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  • : SI ÇA VOUS CHANTE (le blog de Fred Hidalgo)
  • : Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…
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  • Fred Hidalgo
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.

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15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 15:20

Ne me quitte pas (épilogue, 1/3)

 

Voilà. Le temps est venu de quitter le Grand Jacques… Ce n’est pas sans difficulté ni émotion, on l’imagine aisément à la lecture des épisodes précédents ; ce n’est pas non plus sans regrets, tant il me resterait à dire sur sa vie et ses projets en Polynésie. Mais tout a une fin et il faut se résoudre à mettre un point final à ce récit vécu, né d’un voyage longtemps rêvé. Voici donc, en trois volets successifs, l’épilogue de ce grand reportage, car on a beau se dire (et le ressentir de façon presque tangible) qu’aux Marquises le temps s’immobilise, il ne s’arrête pas pour autant : il passe aussi… et vient alors le temps de repartir. Le Twin Otter nous attend sur le tarmac de cet aérodrome de poche qu’en octobre 2008, pour le trentième anniversaire de sa disparition, on a baptisé « Tohua Manu Jacques-Brel » : Aéroport Jacques-Brel…

 

fredAeroport

 

La maladie l’avait repris au printemps 1978, récidive diagnostiquée vers le 20 juillet à Papeete par le professeur Lucien Israël, célèbre cancérologue venu donner une conférence à Tahiti, qui lui proposa de l’admettre sans tarder dans son service, à l’hôpital franco-musulman de Bobigny. Quelques jours plus tôt, Jacques et la Doudou avaient quitté le sol d’Hiva Oa pour la dernière fois, sur un vol d’Air Polynésie. Le 27, ils décollaient de l’aéroport de Faaa dans un DC10 d’UTA (où, coïncidence, voyageaient aussi Caroline de Monaco et son époux, de retour de lune de miel, et le navigateur Alain Colas !) pour un traitement de la dernière chance… Et justement, après un mois et demi de radiothérapie, voilà le mal qui régresse, la tumeur au poumon qui se réduit considérablement... au point que, dans la seconde quinzaine de septembre, Jacques se met à nourrir de nouveaux projets d’avenir.

C’était sans compter, hélas, sur les paparazzi : une nuit, déguisés en infirmiers, appareils photo sous leurs blouses, ils entrent dans sa chambre d’hôpital pour le photographier sur son lit de douleur ! Le professeur Israël et Charley Marouani ont confirmé la suite : dégoûté, Jacques retira lui-même ses perfusions et prit la décision irrévocable de quitter l’hôpital pour se réfugier en Suisse. Il chargea Maddly d’appeler Jean Liardon, son ami pilote, pour le prier de venir les chercher en avion au Bourget. Oui, tout aurait pu se passer autrement sans les paparazzi, toujours eux, qui le pistèrent ensuite de l’hôpital jusqu’à l’aéroport, l’obligeant, dans l’attente que Liardon atterrisse, à se dissimuler dans une pièce climatisée où il allait attraper froid. Or, Jacques était alors sous anticoagulants après avoir été victime d’une phlébite…  

 

Un document exceptionnel : Jacques Brel se présente lui-même, en 1959, dans un cabaret de Montmartre
où il se produisait régulièrement, le Tire-Bouchon, et
présente son pianiste Gérard Jouannest ainsi que
Georges Rovère, son premier secrétaire et homme à tout faire (avant qu’un autre Georges, dit Jojo,
ne le remplace bientôt…) : c’est « monsieur l’administrateur, dit-il, celui qui s’occupe d’arranger
tous les ennuis ; quand il n’y en a pas, il en crée… »

 

Quinze jours plus tard, le 6 octobre, ayant le plus grand mal à respirer, il était rapatrié d’urgence par le même Liardon et ramené aussitôt à l’hôpital de Bobigny. C’est là, dans la chambre 305, que Jacques Brel allait décéder, le 9 octobre 1978 à trois heures et demie du matin ; non pas de cette maladie dont on n’ose dire le nom mais d’une embolie pulmonaire… Outre Maddly et Miche, qu’on verra en pleurs dans les bras l’une de l’autre, et quelques membres de la famille proche dont ses filles Chantal, France et Isabelle, rares sont les amis qui ont eu le courage de venir s’incliner ou se recueillir devant sa dépouille mortelle : en particulier Barbara et Juliette Gréco (qu’il avait revues un an plus tôt pendant l’enregistrement de son album), Gérard Jouannest et François Rauber… et puis, bien sûr, le fidèle Charley Marouani qui fut son imprésario dès ses premières années parisiennes, quand Jacques chantait encore dans les cabarets.

Lino Ventura, qui avait dîné avec lui et leurs compagnes respectives quelques semaines auparavant (et lui avait promis, semble-t-il, de se rendre bientôt à Hiva Oa), et Brassens, qui avait manqué ce dîner et pensait le retrouver prochainement, ont préféré garder de lui le souvenir d’un homme debout : « Paul Fort disait : “Il faut nous aimer sur terre / Il faut nous aimer vivants / Ne crois pas au cimetière / Il faut nous aimer avant”. »  Citation rappelée alors par le bon Georges qui, accablé de chagrin, s’est néanmoins forcé à lui rendre un bref mais éloquent hommage : « Pour le moment, dans la chanson, je crois que Jacques Brel est l’être le plus important qui soit… »  

Le 12 octobre, convoyé seulement par la Doudou et l’ancien imprésario du chanteur, le cercueil était embarqué à bord d’un long courrier, puis transporté de Tahiti jusqu’à Hiva Oa sur l’appareil d’Air Polynésie piloté par Michel Gauthier, l’un des deux instructeurs de Jacques, du temps où il volait à travers les îles de la Société et les Tuamotu pour revalider sa licence (voir « Brel-3 »), et l’un de ses invités permanents chez lui le lundi à dîner lorsqu’il faisait escale à Atuona. Le 13 octobre en fin de matinée, tout le village était présent au cimetière du Calvaire où Jacques avait demandé à être enterré. Sa tombe avait été creusée à la droite du grand Christ en croix, Gauguin reposant depuis le 3 mai 1908 à sa gauche. Les deux (bons) larrons d’Hiva Oa…

Gauguin avait 55 ans à sa mort, Jacques Brel seulement 49. Mais « ce qui compte dans une vie, avait déclaré celui-ci en 1971, ce n’est pas la durée d’une vie, c’est l’intensité d’une vie. » Gauguin, Brel ? Impossible de n’être pas frappé, au-delà du temps, par leurs nombreux points communs en ces mêmes lieux. Surtout, ils ont tenté tous deux, avec générosité et compassion, d’améliorer le sort des habitants de leur île d’adoption – Brel avec davantage de succès que son illustre prédécesseur, plus radical compte tenu de l’époque et des conséquences de la colonisation et de l’évangélisation sur le mode de vie ancestral des Marquisiens. autoportrait gauguinL’un, révolté par les conditions de vie réservées aux autochtones, et l’autre, par l’abandon dont ils faisaient l’objet de la part du pouvoir central de Tahiti aux plans culturel et sanitaire, déployèrent une grande énergie pour leur venir en aide. Quitte à se heurter (frontalement dans le cas de Gauguin, adversaire des lois iniques imposées aux Marquisiens ; de façon plus tolérante, mais non sans aplomb ni colère, dans celui de Brel) aux représentants de l’autorité légale et religieuse.

Pour mémoire, ces simples et innocentes anecdotes (en apparence seulement pour le peintre, car de graves conséquences s’ensuivront) relatives à leurs démêlés respectifs avec la gendarmerie locale.

1902. Paul Gauguin a déjà eu maille à partir avec le gendarme, un brigadier dénommé Charpillet. Celui-ci n’a pas digéré, entre autres actions de « désobéissance civique », le fait que le peintre ait incité les « indigènes » à refuser de payer l’impôt sur les routes, décidé à Papeete… alors qu’il n’y a pas de routes à Hiva Oa ! Un soir, il tient sa vengeance. Voyant Gauguin circuler avec sa carriole tirée par un cheval dans l’unique rue d’Atuona, une simple chaussée en terre battue, Charpillet lui ordonne de s’arrêter. Pierre Berruer, biographe de Gauguin (Le Bon Dieu n’a pas d’oreilles, op. cit.), a reconstitué le dialogue entre les deux hommes :

« Vous qui êtes tellement au courant des lois, vous ne pouvez ignorer qu’il est interdit de circuler nuitamment sur le territoire français sans dispositif d’éclairage.
– C’est tout ce que vous avez trouvé ? Enfin, Charpillet, c’est la seule voiture de l’île !
– Cela ne vous dispense pas d’appliquer les règlements. Je vous dresse procès-verbal… Et par la même occasion, je vous signale, amicalement, qu’un rapport sur vos agissements est envoyé à l’administrateur. »

Quinze jours plus tard, le gendarme se présentait à la Maison du jouir, exhibant un ordre de saisie pour non-paiement du procès-verbal…

1978. Jacques Brel avait plus souvent qu’à son tour l’occasion d’être agacé par les tracasseries de l’administration, tant à son encontre en qualité de ressortissant étranger qu’à celle des Marquisiens. Venant de se faire livrer une moto Suzuki, pour se déplacer plus facilement, seul ou avec Maddly, sur les pistes de l’île, il apprend un jour que la gendarmerie a rendu obligatoire le port du casque. À l’époque, la circulation est quasiment nulle à Hiva Oa du fait que les seules routes existantes (en l’attente du bétonnage de quelques pistes entrepris depuis peu par la commune) sont de simples chemins de terre, souvent des pistes cavalières, qui exigent de rouler lentement.  

 

Document (suite) : Jacques chante Ne me quitte pas en piano-voix, en 1959 au
Tire-Bouchon, accompagné par Gérard Jouannest.

 

Alors, pour signifier son mécontentement, il va trouver son ami postier Fiston Amaru (celui qu’il appelle affectueusement « vieux pédé » alors qu’il n’est ni vieux ni homosexuel) avec son 4x4 Toyota, « qui était d’un vieux modèle avec marchepied de chaque côté », et lui demande de prendre le volant. Et voilà notre homme debout sur l’un des marchepieds, coiffé d’un casque de chantier, passant et repassant bruyamment devant la gendarmerie, gesticulations à l’appui et peut-être bien, en tout cas on se plaît à l’imaginer, force jurons destinés à la maréchaussée ! « C’était du temps du remplaçant d’Alain Laffont [le gendarme en poste quand l’Askoy est entré en baie de Tahauku], a précisé Fiston à Eddy Przybylski (La Valse à mille rêves, op. cit.), confirmant ce tableau particulièrement cocasse dont on se souvient encore dans ce village perdu en plein Pacifique. Jacques avait trouvé ce moyen-là pour protester. » Brel, motard en colère à Hiva Oa…

De Gauguin, Jacques Brel disait qu’il était parti en Polynésie pour peindre ses rêves d’enfance. « Seule l’âme de l’enfant qui reste chez l’adulte qu’il devient, expliquait-il, est capable de peindre un cheval en vert ou en rouge. » De fait, c’est à Tahiti et à Hiva Oa que Paul Gauguin se libéra totalement de toutes les contraintes académiques : « J’ai voulu établir le droit de tout oser. » C’est en Polynésie aussi que Brel, touchant le rivage d’Hiva Oa pour se reposer le temps d’une escale et finalement installé à demeure sans l’avoir prémédité, y réalisa l’essentiel de ses rêves d’enfant, à la fois Mermoz, Saint-Ex et chevalier errant au service des autres dans le ciel agité des Marquises. Mais surtout, c’est là qu’il s’y accomplit lui-même, tel un papillon sortant de sa chrysalide. Sans les Marquises, Jacques Brel serait resté ce qu’il était déjà : l’un des plus grands artistes de l’histoire de la chanson, certes… mais rien d’autre que cela : un auteur, un compositeur et un interprète. Aux Marquises, sans être le Bon Dieu pour autant (d’ailleurs, a-t-on jamais vu celui-ci jurer autant que Brel a pu le faire dans ce paradis terrestre ?), il est devenu bien plus, et beaucoup mieux : il est devenu un Homme.

 

enfantsRiviere

 

Janvier 1903. D’un côté du village d’Atuona, se jetant dans l’océan et s’enfonçant en amont dans la vallée profonde, au pied des monts Temetiu et Feani, coule une petite rivière semée de rochers, la rivière Makémaké (voir « Brel-11 »). Elle coupe en la submergeant l’une des rues du « centre-ville », non loin de l’établissement Sainte-Anne et du terrain d’un demi-hectare que Gauguin a acheté à l’Évêché pour y construire sa provocatrice Maison du jouir. Un soir, un cyclone s’abat sur Hiva Oa, gonflant la rivière Makémaké au point que le lendemain matin, après une nuit d’épouvante où les éléments déchaînés ont emporté la plupart des cases et noyé la vallée, la Maison du jouir, bâtie sur pilotis, est comme une île au milieu d’un immense lac ; seuls, dans les alentours, surnagent la gendarmerie et le magasin Varney. Le calme revenu, Atuona n’est plus que ruines et désolation. Tioka, l’un des deux charpentiers marquisiens qui ont construit l’habitation du peintre, devenu son ami, est désespéré. « Je n’ai plus rien ! lui dit-il. Plus de maison, plus de terrain. Le cyclone a cassé les arbres. Il y a des rochers partout… » Et Gauguin, avec son naturel généreux, de lui répondre : « Ne t’en fais pas. Dès que l’on pourra, je te donnerai une parcelle de ma propriété, avec un acte en bonne et due forme. Tu reconstruiras une belle case près de la mienne… »

Octobre 2011 : nous venons de quitter la Maison du jouir pour atteindre la rivière Makémaké qui n’est plus, à cet endroit du village, qu’un ruisseau peu profond. Des enfants y jouent, sans crainte de se tremper ni de mouiller leurs vélos ; joyeux et charmants, à l’image de la population polynésienne dans son ensemble. Je leur glisse quelques mots, leur parle de l’école Sainte-Anne où je suis passé la veille… « Dis m’sieu, lâche spontanément un gamin souriant vêtu d’un maillot de l’Inter de Milan et tenant une bicyclette bien trop grande pour lui, tu connais Jacques Brel ? » Si je connais Jacques Brel ?! Je suis venu tout exprès marcher sur ses pas – trente-quatre mille kilomètres aller-retour – et voilà qu’en arrivant dans son île au trésor, le premier gosse qui m’aborde, c’est pour m’interroger à son sujet…

 

enfantVelo

 

À proximité immédiate trotte un vieux cheval en liberté : sa robe est fauve, pas blanche, désolé monsieur Gauguin ! La rivière, elle, est bruyante, mais à peine plus que le gamin qui veut absolument m’entretenir du Grand Jacques. « C’est un chanteur qui vivait ici, il avait un avion… Et, tu sais, à l’école, on nous a demandé de faire des dessins sur lui, sur ses chansons. » Un instant, j’ai cru entendre le Petit Prince : « Dessine-moi un mouton… » En fait, le minot, qui aurait pu être son frère du bout du monde, m’a dit fièrement : « Moi, j’ai dessiné son avion ! »

 

dessin

 

Ça m’a rappelé ce que me disait quelques jours plus tôt un habitant de Nuku Hiva, Jean-Claude Tata, qui avait rencontré Jacques Brel plusieurs fois quand il se posait à Ua Pou, son île natale : « Je n’avais que dix ans, mais je m’en souviens bien. Sa venue était toujours un événement. Surtout qu’il était gentil et drôle, très souriant, toujours habillé de blanc : il était content qu’on s’intéresse à son avion… J’ignorais que c’était un chanteur, à l’époque, pour nous c’était le popaa qui transportait le courrier et les malades… Une chose m’a frappé, rétrospectivement, quand je l’ai vu pour la première fois dans un film, c’était L’Emmerdeur, dans les années quatre-vingt : il était beaucoup plus maigre que dans mon souvenir… »

 

Hangar

 

Retour à Hiva Oa : je m’apprête à demander à mon petit interlocuteur si ces dessins avaient une destination particulière, mais il me devance : « Si tu veux, tu peux les voir là-bas, avec son avion. » Ce faisant, il me désigne du doigt un hangar vert au toit de tôle ondulée qui ne paye pas de mine. Il est situé dans un espace dégagé entre la rue principale et l’océan. Juste derrière le complexe sportif, avec son stade municipal, là où s’élevait jadis une forêt de cocotiers…

[À SUIVRE : épilogue 2/3]

_________

« SUR LES TRACES DE JACQUES BREL », récit de Fred Hidalgo (illustrations sauf mentions contraires de F. et Mauricette Hidalgo ; rappel des chapitres précédents : 1. Le Voyage aux Marquises (18 novembre 2011) ; 2. Sa nouvelle adresse (26 novembre) ; 3. Si t’as été à Tahiti… (3 décembre) ; 4. Touchez pas à la mer ! (8 décembre) ; 5. Aux Marquises, le temps s’immobilise (13 décembre) ; 6. Si tu étais le bon Dieu… (9 janvier 2012) ; 7. De l’aube claire jusqu’à la fin du jour (29 janvier) ; 8. Et nous voilà, ce soir… (20 février) ; 9. Je chante, persiste et signe… (25 mars) ; 10. Jean de Bruges et « Le voilier de Jacques » (29 mars) ; 11. Quand je serai vieux, je serai insupportable... (3 avril) ; 12. Et tous ces hommes qui sont nos frères... (4 avril).

 

 
 
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4 avril 2012 3 04 /04 /avril /2012 11:07

Et tous ces hommes qui sont nos frères…

 

Le plus dur, après une longue parenthèse passée sans écrire, a été de s’y remettre, et puis le déclic s’est produit et tout a repris comme avant : six mois pour esquisser quatre chansons et six mois encore pour en avoir dix-sept prêtes à être mises en boîte ! Tout ? Presque tout, oui, car avant de regagner Paris pour enregistrer l’album avec ses fidèles complices, le Grand Jacques a regoûté aux joies de la chanson vivante, comme à ses débuts, lors d’un « tour de chant » aussi improbable que généreux. Une histoire de tendresse, émouvante et magnifique…

 

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Finalement, cet album sans titre, qu’on appelle néanmoins Les Marquises, battra tous les records de vente de l’histoire du disque. Plus d’un million d’exemplaires précommandés par les disquaires ! Sans que l’intéressé ne l’ait cherché ni même espéré. Au contraire : non seulement il a refusé tout net d’être impliqué dans sa promotion, mais il a également fait promettre à son producteur, Eddie Barclay, de le sortir sans privilégier aucun média ni mener de campagne commerciale ; promesse que Barclay le futé, le malin, le roublard, tiendra à la lettre – aucune publicité, pas d’affichage, rien de tout cela – mais saura détourner avec une rare habileté.

En mettant le disque en vente au même instant, partout en France, via la communication simultanée du code des cadenas scellant les containers dans lesquels ont été acheminés les disques (Barclay a engagé des dizaines de téléphonistes chargés d’appeler les grossistes), et en autorisant les radios à le diffuser dans le même temps – et en entier, car c’est un événement sans précédent que ce « retour » de Brel à la chanson –, l’astucieux homme d’affaires va créer un engouement jamais vu en la matière. J’en témoigne personnellement : après avoir commencé d’écouter le disque à la radio un peu avant 13 heures (en compagnie de notre ami Louis Bresson – voir « Brel-3-4 » – avec lequel nous animions alors un hebdomadaire régional créé ensemble : tout s’enchaîne et tout se recoupe…), je franchissais dès l’après-midi le seuil de mon disquaire... Ne serait-ce que pour ce titre unique où les protagonistes « se tiennent par les yeux », seuls au monde au milieu de la foule, l’une des plus grandes chansons francophones qui soient, une histoire d’amour déchirante, merveilleusement écrite et décrite, dont Brel lui-même disait que c’était sa plus belle chanson d’amour… 

 

 

Pour le producteur, appelé à faire la promotion de l’album sans la moindre participation de son auteur (parti de Paris sitôt l’enregistrement terminé), le défi était grand. Alors, il a fait preuve d’imagination… Mais quand même, suggère-t-il à Jacques avant son départ, si les médias, la télé en particulier, veulent qu’on leur envoie quelqu’un pour en parler, ne serait-il pas judicieux de remettre le disque avant sa sortie à un journaliste qui connaîtrait bien son œuvre ? Jacques réfléchit et accepte de déroger à sa règle concernant les envois en service de presse (n’envoyer le disque à personne avant qu’il ne soit en vente et ne donner aucune exclusivité). Il convient du bien-fondé de la suggestion, à cette réserve près que le destinataire ne sera pas un journaliste. Il y a une personne, une seule, à laquelle il veut bien que Barclay apporte le disque la veille de sa sortie. Et si la personne en question accepte d’en parler, dans les termes qu’elle jugera bons, libre à elle ! C’est entendu, lui dit Barclay. Mais de qui s’agit-il ? Et Jacques de lui répondre : « François Mitterrand. »

Nous sommes en 1977. Mitterrand n’est encore que secrétaire général du parti socialiste. Mais il a déjà la carrure d’un homme d’État. Les législatives de 78 se profilent : il est question de programme commun entre le PC et le PS… Mais surtout, Mitterrand est un homme de lettres que Jacques apprécie. Sur l’Askoy, il avait emporté La Paille et le Grain. Et puis, il y a cette chanson, Jaurès, qui devrait lui parler : « Demandez-vous, belle jeunesse / Le temps de l’ombre d’un souvenir / Le temps du souffle d’un soupir / Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? / Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?… »  

 

 

D’aucuns, pensant que Brel, fils de bourgeois, ne s’est jamais engagé politiquement, s’étonneront de ce choix. D’autant qu’il est et reste citoyen belge. C’est méconnaître son parcours, sa participation à nombre de galas libertaires… et son soutien passé à Pierre Mendès France. Le jeudi 23 février 1967, il avait en effet participé, à Grenoble, à un meeting de soutien à l’homme politique, candidat aux prochaines législatives. Le 25, celui-ci lui écrivait une superbe lettre (dont Mme Marie-Claire Mendès France confia, en exclusivité, une copie à Marc Robine en vue de son livre Grand Jacques, 1998, op. cit.), pour le remercier : « Je savais certes que les Grenoblois vous assureraient le succès qui vous est habituel, mais je ne savais pas que serait à ce point sensible pour la salle l’ardeur exceptionnelle que vous avez manifestée pour la signification de cette soirée. Mendes-France.jpgTrès sincèrement je pense que personne d’autre que vous n’aurait pu exprimer si clairement aux Grenoblois que l’association de nos deux noms n’était pas ce soir-là une rencontre de hasard. » Avant d’ajouter une note personnelle : « J’oublie maintenant le contexte politique pour vous dire que vous avez tort de ne pas accepter d’être traité de “poète”. Je suis personnellement convaincu que, depuis jeudi soir, j’ai un ami de plus et qu’il s’agit d’un poète. »

Début mars, Jacques Brel persiste et signe, tout en apportant des précisions : « J’ai fait la campagne de Mendès France. Ce n’est pas un acte politique, mais un acte en fonction d’une politique. Je trouve désolant qu’un pays comme la France n’ait pas, à la Chambre des députés, un homme de la valeur de Mendès France. Il y a des hommes dont on n’a pas le droit de se priver… » On le voit aussi poser dans la presse avec François Mitterrand ou Gaston Deferre. Sa photo avec celui-ci, alors maire de Marseille, fait la une du Provençal le 3 mars 1967, deux jours avant le premier tour, avec cette déclaration du chanteur : « Oui, je suis aux côtés des hommes de progrès. Car lutter pour l’amélioration de la condition humaine, préserver la dignité de l’individu, ce sont là des idées qui ont été soutenues plutôt par Jaurès que par Napoléon III, n’est-ce pas ? » Jaurès, eh oui… Jaurès déjà !

 

greve.jpg

 

Dix ans plus tard, à Hiva Oa, faisant écouter son travail en cours à ses hôtes de passage, il expliquera les raisons qui l’ont conduit à écrire une telle chanson, ici, aux antipodes, dans ce paradis apparent de Polynésie : « J’ai écrit Jaurès parce que pour moi c’est l’élément le plus pur de la gauche française. […] Ce n’est pas une chanson sociale du tout. J’ai voulu faire une chanson socialiste.  […] Et peut-être que, vivant en Europe, je n’aurais pas écrit cette chanson, ou autrement… » (Maddly Bamy, Tu leur diras, op. cit.) En Europe, à vrai dire, Jacques avait déjà écrit une chanson proche du même thème, annonciatrice de Jaurès… où, tout en montrant son mépris total et définitif de l’argent, son rejet implicite du monde de la finance, il mettait en garde la société bien-pensante devant les « humiliés d’espoirs meurtris ». Chanson dont la chute était annonciatrice aussi – dix ans avant – de Mai 68 :

Pourvu que nous vienne un homme
Aux portes de la cité […]
Qu’il ne s’agenouille pas
Devant tout l’or d’un seigneur
Mais parfois pour cueillir une fleur […]

Pourvu que nous vienne un homme
Aux portes de la cité
Avant que les autres hommes
Qui vivent dans la cité
Humiliés d’espoirs meurtris
Et lourds de leur colère froide
Ne dressent aux creux des nuits
De nouvelles barricades…

(L’Homme dans la cité, 1958, N.E.M. Caravelle)

 

Le 19 novembre 1977, deux jours seulement après la sortie des Marquises, François Mitterrand est invité sur Antenne 2 pour en parler ! Barclay n’a pas tardé à passer le message aux médias et c’est donc la deuxième chaîne de télévision nationale qui obtient cette exclusivité. Mitterrand, qui a reçu le disque la veille, a seulement eu le temps de l’écouter dans la matinée… et à 15 heures, il est déjà en direct dans l’émission Hebdo chansons, Hebdo musiques, présentée par Luce Perrot ! 

J’ai retrouvé ce document que je vous offre ici en partage. Sans le paraphraser inutilement, il faut toutefois relever la justesse des propos de François Mitterrand, son analyse si pertinente sur le poète et sur l’homme. Sur la richesse de son écriture, de plus en plus épurée et simple, « ce langage savoureux, celui du Belge amoureux de la langue française, qui apporte les intonations, les inflexions, la richesse et, je le répète, la saveur du pays dont il est issu ». Il parle de Brel et de la solitude, de Brel et des femmes, de Brel et de l’impertinence, de Brel et de la mort. Il évoque sa colère, son amour, son espérance, son désespoir… Et, assure-t-il, « tout cela compose, je le crois vraiment, un événement qui compte dans la sensibilité moderne… » 

Puis il se déclare de sa parenté, « comme quelqu’un qui écoute et comme quelqu’un qui lit et qui admire la capacité créatrice d’un homme comme lui ». Et surtout, François Mitterrand met le doigt sur un point extrêmement important (et même capital à mes yeux, après ce voyage aux Marquises et la rencontre des gens qui ont connu le Grand Jacques sur place), sur la différence entre le Brel d’avant (celui qu’il connaissait : « Beaucoup de choses nous avaient réunis… ») et celui d’aujourd’hui, tel qu’il apparaît ici : « …Les thèmes que je retrouve dans le disque d’aujourd’hui formaient déjà le fond de sa conversation. La différence, c’est que maintenant il a vécu tout ce qu’il dit ; à l’époque, il se contentait de projeter. Maintenant, c’est sa vie, c’est sa solitude, c’est son voyage, ce sont ses questions, et la dimension naturelle que prend cette musique, que prennent ces paroles, est d’un tout autre ordre, à mon sens – tout en développant les qualités qui sont les siennes –, d’un tout autre ordre que ce que nous avons connu naguère. »

C’est fort bien vu, Monsieur Mitterrand ! Et voilà pourquoi cet album est le plus accompli de toute la discographie de Brel, n’en déplaise aux pisse-froid qui, à sa sortie, ont eu le culot de reprocher à Brel « de continuer à faire du Brel » ! Auraient-ils voulu, ces gens-là, qu’il fît du Brassens ou, peut-être, du Claude François, voire du disco… ?! 

Une chose est sûre, c’est bien à Hiva Oa – contrairement à la vision réductrice que l’on avait jusqu’à présent de ce séjour dans les mers du Sud – que la personnalité de Jacques Brel s’est vraiment et franchement épanouie, qu’elle s’est réalisée comme un aboutissement. Lors de sa vie de chanteur, son personnage avait seulement théorisé (certes de façon brillante) ce que l’homme allait mettre pour de bon en pratique aux Marquises. Jusqu’alors, il avait « mal aux autres »… sur le papier ; aux Marquises il a tout donné, physiquement, de sa personne, au quotidien et sans compter. « L’action seule libère », disait Blaise Cendrars. Dès lors, on le comprend d’autant mieux… et on l’apprécie d’autant plus.

Dernier exemple, qui montre son extrême générosité, sa compassion et son empathie pour autrui : c’est une histoire vécue qui nous est revenue in situ plusieurs fois aux oreilles, et a été recoupée par des confrères polynésiens. Une histoire dont Marc Bastard – le grand ami de Jacques à Hiva Oa, celui qui l’avait vu débarquer la première fois de l’Askoy, pendant qu’il pêchait dans la baie de Tahauku (voir « Brel-5 ») – a été indirectement à l’origine…

Nous sommes en juin 1977. Jacques Brel a quasiment terminé ses chansons et attend maintenant, avec impatience, de les faire découvrir à ses musiciens Gérard Jouannest et François Rauber. Il a d’ailleurs prévu de travailler avec eux, durant une ou deux semaines à Paris, avant d’entrer en studio (ce qui se fera chez Jouannest et… Juliette Gréco, réunis à la ville comme à la scène depuis 1968, un an après les adieux de Brel). Aux Marquises, Jacques a déjà eu l’occasion de les partager avec ses invités, mais seulement (à une ou deux exceptions près, comme avec PRT à Tahiti, au piano, et seulement pour quelques chansons en cours de création) à travers son magnétophone. Mais là, dans son salon d’Atuona, va intervenir un événement exceptionnel : le tout dernier « récital » de Jacques Brel !  

 

     

L’histoire est réellement magnifique. Trop belle pour être vraie, diront les grincheux habituels qui, n’ayant que leur intérêt en tête et que le profit pour quête, ne peuvent imaginer de tels comportements chez d’autres. « Bien sûr tout ce manque de tendre / […] Bien sûr l’argent n’a pas d’odeur / Mais pas d’odeur vous monte au nez… » (Voir un ami pleurer) Mais vraie de vraie, l’histoire… Aussi authentique que Brel était sincère et spontané. Elle met en scène une jeune femme marquisienne originaire de Fatu Hiva, qui répond au prénom d’Henriette, un ancien baroudeur de la Marine et des services secrets nommé Bastard et un chanteur au cœur tendre qu’on appellera Jacky. « Y en a qui ont le cœur dehors / Et ne peuvent que l’offrir / Le cœur tellement dehors / Qu’ils sont tous à s’en servir… » Souffrant de troubles graves de la vue, Henriette avait été hospitalisée à Papeete puis évacuée à Paris pour être opérée à l’Hôtel-Dieu. À son retour à Hiva Oa, Marc Bastard s’empresse de prendre de ses nouvelles. « “J’ai aperçu l’ombre de la tour Eiffel et puis ce fut la nuit totale”, me dit-elle. En fait, elle était devenue aveugle et sa sœur Angéla l’accompagnait. Henriette ne s’apitoyait pas sur elle-même ; elle était même souriante. “À l’hôpital, figure-toi, j’ai entendu pour la première fois les chansons de Jacques Brel. Cela m’a fait du bien…” Après un moment d’hésitation, elle poursuivit : “Je sais que tu le connais bien… Crois-tu qu’il accepterait de me parler ?” » 

Marc savait que le matin, Jacques travaillait à son disque, et il ne voulait pas risquer de le déranger. Mais comme « il n’était pas question de décevoir Henriette », il lui répond : « Attends-moi dix minutes, je reviens te chercher. » Le témoignage de Bastard, alors prof de maths à Sainte-Anne, se poursuit ainsi : « Je grimpai la colline. Il était sur la terrasse en train de nourrir ses perruches ; je lui parlai d’Henriette… “Amène-là”, dit-il simplement. » Que croyez-vous donc qu’il arriva ? « Un quart d’heure plus tard, se rappelle Bastard, Jacques Brel prenait sa guitare et fredonnait pour Henriette sa chanson Les Marquises qu’il avait terminée la veille. » Et Marc de noter encore que « de grosses larmes coulèrent des yeux éteints de la jeune femme... »

Cette histoire particulièrement touchante ne s’achève pas là. C’est Henriette, elle-même, qui a raconté la suite. Le soir, Jacques se rendit chez elle, la prit par la main et l’emmena jusqu’à sa voiture. « La traitant comme une reine », rapportera un journal de Tahiti après la mort de l’artiste, il l’invita à dîner chez lui avec Maddly, puis, s’accompagnant à l’orgue et à la guitare, il lui interpréta, rien que pour elle, toutes les chansons qu’il allait enregistrer à Paris ! Et lorsque le public découvrit ces dernières paroles et musiques de Jacques Brel, écrit le même journal après avoir recueilli le témoignage d’Henriette, « il ne savait pas qu’une jeune Marquisienne aveugle les avait déjà écoutées et appréciées en exclusivité ». Combien de chefs-d’œuvre rien que dans ce dernier album ? Jaurès, La ville s’endormait, Vieillir, Le Bon Dieu, Les F…, Orly, Les Remparts de Varsovie, Voir un ami pleurer, Knokke-le-Zoute tango, Jojo, Le Lion, Les Marquises 

Ah ! Grand Jacques… Quelle chance ont eu tous ces gens qui t’ont connu et côtoyé dans ta terre d’adoption, celle où tu reposes désormais… Toi qui craignais moins la mort que vieillir ou voir un ami pleurer (« Et tous ces hommes qui sont nos frères / Tellement qu’on n’est plus étonné / Que par amour ils nous lacèrent / Mais, mais voir un ami pleurer… ») ; toi qui n’hésitais pas, tout mécréant que tu fusses, à faire l’avion-taxi pour les sœurs, comme ce 24 juin 1977 où tu multiplias les vols, pour l’inauguration par l’évêque des Marquises, à Nuku Hiva, de la cathédrale de Taiohae (voir « Brel-2 »)… Et pourtant, rappelais-tu, « quand l’évêque veut m’entreprendre sur son sujet favori, je dis que j’aime bien trop les hommes pour encore avoir à m’occuper du Bon Dieu. » Bel exemple, vécu, de tolérance. Ouais, Jacky, s’il existe un « Bon Dieu », quelque part, sûr qu’il doit te ressembler, pour le meilleur et pour le pire, pour l’amour... et la mort : « Mourir de faire le pitre / Pour dérider le désert / Mourir face au cancer / Par arrêt de l’arbitre… »  

 

  

[À SUIVRE : ÉPILOGUE]

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« SUR LES TRACES DE JACQUES BREL », texte et photos (sauf mentions contraires) de Fred et Mauricette Hidalgo ; rappel des chapitres précédents : 1. Le Voyage aux Marquises (18 novembre 2011) ; 2. Sa nouvelle adresse (26 novembre) ; 3. Si t’as été à Tahiti… (3 décembre) ; 4. Touchez pas à la mer ! (8 décembre) ; 5. Aux Marquises, le temps s’immobilise (13 décembre) ; 6. Si tu étais le bon Dieu… (9 janvier 2012) ; 7. De l’aube claire jusqu’à la fin du jour (29 janvier) ; 8. Et nous voilà, ce soir… (20 février) ; 9. Je chante, persiste et signe… (25 mars) ; 10. Jean de Bruges et « Le voilier de Jacques » (29 mars) ; 11. Quand je serai vieux, je serai insupportable... (3 avril).

 
 
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3 avril 2012 2 03 /04 /avril /2012 16:39

Quand je serai vieux, je serai insupportable…

 

Polynésie française, archipel des Marquises, île d’Hiva Oa, commune d’Atuona : dans la petite case où, par manque de brise, il vit en l’attente de s’installer vraiment chez lui, sur les hauteurs accueillant « quelques vieux chevaux blancs qui fredonnent Gauguin », Jacques Brel avance (laborieusement) dans l’écriture et la composition de ses nouvelles chansons. Ce sont d’abord des bribes, en cours de création, dont profitent les oreilles du voisinage (et jusqu’aux sœurs, au milieu du village) ; puis des esquisses plus ou moins abouties, enregistrées sur son magnéto à bandes, qu’il fait écouter, timidement et avec un brin d’anxiété, le soir à ses invités…  

 

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Premier semestre 1977 : débarrassé du souci de son bateau, Jacques peut donner libre cours à sa passion autrement plus forte et irréversible pour l’avion, qui l’attend chaque jour ou presque sur le petit terrain au-dessus d’Atuona. « Quel que soit le temps, rappelle Serge Lecordier (beau-frère du maire d’Atuona, Guy Rauzy, à cette époque-là), dans la plus pure tradition de l’Aéropostale, il s’envolait, indifférent aux imprévisibles tempêtes du Pacifique ; l’un de ses plaisirs favoris étant d’aller se poser sur Ua Pou [pour y déposer et prendre le courrier], sur une piste excessivement dangereuse. Il s’agit d’un terrain improvisé, sans balisage, avec la montagne devant et sur les côtés ! De plus le terrain est en pente et légèrement courbé en bout ! Si on rate la manœuvre il est impossible de se représenter : “Je me flanque la trouille !” disait-il en décollant et en atterrissant à Ua Pou. »

Jacques et son Jojo ! À Hiva Oa, les souvenirs sont nombreux qui restent vivaces, pittoresques ou prosaïques. Sœur Rose, directrice de l’école et du collège Sainte-Anne : « Avec son avion, il allait s’approvisionner à Papeete, chercher des légumes, etc., et la première fois il nous a spontanément demandé si on voulait qu’il nous rapporte quelque chose. Je lui ai dit : “Je voudrais bien un beau fromage”. À son retour, malgré la fatigue du voyage, il est venu aussitôt nous apporter un très gros fromage. Au lieu d’aller décharger ses provisions chez lui, il est venu d’abord à l’école. Cela m’a beaucoup touchée. C’était sa sensibilité... »

Le matin, cependant, demeure réservé en priorité à l’écriture de ses nouvelles chansons. Encore qu’il ne s’astreigne pas à une discipline trop rigoureuse. Quand des amis passent à l’improviste, il délaisse sa guitare ou quitte son orgue et leur offre une coupe de champagne : « Ça me fera une récréation, dit-il ; ainsi j’aurais une excuse pour ne pas travailler aujourd’hui… » À vrai dire, ils ne sont pas nombreux dans ce cas, car on l’entend chanter à la ronde : on sait alors qu’il est en plein travail et on s’abstient généralement de le déranger. « On l’entendait chanter même de notre maison », confirme le fils de Matira, la femme de chambre qui habite plus haut dans le chemin. Curiosité : lorsqu’une chanson de Jacques était diffusée à la radio, il chantait en même temps ! « Ça, j’en ai été le témoin… » assure-t-il (cf. La Valse à mille rêves, op. cit.). L’anecdote est d’autant plus éloquente que Brel n’a pas un seul disque de lui à domicile (ni aucune photo de scène)…

 

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Très peu de chanson au demeurant (hormis quelques enregistrements des artistes qu’il estime ou admire, des cassettes qu’il avait à bord de l’Askoy), surtout du classique, mais aucun de ses propres albums. Depuis l’anniversaire de la mort de Jojo, il n’en a pas moins pris la décision de se remettre sérieusement à la tâche et passe donc de longues heures à improviser sur l’orgue qu’il a fait venir de Papeete – pour le plus grand plaisir des Marquisiens, rappelle Maddly, émerveillés par les capacités de l’instrument, par sa boîte à rythmes en particulier.

Certains auteurs-compositeurs écrivent d’abord le texte ou d’abord la musique. Jacques Brel n’a pas vraiment de règle stricte, du moins dans cette nouvelle vie aux Marquises. S’il jette sans cesse des idées, des bouts de phrases sur le papier, sur des cahiers d’écolier (voire des feuilles volantes comme chez Paul-Robert Thomas, l’automne précédent à Tahiti, où il n’a pas manqué non plus de tâter du piano), dans son bureau d’Atuona il travaille paroles et musique en même temps, chantonnant et jouant à la fois. « Quelquefois il y a une musique qui me révèle des choses, qui me donne une ambiance, un caractère. Ici, je me mets à l’orgue et je joue. J’improvise, j’enregistre et puis j’écoute mille fois. Mais plus souvent et même presque toujours, c’est le texte ; et presque simultanément, la musique. » À l’orgue ou à la guitare mais pas indistinctement : « La guitare ne donne pas les mêmes envies que l’orgue ou même que le piano, explique-t-il un soir à ses invités. Alors il y a des chansons que j’écris entièrement à la guitare, d’autres à l’orgue ; et je sais que parmi celles que je vais écrire, il va me falloir les terminer au piano avec mon pianiste… » 

Maddly Bamy, qui a recueilli ces mots de Jacques (cf. Tu leur diras, op. cit.), assure qu’il a commencé à penser à de nouvelles chansons lors de vacances aux Antilles en 1972-73 (rappelons qu’ils se sont connus en novembre 1971). Son ami et ancien imprésario Charley Marouani assure, quant à lui, « en toute modestie n’avoir pas été étranger à ce retour » en chansons. « Lorsqu’il a découvert son cancer, raconte-t-il dans son livre de souvenirs (Une vie en coulisses, op. cit.), je l’ai beaucoup encouragé à écrire, à continuer de travailler afin qu’il s’occupe l’esprit et qu’il ne s’étiole pas. Je pensais que c’était vraiment essentiel, vital. » En février, Jacques lui annonce qu’il a quatre chansons en cours… dont aucune ne le satisfait : « Je travaille beaucoup, et je vole aussi pas mal, mais je n’ai pas encore une chanson vraiment bonne. » Ce qui ne l’empêchera pas, comme le relève Marouani, d’en compter jusqu’à dix-sept, six mois plus tard ! Et ce n’était sans doute qu’un début, l’artiste, on l’a vu (cf. « Brel-9 »), ayant le projet manifeste d’enregistrer au moins un autre album. « Il sentait grandir son inspiration, confirme Maddly, et pensait pouvoir développer une trentaine de sujets au moins. »

Est-ce à cause, aussi, de cette soudaine fièvre d’inspiration ? Toujours est-il qu’à ce moment-là, début 77, Jacques va « oublier » de regagner l’Europe pour son suivi médical. Le précédent, en juin 76 en Belgique, avait confirmé l’absence de récidive. Il refuse, dit-il à sa Doudou, de vivre au rythme de ces visites semestrielles, comme une épée de Damoclès prête à fondre sur lui. Alors, à son arrivée en mars à Hiva Oa, où il a répondu à l’invitation de Jacques, Arthur Gélin (l’ami médecin de Bruxelles) lui suggère de se rendre au moins à Los Angeles, à mi-chemin entre Tahiti et Paris. Peine perdue, notre homme étant têtu comme un Breton (à propos, sait-on que sa chanson Les Flamandes aurait dû s’appeler Les Bretonnes ? Ce fut simplement la sonorité du mot – en particulier dans la répétition de la première syllabe : « les Fla, les fla, les Flamandes », ç’a quand même une autre allure que « Les Bre, les Bre, les Bretonnes » ! – qui poussa l’auteur à se rabattre sur les dames du Plat Pays, mais oui !). En revanche, il accepte d’aller consulter quelque temps plus tard à Papeete… et c’est à cette occasion que, retrouvant l’animateur de radio Jean-Michel Deligny, celui-ci prendra la série de photos dont sera tiré le portrait figurant dans la pochette du futur album, le doigt sur la bouche (voir « Brel-7 »).

 

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La pochette de l’album ! Son histoire, elle aussi, vaut d’être contée. On l’a déjà évoquée ici ou là, mais nous l’avons recoupée tout récemment auprès d’Alain Marouani, l’un des photographes éminents du monde de la chanson (et cousin de Charley) qui travaillait alors pour la maison Barclay (on lui doit notamment la superbe série de Léo Ferré réalisée en Toscane pour une réédition de son œuvre en 33 tours). Jacques avait une idée bien arrêtée. Il avait demandé à Eddie Barclay une pochette on ne peut plus sobre, en noir et blanc, avec simplement son nom en rouge. Alain Marouani se souvient de la réunion de travail, à l’époque de l’enregistrement, entre Barclay, Brel et lui : « Eddie a montré à Jacques la maquette qui correspondait à sa demande, en lui disant que c’était peut-être un peu déprimant… mais que j’avais eu une autre idée. Et là, j’ai sorti mon projet de ciel bleu, empli de nuages… Jacques a convenu de sa pertinence et a dit banco ! »

Reste à réaliser le document définitif avant son retour aux Marquises et c’est à Genève, semble-t-il, où Brel est allé retrouver son ami Jean Liardon, l’instructeur qui l’a initié en 1970 au vol aux instruments, qu’il le reçoit. Avec les crédits d’usage, en particulier les noms des principaux collaborateurs : François Rauber aux arrangements et à la direction d’orchestre (Jacques Brel a toujours enregistré dans les conditions du direct), Gérard Jouannest au piano, Marcel Azzola à l’accordéon, le fidèle Gerhardt Lehner à la prise de son, et puis les deux photographes, Jean-Michel Deligny et Alain Marouani. L’ensemble lui convenant, il écrit à Eddie Barclay pour lui signifier son accord, à deux réserves près. La première : écrire les prénoms en toutes lettres et pas seulement leur initiale, comme c’est le cas dans ce document. Quant à la seconde, c’est Alain Marouani qui nous la rapporte : « Eddie Barclay m’avait demandé de passer le voir et il m’a montré la lettre de Jacques Brel qui comportait un mot me concernant, ou plutôt la photo du ciel que j’avais prise pour la pochette. “Dis à Marouani qu’on ne signe pas le ciel ! » Du Brel tout craché ! [rire] Mais on l’avait échappé belle en évitant son idée mortuaire en noir et blanc… »

 

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Parmi les quatre premières chansons auxquelles Jacques s’est attelé, encore au rang de brouillon quand il écrit en février 1977 à Charley Marouani, se trouvaient certainement La ville s’endormait, Les F… et Jojo. La première, parce que Maddly se souvient en avoir entendu des bribes pendant la traversée du Pacifique (« C’est ainsi que j’entendis, pour la première fois, l’histoire de cette ville dont il avait oublié le nom, tandis qu’il nous préparait un feuilleté au roquefort… – Qu’est-ce que c’est ? avais-je demandé. – Un vieux truc, répondit-il, ça te plaît ?... Alors tu devrais le noter. Et j’allais chercher un carnet pour noter ces quelques phrases. »). En outre, Madou, la mère de Maddly – que celle-ci et Jacques étaient allés chercher en début d’année à Tahiti, en provenance de Guadeloupe – séjournait chez eux au moment où l’auteur-compositeur travaillait à cette chanson ; spontanément, elle lui avoua un jour qu’elle l’aimait beaucoup, ce qui, précise Maddly, « le remplit de joie » au point de lui dédier ce titre : « Maintenant, dit-il, c’est SA ville… » (Tu leur diras, op. cit.)

On comprend d’autant mieux cette réaction, lorsqu’on se remet dans le contexte. Sa carrière durant, Jacques Brel avait toujours eu un public pour mesurer l’impact de ses chansons, au fur et à mesure qu’il les écrivait. D’abord Jojo et ses musiciens, Jean Corti, Gérard Jouannest et/ou François Rauber (ce dernier ayant demandé à son collègue, quand les tournées sont devenues trop prenantes, de le remplacer au piano, se réservant dès lors le travail d’arrangeur, de studio et la direction d’orchestre quand Brel passait dans de grandes salles), avec lesquels il voyageait en voiture d’une ville à l’autre. rivierePuis les spectateurs eux-mêmes, auxquels il offrait souvent une chanson nouvelle, finalisée le jour même et mise en forme, pendant la balance, juste avant le récital ! Une méthode qui lui permettait ensuite d’entrer en studio pour enregistrer des chansons certes inédites en album mais largement éprouvées en scène (où il avait tout loisir, au besoin, de les peaufiner jour après jour, selon la façon dont elles étaient reçues par le public).

À Hiva Oa, bien sûr, rien de tout cela : rien que les gens du village pour l’entendre et apporter d’éventuels commentaires, mais qui, pour la plupart, ne possèdent qu’un seul repère en matière de chanson française : Tino Rossi ! « S’ils ne chantent pas du Tino Rossi, ils chantent des chants religieux, catholiques ou protestants. […] De Tino Rossi, c’est le seul dont on puisse dire qu’il a eu plus de monde que le général de Gaulle en Polynésie. Ils chantent tous comme Tino. […] Tu vois de gros gaillards de deux cents kilos chanter comme Tino. Et moi, quand ils me connaissent, c’est moins bien que Tino. Ce n’est pas du tout leur style, mais pas du tout. » Alors, quand quelqu’un de passage, comme Madou Bamy, exprime spontanément son plaisir à l’écoute d’une chanson en gestation, oui, on comprend que Brel y soit sensible.

Tout seul dans son bureau, Jacques se demande sans cesse ce que Jouannest et Rauber penseraient de son travail en cours, neuf ans après son précédent album original. Certains jours, rappelle Maddly, se passaient à écouter et réécouter le travail des jours précédents, « afin de se corriger :Après onze ans (lui fait-elle dire à tort, puisque le disque de J’arrive, Vesoul, etc., est sorti en septembre 1968), c’est difficile de savoir.” »  (Tu leur diras, op. cit.) Cela explique aussi le fait que, ce premier semestre 77, lorsqu’il avait des pilotes d’Air Polynésie à sa table, le lundi soir (après une longue journée de vol et une demi-douzaine de décollages et d’atterrissages depuis Tahiti), il faisait souvent écouter ses chansons enregistrées sur bandes. Il était en manque, en demande d’avis. Maddly : « Jacques, avec une infinie précaution, conviait ses invités à les écouter. Ça commençait toujours ainsi : “Il ne faut pas que cela vous ennuie, nous ne sommes pas là pour nous emmerder.” C’était tout simplement parce qu’il était inquiet de tout ce que l’on aurait pu lui dire et il parait aux coups. Il ajoutait : “L’autre semaine, j’ai fait écouter Jojo à un de vos collègues et il m’a dit qu’il était indécent de dire ‘je t’aime encore’ à un homme. Ça ne se dit pas, à son avis. Je n’ai pas bien compris. Ce n’est pas uniquement homosexuel quand deux hommes disent qu’ils s’aiment. Got ! La tendresse ! La tendresse ! »

 

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On le sait, c’est l’idée de rendre hommage à son fidèle Georges Pasquier qui a tout déclenché. Et c’est donc la première chanson à laquelle il s’est attaqué, non sans difficulté et bien des tâtonnements… J’y reviendrai peut-être... une autre fois. Commencée en septembre 76, elle ne le satisfait toujours pas six mois plus tard, à en juger par son mot à Charley (« Je n’ai pas encore une chanson vraiment bonne... »). En début d’année pourtant, les conditions pour qu’il écrive enfin dans la sérénité semblent réunies : Jacques n’a plus à se soucier de l’Askoy (voir « Brel-10 ») qu’il voyait chaque jour patienter au rythme de la houle, alors qu’il avait pris la décision de ne plus naviguer ; le Jojo est à disposition dans un petit hangar de l’aérodrome (il lui arrivera de transporter, toujours bénévolement, des habitants du village jusqu’à Nuku Hiva à raison de trois allers-retours quotidiens !) ; surtout, « tranquillisé par nos nouvelles dispositions », explique Maddly, Jacques se familiarisait avec son orgue, sa guitare : « Il voulait à tout prix finir Jojo, car c’est elle qui allait ouvrir l’espace à d’autres chansons. Il le sentait ainsi. »

Il veut absolument finir Jojo, mais il ne trouve pas le bon angle, il tâtonne, il s’agace, alors il passe à autre chose. Aux F…, tiens, qui lui ont mené la vie dure ! Et même s’il vit aux antipodes de Bruges, il ne fait pas dans la dentelle… Signe que cette chanson est singulière, c’est la première et la seule de tout son répertoire pour laquelle il va prendre une musique préexistante ! Une musique de « Joe » Donato – en fait João Donato, un grand pianiste et compositeur brésilien, et non américain comme on l’a écrit ici ou là –, intitulée A Rã (The Frog). L’aurait-il appréciée – lui qui a toujours composé ses musiques, seul ou avec ses musiciens (Corti, Jouannest et Rauber) – au point d’en faire une exception ? soeur roseC’est probablement tout le contraire : entrée par effraction dans sa tête – il l’entendait du soir au matin comme on « matraque » un tube à la radio –, Jacques ne devait plus la supporter.

Maddly l’utilisait en effet (de façon d’ailleurs tronquée) pour une chorégraphie destinée aux élèves de Sainte-Anne… De là à penser qu’il ait vu l’occasion de se venger doublement de personnages qu’il exécrait en les associant à une musique qui lui était elle-même devenue insupportable, il n’y a qu’un pas. Même pas l’épaisseur d’un papier à cigarette pour cet ex-fumeur invétéré (plusieurs paquets par jour) qui avait arrêté net, et de façon définitive, la veille de son opération. À ce sujet, raconte Sœur Rose, « la première fois que je l’ai rencontré, tout simple, il m’a dit : “Vous savez, ici, les femmes fument trop !” et je lui ai répondu : “Ça serait bien de venir sensibiliser les jeunes là-dessus”... »

 

 

Vieille histoire, déjà, que cette affaire de « flamingants » et de reproches « belgiens » à son encontre ! Dix ans plus tôt, en 1967 dans La… La… La…, n’écrivait-il pas : « Quand je serai vieux, je serai insupportable / Sauf pour mon lit et mon maigre passé / […] J’habiterai une quelconque Belgique / Qui m’insultera tout autant que maintenant / Quand je lui chanterai Vive la République / Vive les Belgiens, merde pour les flamingants » ? Où l’on se rend compte que, dans son répertoire, Jacques Brel a de la suite dans les idées. Chez lui, une chanson en amène une autre, même longtemps après. Comme une histoire qui évolue avec le temps, un récit qui se prolonge et prend davantage d’ampleur… ou bien bifurque dans une direction inattendue. Parfois, ce sont simplement des formules qui reviennent, tenaces ou avec des variantes, et qui, au bout du compte, par l’effet de répétition, donnent l’impression d’une certaine connivence, comme d’être placé dans la confidence… Et l’on se sent sinon impliqué soi-même, en tout cas beaucoup plus proche du narrateur. De la haute voltige d’écriture et d’inspiration qui donne à l’œuvre une formidable cohérence ; tout en contribuant à créer chez l’auditeur une étonnante résonance…

[À SUIVRE : avant-dernier épisode]

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« SUR LES TRACES DE JACQUES BREL », texte et photos (sauf mentions contraires) de Fred et Mauricette Hidalgo ; rappel des chapitres précédents : 1. Le Voyage aux Marquises (18 novembre 2011) ; 2. Sa nouvelle adresse (26 novembre) ; 3. Si t’as été à Tahiti… (3 décembre) ; 4. Touchez pas à la mer ! (8 décembre) ; 5. Aux Marquises, le temps s’immobilise (13 décembre) ; 6. Si tu étais le bon Dieu… (9 janvier 2012) ; 7. De l’aube claire jusqu’à la fin du jour (29 janvier) ; 8. Et nous voilà, ce soir… (20 février) ; 9. Je chante, persiste et signe… (25 mars) ; 10. Jean de Bruges et « Le voilier de Jacques » (29 mars).

 
 
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