphie » consacrée à Leprest… Premier disque, un 45 tours EP, en 1955, sous la houlette de Jacques Canetti et Boris Vian ; des enregistrements réguliers jusqu’à l’album M’am Little Suzanne Dublanc en 1970 ; puis dix ans d’attente pour découvrir ce qui sera son ultime 33 tours 30 cm.

Dans les années 90, lancé dans la littérature, il rencontre Pierre Jobin, ex-agent de Félix Leclerc et de Claude Léveillée, qui sympathise avec lui et l’invite à se produire “Aux Oiseaux de passage”, le petit lieu qu’il a ouvert après son départ du fameux Théâtre du Petit-Champlain, devenu en 1994 sous sa direction « la Maison de la Chanson » du Québec. Le récital est enregistré, et un CD intitulé Nature en rend compte, sans autre distribution française, hélas, que celle réservée (gracieusement) aux abonnés de Chorus : « Pour l’instant, disait Darnal à notre collaborateur Serge Dillaz, seuls les lecteurs de votre revue peuvent en bénéficier avec “Le Fil de Chorus”. La suite des événements ne dépend pas de moi. » 

 

 

Mais la vie, l’amour, la mort… n’est-ce pas, matelot ou plutôt capitaine Caussimon ? « La Mort / Je la chante et, dès lors, miracle des voyelles / Il semble que la Mort est la sœur / De l’amour / La Mort qui nous attend, l’amour que l’on appelle / Et si lui ne vient pas, elle viendra toujours… » C’est en 1981, au stand Paroles et Musique de la Fête de l’Huma, que j’ai fait la connaissance de Jean-Claude Darnal : il m’en reste cette photo où on le voit, entre deux dédicaces de son dernier album, en train de converser avec… Jean-Roger Caussimon – il n’y a pas de hasard.

 
Darnal2.jpg
Vingt ans après, pour son mini-dossier bilan de Chorus, il avait toujours la même allure d’adolescent bourlingueur. « Une démarche chaloupée, écrivait Serge Dillaz, héritée du temps où il voguait sur les mers d’Afrique. » Enfant,
Jean-Claude Darnal (voir son SITE officiel) se rêvait en effet capitaine au long cours. En mettant les voiles pour le voyage sans retour, il s’est mis en règle avec son enfance : « Tant mieux si la route est longue / Je ferai le tour du monde… »  

(À SUIVRE)

Partager cet article
Repost0

commentaires

J
<br /> J'VEUX PAS MOURIR<br /> <br /> C’est la première fois que je vois le ciel à l’envers<br /> J’viens d’tomber du cinquième étage<br /> C’est drôle, ça m’fait pas mal, j’suis étendu à terre<br /> Mais j’ai froid et je me sens sale<br /> Je crois que j’ai crié pour retenir ma vie<br /> Comm’mon copain Henri, sur l’autr’chantier en décembre dernier<br /> On s’est tous arrêtés en entendant son cri<br /> J’me souviendrai toujours, on s’est tous mis à trembler<br /> <br /> J’veux pas mourir<br /> Loin de ma terre<br /> Je vous en prie<br /> Pas l’cimetière<br /> J’en ai creusé tell’ment de fois<br /> Je sais qu’dans les trous, il fait froid<br /> <br /> Le grutier roule sa veste pour m’faire un oreiller<br /> Angelo étend une couverture<br /> Mon Dieu, j’ai froid, l’chantier s’est arrêté<br /> On finissait de poser la toiture<br /> Je sais que si j’m’en sors, on plant’ra le drapeau<br /> On ira chez Marcel et je paierai le champagne<br /> Mais quand le pauvre Henri est resté sur l’carreau<br /> C’est moi qui ai accroché l’petit bouquet de fleurs sauvages<br /> <br /> J’veux pas mourir<br /> Loin de ma terre<br /> Je vous en prie<br /> Pas l’cimetière<br /> J’en ai creusé tell’ment de fois<br /> Je sais qu’dans les trous, il fait froid<br /> <br /> Le gars d’la bétonneuse demande si j’veux de l’eau<br /> J’voudrais qu’tu prennes mon portefeuille<br /> J’ai froid, j’ai froid, montre-moi les photos<br /> J’veux pas qu’ma femme, elle reste toute seule<br /> Je voudrais vivre encore, je voudrais r’voir les miens<br /> Ils sont là-bas, sur nos anciennes terres<br /> Ils n’auront pas le temps, c’est vrai qu’ça n’est pas rien<br /> Pour venir de Quimper, presqu’une journée de chemin d’fer<br /> <br /> J’veux pas mourir<br /> Loin de ma terre<br /> Je vous en prie<br /> Pas l’cimetière<br /> <br /> J’ai froid dans tout mon corps, il est cinq heures passé<br /> Les enfants sortent de l’école, j’entends la sirène des pompiers<br /> L’médecin est arrivé,il n’ose pas me bouger<br /> Il vient d’faire la grimace, que j’ai du mal à respirer<br /> <br /> J’veux pas mourir<br /> Loin de ma terre<br /> Je vous en prie<br /> Pas l’cimetière<br /> J’en ai creusé tell’ment de fois<br /> Je sais qu’dans les trous...<br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> <br /> Superbe chanson, Jean.<br /> <br /> <br /> Merci d'en faire ainsi profiter tous les lecteurs de Si ça vous chante... que j'invite à la découvrir sur scène, ici ou là, ou bien sur disque, puisque<br /> J'veux pas mourir figure sur le CD 4 de ton coffret de "45 ans de chansons" : Jean Humenry, Aussi loin qu'ici... d'ailleurs préfacé par notre ami Serge Dillaz,<br /> ex-Chorus.<br /> <br /> <br /> Pour te contacter, je rappelle ton site http://www.myspace.com/humenry<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> " Les feuilles mortes se ramassent à la pelle<br /> Les souvenirs et les regrets aussi"<br /> <br /> SOUVENIRS oui, grâce à Chorus et à votre blog, cher Fred<br /> <br /> " le vrai tombeau des morts,c 'est le coeur des vivants"<br /> <br /> LES REGRETS cette absence de médiatisation<br /> <br /> Comme vous l'écrivez si bien<br /> "<br /> "scandaleusement méconnu ou à jamais populaire, mais un talent immense… »<br /> <br /> MERCI FRED pour ces artistes que je redécouvre pour certains, et que je découvre ( trop tard) pour d'autres<br /> <br /> ANNIE<br /> <br /> <br />
Répondre
Y
<br /> C'est vrai que la mort est souvent un sujet tabou pour beaucoup de chanteurs .<br /> Mais le silence qui entoure le décès de certains artistes- non médiatisés mais dont le talent est incontestable-m'apparaît pesant et honteux...<br /> Merci Fred de ne pas les oublier...<br /> <br /> <br />
Répondre
T
<br /> Hé oui, Fred! Combien de grands auteurs et de compositeurs/ qui ont ramé longtemps, inconnus du 20 heures,/Appréciés dans un cercle d'amateurs éclairés,/Bêtes de festivals, piliers de MJC,/ Dans ce<br /> morne horizon se sont évanouis...Que papy Victor pardonne la parodie. Désolons nous, oui, mais désolons nous ensemble et qu'aucun de nous ne cède au désespoir. Seule la volonté de renverser un jour<br /> la tendance, doit nous animer afin d'en finir avec le conditionnement systématique des jeunes ...et des moins jeunes à la "monoculture" qui en fait des "hémiplégiques culturels". Nous savons que la<br /> culture n'est pas affaire de substitution mais d'addition. On y mettra le temps et l'énergie qu'il faut mais nous sommes de moins en moins seuls quoi qu'il paraisse. Amitiés Henry<br /> <br /> <br />
Répondre