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  • : SI ÇA VOUS CHANTE (le blog de Fred Hidalgo)
  • : Parce que c’est un art populaire entre tous, qui touche à la vie de chacun et appartient à la mémoire collective, la chanson constitue le meilleur reflet de l’air du temps : via son histoire (qui « est la même que la nôtre », chantait Charles Trenet) et son actualité, ce blog destiné surtout à illustrer et promouvoir la chanson de l’espace francophone ne se fixera donc aucune limite…
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  • Fred Hidalgo
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.
  • Journaliste depuis 1971, créateur de plusieurs journaux dont le mensuel « Paroles et Musique » (1980-1990) et la revue « Chorus » (1992-2009). Editeur depuis 1984 et créateur en 2003 du « Département chanson » chez Fayard.

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30 novembre 2009 1 30 /11 /novembre /2009 10:00
Chant libre - 1

Eh bien voilà, c’est parti ! La première contribution extérieure à « Si ça vous chante » nous vient d’un songwriter anglais et elle parle de francophonie. C’est une réaction, en fait, au « Carnet de notes » de Jean-Michel Boris publié dans l’ultime numéro de Chorus, chronique d’un acteur du métier on ne peut plus « autorisé » (quarante ans et des poussières directeur artistique de l’Olympia…) sur une certaine dérive anglomaniaque de la jeune chanson française…


Comme le seront toutes les contributions futures à cette « maison de la chanson » (lire « Le Joli Fil ») – telles autant de pierres apportées à l’édifice collectif pour le rendre de plus en plus accueillant –, elle est repérée et repérable en tête d’article par la mention « Chant libre » et le logo spécifique (dû à Damien Glez). J’y ajouterai simplement, pour plus de convivialité encore, quelques chansons et/ou vidéos qui me semblent bien illustrer le propos, voire le dépasser, en montrant au passage qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. « La nouveauté ? disait Jacques Prévert. C’est vieux comme le monde ! »

Quoi de mieux en l’occurrence que de convoquer les « grands anciens » ? Léo Ferré avec La Langue française (1962), Julos Beaucarne avec Nous sommes 180 millions de francophones (1974), Jean Ferrat avec Pour être encore en haut d’l’affiche (1980) ou Claude Nougaro avec Vive l’alexandrin (1989). À ces plats de… résistance, un zeste de Daniel Lavoie et de Philippe Léotard pour faire bonne mesure (Jours de plaine et Ch’te play plus, 1990). En dessert savoureux, enfin, une spécialité d’outre-Quiévrain, La Sanchon sans fraises (1981), concoctée par André Bialek. On pourrait bien sûr compléter le menu, le prolonger à l’infini, le transformer en festin (de Juliette ?) – de la méconnue French Song (1987) de Mouron et Romain Didier jusqu’à l’incontournable Langue de chez nous (1985) d’Yves Duteil – mais ne risquons pas l’indigestion, il faut savoir rester sur sa faim.

 

  
Bonne écoute et bon appétit avec cette « assiette anglaise » mitonnée l’été dernier par Jean-Michel Boris et réchauffée aujourd’hui par le chef britannique Stephen William Rowe.

_______________________

Assiette anglaise

Par Stephen William Rowe

La chronique « anti-anglais » de Jean-Michel Boris dans le tout dernier numéro de Chorus a attiré mon attention. Étant moi-même Anglais et de surcroît auteur-compositeur, la tendance des jeunes Français à favoriser ma langue pour s’exprimer en chanson ne m’a pas échappé non plus. Je présume qu’ils l’emploient en pensant ainsi pouvoir toucher une plus large palette de chasseurs de talent. J’espère que c’est bien ça… car l’autre terme de l’alternative serait qu’ils s’en servent pour cacher un manque chronique d’inspiration voire pour camoufler des insuffisances linguistiques. 
  

 
 

Dans mon cas, même habitant la France depuis longtemps, l’idée d’écrire dans une langue autre que la mienne ne me venait pas à l’esprit. Je n’en ressentais pas le besoin. Et quand, finalement, l’envie de m’essayer à la langue française me vint, j’avoue que je ne me sentis pas à la hauteur et j’abandonnais rapidement le projet. Cependant, il y a quelques années, des paroles pour une nouvelle mélodie ont fini par se matérialiser directement et tout naturellement en français. Même ainsi, pourtant, j’ai longtemps hésité avant de les enregistrer. En effet, comment savoir de quelle façon ces paroles peuvent être perçues par les autres, quand la langue employée n’est pas la sienne ?... Sont-elles mièvres, puériles, paraîtront-elles insipides, ennuyeuses ? Comment savoir si les sentiments exprimés l’ont été de manière convaincante ?!

 

Malgré ces doutes, j’écris maintenant en français chaque fois que le thème traité me semble plus naturel dans cette langue subtile. Il est vrai, aussi, que je maudis souvent la grammaire française et le genre, car à eux deux ils interdisent souvent des rimes qui m’auraient bien arrangé...

Cela me paraît étrange mais je suis convaincu que nombre de mes chansons n’auraient jamais été écrites si j’avais eu seulement l’anglais à ma disposition. Nous Anglais, avons-nous donc perdu l’habitude d’aborder des thèmes profonds en chanson ? Avons-nous peur de nous ridiculiser ? Avons-nous perdu nos âmes de poètes ? Bien sûr que non, mais en France, en revanche, vous avez su conserver un genre musical qui n’existe ni en Angleterre ni aux USA et qui tire fortement la qualité des paroles vers le haut. Il s’agit évidemment de ce que vous appelez « la chanson à texte ». Un des piliers de la culture française, à protéger à tout prix car il s’agit d’un patrimoine unique autorisant une étendue d’expression sans égale.


Cela dit, j’ai appris à ne pas tenter d’imposer une langue sur une nouvelle chanson, car le résultat est rarement satisfaisant. Par exemple, récemment, j’avais décidé d’écrire d’office une chanson en français, mais une fois terminée ses paroles ne m’ont pas du tout semblé convaincantes. En anglais, par contre, la chanson s’est écrite presque toute seule et aujourd’hui, au lieu de s’appeler « Au sud de la Loire », elle s’intitule « South of the Loire »...

Bref, j’avoue être en accord total avec Jean-Michel Boris. Les jeunes doivent être encouragés à explorer toutes les possibilités offertes par leur propre langue avant d’en utiliser une autre qu’ils maîtrisent insuffisamment. Je refuserais ainsi des paroles anglaises dans des concours de chanson francophone, tout en favorisant la rencontre entre musiciens et paroliers (Sir Elton John semble avoir pas mal réussi en n’écrivant pas lui-même ses propres paroles…).

 
Si certains d’entre vous sont curieux de voir ce qu’un Anglais est capable de faire avec leur belle langue, vous pouvez vous en faire une idée en visitant mon
site  ou mon myspace. (S.W.R.)

__________________

NB de F.H. : merci de cette première contribution qui appelle sans doute bien des commentaires. À vos pl…, pardon, claviers, et comme disait l’autre Boris, en avant la zizique ! Merci aussi – vous connaissez la chanson – de faire chorus aussi largement que possible en amenant vos amis et relations à découvrir ce blog et – si ça leur chante, bien sûr – à s’y inscrire voire y participer : au rôle de soliste, en effet, j’ai toujours préféré celui de chef d’orchestre.

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26 novembre 2009 4 26 /11 /novembre /2009 09:55
Emballage d’origine

Le joli fil entre nos cœurs passé
Oh le fil / Le fil de nos sentiments enlacés
Oh le fil nous lie, nous relie…
Le fil qui nous sert à nous resserrer
Oh le fil qui nous tient, nous retient
Le fil tendu entre nous comme un lien…
(Alain Souchon, Le Fil, 1993)


Alain Souchon – Le Fil
   

Tout d’abord, un grand merci pour vous être aussitôt inscrits en grand nombre… et de partout, de tout l’espace francophone et d’ailleurs, à « Si ça vous chante ». Des milliers de connexions déjà ! Et ça n’est sans doute qu’un début, puisque chaque jour qui passe voit sa liste d’« adhérents » s’accroître sensiblement. N’étant pas expert en matière de blog (après trente-huit ans de presse écrite, du quotidien au trimestriel en passant par l’hebdo et le mensuel, la reconversion a dû s’opérer sans transition…), je veux bien croire ceux qui m’assurent que son départ a été « fulgurant ». Je suis d’autant plus disposé à le croire que plus nous serons à faire ainsi chorus (chacun et chacune pouvant y aller de son petit commentaire, de ses informations et le cas échéant de ses liens vers son propre blog ou son site) et plus « notre chanson » aura de chances d’être entendue.

Ensuite, une précision qui s’impose : à la lecture des dizaines de « commentaires » publiés directement, on pourrait avoir l’impression que l’on a affaire à un rassemblement d’amis proches, tant leur tonalité dans le fond comme dans la forme le laisse à penser. Il n’en est rien : leurs auteurs sont, pour 95 % d’entre eux, inconnus de nous et inconnus entre eux ! C’est le miracle d’une chanson partagée depuis peu ou prou, pour certains depuis presque trente ans, pour d’autres depuis 2007 ou 2008 seulement. La preuve par neuf comme 2009 (n’est-ce pas Julos ?) d’une adhésion totale (et durable) à certaines valeurs humanistes véhiculées par la chanson – parce qu’elle en constitue précisément le véhicule privilégié. La chanson considérée comme un art – le plus populaire, le plus immédiat et le plus rassembleur des arts – ou du moins, pour ne pas effaroucher davantage le grand Serge, de toutes les « disciplines artistiques ».

Cela dit (une fois pour toutes), le fil qui nous liait, nous reliait est donc renoué après une période de turbulences que nous n’aurions jamais cru devoir traverser et surtout subir (car c’est bien dommage, comme le chante le même tisseur de mots, d’être au chômage à notre âge…). L’essentiel est là, le fil retrouvé, le joli fil qui va nous permettre de poursuivre le partage et de se tourner résolument vers des lendemains qui chantent.

LES MUSICALES DE BASTIA

En l’occurrence, on le sait, l’un des objets principaux de notre action de promotion de la chanson au… fil de ces décennies passées aura été la découverte et la mise en avant de nouveaux talents. Pour ce faire, pas de secret, il faut être tous les soirs ou presque sur le terrain. Ce que nous permettait jusqu’à cet été, à défaut d’ubiquité ou de disponibilité permanente, le fait de compter sur une équipe professionnellement aussi compétente que passionnée par son sujet. « Sur le terrain », c’est-à-dire dans les petites salles qui sont nombreuses dans l’Hexagone et l’espace francophone et animées par des gens de qualité, à l’affût du talent en herbe, malgré des difficultés économiques récurrentes. Et dans les festivals, évidemment, en particulier chez ceux – « à taille humaine » pour dénominateur commun, quelles qu’en soient la capacité et la notoriété – qui se sont intelligemment regroupés dans un « Collectif des festivals francophones » (on en reparlera).



Parmi ces festivals nés de la passion et de la compétence indissociables, proches de leur public et soucieux du meilleur accueil pour les artistes, il en est un en Corse, le plus ancien de l’île de Beauté, qui fait localement des merveilles. Je veux parler des Musicales de Bastia incarnées par Raoul Locatelli, un grand monsieur de la chanson, grand amoureux du beau et du signifiant, qui, pour être non-voyant, n’en est pas moins un formidable passeur de nouveaux talents. Comme l’a encore montré cet automne, du 7 au 11 octobre, la vingt-deuxième édition de ces Musicales.

Présentées à 18 h 30 dans une jolie petite salle équipée en gradins, la Fabrique de Théâtre, les « Découvertes » du cru mettaient chaque jour en lice deux artistes ou groupes dont l’éclectisme revendiqué par les organisateurs rendait a priori difficile le travail du jury : Pierre Gambini, Kabbalah, Manu Galure, Padam, La Casa, Mister Pop, Ya’zmen… À l’heure de la délibération finale dudit jury, que Raoul m’avait demandé de présider, mon choix était fait, sans l’once d’un doute, ainsi que celui d’Hassan Amrani, directeur du festival Le Sixième Son et de la salle l’Arc-en-ciel de Liévin. Mais vu la qualité d’ensemble du plateau, je craignais des discussions serrées

L’identité nationale de ces gens-là

En fait, tout s’est joué en un clin d’œil, le temps d’un seul vote à bulletin secret : ces Musicales ont accouché sans coup férir et sans escarmouche, à l’unanimité, d’une jolie promesse qui a pour nom Karimouche. Déjà remarquée des professionnels, entre autres au dernier festival Alors chante… de Montauban, la jeune femme reste encore largement méconnue du public. Mais à en croire l’accueil enthousiaste que lui ont réservé les Bastiais qui la découvraient ce 10 octobre, n’en doutez pas, elle ne tardera pas à se faire une place de choix auprès des Anaïs, Agnès Bihl, Jeanne Cherhal, Clarika, Amélie-les-crayons et autre Olivia Ruiz.



La trentaine naissante, une expérience de comédienne et de chanteuse de rue, expliquent sa maturité, son aisance sur scène, sa gouaille naturelle, la séduction qu’elle déploie et qui opère immanquablement. Auteure-compositrice-interprète, elle est accompagnée par un clavier et deux « human beat-box » (ou « beat-boxers », c’est comme vous voulez), une formule qui résume à elle seule l’originalité de son répertoire : Le Petit kawa, Raggamuffin, Je parle trop… Entre tango et hip-hop, blues et slam, toutes sortes d’influences se mêlent et s’entremêlent chez cette Lyonnaise née à Angoulême et dont les origines parentales se situent du côté de la Kabylie. Elle chante d’ailleurs une tendre berceuse en kabyle, en souvenir de ses grands-mères, mais aussi, dans le sillage d’un Abd Al Malik, un démarquage des plus personnel et actuel de Ces gens-là de Brel, D’abord



Particulièrement heureuse de cette distinction (et surtout de son caractère unanime), qui lui vaudra de revenir l’an prochain aux Musicales sur la scène du Grand Théâtre, Carima Amarouche (de son vrai nom) nous confiait qu’un journaliste lui avait reproché récemment de ne pas chanter davantage ses racines. « Vous voulez dire que je devrais écrire des bourrées charentaises, auvergnates… ?! » La fine mouche ne manque ni de repartie ni d’humour. « Moi, mes racines, c’est Piaf, c’est Brel… Je sais d’où je viens, mais je suis d’ici avant tout. » À l’heure où l’on débat de façon souvent polémique et stérile de la question de l’identité nationale française, on serait mieux avisé de mettre simplement en avant ces vécus qui forgent et enrichissent sans cesse notre culture. Et n’ont cessé de l’enrichir dans le passé. Rien que dans la chanson, hein, les Alexis HK, Dick Annegarn, Aznavour, Baguian, Barbara, Bénabar, Brassens, Carla Bruni, Cabrel, Cali, Manu Chao, Chedid, Nilda Fernandez, Ferrat, Ferré, Nino Ferrer, Gainsbourg, Goldman, Jonasz, Juliette, Kacel, Émily Loizeau, Montand, Mouloudji, Moustaki, Nougaro, Piaf, Polnareff, Reggiani, Catherine Ribeiro, Olivia Ruiz, Sanseverino, Sapho, William Sheller… tous (et la liste est loin d’être exhaustive) ont une ascendance au moins à-demi étrangère (non francophone) et malgré cela (grâce à cela ?), comme le chantait Maurice Chevalier, au final Ça fait d’excellents Français !

On s’égare ? Croyez-vous ? Le premier album de Karimouche, réalisé actuellement par Mouss et Hakim (ex-Zebda), paraîtra chez Atmosphériques (le label indépendant qui a révélé Louise Attaque, les Wriggles, Joseph d’Anvers… et autre Abd Al Malik) le 25 janvier prochain. Gageons qu’il sera, à l’image de l’artiste, gorgé d’émotion et d’énergie. Son titre ? Emballage d’origine

Un mot encore à propos de cette édition. Pour dire que la deuxième place des « Découvertes » est revenue au jeune Manu Galure (qui, seul au piano, s’est risqué en rappel et avec succès dans une chanson érotique comme on n’ose plus en faire depuis des lustres), ex-aequo avec La Casa (aux rythmes et cuivres luxuriants, façon Mariachis, western spaghetti ou Calexico) mais premier du prix du public (devant Karimouche !). Que Carmen Maria Vega, autre Lyonnaise pas franchement « Française de souche », confirme tout le bien qu’on pensait d’elle il y a déjà plus d’un an (voir Portrait dans Chorus n° 65) : pour peu que ses chansons prennent davantage de hauteur (son premier album vient de sortir), cette toute petite bonne femme de 25 ans à la voix d’airain et au tempérament de feu, qui brûle les planches, deviendra grande. Qu’Alain Sourigues, pince-sans-rire et Pierrot lunaire entre Boby Lapointe et Dominique Scheder (un chanteur suisse que j’adorais, hélas prématurément disparu), embarque son monde dans un univers de poésie naïve et drôle, trop rare aujourd’hui, qui lui avait valu de rafler aux Découvertes 2008 les prix du public et du jury à la fois.



Et puis Vincent Delerm, peut-être l’auteur-compositeur-interprète le plus controversé de sa génération – on aime ou on déteste – qui démontre en tout cas à chaque nouveau spectacle qu’il est impossible (et souvent injuste) de se faire une opinion sur la valeur réelle d’un artiste tant qu’on ne l’a pas vu sur scène. La création avec laquelle il tourne actuellement, qui n’a rien d’un simple concert, rend hommage au cinéma avec un casting musical de premier ordre. Et l’amoureux de Fanny Ardant, l’admirateur de Trintignant (et de Woody Allen, Humphrey Bogart, Lauren Bacall…), de jouer dans un décor approprié de velours rouge, entre piano et pupitre, musiques et paroles… et de se jouer de lui-même à l’écran en acteur noir et blanc de cinéma muet. Malgré ce nouveau générique, on continuera à dire et à penser ce qu’on veut de lui, chacun fait c’qui lui plaît-plaît-plaît, mais son spectacle est bougrement intelligent qui ne manque ni de classe ni de finesse.


Abd Al Malik, enfin, apparaît tel qu’en lui-même, puissant, impressionnant, convaincant tant par sa gestuelle caractéristique (Soldat de plomb…) que par son discours qui rend caduc le débat sur l’identité nationale. Musicalement aussi, orchestralement (Gérard Jouannest est passé par là), C’est du lourd… D’un charisme rare à la scène, mais presque timide à la ville quand, à l’heure de prendre le même avion pour Paris, l’homme de Gibraltar qui clôtura la veille au soir ces Musicales de Bastia nous avoua son désarroi quant à la disparition de Chorus… tout en nous réitérant sa confiance en l’avenir.


Dans ma maison d’amour
L’avenir ? Maintenant que le fil est renoué pour de bon, même si on n’a pas assez d’essence pour faire la route dans l’autre sens, j’aimerais que ce blog devienne vraiment une maison où la chanson se sentira chez elle. Alors, c’est sûr, on y trouvera des disques, des vidéos, des livres, on y annoncera ou commentera des spectacles et des festivals, on y proposera des reportages… mais on y invite aussi, d’ores et déjà, tous les artistes et professionnels qui le souhaitent ; on y convoque toutes sortes de contributions à la promotion de la chanson française (et de l’espace francophone, n’oublions pas les chansons en langues dites vernaculaires), pourvu seulement qu’elles soient exclusives.
Ainsi, d’un sujet de fond à l’autre et d’une rubrique d’actualité à l’autre, on fera çà et là un arrêt sur image. Une sorte de « Chant libre » : autrement dit, ça ne doit et ça ne peut pas fonctionner à sens unique. Ma maison d’amour sera donc (aussi) comme une auberge espagnole où l’on se nourrit de ce qu’on y apporte. « Il y a des maisons, disait le grand Félix, où les chansons aiment à entrer. » Chez moi, chez nous, chez « Mauricette et Fredo », cela a toujours été le cas. La poésie et la musique nous sont aussi indispensables et familières que le boire et le manger. Peut-être davantage, qui sait.

 


Aujourd’hui, nous ouvrons grand les portes de cette maison d’amour. Cela suppose de faire chorus, chacun de son côté, autant que possible. D’élargir le cercle. De partager avec le plus grand nombre au lieu de se replier sur soi. « Ne verrouillez jamais la vie à double tour, a écrit le poète. Soyez toujours ces voix sur l’autre rive / Qui prolongent dans moi la fête et la ferveur / Amis soyez toujours l’ombre d’un bateau ivre… » (Jean Vasca, Amis soyez toujours, 1977). Des droits et des devoirs en somme, règle élémentaire pour vivre en bonne harmonie. L’identité nationale, ça n’est rien d’autre. C’est construire et avancer ensemble. C’est à cette seule condition qu’on s’inventera des lambeaux d’avenir. Mais moi, ce que je vous en dis, « pour moi quoi, Makaya Hidalgo ! », c’est rien que… si ça vous chante.


Jean Vasca – Amis soyez toujours
   

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18 novembre 2009 3 18 /11 /novembre /2009 16:09

L’arbre à chansons


Au cœur de l’homme il y a l’amour
Au cœur de l’amour il y a la peine
Au cœur des peines il y a le jour
Que le matin ramène…
(Au cœur de l’arbre, 1979,
Maurice Cocagnac, chanté par Graeme Allwright)



    Au milieu des années 1970, pour le quotidien national L’Union (le premier journal que ma chère et tendre et moi avons créé ensemble – c’était au Gabon, lorsque ce pays était l’un des plus prometteurs d’Afrique en termes de développement économique et démocratique), j’avais conçu l’idée d’un billet satirique que chaque journaliste de notre équipe pouvait utiliser au gré de ses envies ou des informations recueillies au jour le jour. Vite devenu un phénomène populaire, car aucun sujet n’y était tabou, il était signé Makaya, patronyme le plus répandu sur place, un peu comme Martin, Durand ou Dupont en France, sans que personne ne se doute qu’il s’agissait d’un pseudo collectif. Si bien que tout le monde à l’époque – lecteurs de toutes classes sociales (le Gabon avait alors l’un des taux d’alphabétisation les plus élevés du continent), du simple planton aux membres du gouvernement (dont certains lui auraient bien fait la peau) – se demandait qui pouvait bien être ce Makaya-là ! Alors que c’était simplement une expression locale des plus courante, « Pour moi quoi ! », qui nous avait conduits à y associer ce nom aussi usité.


Car Pour moi quoi ! Makaya, titre générique de ce billet corrosif qui dénonçait toutes sortes d’injustices, des magouilles de la sphère politique aux carences aussi anormales qu’ordinaires auxquelles se trouvait confronté le « petit peuple », était un formidable raccourci. Trois petits mots pour résumer toute une phrase : « Moi, ce que je vous en dis, c’est juste histoire de dire. À vous de voir ensuite si ça vous dit ou pas d’aller plus loin. Mais au moins, moi, Makaya, je l’aurai dit… » Avec ce corollaire implicite : « Et vous, vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas ! »

C’était le bon sens populaire, en fait, qui s’exprimait dans le langage de la rue à travers ce billet, servant aussi à attirer l’attention sur des initiatives ou des créations pas forcément considérées à leur juste valeur. Bref, quelque trente-cinq ans plus tard, dont trente de presse musicale en tant que créateurs et animateurs de journaux de référence (le mensuel Paroles et Musique depuis 1980 puis la revue Chorus jusqu’à la mi-2009), à l’heure de donner un nom adapté à ce blog, je me suis souvenu de ce billet – un blog quotidien avant l’heure ! – et de son titre qui, transposé en français de France, signifie tout simplement « Si ça vous chante »…

Pour moi quoi ! Fred Hidalgo… Tout ce que je dirai au fil de ces rendez-vous nouveaux, consécutifs au fait accompli de la disparition de Chorus devant lequel son équipe rédactionnelle a été placée, glacée, en plein cœur de l’été, alors qu’elle vaquait normalement à la réalisation du numéro suivant (voir le site de la Rédaction de Chorus), ce sera comme toujours depuis trente ans par besoin irrépressible. Par urgence de dire, de partager avec ceux et celles qui le veulent bien (parce qu’ils le valent bien ?) un coup de cœur, une découverte, un beau moment… ou a contrario un instant de désenchantement, un coup de griffe ou de sang. Avec le bonheur parfois (pas toujours, car des goûts et des couleurs, n’est-ce pas…) de réussir à accorder nos violons sur nos goûts et dégoûts, nos sentiments d’admiration ou d’indignation, de joie, de peine ou de colère. Cela, bien sûr, à travers l’actualité (et le patrimoine) de la chanson dans tous ses états (disques, scènes, livres, rencontres, reportages…), mais aussi de l’actu tout court dès lors qu’elle trouvera un écho dans la chanson, tant celle-ci forme un miroir fidèle de la société, un reflet plus ou moins brillant de l’air du temps.

Ce que j’écrirai dans ce déblogue-notes, comme aurait dit mon très cher Frédéric Dard, ce sera donc à l’instar de Makaya, l’homme libre de Libreville, « juste histoire de dire ». Pour moi, quoi... Même si malgré tout, malgré les coups reçus, coups bas et coups fourrés, malgré l’hypocrisie et la veulerie, l’espoir de poursuivre le partage reste aussi vivace qu’immortel est l’arbre à chansons. Le poète l’a dit : « Au cœur de l’arbre il y a le fruit / Au cœur du fruit il y a la graine / Au cœur de la graine il y a la vie / Et la saison prochaine… »

Graeme Allwright – Au cœur de l'arbre
   

Impossible en effet – sauf à accepter la sentence vous réduisant brutalement au silence, au mépris total des droits de la défense – de se résoudre à tourner définitivement la page. Celle qui s’ouvre donc ici – fût-elle virtuelle et non plus de papier – n’a d’autre ambition, qu’on se le dise au fond des ports, que de s’offrir elle aussi en partage. Pour les copains d’abord… et tous les autres prêts à monter à bord. Avec en ligne de mire les lendemains qui chantent de « la saison prochaine »… Si ça vous dit d’en être, j’en serais évidemment fort aise. Mais le voyage est purement facultatif, à but non lucratif, organisé à l’intention des seuls amoureux au long cours de la chanson, capables d’en apprécier l’agrément, les beautés voire les vertus, sans arrière-pensées cupides ni calculs machiavéliques. Nul besoin d’oiseaux de passage et de malheur se faufilant masqués dans notre sillage, on a déjà donné.
 

Mais si affinités ou plus, alors oui, embarquez sans tarder et bienvenue chez vous ! À la maison de la chanson. À commencer, je l’espère, par les passionnés de paroles et de musiques qui par milliers faisaient chorus avec nous chaque saison. De l’espace francophone… ou du reste du monde.

    
    Selon Gabriel Celaya (mis en musique et chanté dans la langue de Cervantes par le seul, l’unique, le grand Paco Ibañez – clin d’œil perso en cette année qui marque les soixante-dix ans de la Retirada…),
la poésie est une arme chargée de futur. Dans ce cas, c’est sûr, tous les espoirs sont permis. Il suffit d’y croire… si ça vous chante, évidemment !

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